Tribunal administratif de Cergy-Pontoise

Jugement du 18 janvier 2024 n° 2112046

18/01/2024

Irrecevabilité

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 septembre 2021 et le 2 juin 2023, Mme A B, représentée par Me Krikorian, demande au tribunal :

1°) d'annuler l'arrêté du 25 août 2021 par lequel le maire de la commune de Fontenay-aux-Roses (Hauts-de-Seine) a suspendu son contrat de travail et interrompu le versement de sa rémunération, ensemble la décision du 10 septembre 2021 portant rejet de son recours gracieux dirigé contre cet arrêté ;

2°) d'enjoindre à la commune de Fontenay-aux-Roses de la rétablir dans ses fonctions et de lui verser le rappel de l'intégralité des sommes dont elle a été privée depuis le 25 août 2021, à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

3°) avant dire droit, de surseoir à statuer et saisir la Cour de justice de l'Union européenne de la question préjudicielle suivante : " Le principe d'égalité de traitement, principe général du droit de l'Union européenne, consacré par l'article 2 du Traite sur l'Union européenne ( TUE ), la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, notamment ses articles 3 § 2, a), 7, 15, 16 et 17, l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et le règlement (UE) 2021/953 du Parlement européen et du conseil du 14 Juin 2021 relatif à un cadre pour la délivrance, la vérification et l'acceptation de certificats covid-19 interopérables de vaccination, de test et de rétablissement (certificat covid numérique de l'UE) afin de faciliter la libre circulation pendant la pandémie de covid-19, notamment ses articles 3

1, b), 8 ; 6 et 11 lus à la lumière de ses considérants 7, 14, 36 et 62, doivent-ils être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une législation et une réglementation nationales, telles qu'elles résultent des articles 12 à 20 de la loi n°2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire (JORF 06 août 2021 - texte 2 sur 131), ainsi que des articles 49-1 et 49-2 du décret n°2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire, dans leur rédaction issue de l'article 1er, 8° du décret n°2021-1059 du 07 août 2021 (JORF 08 août 2021 - Texte 39 sur 125), en tant que l'application de ces normes nationales conduit à une discrimination au détriment des professionnels de santé et personnes assimilées justifiant du résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, tributaires d'une obligation vaccinale, dont le manquement est sanctionné par l'interdiction d'exercice professionnel, ainsi que par une peine de six mois d'emprisonnement et 3 750 € d'amende ' " '

4°) de condamner la commune de Fontenay-aux-Roses aux dépens de l'instance ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Fontenay-aux-Roses la somme de 12 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué, constitutif d'une sanction disciplinaire, est entaché d'un vice de procédure, faute pour son employeur d'avoir saisi la commission consultative paritaire, de lui avoir communiqué son dossier individuel et de lui avoir permis de présenter des observations en amont de son édiction ;

- il a été pris en méconnaissance du principe de non-rétroactivité des actes administratifs dès lors qu'il a fixé sa date d'entrée en vigueur au 25 août 2021, avant celle à laquelle il aurait dû être transmis au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué, formalité au demeurant non établie alors que l'article 14 de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire n'a eu ni pour objet ni pour effet d'en dispenser l'autorité municipale ;

- il est entaché d'erreurs de droit dès lors que pris sur le fondement de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire dont les articles 12 à 20 sont contraires à la Constitution, à l'exception de l'article 14, et incompatibles avec l'article 5 de la convention pour la protection des droits de l'homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine signée le 4 avril 1997, dite " convention d'Oviedo ", avec l'article 3 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, avec l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et, enfin, avec l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits et de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'erreur de droit dès lors que pris sur le fondement du décret n° 2021-1059 du 7 août 2021 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire, illégal en tant que pris pour l'application de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021, laquelle, en ses articles 12 à 20, à l'exception de l'article 14, est contraire à la Constitution et incompatible avec les engagements européens et internationaux de la France ;

- il est entaché d'erreur de droit en ce qu'il a inexactement interprété le A du I de l'article 14 de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 décembre 2021, la commune de Fontenay-aux-Roses, représentée par Me Magnaval, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de Mme B en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés et que le moyen tiré de l'inconstitutionnalité de la loi n° 2021-1040 est irrecevable dès lors qu'aucune question prioritaire de constitutionnalité n'a été soulevée.

Par ordonnance du 7 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 juillet 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution du 4 octobre 1958 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention pour la protection des droits de l'homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine du 4 avril 1997 ;

- le règlement n° 2021/953 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2021 ;

- le code civil ;

- le code de la santé publique ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 ;

- le décret n° 2021-1059 du 7 août 2021 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Oriol, présidente-rapporteure ;

- les conclusions de M. Sitbon, rapporteur public ;

- et les observations de Mme B.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B a été recrutée par la commune de Fontenay-aux-Roses (Hauts-de-Seine) par contrat à durée indéterminée pour occuper les fonctions de médecin généraliste au centre municipal de santé de Fontenay-aux-Roses pour une durée hebdomadaire de quinze heures à compter du 1er janvier 2020. Par un arrêté du 25 août 2021, le maire de la commune a décidé de suspendre son contrat de travail et a interrompu le versement de sa rémunération. Par la présente requête, Mme B demande au tribunal l'annulation de cet arrêté, ensemble la décision du 10 septembre 2021 portant rejet de son recours gracieux.

Sur les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction :

2. Aux termes de l'article 12 de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire alors en vigueur : " I. - Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la covid-19 : / 1° Les personnes exerçant leur activité dans : () / b) Les centres de santé mentionnés à l'article L. 6323-1 dudit code () / 2° Les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du code de la santé publique, lorsqu'ils ne relèvent pas du 1° du présent I ; / () ". Selon l'article 13 de cette même loi : " I. - Les personnes mentionnées au I de l'article 12 établissent : / 1° Satisfaire à l'obligation de vaccination en présentant le certificat de statut vaccinal prévu au second alinéa du II du même article 12. Par dérogation au premier alinéa du présent 1°, peut être présenté, pour sa durée de validité, le certificat de rétablissement prévu au second alinéa du II de l'article () ". Enfin, l'article 14 de cette loi dispose que : " I. - A. - A compter du lendemain de la publication de la présente loi et jusqu'au 14 septembre 2021 inclus, les personnes mentionnées au I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12 ou le résultat, pour sa durée de validité, de l'examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19 prévu par le même décret. / B. - A compter du 15 septembre 2021, les personnes mentionnées au I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12. / Par dérogation au premier alinéa du présent B, à compter du 15 septembre 2021 et jusqu'au 15 octobre 2021 inclus, sont autorisées à exercer leur activité les personnes mentionnées au I de l'article 12 qui, dans le cadre d'un schéma vaccinal comprenant plusieurs doses, justifient de l'administration d'au moins une des doses requises par le décret mentionné au II du même article 12, sous réserve de présenter le résultat, pour sa durée de validité, de l'examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19 prévu par le même décret. / () / III. - Lorsque l'employeur constate qu'un agent public ne peut plus exercer son activité en application du I, il l'informe sans délai des conséquences qu'emporte cette interdiction d'exercer sur son emploi ainsi que des moyens de régulariser sa situation. L'agent public qui fait l'objet d'une interdiction d'exercer peut utiliser, avec l'accord de son employeur, des jours de congés payés. A défaut, il est suspendu de ses fonctions ou de son contrat de travail. / La suspension mentionnée au premier alinéa du présent III, qui s'accompagne de l'interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que l'agent public remplit les conditions nécessaires à l'exercice de son activité prévues au I. Elle ne peut être assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits acquis par l'agent public au titre de son ancienneté. Pendant cette suspension, l'agent public conserve le bénéfice des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles il a souscrit. () ".

En ce qui concerne la légalité externe :

3. Aux termes de l'article 136 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale alors en vigueur : " () Les commissions consultatives paritaires connaissent des décisions individuelles prises à l'égard des agents contractuels et de toute question d'ordre individuel concernant leur situation professionnelle. () ". Selon l'article 37 du décret n° 88-145 du 15 février 1988 relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité territoriale ayant le pouvoir de procéder au recrutement. / L'agent contractuel à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'autorité territoriale doit informer l'intéressé de son droit à communication du dossier. ".

4. Il résulte de l'instruction que la mesure de suspension en litige, limitée à la période au cours de laquelle Mme B ne s'est pas conformée aux obligations posées par les dispositions précitées des articles 12 et 14 de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021, se borne à constater qu'elle ne remplit pas les conditions légales pour exercer son activité. En outre, l'intéressée a été mise à même de mettre fin à la mesure en cause, à son initiative, en régularisant son statut vaccinal. L'arrêté attaqué ne présente donc pas le caractère d'une sanction disciplinaire. Par suite, Mme B n'est en tout état de cause pas fondée à soutenir qu'il a été édicté au terme d'une procédure irrégulière, sans que la commission consultative paritaire, siégeant en tant que conseil de discipline, n'ait été consultée conformément aux stipulations de l'article 136 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 alors en vigueur, et sans qu'elle n'ait pu bénéficier des garanties de la procédure disciplinaire prévues, notamment, par l'article 37 du décret n° 88-145 du 15 février 1988.

En ce qui concerne la légalité interne :

Sur le moyen tiré de la violation du principe de non-rétroactivité :

5. Ainsi qu'il a été dit au point 4 ci-dessus, la mesure de suspension du contrat de travail de l'agent public qui s'abstient de se conformer aux obligations posées par les dispositions des articles 12 et 14 de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 se borne à constater que l'agent ne remplit pas les conditions légales pour exercer son activité. Cette décision n'est donc pas constitutive d'une mesure prise dans l'exercice du pouvoir de police administrative du maire, de sorte qu'elle n'avait pas à faire l'objet d'une transmission au représentant de l'Etat dans le département afin de devenir exécutoire. Par suite, Mme B n'est pas fondée à soutenir que faute d'une telle transmission, l'arrêté attaqué a été édicté en méconnaissance du principe de non-rétroactivité des actes administratifs.

Sur le moyen tiré de l'inconstitutionnalité de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 :

6. Aux termes de l'article R. 771-3 du code de justice administrative : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est soulevé, conformément aux dispositions de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, à peine d'irrecevabilité, dans un mémoire distinct et motivé. Ce mémoire, ainsi que, le cas échéant, l'enveloppe qui le contient, portent la mention : " question prioritaire de constitutionnalité. " ".

7. Si Mme B soutient que les articles 12 à 20, à l'exception de l'article 14, de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021, dont procède la décision litigieuse, méconnaissent les droits et libertés garantis par la Constitution, elle se borne à renvoyer à la question prioritaire de constitutionnalité introduite devant le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, saisi en 2021 d'une demande de suspension de l'exécution la décision litigieuse, rejetée pour défaut d'urgence. Par suite, à défaut de production d'un mémoire distinct dans le cadre de la procédure au fond, les moyens tirés de l'inconstitutionnalité de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 sont irrecevables et ne peuvent dès lors qu'être écartés.

Sur les moyens tirés de l'inconventionnalité de la loi n° du 5 août 2021 :

8. En premier lieu, aux termes de l'article 5 de la " convention d'Oviedo " de 1997 : " Une intervention dans le domaine de la santé ne peut être effectuée qu'après que la personne concernée y a donné son consentement libre et éclairé. ". Selon l'article 3 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " () Dans le cadre de la médecine et de la biologie, doivent notamment être respectés : - le consentement libre et éclairé de la personne concernée, selon les modalités définies par la loi () ".

9. La seule circonstance que le défaut de justification par un agent de la régularité de sa situation au regard de l'obligation vaccinale qui pèse sur lui peut se traduire par une suspension de son contrat de travail ne suffit pas pour considérer que la vaccination en litige serait imposée aux intéressés sans recueil préalable de leur libre consentement. Dans ces conditions, Mme B n'est pas fondée à soutenir que la vaccination contre la Covid-19, dont elle critique le principe et les modalités de mise en œuvre, méconnaît l'exigence de recueil du consentement à un traitement médical tel que reconnu par les stipulations précitées de l'article 5 de la Convention d'Oviedo de 1997 et en tout état de cause de l'article 3 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

11. Une vaccination obligatoire constitue une ingérence dans ce droit, qui peut être admise si elle remplit les conditions du paragraphe 2 de l'article 8 et, notamment, si elle est justifiée par des considérations de santé publique et proportionnée à l'objectif poursuivi. Il doit ainsi exister un rapport suffisamment favorable entre, d'une part, la contrainte et le risque présentés par la vaccination pour chaque personne vaccinée et, d'autre part, le bénéfice qui en est attendu tant pour cet individu que pour la collectivité dans son entier, y compris ceux de ses membres qui ne peuvent être vaccinés en raison d'une contre-indication médicale, compte tenu à la fois de la gravité de la maladie, de son caractère plus ou moins contagieux, de l'efficacité du vaccin et des risques ou effets indésirables qu'il peut présenter.

12. D'une part, l'article 12 de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 a défini le champ de l'obligation de vaccination contre la Covid-19 en retenant, notamment, un critère géographique pour y inclure les personnes exerçant leur activité dans un certain nombre d'établissements, principalement les établissements de santé et des établissements sociaux et médico-sociaux, ainsi qu'un critère professionnel pour y inclure les professionnels de santé afin, à la fois, de protéger les personnes accueillies par ces établissements qui présentent une vulnérabilité particulière au virus de la Covid-19 et d'éviter la propagation du virus par les professionnels de santé dans l'exercice de leur activité qui, par nature, peut les conduire à soigner des personnes vulnérables ou ayant de telles personnes dans leur entourage. Il s'ensuit que, eu égard à l'objectif de santé publique poursuivi et alors même qu'aucune dérogation personnelle à l'obligation de vaccination n'est prévue en dehors des cas de contre-indication, l'obligation vaccinale pesant sur le personnel exerçant dans un établissement de santé, qui ne saurait être regardée comme incohérente et disproportionnée au regard de l'objectif de santé publique poursuivi, ne méconnaît pas le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

13. D'autre part, l'article 13 de la même loi prévoit que l'obligation de vaccination ne s'applique pas aux personnes qui présentent un certificat médical de contre-indication ainsi que, pendant la durée de sa validité, aux personnes disposant d'un certificat de rétablissement. L'article 14 de la même loi prévoit par ailleurs la possibilité de déroger à l'obligation de vaccination jusqu'au 14 septembre 2021 par la présentation du résultat, pour sa durée de validité, de l'examen de dépistage virologique négatif. Le champ de cette obligation apparaît ainsi cohérent et proportionné au regard de l'objectif de santé publique poursuivi alors même que l'obligation ne concerne pas l'ensemble de la population mais seulement les professionnels qui se trouvent dans une situation qui les expose particulièrement au virus et au risque de le transmettre aux personnes les plus vulnérables à ce virus. Par suite, en prenant l'arrêté attaqué, le maire de la commune de Fontenay-aux-Roses n'a pas porté d'atteinte disproportionnée au droit de Mme B à mener une vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

14. En troisième lieu, aux termes de l'article 1 du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. ". Une personne ne peut prétendre au bénéfice de ces stipulations que si elle peut faire état de la propriété d'un bien qu'elles ont pour objet de protéger et à laquelle il aurait été porté atteinte. A défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir une somme d'argent doit être regardée comme un bien au sens de ces stipulations.

15. L'article 14 de la loi n° 2021-1010 du 5 août 2021 prévoit que seuls les soignants ayant satisfait à l'obligation vaccinale peuvent continuer à exercer leur profession à compter du 15 septembre 2021. Dès lors, les soignants n'ayant pas satisfait à cette obligation voient leur activité interrompue jusqu'à la régularisation de leur situation. Eu égard à l'objectif de santé publique poursuivi, et au regard de ce qui a été dit aux points précédents, l'interdiction temporaire de fonctions ainsi créée ne saurait être regardée comme incohérente et disproportionnée au regard de cet objectif, les agents concernés disposant de la faculté d'exercer d'autres fonctions ou de régulariser leur situation. Dans ces conditions, en prenant l'arrêté attaqué en application de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021, le maire de la commune de Fontenay-aux-Roses n'a pas porté d'atteinte disproportionnée au droit au respect des biens de Mme B garanti par les stipulations précitées de l'article 1 du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur les moyens tirés de l'inconstitutionnalité et de l'inconventionnalité du décret n° 2021-1059 du 7 août 2021 :

16. La requérante soutient que la décision contestée est illégale dès lors que le décret n° 2021-1059 du 7 août 2021 sur lequel elle est fondée est lui-même illégal en ce qu'il a été pris sur le fondement de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 dont les articles 12 à 20, à l'exception de l'article 14, seraient contraires à la Constitution et aux engagements européens et internationaux de la France. Toutefois, ainsi qu'il vient d'être dit, la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ne peut être considérée comme portant atteinte au droit international. Quant au moyen d'inconstitutionnalité, il ne peut qu'être écarté comme étant inopérant, la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 faisant écran entre le décret n° 2021-1059 du 7 août 2021 et la Constitution.

Sur le moyen tiré de l'inexacte interprétation du A du I de l'article 14 de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 :

17. Aux termes de l'article 14 de la loi du n° 2021-1040 du 5 août 2021 : " I. - A. - A compter du lendemain de la publication de la présente loi et jusqu'au 14 septembre 2021 inclus, les personnes mentionnées au I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12 ou le résultat, pour sa durée de validité, de l'examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19 prévu par le même décret. ".

18. L'arrêté contesté fait état dans ses motifs de ce que Mme B " ne justifie pas d'un schéma vaccinal complet ou d'un justificatif dérogatoire, alors qu'elle y est contrainte ". Cette formulation n'a pas pour effet d'exclure d'office la présentation d'une sérologie négative comme moyen permettant de déroger à l'obligation vaccinale. Par ailleurs, la requérante ne produit pas de pièces attestant que la commune de Fontenay-aux-Roses aurait entendu exclure la présentation d'une sérologie négative comme dispositif permettant de déroger à l'obligation vaccinale. Ainsi, le moyen tenant à l'inexacte interprétation des dispositions précitées du A du I de l'article 14 de la loi du 5 août 2021 par la commune de Fontenay-aux Roses ne peut qu'être écarté.

19. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il y ait lieu de transmettre la question préjudicielle soulevée par Mme B à la cour de justice de l'Union Européenne, inutile pour trancher le litige, que ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué doivent être rejetées. Il en va de même, par voie de conséquence, de ses conclusions à fin d'injonction.

Sur les frais liés au litige :

20. En premier lieu, Mme B ne justifie pas avoir engagé de dépens dans la présente instance. Sa demande tendant à ce qu'ils soient mis à la charge de la commune de Fontenay-aux-Roses ne peut donc, en tout état de cause, qu'être rejetée.

21. En second lieu, la commune de Fontenay-aux-Roses n'étant pas la partie perdante à l'instance, les conclusions de Mme B présentées au titre des dispositions de l'article L. 761 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il y a également lieu de rejeter les conclusions de la commune de Fontenay-aux-Roses présentées sur le même fondement.

Par ces motifs, le tribunal décide :

Article 1er : La requête de Mme B est rejetée.

 

Article 2 : Les conclusions de la commune de Fontenay-aux-Roses présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme A B et à la commune de Fontenay-aux-Roses.

Délibéré après l'audience du 21 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Oriol, présidente, Mme Cordary, première conseillère, et Mme Gay-Heuzey, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 janvier 2024.

La présidente-rapporteure,

Signé

C. ORIOL

 

L'assesseure la plus ancienne,

Signé

C. CORDARYLa greffière,

Signé

V. RICAUD

La République mande et ordonne au préfet des Hauts-de-Seine en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour ampliation,

La greffière

Code publication

C