Tribunal administratif de Paris

Ordonnance du 26 janvier 2024 n° 2306012

26/01/2024

Renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par des mémoires, enregistrés le 8 juin 2023 et le 11 janvier 2024, la société Zentica France, représentée par le cabinet Hogan Lovells (Paris) (LLP), demande au tribunal, à l'appui de sa requête tendant à l'annulation de la décision du 26 janvier 2023 par laquelle le comité économique des produits de santé a mis à sa charge la somme de 7 407 539 euros au titre de la contribution prévue aux articles L. 138-10 et suivants du code de la sécurité sociale pour l'exercice 2021, de transmettre au Conseil d'Etat, la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 138-10 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction issue de la loi n°2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022, de l'article L. 138-11 du même code, dans leur rédaction issue de la même loi, de l'article L. 138-12 du même code, dans leur rédaction issue de la loi n°2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019.

Elle soutient que :

- ces dispositions sont applicables au litige ;

- elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution ;

- le moyen revêt un caractère sérieux : en effet, elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par les articles 13, 14, 16 et 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dès lors, d'une part, que le mécanisme qu'elles instituent n'offre aucune possibilité effective de contrôle et de contestation de la part des entreprises redevables et, d'autre part, que le prélèvement en cause revêt un caractère confiscatoire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2023, le ministre de la santé et de la prévention soutient que les conditions posées par l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ne sont pas remplies, et, en particulier, que la question est dépourvue de caractère sérieux.

Vu :

- la délégation du président du tribunal accordé en application de l'article R. 771-7 du code de justice administrative ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n°2021-1754 du 23 décembre 2021 ;

- la loi n°2018-1203 du 22 décembre 2018 ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, que le tribunal administratif, saisi d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux.

2. Les dispositions de l'article L. 138-10 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction issue de la loi n°2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022, de l'article L. 138-11 du même code, dans leur rédaction issue de la même loi, de l'article L. 138-12 du même code, dans leur rédaction issue de la loi n°2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019, sont applicables au présent litige. Ces dispositions n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Les moyens tirés de ce qu'elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, en particulier aux articles 13, 14, 16 et 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, et notamment au droit à un recours effectif et au principe d'égalité devant les charges publiques, pose une question qui n'est pas dépourvue de caractère sérieux. Ainsi, il y a lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée.

O R D O N N E :

Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des dispositions de l'article L. 138-10 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction issue de la loi n°2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022, de l'article L. 138-11 du même code, dans leur rédaction issue de la même loi, de l'article L. 138-12 du même code, dans leur rédaction issue de la loi n°2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019, est transmise au Conseil d'Etat.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de la société Zentiva France jusqu'à réception de la décision du Conseil d'Etat ou, s'il a été saisi, jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la société Zentiva France, à la ministre du travail, de la santé et des solidarités et au comité économique des produits de santé.

Fait à Paris, le 26 janvier 2024.

La présidente de la 6ème section,

K. Weidenfeld

N°2306012/6-1