Tribunal administratif d'Amiens

Jugement du 22 décembre 2023 n° 2103217

22/12/2023

Irrecevabilité

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 2103217, le 23 septembre 2021,

Mme A B demande au tribunal :

1°) d'annuler la décision du 15 septembre 2021 par laquelle le groupe hospitalier public du sud de l'Oise l'a suspendue de ses fonctions sans rémunération à compter du même jour, jusqu'à la production d'un justificatif de vaccination ou de contre-indication à la vaccination contre la covid-19 ;

2°) d'enjoindre au groupe hospitalier public du sud de l'Oise de rétablir le versement de son traitement.

Elle soutient que :

- la décision attaquée, qui la prive de traitement, est une sanction disciplinaire déguisée édictée sans respecter les garanties légales et conventionnelles applicables, notamment l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- elle méconnait le principe de non-discrimination à raison de l'état de santé figurant à l'article L. 1132-1 du code du travail ;

- il y avait lieu d'appliquer l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires en maintenant son traitement ;

- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021, dès lors qu'elle prévoit une sanction en dehors de toute garantie disciplinaire et sans respect du principe du contradictoire, est inconstitutionnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 septembre 2022, le groupe hospitalier public du sud de l'Oise, représenté par Me Chartrelle, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de Mme B en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la demande de reversement des traitements non perçus n'a pas été précédée d'une demande préalable susceptible de lier le contentieux ;

- les moyens soulevés par Mme B ne sont pas fondés.

II. Par une requête, enregistrée sous le n° 2202695, le 10 août 2022, Mme A B, représentée par Me Guyon, demande au tribunal :

1°) d'annuler la décision du 26 mai 2022 par laquelle le groupe hospitalier public du sud de l'Oise l'a suspendue de ses fonctions sans rémunération à compter du même jour, jusqu'à la production d'un justificatif de vaccination ou de contre-indication à la vaccination contre la covid-19, ou, à titre subsidiaire, de l'abroger ;

2°) d'enjoindre au groupe hospitalier public du sud de l'Oise de rétablir de manière rétroactive le versement de son traitement, ou de réexaminer sa situation, à défaut, de prononcer son licenciement pour inaptitude, sous astreinte de 400 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge du groupe hospitalier public du sud de l'Oise la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision attaquée est entachée d'incompétence dès lors que la qualité d'autorité de nomination n'implique pas la compétence pour adopter une décision de suspension sans rémunération et qu'il n'est pas établi que le signataire de la décision attaquée avait compétence pour ce faire ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnait les dispositions de l'article 2-2 du décret n° 2021-699 du 1er juin 2021, dans sa rédaction en vigueur à la date de naissance de son certificat de rétablissement, qui prévoyaient une durée de validité de six mois dudit certificat, ce faisant elle méconnait le principe de non-rétroactivité des actes administratifs et doit être regardée comme procédant de manière irrégulière au retrait du certificat de rétablissement dont elle bénéficiait ;

- la décision attaquée ne pouvait intervenir alors qu'elle se trouvait en congé maladie jusqu'au 31 août 2022 ;

- elle méconnaît la procédure disciplinaire instituée par l'article 82 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- elle été prise sans respecter la procédure contradictoire préalable prévue par l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle constitue une sanction disciplinaire déguisée ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 30 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- elle méconnaît l'article 81 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 en ce qu'elle inflige une sanction non prévue par les textes ;

- elle constitue une mesure de police administrative prise en méconnaissance des conditions posées par l'article L. 6143-7 du code de la santé publique dès lors qu'elle est disproportionnée, non nécessaire et non adéquate ;

- elle est entachée d'erreur de fait dès lors que l'administration ne justifie pas de l'existence d'un constat ou d'un rapport administratif faisant état de l'impossibilité d'exercice de son activité en méconnaissance de l'article 14 de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;

- elle méconnait les dispositions de l'article L. 3111-1 du code de la santé publique applicable en matière de vaccination obligatoire ;

- la mesure de suspension prise à son encontre porte atteinte au principe de continuité du service public hospitalier ;

- elle méconnait le principe constitutionnel d'égalité, garanti notamment par les articles 1er et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- elle méconnaît les articles 2, 5 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et constitue une discrimination contraire à l'article 14 et à l'article 1er du protocole additionnel n° 12 à cette même convention et au règlement (UE) n° 2021/953 du 14 juin 2021 ;

- elle méconnaît le droit à la santé tel que garanti par le 11ème alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ;

- elle méconnaît le droit au respect de l'intégrité physique et le droit au respect du corps humain protégés par les article 1er et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- elle méconnait la liberté individuelle telle que protégée par l'article 66 de la Constitution ;

- elle méconnaît le principe de précaution protégé par l'article 5 de la charte de l'environnement ;

- elle méconnait le principe du consentement du patient et la protection de son intégrité physique en méconnaissance des articles L. 1111-4 du code de la santé publique et 16-1 et suivant du code civil ;

- la décision attaquée méconnaît le droit au respect du secret médical protégé par l'article L. 1110-4 du code de la santé publique ;

- elle méconnaît le principe constitutionnel de la liberté d'entreprendre et de la liberté du commerce et de l'industrie également protégé par l'article 16 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 11 août 2023 et le 12 octobre 2023, le groupe hospitalier public du sud de l'Oise, représenté par Me Chartrelle, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de Mme B en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme B ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 21 décembre 2022 la clôture de l'instruction a été fixée au 9 janvier 2023 dans la requête n° 2103217 d'une part et, par ordonnance du 12 octobre 2023, elle a été fixée au 12 novembre 2023 dans la requête n° 2202695 d'autre part.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 2021/953 du 14 juin 2021 ;

- le code de la santé publique ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;

- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;

- le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 ;

- le décret n° 2021-1059 du 7 août 2021 ;

- le décret n° 2022-176 du 14 février 2022 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pierre,

- les conclusions de M. Beaujard, rapporteur public,

- et les observations de Me Chartrelle, représentant le groupe hospitalier public du sud de l'Oise.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B, auxiliaire de puériculture contractuelle au sein du groupe hospitalier public du sud de l'Oise conteste la décision du 15 septembre 2021 par laquelle le directeur de cet établissement a prononcé sa suspension de fonctions au motif qu'elle ne justifiait pas de la régularité de sa situation au regard de son obligation de vaccination contre la covid-19. A la suite d'une contamination par la covid-19, elle a été réintégrée dans ses fonctions à compter du 5 février 2022. Ayant fait l'objet d'une nouvelle décision de suspension le 26 mai 2022 à compter du même jour au motif qu'elle ne justifiait pas de la régularité de sa situation au regard de son obligation de vaccination contre la covid-19, Mme B demande également l'annulation de cette décision.

2. Les requêtes n°s 2103217 et 2202695, présentées par Mme B, concernent la situation d'un même agent. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul jugement.

Sur le cadre juridique :

3. Aux termes de l'article 12 de la loi du 5 août 2021, relative à la gestion de la crise sanitaire, dans sa version applicable au présent litige : " I. - Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la covid-19 : / 1° Les personnes exerçant leur activité dans : a) Les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique () 2° Les professionnels de la santé mentionnés à la quatrième partie du code de la santé publique, lorsqu'ils ne relèvent pas du 1° du présent I ; () ". L'article 13 de la même loi dispose, dans sa version alors en vigueur : " I. - Les personnes mentionnées au I de l'article 12 établissent : 1° Satisfaire à l'obligation de vaccination en présentant le certificat de statut vaccinal prévu au second alinéa du II du même article 12. / Par dérogation au premier alinéa du présent 1°, peut être présenté, pour sa durée de validité, le certificat de rétablissement prévu au second alinéa du II de l'article 12. () 2° Ne pas être soumises à cette obligation en présentant un certificat médical de contre-indication () ". Selon l'article 14 de cette loi : " I. () B - A compter du 15 septembre 2021, les personnes mentionnées au I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12. / Par dérogation au premier alinéa du présent B, à compter du 15 septembre 2021 et jusqu'au 15 octobre 2021 inclus, sont autorisées à exercer leur activité les personnes mentionnées au I de l'article 12 qui, dans le cadre d'un schéma vaccinal comprenant plusieurs doses, justifient de l'administration d'au moins une des doses requises par le décret mentionné au II du même article 12, sous réserve de présenter le résultat, pour sa durée de validité, de l'examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19 prévu par le même décret. () III. - Lorsque l'employeur constate qu'un agent public ne peut plus exercer son activité en application du I, il l'informe sans délai des conséquences qu'emporte cette interdiction d'exercer sur son emploi ainsi que des moyens de régulariser sa situation. L'agent public qui fait l'objet d'une interdiction d'exercer peut utiliser, avec l'accord de son employeur, des jours de congés payés. A défaut, il est suspendu de ses fonctions ou de son contrat de travail. / La suspension mentionnée au premier alinéa du présent III, qui s'accompagne de l'interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que l'agent public remplit les conditions nécessaires à l'exercice de son activité prévues au I (). La dernière phrase du deuxième alinéa du présent III est d'ordre public ".

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité externe :

4. En premier lieu, en application des dispositions de la loi du 5 août 2021, le législateur a donné compétence aux autorités investies du pouvoir de nomination pour contrôler le statut vaccinal des agents concernés par l'obligation et, à défaut, suspendre ceux ne produisant pas de justificatif de vaccination ou de contre-indication à la vaccination ou de certificat de rétablissement. Cette compétence peut être déléguée à toute autre personne dès lors que celle-ci bénéficie d'une délégation de signature prévue par les textes législatifs, régulièrement publiée et suffisamment précise.

5. Aux termes des dispositions de l'article D. 6143-33 du code de la santé publique : " Dans le cadre de ses compétences définies à l'article L. 6143-7, le directeur d'un établissement public de santé peut, sous sa responsabilité, déléguer sa signature. ". Aux termes de l'article D. 6143-34 de ce code : " Toute délégation doit mentionner : 1° Le nom et la fonction de l'agent auquel la délégation a été donnée ; 2° La nature des actes délégués ; 3° Eventuellement, les conditions ou réserves dont le directeur juge opportun d'assortir la délégation. ".

6. Il ressort des pièces du dossier que la signataire de la décision du 26 mai 2022, directrice des ressources humaines de l'établissement, disposait d'une délégation en ce sens en date du 20 décembre 2021, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de l'Oise le 14 janvier 2022, dès lors que celle-ci concerne l'ensemble des actes de gestion du personnel à l'exception de certaines mesures au nombre desquelles ne figurent pas la décision attaquée. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision du 26 mai 2022 doit être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police / () ". La décision par laquelle le directeur d'un établissement de santé publique prend une mesure de suspension à l'égard d'un agent public qui ne satisfait pas à l'obligation vaccinale contre la covid-19 constitue une décision restreignant l'exercice des libertés publiques au sens des dispositions précitées de l'article L. 211-2. Elle doit par suite être motivée.

8. En l'espèce, la décision du 26 mai 2022 suspendant l'exercice des fonctions et le versement de la rémunération de Mme B vise les lois du 13 juillet 1983 et 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires ainsi que la loi du 5 août 2021 et son décret d'application du 7 août 2021. En outre, elle mentionne, au titre des considérations de fait, que l'agent n'a pas produit un justificatif de vaccination contre la covid-19 ou de contre-indication à cette vaccination depuis sa réintégration. Cette décision est ainsi suffisamment motivée et le moyen en ce sens doit être écarté.

9. En troisième lieu, et d'une part, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ". Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " () Les dispositions de l'article L. 121-1, en tant qu'elles concernent les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ne sont pas applicables aux relations entre l'administration et ses agents. ".

10. Si la requérante soutient que la décision en cause doit être soumise à une procédure contradictoire préalable en vertu de ces dispositions, ce moyen doit être écarté dès lors que, selon les termes mêmes de l'article L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration, les dispositions de l'article L. 121-1, en tant qu'elles concernent les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ne sont pas applicables aux relations entre l'administration et ses agents.

11. En quatrième lieu, il est soutenu que la décision de suspension a méconnu le principe général des droits de la défense ainsi que l'ensemble des garanties propres à la procédure disciplinaire ainsi que celles liées au principe du contradictoire.

12. En l'espèce, lorsque l'autorité investie du pouvoir de nomination prononce la suspension d'un agent public en application de l'article 14 de la loi du 5 août 2021, la décision litigieuse doit s'analyser comme une mesure prise dans l'intérêt du service et de la politique sanitaire, destinée à lutter contre la propagation de l'épidémie de covid-19 dans un objectif de maîtrise de la situation sanitaire, et n'a pas vocation à sanctionner un éventuel manquement ou agissement fautif commis par cet agent. Reposant sur un régime juridique propre, cette mesure de suspension, qui constate le non-respect par l'agent de l'obligation vaccinale imposée par le dispositif légal susmentionné, est limitée à la période au cours de laquelle l'agent s'abstient de se conformer aux obligations qui sont les siennes en application des dispositions de la loi du 5 août 2021. Dès lors, la décision de suspension attaquée n'a pas le caractère d'une sanction administrative qui eût nécessité le respect des garanties procédurales attachées à la procédure disciplinaire ou aux droits de la défense et n'a pas davantage la nature d'une mesure prise en considération de la personne qui eût justifié le respect d'une procédure contradictoire préalable. Les moyens tirés de la privation de telles garanties procédurales sont, par suite, sans incidence sur la légalité de la décision contestée et doivent être écartés.

13. En cinquième lieu, il ressort des dispositions de l'article 14 de la loi du 5 août 2021 qu'il appartient à l'agent public, soumis à l'obligation vaccinale, de présenter à son employeur les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12. Contrairement à ce qu'il est soutenu dans la requête, il n'incombait donc pas à l'administration de procéder à la réalisation de formalités, telle que la production d'un rapport ou d'un constat, avant de prendre sa décision de suspension de fonctions. Dans ces conditions, l'absence de production par l'intéressée des justificatifs requis suffisait à l'administration pour constater l'impossibilité d'exercer dans laquelle se plaçait ainsi l'agent, et prononcer légalement à son encontre une mesure de suspension.

En ce qui concerne la légalité interne :

S'agissant du respect de la Constitution :

14. Aux termes de l'article R. 771-3 du code de justice administrative : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est soulevé, conformément aux dispositions de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, à peine d'irrecevabilité, dans un mémoire distinct et motivé. Ce mémoire, ainsi que, le cas échéant, l'enveloppe qui le contient, portent la mention : " question prioritaire de constitutionnalité ". Aux termes de l'article R. 771-4 du même code : " L'irrecevabilité tirée du défaut de présentation, dans un mémoire distinct et motivé, du moyen visé à l'article précédent peut être opposée sans qu'il soit fait application des articles R. 611-7 et R. 612-1 ".

15. Si Mme B soutient que les décisions du 15 septembre 2021 et du 26 mai 2023 méconnaissent les articles 1er, 4, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, le droit à la santé énoncé au 11ème alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 5 de la charte de l'environnement, l'article 66 de la Constitution ainsi que les principes constitutionnels des droits de la défense, d'égalité, de précaution, de respect de l'intégrité physique et du corps humain, de la liberté d'entreprendre, de la liberté du commerce et de l'industrie et de continuité du service public, elle conteste en réalité, ce faisant, le principe même de l'obligation vaccinale posé par la loi du 5 août 2021. Or, ces moyens tirés de l'inconstitutionnalité de cette loi n'ont pas été présentés dans un mémoire distinct conformément aux dispositions précitées. Ils sont par suite irrecevables et ne peuvent dès lors qu'être écartés.

S'agissant du respect du droit international :

16. La requérante soutient, d'abord, que la décision du 26 mai 2022 méconnaîtrait les articles 2, 5 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce qu'elle porterait atteinte au droit à la vie, à la liberté, au respect de la vie privée et familiale, ensuite, qu'elle constituerait une discrimination prohibée pour l'application de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 1er du protocole n° 12 à ladite convention et du règlement (UE) n° 2021/953 du 14 juin 2021 et, enfin, qu'elle serait contraire à la liberté d'entreprendre prévue à l'article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

17. En premier lieu, le moyen tiré de la violation du principe d'égalité de traitement garanti par les stipulations du protocole n° 12 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant, ledit protocole n'ayant été ni signé ni ratifié par la France.

18. En deuxième lieu, il résulte des termes de l'article 51 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne que "1. Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union. En conséquence, ils respectent les droits, observent les principes et en promeuvent l'application, conformément à leurs compétences respectives et dans le respect des limites des compétences de l'Union telles qu'elles lui sont conférées dans les traités. /2. La présente Charte n'étend pas le champ d'application du droit de l'Union au-delà des compétences de l'Union, ni ne crée aucune compétence ni aucune tâche nouvelle pour l'Union et ne modifie pas les compétences et tâches définies dans les traités. ". Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 16 de la charte précitée est inopérant en ce qu'il concerne des dispositions qui ne sont pas opposables à une mesure de droit interne.

19. En troisième lieu, aux termes de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi ".

20. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que les vaccins contre la covid-19 administrés en France ont fait l'objet d'une autorisation conditionnelle de mise sur le marché de l'Agence européenne du médicament qui procède à un contrôle strict des vaccins afin de garantir que ces derniers répondent aux normes européennes en matière de sécurité, d'efficacité et de qualité et soient fabriqués et contrôlés dans des installations agréées et certifiées. Contrairement à ce qui est soutenu, les vaccins ne sauraient dès lors être regardés comme en phase expérimentale. D'autre part, si la requérante fait valoir que la limitation des possibilités de contre-indications individuelles porterait une atteinte potentielle à ce droit, compte tenu des risques révélés par les données de pharmacovigilance, de tels éléments ne sont pas de nature à caractériser un danger de cette nature. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

21. En quatrième lieu, il ne saurait être utilement invoquée la méconnaissance de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui consacre le droit à la liberté et à la sureté et n'est pas applicable au présent litige. Par suite, le moyen doit être écarté.

22. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

23. Le droit à l'intégrité physique fait partie du droit au respect de la vie privée au sens de ces stipulations, telles que la Cour européenne des droits de l'homme les interprète. Une vaccination obligatoire constitue une ingérence dans ce droit, qui peut être admise si elle remplit les conditions du paragraphe 2 de l'article 8 et, notamment, si elle est justifiée par des considérations de santé publique et proportionnée à l'objectif poursuivi. Il doit ainsi exister un rapport suffisamment favorable entre, d'une part, la contrainte et le risque présentés par la vaccination pour chaque personne vaccinée et, d'autre part, le bénéfice qui en est attendu tant pour cet individu que pour la collectivité dans son entier, y compris ceux de ses membres qui ne peuvent être vaccinés en raison d'une contre-indication médicale, compte tenu à la fois de la gravité de la maladie, de son caractère plus ou moins contagieux, de l'efficacité du vaccin et des risques ou effets indésirables qu'il peut présenter.

24. D'une part, l'article 12 de la loi du 5 août 2021 a défini le champ de l'obligation de vaccination contre la covid-19 en retenant, notamment, un critère géographique pour y inclure les personnes exerçant leur activité dans un certain nombre d'établissements, principalement les établissements de santé et des établissements sociaux et médico-sociaux, ainsi qu'un critère professionnel pour y inclure les professionnels de santé afin, à la fois, de protéger les personnes accueillies par ces établissements qui présentent une vulnérabilité particulière au virus de la covid-19 et d'éviter la propagation du virus par les professionnels de santé dans l'exercice de leur activité qui, par nature, peut les conduire à soigner des personnes vulnérables ou ayant de telles personnes dans leur entourage. Il s'ensuit que, eu égard à l'objectif de santé publique poursuivi et alors même qu'aucune dérogation personnelle à l'obligation de vaccination n'est prévue en dehors des cas de contre-indication, l'obligation vaccinale pesant sur le personnel exerçant dans un établissement de santé, qui ne saurait être regardée comme incohérente et disproportionnée au regard de l'objectif de santé publique poursuivi, ne méconnaît pas le droit à l'intégrité physique garanti par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

25. D'autre part, l'article 13 de la même loi prévoit que l'obligation de vaccination ne s'applique pas aux personnes qui présentent un certificat médical de contre-indication ainsi que, pendant la durée de sa validité, aux personnes disposant d'un certificat de rétablissement. Le champ de cette obligation apparaît ainsi cohérent et proportionné au regard de l'objectif de santé publique poursuivi alors même que l'obligation ne concerne pas l'ensemble de la population mais seulement les professionnels qui se trouvent dans une situation qui les expose particulièrement au virus et au risque de le transmettre aux personnes les plus vulnérables à ce virus.

26. Enfin, à la lecture du III de l'article 14 de la loi du 5 août 2021, la période de suspension, à laquelle il est loisible à l'agent de mettre fin, n'est pas indéfinie et le préjudice financier en résultant n'est pas, à lui seul, suffisamment grave pour caractériser une méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

27. Ainsi, contrairement à ce qui est soutenu dans la requête, ni l'obligation vaccinale instituée par la loi du 5 août 2021, ni les décisions attaquées n'ont porté d'atteinte disproportionnée au droit de mener une vie privée et familiale normale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

28. En sixième lieu, au regard de ce qui a été dit aux points précédents, les requêtes se bornant à soutenir qu'une discrimination est instituée entre les personnels vaccinés et non vaccinés, les dispositions de la loi du 5 août 2021 ne créent aucune discrimination prohibée par l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. De surcroît, l'établissement hospitalier se limitant à constater que l'agent ne remplit pas ses conditions d'exercice ne peut être regardé comme prenant une mesure discriminatoire. Il s'ensuit que ce moyen doit être écarté.

29. En septième lieu, il ressort de l'objet même de ce règlement (UE) n° 2021/953 du 14 juin 2021 relatif à un cadre pour la délivrance, la vérification et l'acceptation de certificats COVID-19 interopérables de vaccination, de test et de rétablissement afin de faciliter la libre circulation pendant la pandémie de COVID-19, qu'il ne concerne que le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres. Par suite, le moyen tiré de sa méconnaissance est inopérant.

30. En huitième et dernier lieu, alors qu'ainsi qu'il a été dit au point 12, les décisions litigieuses ne constituent pas des sanctions, Mme B n'est pas fondée à soutenir qu'elles méconnaissent le droit au procès équitable tel que garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

S'agissant de la durée de validité du certificat de rétablissement :

31. Aux termes du 3° de l'article 2-2 du décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire, dans sa version applicable au jour de la décision attaquée du 26 mai 2022, soit celle du décret

n° 2022-176 du 14 février 2022 : " un certificat de rétablissement à la suite d'une contamination par la covid-19 est délivré sur présentation d'un document mentionnant un résultat positif à un examen de dépistage RT-PCR ou à un test antigénique réalisé plus de onze jours auparavant. Sa durée de validité est fixée à quatre mois pour l'application des articles 47-1 et 49-1 et à six mois pour l'application du titre 2 bis, à compter de la date de réalisation de l'examen ou du test mentionné à la phrase précédente ".

32. Les dispositions du décret n° 2022-176 du 14 février 2022 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire ont notamment réduit, à compter du 15 février 2022, de six à quatre mois la durée de validité des certificats de rétablissement en cours de validité à cette date, lorsque ces certificats étaient présentés pour l'application des article 47-1 et 49-1 du décret du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire. Le principe de non-rétroactivité des actes administratifs ne fait pas obstacle à l'application immédiate des dispositions réglementaires modifiant la durée de validité du certificat de rétablissement, laquelle ne constitue pas un droit acquis pour les personnes possédant un tel document.

33. Il résulte de ce qui précède que Mme B n'est pas fondée à se prévaloir de la durée de validité initiale du certificat fixée à six mois aux termes du 3° de l'article 2-2 du décret du 1er juin 2021 dans sa version antérieure au 14 février 2022, ni à soutenir qu'en appliquant les dispositions du 3° de l'article 2-2 du décret du 1er juin 2021 dans leur rédaction issue du décret du 14 février 2022, la décision attaquée aurait été prise en méconnaissance du principe de non-rétroactivité des actes administratifs ou qu'elle aurait implicitement procédé au retrait du certificat initial de rétablissement qui, au demeurant, ne constitue pas une décision individuelle créatrice de droits dont le retrait serait illégal.

S'agissant de l'application des lois n° 83-634 du 13 juillet 1983 et n° 86-33 du 9 janvier 1986 :

34. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 12, les moyens tirés de ce que les décisions des 15 septembre 2021 et 26 mai 2022 constitueraient une mesure de suspension à titre conservatoire au sens de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 sans en respecter les conditions, ou une sanction disciplinaire déguisée édictées sans respecter l'échelle des sanctions prévue par l'article 81 la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986, ne peuvent, en tout état de cause, qu'être écartés.

S'agissant du respect des conditions entourant l'édiction d'une mesure de police :

35. La décision du 26 mai 2022, qui est une mesure de suspension d'un agent public ne satisfaisant pas aux obligations légales prévues par la loi du 5 août 2021, n'a pas le caractère d'une mesure de police prise sur le fondement de l'article L. 6143-7 du code de la santé publique. Par suite, le moyen tiré de ce que la mesure litigieuse n'est pas justifiée, nécessaire et proportionnée au regard desdites dispositions, qui est inopérant, doit être écarté.

S'agissant du respect du secret médical :

36. Si Mme B soutient que l'intervention de la décision du 26 mai 2022 révèle nécessairement un échange d'informations protégées par le secret médical, les dispositions de l'article 13 de la loi du 5 août 2021 attribuent aux employeurs le pouvoir de contrôler le respect de l'obligation vaccinale prévue au I de l'article 12 de cette même loi par les personnes placées sous leur responsabilité, dont Mme B. Ainsi, le centre hospitalier employeur de la requérante, pouvait sans méconnaître le secret médical contrôler le respect par cette dernière de l'obligation vaccinale à laquelle elle est assujettie. Le moyen doit donc être écarté.

S'agissant du droit au consentement et du respect de l'intégrité physique :

37. Si Mme B invoque la contrariété de la décision du 26 mai 2022 avec les articles 16-1 et 16-3 du code civil et l'article L. 1111-4 du code de la santé publique, il ressort de ses écritures qu'elle conteste en réalité dans son principe, l'obligation vaccinale prévue par les dispositions de la loi du 5 août 2021. Ainsi, Mme B ne peut invoquer la contrariété de cette loi aux articles précités, qui n'ont pas un rang inférieur au sien dans la hiérarchie des normes, dès lors qu'il n'appartient pas au juge administratif de contrôler la cohérence des dispositions législatives entre elles, ni de se prononcer sur l'opportunité de leur contenu. En outre, et en tout état de cause, il est constant qu'aucun traitement médical ne lui a été administré et, notamment, qu'elle n'a pas été contrainte de subir une injection de vaccin contre la covid-19 mais a seulement été suspendue de ses fonctions pour s'être soustraite à l'obligation vaccinale prévue par la loi. Par suite, le moyen doit être écarté.

S'agissant du respect de l'article L. 3111-1 du code de la santé publique :

38. Aux termes de l'article L. 3111-1 du code de la santé publique : " La politique de vaccination est élaborée par le ministre chargé de la santé qui fixe les conditions d'immunisation, énonce les recommandations nécessaires et rend public le calendrier des vaccinations après avis de la Haute Autorité de santé. / Un décret peut, compte tenu de l'évolution de la situation épidémiologique et des connaissances médicales et scientifiques, suspendre, pour tout ou partie de la population, les obligations prévues aux articles L. 3111-2 à L. 3111-4, L. 3111-6 et L. 3112-1. () ".

39. Si Mme B se prévaut du deuxième alinéa de cet article, celui-ci n'est, en tout état de cause, applicable qu'aux vaccinations prévues par les articles L. 3111-2 à L. 3111-4, L. 3111-6 et L. 3112-1 du code de la santé publique et ne concerne pas la vaccination obligatoire des professionnels de la santé instituée par la loi du 5 août 2021. Par suite, le moyen qui est inopérant ne peut qu'être écarté.

S'agissant du respect de l'article L. 1132-1 du code du travail :

40. Les dispositions de l'article L. 1132-1 du code du travail ne sont pas applicables à la situation d'un agent public, en vertu de l'article L. 1131-1 du même code. Le moyen tiré de leur méconnaissance dirigé contre la décision du 15 septembre 2021 doit ainsi être écarté comme inopérant.

S'agissant de la situation de congé maladie de Mme B :

41. Aux termes de l'article 10 du décret du 6 février 1991 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de la fonction publique hospitalière : " L'agent contractuel en activité bénéficie, sur présentation d'un certificat médical, de congés de maladie pendant une période de douze mois consécutifs ou, en cas de service discontinu, au cours d'une période comprenant trois cents jours de services effectifs () ".

42. Il résulte des dispositions citées aux points 3 et 41 que si le directeur d'un établissement de santé public peut légalement prendre une mesure de suspension à l'égard d'un agent qui ne satisfait pas à l'obligation vaccinale contre la covid-19 alors que cet agent est déjà en congé de maladie, cette mesure et la suspension de traitement qui lui est associée ne peuvent toutefois entrer en vigueur qu'à compter de la date à laquelle prend fin le congé de maladie de l'agent en question.

43. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de prise d'effet de la décision en litige, le 26 mai 2022, Mme B était en arrêt de travail pour cause de maladie depuis le 17 février 2022 et que cet arrêt de travail s'est poursuivi de manière continue et a été renouvelé en dernier lieu le 1er juillet 2022 jusqu'au 31 août 2022. Dans ces conditions, la requérante est fondée à soutenir que la décision du 26 mai 2022 est entachée d'illégalité en tant qu'elle porte sur la période allant du 26 mai au 31 août 2022.

44. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B est seulement fondée à demander l'annulation de la décision du 26 mai 2022 en tant qu'elle concerne la période du 26 mai 2022 au 31 août 2022. Les conclusions à fin d'annulation de la décision du 15 septembre 2021 doivent quant à elle être rejetées.

Sur les conclusions subsidiaires à fin d'abrogation :

45. Lorsqu'il est saisi de conclusions tendant à l'annulation d'un acte réglementaire, le juge de l'excès de pouvoir apprécie la légalité de cet acte à la date de son édiction. S'il le juge illégal, il en prononce l'annulation. Ainsi, saisi de conclusions à fin d'annulation recevables, le juge peut également l'être, à titre subsidiaire, de conclusions tendant à ce qu'il prononce l'abrogation du même acte au motif d'une illégalité résultant d'un changement de circonstances de droit ou de fait postérieur à son édiction, afin que puissent toujours être sanctionnées les atteintes illégales qu'un acte règlementaire est susceptible de porter à l'ordre juridique. Il statue alors prioritairement sur les conclusions à fin d'annulation. Dans l'hypothèse où il ne ferait pas droit aux conclusions à fin d'annulation et où l'acte n'aurait pas été abrogé par l'autorité compétente depuis l'introduction de la requête, il appartient au juge, dès lors que l'acte continue de produire des effets, de se prononcer sur les conclusions subsidiaires. Le juge statue alors au regard des règles applicables et des circonstances prévalant à la date de sa décision. S'il constate, au vu des échanges entre les parties, un changement de circonstances tel que l'acte est devenu illégal, le juge en prononce l'abrogation. Il peut, eu égard à l'objet de l'acte et à sa portée, aux conditions de son élaboration ainsi qu'aux intérêts en présence, prévoir dans sa décision que l'abrogation ne prend effet qu'à une date ultérieure qu'il détermine.

46. Toutefois, alors que la décision du 26 mai 2022 en litige a le caractère d'un acte individuel, les règles énoncées au point ci-dessus, qui ne valent que pour les actes à caractère réglementaire, ne sauraient être utilement invoquées à l'appui des conclusions de la requête à fin d'abrogation.

47. En tout état de cause, la décision du 26 mai 2022 a cessé de produire des effets à compter de la date de fin de contrat de Mme B le 13 septembre 2022 à l'issue de son préavis à la suite de sa démission présentée le 13 juillet 2022.

48. Ainsi les conclusions subsidiaires présentées à fin d'abrogation ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

49. Eu égard à la portée de l'annulation prononcée par le présent jugement, l'exécution de celui-ci implique nécessairement, au sens de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, que le groupe hospitalier public du sud de l'Oise procède à la régularisation de la situation administrative et financière de la requérante pour la période allant du 26 mai au 31 août 2022, en tenant compte des indemnités journalières perçues à la même période. Il y a lieu de lui adresser une injonction en ce sens et de lui impartir un délai de deux mois pour s'y conformer, sans qu'il soit utile d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

50. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par le groupe hospitalier public du sud de l'Oise, qui est partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application de ces mêmes dispositions et de mettre à la charge du groupe hospitalier public du sud de l'Oise le versement à Mme B de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

 

 

 

D É C I D E :

Article 1er : La décision du 26 mai 2022 par laquelle le groupe hospitalier public du sud de l'Oise a suspendu Mme B de ses fonctions sans rémunération est annulée en tant qu'elle concerne la période du 26 mai 2022 au 31 août 2022.

Article 2 : Il est enjoint au directeur du groupe hospitalier public du sud de l'Oise de procéder, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement, à la régularisation de la situation administrative et financière de Mme B pour la période allant du 26 mai 2022 au 31 août 2022.

Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes n°s 2103217 et n° 2202695 sont rejetés.

Article 4 : Les conclusions du groupe hospitalier public du sud de l'Oise présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à Mme A B et au groupe hospitalier public du sud de l'Oise.

Délibéré après l'audience du 18 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Galle, présidente,

Mme Pierre, première conseillère,

M. Menet, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2023.

La rapporteure,

Signé

A-L. Pierre

La présidente,

Signé

C. Galle

La greffière,

Signé

A. Ribière

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°s 2103217 et 2202695

Code publication

C