Tribunal administratif de Lille

Jugement du 28 décembre 2023 n° 2008930

28/12/2023

Irrecevabilité

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 9 décembre 2020, 16 juillet 2021, 23 août 2021 et 31 octobre 2023, M. B A, représenté par Me Dormieu, doit être regardé comme demandant au tribunal :

1°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er février 2012 au 31 mars 2013, ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) " le remboursement des frais de procédure ".

Il soutient que :

- sa requête, qui contient l'exposé de moyens, est recevable ;

- il n'a jamais reçu l'avis de mise en recouvrement des impositions en litige ;

- l'administration fiscale a méconnu les stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en s'abstenant de répondre à ses demandes de communication de son dossier fiscal ;

- elle a méconnu les stipulations de l'article 4 du septième protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en lui infligeant la pénalité prévue par les dispositions du a. de l'article 1732 du code général des impôts alors qu'il avait déjà fait l'objet d'une condamnation pénale pour fraude fiscale ;

- les principes constitutionnels de nécessité et de proportionnalité des peines ont, pour le même motif, également été méconnus ;

- cette sanction est, dans les circonstances de l'espèce, disproportionnée ;

- il n'a pas eu l'intention de s'opposer aux contrôles diligentés par l'administration ;

- il ne peut être regardé comme ayant été à l'origine de plusieurs des achats pris en considération par l'administration fiscale ;

- la société Intraco était en relation commerciale avec lui ;

- l'administration fiscale n'a pas fait application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée sur les produits alimentaires ;

- la prescription quadriennale de l'action en recouvrement mentionnée à l'article L. 274 du livre des procédures fiscales est acquise ;

- les taux de marge appliqués par l'administration fiscale ne reflètent pas la réalité économique de son entreprise ;

- il entend se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations des paragraphes n° 200 des commentaires publiés au bulletin officiel des finances publiques - impôts sous les références BOI-CF-IOR-10-20 et BOI-CF-IOR-50-20 ;

- l'administration fiscale n'a pas tenu compte de la possibilité de faire application de l'article 1290 du code civil concernant la délégation de paiement ;

- elle n'a pas tenu compte des divers paiements effectués par des entreprises belges sur son compte ;

- il convient de soustraire une somme de 617,30 euros au titre des charges déductibles ;

- les matériaux de construction qu'il a achetés n'ont pas été livrés en France ;

- les achats de marchandises n'ont pas été revendus en France ;

- les achats de véhicules ayant été effectués en Belgique, ils étaient soumis au droit belge ;

- les signatures sur les bons de livraison et factures utilisés par l'administration fiscale n'ont pas été apposées par lui.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2021, le directeur régional des finances publiques des Hauts-de-France et du département du Nord conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable, d'une part, en l'absence de production par M. A, à l'appui de sa réclamation préalable, de l'avis de mise en recouvrement des impositions en litige et, d'autre part, dès lors qu'elle ne contient l'exposé d'aucun moyen, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

- en tout état de cause, les moyens soulevés par M. A ne sont pas fondés.

Par une ordonnance en date du 3 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 novembre 2023.

Un mémoire, présenté pour M. A, a été enregistré le 24 novembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lemaire,

- et les conclusions de M. Huguen, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A, qui a exercé une activité de négoce de véhicules et, à titre accessoire, d'achat et de revente de produits divers, a fait l'objet d'une vérification de sa comptabilité à l'issue de laquelle il a été assujetti à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er février 2012 au 31 mars 2013, majorés des intérêts de retard et de pénalités de 100 % sur le fondement des dispositions du a. de l'article 1732 du code général des impôts, le service ayant évalué d'office son chiffre d'affaires en application de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales. M. A demande au tribunal de prononcer la décharge de ces impositions, ainsi que des pénalités correspondantes.

Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence, () l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président. / () ". Aux termes de l'article 61 du décret du 28 décembre 2020, portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et relatif à l'aide juridictionnelle et à l'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles : " () / L'admission provisoire est accordée par la juridiction compétente (), soit sur une demande présentée sans forme par l'intéressé, soit d'office si celui-ci a présenté une demande d'aide juridictionnelle sur laquelle il n'a pas encore été statué ".

3. Eu égard aux circonstances de l'espèce, il y a lieu de prononcer, en application des dispositions précitées, l'admission provisoire de M. A au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Sur les fins de non-recevoir opposées en défense :

4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 190-1 du livre des procédures fiscales : " Le contribuable qui désire contester tout ou partie d'un impôt qui le concerne doit d'abord adresser une réclamation au service territorial, selon le cas, de la direction générale des finances publiques ou de la direction générale des douanes et droits indirects dont dépend le lieu de l'imposition. / () ". Aux termes de l'article R. 197-3 de ce livre : " Toute réclamation doit à peine d'irrecevabilité : / () / d) Être accompagnée soit de l'avis d'imposition, d'une copie de cet avis ou d'un extrait du rôle, soit de l'avis de mise en recouvrement ou d'une copie de cet avis, soit, dans le cas où l'impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou d'un avis de mise en recouvrement, d'une pièce justifiant le montant de la retenue ou du versement. / La réclamation peut être régularisée à tout moment par la production de l'une des pièces énumérées au d. / () ".

5. L'administration fiscale soutient que la requête présentée par M. A est irrecevable en raison de l'irrégularité de sa réclamation préalable, faute pour cette dernière d'avoir été accompagnée de l'avis de mise en recouvrement des impositions contestées. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que, contrairement à ce qu'il fait valoir, M. A a été rendu destinataire de cet avis de mise en recouvrement. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance des dispositions précitées du d) de l'article R. 197-3 du livre des procédures fiscales doit être écartée.

6. En second lieu, aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ".

7. M. A, qui doit être regardé comme demandant la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er février 2012 au 31 mars 2013, ainsi que des pénalités correspondantes, soutient dans sa requête introductive d'instance que l'administration fiscale a méconnu les stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en s'abstenant de répondre à ses demandes de communication de son dossier fiscal, qu'elle a méconnu les stipulations de l'article 4 du septième protocole additionnel à cette convention en lui infligeant la pénalité prévue par les dispositions du a. de l'article 1732 du code général des impôts alors qu'il avait déjà fait l'objet d'une condamnation pénale pour fraude fiscale, qu'elle n'a pas fait application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée sur les produits alimentaires, que le délai quadriennal imparti à l'administration fiscale pour exercer son action en recouvrement est prescrit, que les taux de marge utilisés par le service vérificateur ne sont pas représentatifs de la réalité économique de son entreprise, que l'administration fiscale n'a pas tenu compte de la possibilité de faire application de l'article 1290 du code civil concernant la délégation de paiement et qu'elle n'a pas tenu compte des divers paiements effectués par des entreprises belges sur son compte. La requête de M. A contient ainsi l'exposé de plusieurs moyens, conformément aux dispositions précitées de l'article R. 411-1 du code de justice administrative. La fin de non-recevoir opposée en défense et tirée de ce que la requête n'est pas motivée ne peut, dès lors, qu'être écartée.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

8. En premier lieu, aux termes du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ".

9. D'une part, ces stipulations ne peuvent être utilement invoquées pour contester des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige devant le juge de l'impôt, qui ne statue pas en matière pénale et ne tranche pas des contestations sur des droits et obligations à caractère civil. D'autre part, M. A n'établit pas, ni même n'allègue que la procédure d'établissement des pénalités en litige aurait, eu égard à ses particularités, emporté des conséquences de nature à porter atteinte de manière irréversible au caractère équitable de la procédure ultérieurement engagée devant le juge.

10. En tout état de cause, si M. A soutient que l'administration fiscale a méconnu les stipulations précitées de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et plus particulièrement le principe de l'égalité des armes, dès lors qu'elle s'est abstenue de répondre aux différents courriers qu'il lui avait adressés au cours des années 2016 et 2017 afin d'obtenir la délivrance d'une copie de son " dossier fiscal ", cette circonstance, qui est postérieure à la mise en recouvrement des impositions en litige intervenue en 2014, est dépourvue de toute incidence sur la régularité de la procédure d'imposition.

11. En second lieu, aux termes de l'article L. 74 du même livre : " Les bases d'imposition sont évaluées d'office lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers. / () ". Le contrôle fiscal mentionné par ces dispositions ne saurait être restreint à la seule vérification de comptabilité prévue par l'article L. 13 du livre des procédures fiscales mais vise l'ensemble des contrôles sur place auxquels l'administration des impôts est en droit de procéder.

12. Il résulte de l'instruction que le service vérificateur a adressé à M. A, par lettre recommandée avec accusé de réception envoyée à l'adresse du siège social de son entreprise, un avis de vérification en date du 7 mai 2013, ainsi que deux lettres de mise en garde des 3 juin 2013 et 27 juin 2013, également envoyées à son domicile personnel, l'invitant à effectuer le nécessaire afin que la vérification puisse avoir lieu et l'informant de la sanction encourue en cas d'opposition à contrôle fiscal. Bien que M. A ait été avisé de leur mise en instance, tous ces plis ont été retournés au service faute d'avoir été réclamés. Dans ces conditions, en l'absence de toute réponse ou manifestation de la part de M. A, qui n'établit pas, en tout état de cause, avoir signalé ses changements d'adresse à des organismes français, l'administration fiscale établit que le contrôle fiscal n'a pas pu avoir lieu du fait du contribuable et, par suite, que le service vérificateur était fondé à mettre en œuvre la procédure d'évaluation d'office prévue par les dispositions précitées de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales.

Sur le bien-fondé des impositions :

13. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". Aux termes de l'article R. 193-1 de ce livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ".

14. Les impositions en litige ayant été établies, ainsi qu'il a été dit au point 12, à l'issue d'une procédure d'évaluation d'office, en application des dispositions de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, il appartient à M. A d'en établir le caractère exagéré.

15. En premier lieu, d'une part, il résulte de l'instruction, et notamment de la notification des bases imposables du 20 mars 2014, que M. A n'a pas présenté de comptabilité au service vérificateur au titre de la période vérifiée. Après avoir dressé un procès-verbal de défaut de présentation de comptabilité, le service a reconstitué ses chiffres d'affaires en se fondant sur les relevés bancaires, chèques, ordres de virements et factures obtenus grâce à la mise en œuvre de son droit de communication, sur les informations obtenues des autorités fiscales belges et luxembourgeoises en réponse aux demandes d'assistance administrative internationale qu'il leur avait envoyées, sur les informations portées sur les factures établies par M. A lors de la revente des véhicules et, s'agissant des opérations pour lesquelles le service ne disposait d'aucune facture de revente établie par l'intéressé, sur une estimation du prix de vente réalisée par application du coefficient de marge moyen constaté à raison des autres opérations. En se bornant à soutenir, sans apporter aucun élément probant à l'appui de son argumentation, que les taux de marge retenus par le service vérificateur sont disproportionnés et ne représentent pas la réalité économique de son entreprise, M. A n'établit pas, alors que la charge de la preuve lui incombe, le caractère exagéré des impositions en litige.

16. D'autre part, les énonciations du paragraphe n° 200 des commentaires publiés au bulletin officiel des finances publiques - impôts sous la référence BOI-CF-IOR-10-20 portent sur la procédure d'imposition et ne comportent aucune interprétation de la loi fiscale dont le contribuable serait susceptible de se prévaloir sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. Il en va de même des énonciations du paragraphe n° 200 des commentaires publiés au bulletin officiel des finances publiques - impôts sous la référence BOI-CF-IOR-50-20.

17. En deuxième lieu, si M. A soutient qu'il n'est pas le signataire des bons de livraisons et qu'il n'est pas à l'origine de nombreux achats de marchandises retenus par l'administration pour l'établissement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, il ne l'établit pas par les seules pièces qu'il produit.

18. En troisième lieu, les moyens tirés, d'une part, de ce que M. A était en relation commerciale avec la société Intraco et, d'autre part, de ce que l'administration n'a pas tenu compte des divers paiements effectués par des entreprises belges sur son compte ne sont pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. Il en va de même du moyen tiré de ce que l'administration fiscale " n'a pas tenu compte de la possibilité pour une entreprise de faire application de l'article 1290 du code civil concernant la délégation de paiement "

19. En quatrième lieu, aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. / () / 3. La déduction de la taxe ayant grevé les biens et les services est opérée par imputation sur la taxe due par le redevable au titre du mois pendant lequel le droit à déduction a pris naissance. / () ".

20. Si M. A sollicite la déduction de dépenses correspondant au paiement du loyer du siège social de son entreprise pour un montant de 617,30 euros, il ne justifie pas, en tout état de cause et par la seule production de factures libellées au nom de la société Inter Europe, avoir effectivement exposé lui-même cette somme pour l'exercice de son activité.

21. En cinquième lieu, si M. A soutient que les matériaux de construction dont il a fait l'acquisition ont été utilisés pour des chantiers localisés sur le territoire belge, il n'apporte aucune pièce probante à l'appui de son argumentation. Il n'établit pas davantage que les achats de marchandises retenus par le service vérificateur n'ont pas été revendus en France. Enfin, M. A ne démontre pas, alors que la charge de la preuve lui incombe, que de nombreux véhicules ont été revendus en Belgique par des tiers et que son identité a été usurpée.

22. En dernier lieu, aux termes de l'article 278 du code général des impôts : " Le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée est fixé à 19,60 % ". Aux termes de l'article 278-0 bis de ce code, dans sa version alors applicable : " La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5,5 % en ce qui concerne : / A. - Les opérations d'achat, d'importation, d'acquisition intracommunautaire, de vente, de livraison, de commission, de courtage ou de façon portant sur : / 1° L'eau et les boissons non alcooliques ainsi que les produits destinés à l'alimentation humaine à l'exception des produits suivants auxquels s'applique le taux prévu à l'article 278 : / a) Les produits de confiserie ; / () ".

23. Il résulte de l'instruction, et plus particulièrement de la notification des bases imposables du 20 mars 2014, que, pour évaluer le montant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige, l'administration fiscale a fait application, en méconnaissance des dispositions précitées, du taux normal de 19,6 % aux lieu et place du taux réduit de 5,5 % applicable aux bouteilles d'eau minérale et aux boissons non alcooliques vendues par M. A. Dès lors, l'intéressé est fondé à demander, dans cette mesure, la réduction des impositions en litige, ainsi que des pénalités correspondantes. En revanche, M. A n'établit pas que les autres produits alimentaires qu'il a vendus relevaient du taux réduit et non du taux normal appliqué par le service vérificateur.

Sur les pénalités :

24. Aux termes de l'article 1732 du code général des impôts : " La mise en œuvre de la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales entraîne : / a. L'application d'une majoration de 100 % aux droits rappelés ou aux créances de nature fiscale qui doivent être restituées à l'État ; / () ".

25. En premier lieu, aux termes de l'article 4, paragraphe 1, du septième protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même État en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet État ". La règle " non bis in idem ", telle qu'elle résulte de ces stipulations, ne trouve à s'appliquer, selon la réserve accompagnant l'instrument de ratification de ce protocole par la France et publiée au Journal officiel de la République française du 27 janvier 1989, à la suite du protocole lui-même, que pour " les infractions relevant en droit français de la compétence des tribunaux statuant en matière pénale ", et n'interdit ainsi pas, en tout état de cause et contrairement à ce que soutient M. A, le prononcé de sanctions administratives parallèlement aux décisions définitives prononcées par le juge répressif.

26. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 771-3 du code de justice administrative : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est soulevé, conformément aux dispositions de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, à peine d'irrecevabilité, dans un mémoire distinct et motivé. Ce mémoire, ainsi que, le cas échéant, l'enveloppe qui le contient, portent la mention : "question prioritaire de constitutionnalité" ". Aux termes de l'article R. 771-4 du même code : " L'irrecevabilité tirée du défaut de présentation, dans un mémoire distinct et motivé, du moyen visé à l'article précédent peut être opposée sans qu'il soit fait application des articles R. 611-7 et R. 612-1 ".

27. À supposer que M. A ait entendu se prévaloir de la méconnaissance, par les dispositions précitées de l'article 1732 du code général des impôts, des principes constitutionnels de nécessité et de proportionnalité des peines, ce moyen, qui n'a pas été présenté par un mémoire distinct, est, en tout état de cause, irrecevable.

28. En dernier lieu, contrairement à ce que soutient M. A, il n'appartient pas au juge de contrôler la proportionnalité du montant de l'amende contestée devant lui. Le moyen tiré de ce que le montant de l'amende infligée sur le fondement des dispositions de l'article 1732 du code général des impôts est disproportionné au regard des négligences qui lui sont reprochées et de la condamnation pénale dont il a par ailleurs fait l'objet est, par conséquent, inopérant.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

29. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions, au demeurant non chiffrées, présentées par M. A et tendant au " remboursement des frais de procédure ".

DÉCIDE :

Article 1er : M. A est admis, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Les bases imposables à la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er février 2012 au 31 mars 2013 sont réduites conformément aux motifs du présent jugement.

Article 3 : Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de M. A au titre de la période du 1er février 2012 au 31 mars 2013, ainsi que les pénalités correspondantes, sont réduits à concurrence de la réduction des bases imposables définie à l'article 2.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à M. B A et au directeur régional des finances publiques des Hauts-de-France et du département du Nord.

Délibéré après l'audience du 14 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lemaire, président,

- Mme Courtois, première conseillère,

- Mme Jaur, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 décembre 2023.

L'assesseure la plus ancienne,

Signé

C. COURTOISLe président-rapporteur,

Signé

O. LEMAIRE

La greffière,

Signé

S. RANWEZ

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent jugement.

Pour expédition conforme,

La greffière,

Code publication

C