Conseil d'Etat

Ordonnance du 14 décembre 2023 n° 488575

14/12/2023

Non renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

M. A B a demandé au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 17 novembre 2022 par laquelle la présidente de la formation du parquet et le président de la formation du siège de la commission d'admission des requêtes du conseil supérieur de la magistrature ont rejeté sa plainte déposée le 4 avril 2022 à l'encontre de plusieurs magistrats. Par une ordonnance n° 470478 du 13 mars 2023, la présidente de la 6ème chambre de la section du contentieux du Conseil d'Etat a rejeté sa requête.

Par une ordonnance n° 474928 du 17 juillet 2023, le président de la 7ème chambre de la section du contentieux du Conseil d'Etat a rejeté le recours en révision et en rectification pour erreur matérielle présenté par M. B contre l'ordonnance du 13 mars 2023 ainsi que sa demande tendant au renvoi au Conseil constitutionnel d'une question prioritaire de constitutionnalité.

Par une requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 15 septembre 2023, M. B doit être regardé comme demandant au Conseil d'Etat de réviser et de rectifier pour erreur matérielle cette ordonnance du 17 juillet 2023.

Par un mémoire distinct, enregistré le 15 septembre 2023, M. B demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de diverses dispositions de la Constitution, de l'ordonnance n° 58-1270, de l'ordonnance n° 58-1067, du code de justice administrative, du code civil et du code pénal.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article R. 122-12 du code de justice administrative : " () les présidents de chambre () peuvent, par ordonnance : () / 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé () ".

2. Aux termes de l'article R. 833-1 du même code : " Lorsqu'une décision d'une cour administrative d'appel ou du Conseil d'Etat est entachée d'une erreur matérielle susceptible d'avoir exercé une influence sur le jugement de l'affaire, la partie intéressée peut introduire devant la juridiction qui a rendu la décision un recours en rectification () ". Aux termes de l'article R. 834-1 de ce code : " Le recours en révision contre une décision contradictoire du Conseil d'Etat ne peut être présenté que dans trois cas : / 1° Si elle a été rendue sur pièces fausses ; / 2° Si la partie a été condamnée faute d'avoir produit une pièce décisive qui était retenue par son adversaire ; / 3° Si la décision est intervenue sans qu'aient été observées les dispositions du présent code relatives à la composition de la formation de jugement, à la tenue des audiences ainsi qu'à la forme et au prononcé de la décision ".

3. En premier lieu, une décision du Conseil d'Etat, statuant au contentieux n'est pas susceptible d'appel mais seulement, de la part d'une partie présente dans l'instance ayant abouti à cette décision, du recours en rectification d'erreur matérielle et du recours en révision prévus aux articles R. 833-1 et R. 834-1 du code de justice administrative, cités au point 2 ci-dessus. Il en résulte que le recours de M. B contre l'ordonnance de la présidente de la 6ème chambre de la section du contentieux ne pouvait, contrairement à ce qu'il soutient, s'analyser comme une requête d'appel, mais seulement comme un recours en révision et en rectification pour erreur matérielle, ainsi que l'a jugé le président de la 7ème chambre par l'ordonnance attaquée par le présent recours. Il ne peut qu'en aller de même pour ce dernier recours.

4. En deuxième lieu, l'objet des recours en révision et en rectification d'erreur matérielle à l'encontre d'une décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux n'est pas de remettre en question l'appréciation d'ordre juridique portée par ce dernier sur les mérites de la cause qui lui était soumise. Dès lors, ne peuvent être regardées comme applicables au présent litige les dispositions dont M. B demande le renvoi au Conseil constitutionnel. Par suite, il n'y a pas plus lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B dans le cadre de la présente instance qu'il n'y avait lieu de le faire dans le cadre de l'instance ayant conduit à l'ordonnance attaquée.

5. En troisième lieu, M. B conteste l'appréciation, par l'auteur de l'ordonnance du 17 juillet 2023, du moyen tiré de l'absence de signature de l'ordonnance du 13 mars 2023, et du moyen tiré de l'erreur commise par l'auteur de cette première ordonnance en regardant l'acte attaqué comme insusceptible de recours, ainsi que son appréciation des mérites des moyens soulevés devant lui et, par suite, des conditions l'habilitant à se prononcer par ordonnance en application des dispositions de l'article R. 122-12 du code de justice administrative citées au point 1. Ces moyens tendent à contester le bien-fondé de l'ordonnance du président de la 7ème chambre et ne peuvent, dès lors, être utilement invoqués à l'appui d'un recours en révision ou en rectification d'erreur matérielle.

6. En quatrième lieu, de première part, il ne ressort pas des pièces du dossier de la procédure que l'ordonnance par laquelle la clôture de l'instruction a été fixée au 4 juillet 2023 n'aurait pas été signée à la date du 27 juin 2023 qu'elle mentionne mais à une date postérieure. De deuxième part, si M. B soutient que l'auteur de l'ordonnance attaquée aurait irrégulièrement statué en ne rouvrant pas l'instruction à la suite de l'enregistrement du mémoire qu'il a produit après la clôture de l'instruction, il ne fait valoir aucune des circonstances qui eussent imposé une telle réouverture de l'instruction. De troisième part, il ressort des pièces du dossier que la minute de l'ordonnance attaquée a été signée par le président de la 7ème chambre du contentieux du Conseil d'Etat, contrairement à ce que soutient M. B.

7. En cinquième lieu, tout d'abord, il ne saurait résulter du visa, par l'ordonnance attaquée, du mémoire distinct et des deux nouveaux mémoires par lesquels M. B a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité que l'auteur de cette ordonnance aurait omis d'analyser ces mémoires. Il ne résulte, ensuite, d'aucune règle ni d'aucun principe que les mémoires adressés par la voie postale au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat devraient y être enregistrés à leur date d'envoi et non à la date à laquelle ils y sont reçus. M. B n'est par suite pas fondé à soutenir que l'enregistrement au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le 7 juillet 2023, postérieurement à la clôture de l'instruction, du mémoire qu'il a posté le 4 juillet précédent serait entaché d'une erreur matérielle. Si, enfin, M. B soutient que l'ordonnance du 17 juillet 2023 serait entachée d'insuffisance de motivation, d'une part, il ne fait valoir aucun moyen opérant sur lequel cette ordonnance aurait omis de se prononcer, et, d'autre part, il ne précise pas, en tout état de cause, les mesures d'instruction qu'il aurait demandées et sur lesquelles il n'aurait pas été statué.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la requête formée par M. B, qui ne comporte que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé, ne peut qu'être rejetée.

9. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros ". La requête de M. B présente un caractère abusif. Il y a lieu de lui infliger, en application de ces dispositions, une amende de 3 000 euros

ORDONNE :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B.

Article 2 : La requête de M. B est rejetée.

Article 3 : M. B est condamné à verser une amende pour recours abusif de 3 000 euros.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A B et au directeur départemental des finances publiques des Hauts-de-Seine.

Fait à Paris, le

La présidente : Anne Egerszegi

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :

Code publication

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