Cour administrative d'appel de Nantes

Ordonnance du 22 janvier 2024 n° 23NT02407

22/01/2024

Non renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B A et Mme C A ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la délibération du 20 décembre 2019 par laquelle le conseil municipal de la commune de Saint-Hilaire-de-Riez a approuvé la révision n°1 du plan local d'urbanisme de la commune, ainsi que la décision implicite rejetant leur recours gracieux.

Par un mémoire distinct, M. et Mme A ont demandé au tribunal administratif de Nantes de transmettre au Conseil d'Etat une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles L. 151-6 et L. 151-7 du code de l'urbanisme relatifs aux orientations d'aménagement et de programmation (OAP) et de mettre à la charge de la commune de Saint-Hilaire-de-Riez la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°2005751 du 13 juin 2023, le tribunal administratif de Nantes a refusé de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. et Mme A et a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par un mémoire distinct, enregistré le 13 août 2023 et présenté à l'appui de leur requête d'appel formée contre ce jugement du 13 juin 2023, M. et Mme A, représentés par Me Bardoul, demandent à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 13 juin 2023 en tant qu'il refuse de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité et de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles L. 151-6 et L. 151-7 du code de l'urbanisme.

2°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Hilaire-de-Riez le versement d'une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les dispositions contestées sont applicables au litige ;

- elles n'ont pas été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ;

- la question présente un caractère sérieux dans la mesure où les dispositions en litige sont contraires aux articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 octobre 2023, la commune de Saint-Hilaire-de-Riez, représentée par Me Marchand, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. et Mme A la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la question ne présente pas un caractère sérieux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, notamment ses articles 2 et 17 ;

- l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A contestent le refus de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles L. 151-6 et L. 151-7 du code de l'urbanisme qui leur a été opposé par le tribunal administratif de Nantes le 13 juin 2023 et demandent à la cour de transmettre cette question au Conseil d'Etat.

2. Aux termes de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 : " () Le refus de transmettre la question ne peut être contesté qu'à l'occasion d'un recours contre la décision réglant tout ou partie du litige ". Aux termes de l'article R. 771-12 du code de justice administrative : " Lorsque, en application du dernier alinéa de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, l'une des parties entend contester, à l'appui d'un appel formé contre la décision qui règle tout ou partie du litige, le refus de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité opposé par le premier juge, il lui appartient, à peine d'irrecevabilité, de présenter cette contestation avant l'expiration du délai d'appel dans un mémoire distinct et motivé, accompagné d'une copie de la décision de refus de transmission () ". En vertu de l'article R. 771-5 du même code : " Sauf s'il apparaît de façon certaine, au vu du mémoire distinct, qu'il n'y a pas lieu de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité, notification de ce mémoire est faite aux autres parties. () ". L'article R. 771-7 de ce code dispose que : " () les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours () peuvent, par ordonnance, statuer sur la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité. ".

3. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'un tribunal administratif a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité qui lui a été soumise, il appartient à l'auteur de cette question de contester ce refus, à l'occasion du recours formé contre le jugement qui statue sur le litige, dans le délai de recours contentieux et par un mémoire distinct et motivé, que le refus de transmission précédemment opposé l'ait été par une décision distincte du jugement, dont il joint alors une copie, ou directement par ce jugement. Saisie de la contestation de ce refus, la cour procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux.

4. Aux termes des dispositions de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " Les orientations d'aménagement et de programmation comprennent, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, des dispositions portant sur l'aménagement, l'habitat, les transports, les déplacements et, en zone de montagne, sur les unités touristiques nouvelles. / En l'absence de schéma de cohérence territoriale, les orientations d'aménagement et de programmation d'un plan local d'urbanisme élaboré par un établissement public de coopération intercommunale comportent les orientations relatives à l'équipement commercial, artisanal et logistique mentionnées aux 1° et 2°de l'article L. 141-5 et déterminent les conditions d'implantation des équipements commerciaux, artisanaux et logistiques qui, du fait de leur importance, sont susceptibles d'avoir un impact significatif sur l'aménagement du territoire et le développement durable, conformément à l'article L. 141-6 ". Aux termes de l'article L. 151-7 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Les orientations d'aménagement et de programmation peuvent notamment : / 1° Définir les actions et opérations nécessaires pour mettre en valeur l'environnement, notamment les continuités écologiques, les paysages, les entrées des villes et le patrimoine, lutter contre l'insalubrité, permettre le renouvellement urbain, favoriser la densification et assurer le développement de la commune ; / 2° Favoriser la mixité fonctionnelle en prévoyant qu'en cas de réalisation d'opérations d'aménagement, de construction ou de réhabilitation un pourcentage de ces opérations est destiné à la réalisation de commerces ; /3° Comporter un échéancier prévisionnel de l'ouverture à l'urbanisation des zones à urbaniser et de la réalisation des équipements correspondants ; / 4° Porter sur des quartiers ou des secteurs à mettre en valeur, réhabiliter, restructurer ou aménager ; / 5° Prendre la forme de schémas d'aménagement et préciser les principales caractéristiques des voies et espaces publics ; / 6° Adapter la délimitation des périmètres, en fonction de la qualité de la desserte, où s'applique le plafonnement à proximité des transports prévu aux articles L. 151-35 et L. 151-36 () ".

5. M. et Mme A soutiennent que ces dispositions portent atteinte au droit de propriété protégé par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen en ce qu'elles imposent aux propriétaires des parcelles grevées par une orientation d'aménagement de programmation, des contraintes, sans contrepartie financière, qui les empêchent d'aliéner librement leur bien et de réaliser des projets incompatibles avec cette orientation.

6. Aux termes de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : " Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression ". Aux termes de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme du citoyen : " La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité ".

7. En premier lieu, les dispositions citées au point 4 n'ont pas pour effet de conduire à une privation du droit de propriété garanti par l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

8. En second lieu, il est loisible au législateur d'apporter aux conditions d'exercice du droit de propriété des personnes privées, protégé par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi. Les dispositions des articles L. 151-6 et L. 151-7 du code de l'urbanisme sont applicables au litige. Elles permettent aux auteurs des plans locaux d'urbanisme de définir, dans des orientations d'aménagement et de programmation, des principes d'organisation de l'urbanisation avec lesquels les travaux, constructions et aménagements divers doivent être compatibles. Les restrictions apportées par ces dispositions visent comme toute règlementation d'urbanisme, à satisfaire l'intérêt général qui s'attache à la maîtrise, par les collectivités publiques, de l'occupation des sols et du développement urbain, en fonction des situations locales et dans un principe d'équilibre entre urbanisation et protection des espaces. Ces contraintes sont accompagnées, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de garanties de fond et de procédure prévues pour la procédure d'élaboration des plans locaux d'urbanisme, et dont le respect est contrôlé par le juge de l'excès de pouvoir et sont proportionnées à l'objectif poursuivi. Le projet de plan local d'urbanisme doit être soumis à enquête publique et les orientations d'aménagement et de programmation doivent notamment être en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durable. La circonstance que ces dispositions ne prévoient pas de mécanismes permettant aux propriétaires d'exercer un droit de délaissement n'est pas de nature à porter une atteinte disproportionnée au droit de propriété en raison de l'objet des orientations d'aménagement et de programmation qui définissent les axes d'urbanisation d'un territoire hors de toute maîtrise foncière par la collectivité publique. Pour toutes ces raisons, les dispositions contestées ne peuvent être regardées comme portant à l'exercice du droit de propriété protégé par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen une atteinte disproportionnée au regard des objectifs qu'elles poursuivent. Par ailleurs, pour contester la constitutionnalité de ces dispositions, les requérants ne sauraient utilement faire valoir " les contraintes " imposées en l'espèce aux propriétaires par les orientations d'aménagement du plan local d'urbanisme dont ils demandent l'annulation.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué du 13 juin 2023, le tribunal administratif de Nantes a refusé de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité qu'ils avaient soulevée devant lui et qui ne présente pas de caractère sérieux. Par voie de conséquence, il n'y a pas lieu de la transmettre au Conseil d'Etat.

10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la commune de Saint-Hilaire-de-Riez tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

ORDONNE :

Article 1er : La contestation du refus de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité opposé à M. et Mme A par l'article 1er du jugement du 13 juin 2023 du tribunal administratif de Nantes est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Saint-Hilaire-de-Riez présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B A, à Mme C A et à la commune de Saint-Hilaire-de-Riez.

Fait à Nantes, le 22 janvier 2024.

La présidente de la 2ème chambre,

C. Buffet

N°23NT024071

Code publication

D