Cour administrative d'appel de Nantes

Ordonnance du 19 janvier 2024 n° 21NT00131

19/01/2024

Non renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un mémoire distinct, enregistré le 26 octobre 2023, la société civile immobilière (SCI) du Bois de la Roche, et M. B A, représentés par Me Theallier, demandent à la cour, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de leur requête d'appel formée contre le jugement du 19 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 juillet 2018 par lequel le préfet du Morbihan a enregistré les installations de méthanisation et de combustion de la société par actions simplifiées (SAS) Méthasserin, implantées sur le territoire de la commune de Néant-sur-Yvel, ainsi que la décision du 5 novembre 2018 rejetant leur recours gracieux, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles L. 512-7 et L. 512-7-2 du code de l'environnement.

Ils soutiennent que ces dispositions, applicables au litige, portent atteinte au principe de précaution, consacré par l'article 5 de la Charte de l'environnement.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- la Charte de l'environnement ;

- l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article ". Il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que la cour administrative d'appel, saisie d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux. En vertu de l'article R. 771-5 du code de justice administrative : Sauf s'il apparaît de façon certaine, au vu du mémoire distinct, qu'il n'y a pas lieu de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité, notification de ce mémoire est faite aux autres parties () ". Enfin, l'article R. 771-7 du même code dispose que : " () les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours () peuvent, statuer sur la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité ".

2. Aux termes de l'article 5 de la Charte de l'environnement : " Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions ; à la mise en œuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ".

3. Aux termes de l'article L. 512-7 du code de l'environnement : " I.- Sont soumises à autorisation simplifiée, sous la dénomination d'enregistrement, les installations qui présentent des dangers ou des inconvénients graves pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, lorsque ces dangers et inconvénients peuvent, en principe, eu égard aux caractéristiques des installations et de leur impact potentiel, être prévenus par le respect de prescriptions générales édictées par le ministre chargé des installations classées. /Les activités pouvant, à ce titre, relever du régime d'enregistrement concernant les secteurs ou technologies dont les enjeux environnementaux et les risques sont bien connus, lorsque les installations ne sont soumises ni à la directive 2010/75/ UE du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles au titre de son annexe I, ni à une obligation d'évaluation environnementales systématique au titre de l'annexe I de la directive 85/337/CEE du 27 juin 1985 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement. / I bis. - L'enregistrement porte également sur les installations, ouvrages, travaux et activités relevant de l'article L. 214-1 projetés par le pétitionnaire que leur connexité rend nécessaire à l'installation classée ou dont la proximité est de nature à en modifier notablement les dangers ou inconvénients. Ils sont regardés comme faisant partie de l'installation et ne sont pas soumis aux dispositions des article L. 214-3 à L. 214-6 et du chapitre unique du titre VIII du livre Ier. / II- Les prescriptions générales peuvent notamment prévoir : 1° des conditions d'intégration du projet dans son environnement local ; 2° L'éloignement des installations des habitations, des immeubles habituellement occupés par des tiers, des établissements recevant du public, des cours d'eau, des voies de communication, des captages d'eau ou des zones destinées à l'habitation par des documents d'urbanisme opposables aux tiers. / III. - Les prescriptions générales sont fixées par arrêté du ministre chargé des installations classées après avis du Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques et consultation des ministres intéressés. / La publication d'un arrêté de prescriptions générales est nécessaire à l'entrée en vigueur du classement d'une rubrique de la nomenclature dans le régime d'enregistrement. L'arrêté fixant des prescriptions générales s'impose de plein droit aux installations nouvelles. Il précise, après avis des organisations professionnelles intéressées, les délais et les conditions dans lesquels il s'applique aux installations existantes. / Sauf motif tiré de la sécurité, de la santé ou de la salubrité publiques ou du respect des engagements internationaux de la France, notamment du droit de l'Union européenne : 1° Ces mêmes délais et conditions s'appliquent aux projets ayant fait l'objet d'une demande d'enregistrement complète à la date de publication de l'arrêté ; 2° Les prescriptions relatives aux dispositions constructives concernant le gros œuvre ne peuvent faire l'objet d'une application aux installations existantes ou aux projets ayant fait l'objet d'une demande d'enregistrement complète à la date de publication de l'arrêté. / La demande est présumée complète lorsqu'elle répond aux conditions de forme prévues par le présent code ". Aux termes de l'article L. 512-7-2 du même code : " Le préfet peut décider que la demande d'enregistrement sera instruite selon les règles de procédure prévues par le chapitre unique du titre VIII du livre Ier pour les autorisations environnementales :1°Si, au regard de la localisation du projet, en prenant en compte les critères mentionnés à l'annexe III de la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement, la sensibilité environnementales du milieu le justifie ; 2° Ou si le cumul des incidences du projet avec celles d'autres projets d'installations, ouvrages ou travaux situés dans cette zone le justifie ; 3° Ou si l'aménagement des prescriptions générales applicables à l'installation, sollicité par l'exploitant, le justifie ; / Dans les cas mentionnés au 1° et au 2°, le projet est soumis à évaluation environnementale. Dans les cas mentionnés au 3° et ne relevant pas du 1° ou du 2°, le projet n'est pas soumis à évaluation environnementale. / Le préfet notifie sa décision motivée au demandeur, en l'invitant à déposer le dossier correspondant. Sa décision est rendue publique ".

4. La SCI du Bois de la Roche et M. A soutiennent qu'en instituant un régime d'autorisation simplifié permettant au pétitionnaire d'être dispensé d'une évaluation environnementale prévue dans le cadre du régime d'autorisation, les dispositions des articles L. 512-7 et L. 512-7-2 du code de l'environnement sont contraires au principe de précaution, consacré par l'article 5 de la Charte de l'environnement.

5. Les dispositions des articles L. 512-7 et L. 512-7-2 du code de l'environnement sont applicables au litige. Ces dispositions, qui concernent les installations classées pour la protection de l'environnement pouvant faire l'objet d'un enregistrement, ne préjugent pas de l'ampleur des dangers ou des inconvénients que représentent ces installations pour la population, l'environnement ou les éléments de patrimoine naturel ou architectural. Toute installation pouvant faire l'objet d'un enregistrement ne peut être a priori regardée comme susceptible de déboucher sur un risque dont la réalisation est de nature à créer un dommage grave et irréversible. Le principe de précaution tel qu'exprimé par l'article 5 de la Charte de l'environnement comprend un principe de proportionnalité des mesures d'évaluation et de prévention de l'ampleur du risque prévisible.

6. Il résulte de ces dispositions que sont soumises à autorisation simplifiée, sous la dénomination d'enregistrement, les installations qui présentent des dangers ou des inconvénients graves pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, lorsque ces dangers et inconvénients peuvent, en principe, eu égard aux caractéristiques des installations et de leur impact potentiel, être prévenus par le respect de prescriptions générales édictées par le ministre chargé des installations classées. Si les installations soumises à enregistrement sont, en principe, dispensées d'une évaluation environnementale préalable à leur enregistrement, le préfet, saisi d'une demande d'enregistrement d'une installation, doit, en application de l'article L. 512-7-2 du code de l'environnement, se livrer à un examen particulier du dossier afin d'apprécier, notamment au regard de la localisation du projet et de la sensibilité environnementale de la zone d'implantation ou du cumul des incidences du projet avec celles d'autres projets d'installations, ouvrages ou travaux situés dans la même zone.

7. Ainsi, les dangers ou inconvénients graves présentés pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 pour les installations soumises à enregistrement, qui concernent les secteurs ou technologies dont les enjeux environnementaux et les risques sont bien connus, peuvent, en principe, eu égard aux caractéristiques des installations et de leur impact potentiel sur l'environnement, être prévenus par le respect des prescriptions générales édictées par le ministre chargée des installations classées ou, le cas échéant, des prescriptions particulières complémentaires édictées par le préfet. En outre, si l'examen particulier prévu à l'article L. 512-7-2 l'exige, le préfet doit soumettre l'installation à une évaluation environnementale. Dans ces conditions, la question de la conformité des dispositions des articles L. 512-7 et L. 512-7-2 du code de l'environnement au principe de précaution, garanti par l'article 5 de la Charte de l'environnement, ne présente pas un caractère sérieux.

8. Il résulte de tout ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la SCI du Bois de la Roche.

ORDONNE :

Article 1er :Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la SCI du Bois de la Roche et M. A.

Article 2 :La présente ordonnance sera notifiée à la SCI du Bois de la Roche, à M. B A, à la société Methasserin et au Ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Morbihan.

Fait à Nantes, le 19 janvier 2024.

Le président de la 5ème chambre,

S. Degommier

N°21NT00131 QPC1

Code publication

D