Cour administrative d'appel de Nancy

Arrêt du 1 février 2024 n° 21NC01071

01/02/2024

Non renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B A ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2010, ainsi que des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1501899 du 15 mars 2017, le tribunal administratif de Strasbourg les a déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2010.

Par un arrêt n° 17NC01053 du 23 juillet 2019, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel du ministre de l'économie et des finances.

Par une décision du 12 avril 2021, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre de l'économie et des finances, annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy en date du 23 juillet 2019 et a renvoyé l'affaire devant la même cour.

Procédure devant la cour :

Productions présentées avant le renvoi :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 5 mai 2017 et le 17 aout 2017, le ministre de l'économie et des finances demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 mars 2017 ;

2°) de rétablir les impositions dont le tribunal a prononcé la décharge.

Il soutient que la condition tenant à l'engagement de location n'a pas été respectée dès lors que la mise en location des logements de la SCI Seaview 4 n'est intervenue que le 15 février 2010, soit plusieurs mois après la date de leur achèvement le 15 juin 2009. Par conséquent, les conditions légales propres aux souscripteurs de parts prévues par les dispositions du 2.c de l'article 199 undecies A du code général des impôts n'ont pas été respectées.

Par des mémoires enregistrés le 17 juillet 2017 et le 11 février 2019, M. et Mme A, représentés par Me Callet, concluent au rejet de la requête et demandent à la cour de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- en application des articles L. 169 et L. 189 du livre des procédures fiscales, le délai de reprise dont disposait l'administration est arrivé à expiration le 31 décembre 2012 pour la SCI Seaview 4 ; aucun acte interruptif de prescription n'est intervenu avant la notification de rectification du 4 mars 2013 et qu'ainsi la notification de la proposition de rectification est intervenue hors délai ;

- les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ont été méconnues en tant qu'ils n'ont pas été informés de la teneur et de l'origine des renseignements obtenus par l'administration fiscale ;

- en l'absence des textes annoncés par l'article L. 45 F du livre des procédures fiscales qui encadre le contrôle des investissements effectués sur le fondement de l'article 199 undecies A du code général des impôts, l'administration ne pouvait engager une procédure à l'encontre de M. et Mme A en s'adressant directement à eux ;

- le principe de sécurité juridique s'impose à l'administration ; le ministre s'étant désisté dans un dossier complémentaire, l'administration ne peut valablement remettre en cause le bien-fondé des réductions d'impôt suite à sa renonciation sur un cas identique.

- l'article 199 undecies A 2.b du code général des impôts concerne exclusivement les immeubles acquis ou construits par les contribuables personnes physiques ; les obligations incombant aux souscripteurs d'actions ou de parts de société dont l'objet est exclusivement de construire des logements neufs consistent seulement en un engagement de conservation des parts pendant au moins cinq ans à compter de la date d'achèvement des immeubles ; l'administration ajoute une condition supplémentaire que l'article 199 undecies A ne prévoit pas ;

- l'instruction BOI 5B-1-06 du 9 janvier 2006 ne prévoit pas de sanction ni de délai minimum concernant l'obligation de location des logements construits par la SCI dont le non-respect serait sanctionné par la reprise des réductions d'impôt pratiquée.

Par un mémoire en réplique enregistré le 17 août 2017, le ministre de l'action et des comptes publics fait valoir que les dispositions des articles L. 45 F et L. 76 B du livre des procédures fiscales n'ont pas été méconnues.

M. et Mme A, représentés par Me Callet, ont produit un mémoire enregistré le 11 février 2019 qui, faute de comporter d'élément nouveau, n'a pas été communiqué.

Productions présentées après le renvoi :

Par un mémoire, enregistré le 4 janvier 2024, M. et Mme A demandent à la cour, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de leur requête tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2009 et 2010, ainsi que des majorations correspondantes, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du c) du 2 de l'article 199 undecies A du code général des impôts.

Ils soutiennent que ces dispositions, applicables au litige, méconnaissent les articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et 34 de la constitution du 4 octobre 1958.

Par un mémoire, enregistré le 8 janvier 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique soutient que les conditions posées par l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ne sont pas remplies, et, en particulier que la question ne présente pas de caractère sérieux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Guidi, présidente,

- et les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A, souscripteurs de parts au sein de la SCI Seaview 4, ont imputé sur le montant de leur impôt sur le revenu au titre des années 2006 à 2010, sur le fondement des dispositions de l'article 199 undecies A du code général des impôts, des réductions d'impôt résultant d'investissements réalisés dans les départements d'Outre-mer par cette société et consistant en l'acquisition de parcelles nues pour la construction d'ensembles immobiliers destinés à être loués. Ces réductions d'impôt ont été remises en cause par l'administration fiscale au titre de l'année 2010 au motif que les logements construits par la SCI avaient été donnés en location après l'expiration d'un délai de six mois suivant leur achèvement. M. et Mme A ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de ces années. Par un jugement rendu le 15 mars 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a fait droit à leur demande. Par un arrêt du 23 juillet 2019 rendu sur appel du ministre de l'économie et des finances, la cour administrative d'appel de Nancy a confirmé ce jugement. Sur pourvoi introduit par le ministre de l'économie et des finances, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la cour du 23 juillet 2019 et a renvoyé l'affaire devant cette même cour.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, que le tribunal administratif saisi d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux. Le second alinéa de l'article 23-2 de la même ordonnance précise que : " En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu'elle est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative, d'une part, aux droits et libertés garantis par la Constitution et, d'autre part, aux engagements internationaux de la France, se prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d'Etat () ".

3. Le c) du 2 de l'article 199 undecies A du code général des impôts institue une réduction d'impôt sur le revenu pour les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts qui investissent dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy, dans les îles Wallis et Futuna et les Terres australes et antarctiques françaises, entre la date de promulgation de la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer et le 31 décembre 2017. La réduction d'impôt s'applique notamment au prix de souscription de parts ou actions de sociétés dont l'objet réel est exclusivement de construire des logements neufs situés dans ces départements ou collectivités et qu'elles donnent en location nue pendant cinq ans au moins à compter de leur achèvement à des personnes qui en font leur habitation principale. Ces sociétés doivent s'engager à achever les fondations des immeubles dans les deux ans qui suivent la clôture de chaque souscription annuelle. Les souscripteurs doivent s'engager à conserver les parts ou actions pendant cinq ans au moins à compter de la date d'achèvement des immeubles.

4. L'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dispose que : " La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi. ". Aux termes de l'article 5 du même texte : " La Loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la Société. Tout ce qui n'est pas défendu par la Loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas ". L'article 6 du même texte dispose que " La loi () doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse () ". Enfin l'article 16 dispose que " Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n'est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution. ". Aux termes de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives.

5. La disposition contestée du c) du 2 de l'article 199 undecies A du code général des impôts subordonne le bénéfice de la réduction d'impôt à la mise en location nue des immeubles construits pendant cinq ans au moins à compter de leur achèvement à des personnes qui en font leur habitation principale. Cette disposition précise le champ d'application de la réduction d'impôt prévue en faveur des investisseurs en Outre-Mer, ses conditions d'application, son assiette, son montant ainsi que ses modalités de remises en cause. Dans ces conditions, eu égard à l'objectif poursuivi par ces dispositions consistant à compenser le déficit de logements ouverts à la location dans les territoires concernés, le législateur n'a méconnu ni sa propre compétence, ni le principe d'égalité des citoyens devant la loi en ne prévoyant pas un délai spécifique s'agissant de la réalisation de cette condition. Alors même que le Conseil d'Etat dans sa décision n° 434696 du 12 avril 2021 a jugé que le bénéficie de la réduction d'impôt est subordonnée à une mise en location dans un bref délai après l'achèvement des immeubles à usage d'habitation, le législateur n'a pas davantage porté atteinte au droit au recours effectif des contribuables, ni méconnu une liberté constitutionnellement garantie. Il s'ensuit que la question prioritaire de constitutionnalité est dépourvue de caractère sérieux.

6. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par les requérants.

Sur le bien-fondé du jugement :

7. Aux termes de l'article 199 undecies A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " 1. Il est institué une réduction d'impôt sur le revenu pour les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B qui investissent dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy, dans les îles Wallis et Futuna et les Terres australes et antarctiques françaises, entre la date de promulgation de la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer et le 31 décembre 2017. / 2. La réduction d'impôt s'applique : () c) Au prix de souscription de parts ou actions de sociétés dont l'objet réel est exclusivement de construire des logements neufs situés dans les départements ou collectivités visés au 1 et qu'elles donnent en location nue pendant cinq ans au moins à compter de leur achèvement à des personnes, autres que les associés de la société, leur conjoint ou les membres de leur foyer fiscal, qui en font leur habitation principale. Ces sociétés doivent s'engager à achever les fondations des immeubles dans les deux ans qui suivent la clôture de chaque souscription annuelle. Les souscripteurs doivent s'engager à conserver les parts ou actions pendant cinq ans au moins à compter de la date d'achèvement des immeubles ; / () / 7. En cas de non-respect des engagements mentionnés aux 2 et 6, ou de cession ou de démembrement du droit de propriété, dans des situations autres que celle prévue au 3, de l'immeuble ou des parts et titres, ou de non-respect de leur objet exclusif par les sociétés concernées, ou de dissolution de ces sociétés, la réduction d'impôt pratiquée fait l'objet d'une reprise au titre de l'année où interviennent les événements précités () ".

8. Il résulte des dispositions précitées du c du 2 de l'article 199 undecies A du code général des impôts que la condition, dont la méconnaissance donne lieu, en application du 7 du même article, à la reprise des réductions d'impôt pratiquées, suivant laquelle les logements construits par les sociétés au capital desquelles le contribuable a souscrit doivent être donnés en location nue à des personnes, autres que les associés de la société, leur conjoint ou les membres de leur foyer fiscal, qui en font leur habitation principale, pendant cinq ans au moins à compter de leur achèvement, doit s'entendre, eu égard à l'objectif poursuivi par ces dispositions consistant à compenser le déficit de logements offerts à la location dans les territoires mentionnés au 1 de cet article, comme obligeant la société qui construit les logements à donner ceux-ci en location dans un bref délai suivant leur achèvement.

9. Si pour remettre en cause la réduction d'impôt sur le revenu dont M. et Mme A ont bénéficié au titre de l'année 2010, l'administration a considéré à tort que la mise en location des villas, dont la date d'achèvement retenue est le 15 juin 2009, est intervenue par des baux conclus entre le 15 février 2010 et le 1er décembre 2010, soit au-delà d'un délai de six mois, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'en l'espèce ce délai ne peut être regardé comme un bref délai pour l'application des dispositions précitées de l'article 199 undecies A du code général des impôts. Dans ces conditions, le ministre de l'économie et des finances est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a déchargé M. et Mme A des impositions supplémentaires en litige au motif que les souscripteurs de parts au sein d'une SCI avaient pour seule obligation de s'engager à conserver les parts sociales à compter de la date d'achèvement des immeubles.

Sur les conclusions à fin de décharge :

En ce qui concerne la loi fiscale :

10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscale : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".

11. Si M. et Mme A soutiennent que l'administration a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscale faute de les avoir informés et de leur avoir communiqué des documents en provenance de la SCI Seaview 4 dont elle aurait eu connaissance au terme d'une demande de renseignements adressée à la société ou au terme d'une procédure de contrôle, il ressort toutefois des pièces du dossier que le service s'est borné à tirer les conséquences d'un contrôle sur pièces portant sur les déclaration des contribuables pour procéder au rehaussement en litige. En particulier, l'administration a seulement constaté que M. et Mme A n'avaient déclaré aucun revenu foncier lié à la détention des parts de la SCI Seaview 4 avant l'année 2010 alors qu'aucune déclaration d'achèvement des travaux n'a été déposée en mairie de Saint-Martin par la SCI Seaview 4. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté.

12. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 45 F du livre des procédures fiscales dans sa version en vigueur du 1er janvier 2011 au 1er janvier 2013 : " Dans les départements d'outre-mer, l'administration peut contrôler sur le lieu d'exploitation le respect des conditions de réalisation, d'affectation, d'exploitation et de conservation des investissements ayant ouvert droit au bénéfice des dispositions prévues aux articles 199 undecies A () du code général des impôts. Dans les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie, les contrôles mentionnés au premier alinéa peuvent être réalisés par les agents mandatés par le directeur général des finances publiques. Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'Etat ". Le décret n° 2013-731 du 12 aout 2013 a créé les articles R. 45 F-1 à R. 45 F-5 du code général des impôts pour l'application de ces dispositions.

13. Si les requérants soutiennent que le service ne pouvait procéder à un contrôle du respect des conditions de réalisation, d'affectation, d'exploitation et de conservation des investissements ayant ouvert droit au bénéfice des dispositions de l'article 199 undecies A du code général des impôts avant même la publication le 12 aout 2013 du décret fixant les modalités de ce contrôle, il résulte de l'instruction que le rehaussement en litige a été mis à la charge de M. et Mme A au terme d'un contrôle sur pièces de leurs déclarations de revenus et qu'aucun contrôle n'a été effectué sur le lieu de construction des immeubles par la SCI Seaview 4 sur le fondement des dispositions de l'article L. 45 F du livre des procédures fiscales, contrôle qui n'était en outre pas un préalable obligatoire à la remise en cause de la réduction d'impôt sur le revenu au titre d'un investissement outre-mer. Contrairement à ce que soutiennent encore les requérants, le service pouvait dans ces conditions procéder au redressement en litige alors même qu'aucun contrôle de la SCI Seaview 4 n'avait été diligenté et en l'absence de débat avec cette société. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition doit être écarté.

14. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due () ". Aux termes du 7° de l'article L 199 undecies A du code général des impôts : " En cas de non-respect des engagements mentionnés aux 2 et 6 () la réduction d'impôt pratiquée fait l'objet d'une reprise au titre de l'année où interviennent les événements précités ". Dans l'hypothèse d'une rupture de l'engagement avant l'échéance légale, les réductions d'impôt sur le revenu dont a bénéficié le contribuable l'année au cours de laquelle l'engagement a été rompu et, le cas échéant, les années antérieures, font l'objet d'une reprise globale au titre de l'année de rupture. Celles pratiquées au titre des années postérieures font l'objet d'une reprise annuelle au titre de chacune des années concernées.

15. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification adressée le 4 mars 2013 à M. et Mme A procède à un rehaussement de l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2010. Il ne résulte pas de l'instruction que la condition tenant au bref délai entre l'achèvement de la construction et la location des immeubles serait intervenue avant la fin de l'année 2009. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la proposition de rectification du 4 mars 2013 relative à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2010 leur aurait été notifiée après l'expiration du délai de reprise.

16. En quatrième lieu, aux termes de l'article 1406 dans sa version applicable au litige : " I. - Les constructions nouvelles, ainsi que les changements de consistance ou d'affectation des propriétés bâties et non bâties, sont portés par les propriétaires à la connaissance de l'administration, dans les quatre-vingt-dix jours de leur réalisation définitive et selon les modalités fixées par décret ".

17. Il résulte de l'instruction que la SCI Seaview 4 n'a procédé à aucune déclaration d'achèvement des travaux prévue par l'article 1406 du code général des impôts. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le service a pu retenir la date du procès-verbal de réception des travaux le 15 juin 2009 sans que les requérants ne puissent valablement soutenir que le bref de délai de mise en location des immeubles n'aurait pas commencé à courir en l'absence de toute déclaration d'achèvement.

En ce qui concerne l'interprétation de la loi fiscale :

18. En premier lieu, aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration () ".

19. M. et Mme A ne sauraient utilement soutenir que l'administration a renoncé à former appel contre un jugement accordant la décharge à des contribuables sur un fondement identique à celui en cause dans le présent litige, tenant l'erreur commise par le service imposant le respect d'un délai de six mois entre l'achèvement de travaux de construction et la mise en location d'un immeuble pour le bénéfice de la réduction d'impôt sur le revenu prévue par l'article 199 undecies A du code général des impôts en cas de souscriptions de parts au sein d'une société civile immobilière, pour se prévaloir d'une prise de position formelle au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales à l'appui de leurs conclusions à fin de décharge.

20. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " () Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales ".

21. Contrairement à ce que soutiennent M. et Mme A, l'instruction référencée 5-1-06 du 9 janvier 2006 relative à la réduction d'impôt au titre des investissements réalisés outre-mer par les personnes physiques en ses points 211 et 212 ne limite pas les cas de reprise de la réduction d'impôt sur le revenu en application de l'article 199 undecies A du code général des impôts en cas de souscription de parts au sein de sociétés civiles immobilières aux seuls cas du non-respect par ces sociétés de ces engagements et ne fait pas obstacle à ce que le service remette en cause le bénéfice de cette réduction en cas de non-respect de la condition tenant à la mise en location des immeubles édifiés dans un bref délai suivant leur achèvement.

22. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin de décharge du rehaussement d'impôt sur le revenu au titre des années 2009 et 2010 présentées par M. et Mme A doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. et Mme A et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionalité soulevée par M. et Mme A.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 15 mars 2017 est annulé.

Article 3 : Les suppléments d'impôt sur le revenu et les majorations correspondantes dont le tribunal administratif de Strasbourg a prononcé la décharge au titre de l'année 2010 sont remis à la charge de M. et Mme A.

Article 4 : Les conclusions de M. et Mme A présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B A et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

M. Wallerich, président de chambre,

Mme Guidi, présidente-assesseure,

M. Sibileau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er février 2024.

La rapporteure,

Signé : L. Guidi Le président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique de France en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

Code publication

C