Cour de cassation

Arrêt du 19 décembre 2023 n° 23-40.013

19/12/2023

Renvoi

CIV. 2

COUR DE CASSATION

LM

______________________

QUESTION PRIORITAIRE

de

CONSTITUTIONNALITÉ

______________________

Audience publique du 19 décembre 2023

RENVOI

Mme MARTINEL, président

Arrêt n° 1300 F-D

Affaire n° T 23-40.013

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 DÉCEMBRE 2023

Le tribunal judiciaire de Paris a transmis à la Cour de cassation, suite à l'ordonnance rendue le 14 septembre 2023, la question prioritaire de constitutionnalité, reçue le 21 septembre 2023, dans l'instance mettant en cause :

D'une part,

la société [3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],

D'autre part,

l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) d'Ile-de-France, département des contentieux amiables et judiciaires, dont le siège est [Adresse 2].

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rovinski, conseiller, et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 12 décembre 2023 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Rovinski, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, Mme Tuffreau, avocat général référendaire, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. La société [3] (la société) a fait l'objet d'un contrôle portant sur les années 2013 et 2014, à l'issue duquel l'URSSAF d'Ile-de-France a formulé des observations quant aux modalités de recouvrement des redevances perçues par les mannequins affiliés à la sécurité sociale française mais non-résidents fiscalement en France.

2. Estimant avoir payé à tort une somme au titre de la cotisation spécifique maladie majorée afférente aux années 2012 à 2014, la société a saisi de recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité

3. Par ordonnance du 14 septembre 2023, parvenue au greffe de la Cour le 21 septembre 2023, le tribunal judiciaire de Paris a transmis une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :

« Les dispositions de la troisième phrase de l'article L. 131-9 du code de la sécurité sociale portent-elles atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, précisément :

1° Le principe de sécurité juridique trouvant son fondement à l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

2° Les principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ? »

Examen de la question prioritaire de constitutionnalité

4. Les dispositions contestées sont applicables au litige, qui concerne l'application de taux particuliers de cotisations d'assurance maladie, maternité, invalidité et décès aux redevances mentionnées aux IV et V de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, et versées aux mannequins qui ne remplissent pas la condition de résidence fiscale fixée au I du même article.

5. En ce qu'elles portent sur la troisième phrase du second alinéa de l'article L. 131-9 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011, elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

6. La question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.

7. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2019-806 QPC du 4 octobre 2019, statuant sur la constitutionnalité de la première phrase du second alinéa de l'article L. 131-9 du code de la sécurité sociale, qui soumet les assurés sociaux, n'étant pas des résidents fiscaux en France, à des taux particuliers de cotisations d'assurance maladie, maternité, invalidité et décès applicables à leurs revenus d'activité et de remplacement, a déclaré les dispositions de ce texte conformes à la Constitution sous réserve qu'elles ne soient pas interprétées comme autorisant le pouvoir réglementaire à retenir des taux particuliers de cotisations sociales de nature à créer des ruptures caractérisées de l'égalité dans la participation des assurés sociaux au financement des régimes d'assurance maladie dont ils relèvent.

8. Les dispositions critiquées, qui soumettent les artistes du spectacle et les mannequins exerçant leur activité en France à des taux particuliers de cotisations d'assurance maladie, maternité, invalidité et décès, applicables aux redevances mentionnées aux IV et V de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, ayant la nature de revenus du patrimoine, qu'ils perçoivent, selon qu'ils résident ou non en France, introduisent une différence de traitement entre eux et sont susceptibles de faire l'objet d'une réserve d'interprétation.

9. Dès lors, la question présente un caractère sérieux, au regard des exigences des principes de sécurité juridique, d'égalité devant la loi et les charges publiques garantis par les articles 2, 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789.

10. En conséquence, il y a lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

RENVOIE au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf décembre deux mille vingt-trois.

Open data