Conseil d'Etat

Décision du 14 décembre 2023 n° 468139

14/12/2023

Non renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 10 octobre 2022 et le 12 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération de l'hospitalisation privée - Psychiatrie demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision par laquelle la Première ministre a implicitement rejeté sa demande d'abrogation du décret n° 2021-1255 du 29 septembre 2021 relatif à la réforme du financement des activités de psychiatrie ;

2°) d'enjoindre à la Première ministre d'abroger ce décret ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 34 et 61-1 ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la décision 2012/21/UE de la Commission du 20 décembre 2011 ;

- le code de commerce ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le décret n° 2022-1775 du 31 décembre 2022 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Luc Matt, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Le 2° de l'article L. 162-22 du code de la sécurité sociale prévoit que figurent, parmi les activités des établissements de santé qu'il régit, les activités de psychiatrie. Aux termes de l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale : " I.- Chaque année, est défini un objectif de dépenses d'assurance maladie afférent aux activités mentionnées au 2° de l'article L. 162-22 qui sont exercées par les établissements de santé mentionnés à l'article L. 162-22-6. Cet objectif est constitué du montant annuel des charges supportées par les régimes obligatoires d'assurance maladie afférentes aux frais d'hospitalisation et de prise en charge au titre des soins dispensés au cours de l'année dans le cadre de ces activités. Le contenu de cet objectif est défini par décret. / Le montant de cet objectif est fixé chaque année par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale en fonction de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie. / Ce montant prend en compte les évolutions de toute nature à la suite desquelles des établissements, des services ou des activités sanitaires ou médico-sociaux se trouvent placés, pour tout ou partie, sous un régime juridique ou de financement différent de celui sous lequel ils étaient placés auparavant, notamment celles relatives aux conversions d'activité. Il peut être corrigé en fin d'année pour prendre en compte les évolutions constatées en cours d'année. / Un décret en Conseil d'Etat précise les éléments pris en compte pour la détermination de cet objectif. / II.- L'objectif défini au I est constitué en dotations dont le montant est fixé par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale. Il comprend : / 1° Une dotation populationnelle, dont le montant tient compte des besoins de la population, des caractéristiques de l'offre de soins hospitalière et extrahospitalière et des projets de développement de nouvelles activités ; / 2° Des dotations complémentaires, dont le montant tient compte de l'activité hospitalière et extrahospitalière des établissements et de leurs missions spécifiques. Un décret en Conseil d'Etat détermine les catégories de dotations complémentaires ; / 3° La dotation prévue à l'article L. 162-23-15 pour les activités mentionnées au 2° de l'article L. 162-22. / III.- La dotation populationnelle est répartie entre les régions en tenant compte des critères sociaux et démographiques et des besoins de la population, des caractéristiques de l'offre de soins hospitalière et extrahospitalière et de l'offre médico-sociale sur le territoire, notamment le nombre d'établissements par région pour chacune des catégories d'établissements mentionnées à l'article L. 162-22-6 ainsi que du projet régional de santé, de ses déclinaisons territoriales et des orientations des schémas interrégionaux. / La répartition de la dotation populationnelle entre régions a pour objectif de réduire progressivement les inégalités dans l'allocation de ressources entre les régions. Un arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale précise les modalités et la trajectoire de réduction de ces inégalités. / Le montant des dotations régionales issues de la dotation populationnelle est fixé par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, après avis des organisations nationales les plus représentatives des établissements de santé. / IV.- Un décret en Conseil d'Etat détermine les catégories de prestations pour exigence particulière des patients, sans fondement médical, qui donnent lieu à facturation sans prise en charge par les régimes obligatoires de sécurité sociale. "

2. Aux termes de l'article L. 162-22-19 du même code : " I.- Les activités mentionnées au 2° de l'article L. 162-22 exercées par les établissements mentionnés à l'article L. 162-22-6 sont financées par: / 1° Une dotation résultant de la répartition de la dotation populationnelle mentionnée au II de l'article L. 162-22-18, tenant compte de la contribution de l'établissement à la réponse aux besoins de santé du territoire tels que définis dans le projet territorial de santé mentale ; / 2° Des dotations tenant compte de l'activité de l'établissement et, le cas échéant, des missions spécifiques qu'il assure ou auxquelles il participe ; / 3° La dotation prévue à l'article L. 162-23-15, lorsque l'établissement atteint des résultats évalués à l'aide d'indicateurs liés à la qualité et la sécurité des soins, mesurés tous les ans par établissement ; / 4° Le cas échéant, des crédits issus de la dotation mentionnée à l'article L. 162-22-13 pour le financement des activités de recherche en psychiatrie. / II.- Le montant de ces dotations est fixé annuellement par l'État pour chaque établissement. Ce montant est établi : / 1° Pour la dotation mentionnée au 1° du I, en fonction de critères définis au niveau régional après avis des associations d'usagers et de représentants des familles ainsi que des organisations nationales représentatives des établissements de santé en région. Ces critères peuvent faire l'objet d'un encadrement par décret en Conseil d'État ; / 2° Pour les dotations mentionnées au 2° du même I, en fonction de critères fixés par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale liés à la nature, au volume et à l'évolution de ses activités et, le cas échéant, à ses missions spécifiques ; / 3° Pour la dotation mentionnée au 3° dudit I, selon des modalités de calcul fixées par arrêté dans les conditions prévues à l'article L. 162-23-15 ; / 4° Pour la dotation mentionnée au 4° du même I, dans les conditions prévues à l'article L. 162-22-14. / Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'État. "

3. Sur le fondement des articles L. 162-18 et L. 162-19 du code de la sécurité sociale, le décret du 29 septembre 2021 relatif à la réforme du financement des activités de psychiatrie prévoit, à son article 1er modifiant la partie réglementaire du code de la sécurité sociale, d'une part, la composition de la section dédiée, au sein du comité consultatif d'allocation des ressources placé auprès de chaque agence régionale de santé, à l'activité de psychiatrie et les conditions dans lesquelles cette section émet un avis sur l'allocation des ressources à cette activité et, d'autre part, les éléments pris en compte pour la fixation du montant annuel de l'objectif de dépenses d'assurance maladie afférent aux activités de psychiatrie ainsi que les conditions selon lesquelles sont déterminées les différentes dotations entre lesquelles il prévoit que ce montant est réparti. L'article 2 de ce décret organise, au cours d'une période transitoire qu'il définit, un dispositif visant à compenser, pour les établissements exerçant l'activité de psychiatrie, la suppression des anciennes modalités de financement par facturation à l'acte. La Fédération de l'hospitalisation privée - Psychiatrie demande l'annulation de la décision par laquelle la Première ministre a implicitement rejeté sa demande d'abrogation de ce décret.

Sur l'exception de non-lieu opposée par le ministre de la santé et de la prévention :

4. En premier lieu, l'effet utile de l'annulation pour excès de pouvoir du refus d'abroger un acte réglementaire illégal réside dans l'obligation, que le juge peut prescrire d'office en vertu des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, pour l'autorité compétente, de procéder à l'abrogation de cet acte afin que cessent les atteintes illégales que son maintien en vigueur porte à l'ordre juridique. Il s'ensuit que lorsque l'acte réglementaire dont l'abrogation est demandée cesse de recevoir application avant que le juge, saisi d'un recours pour excès de pouvoir contre le refus de l'abroger, ait statué, ce recours perd son objet.

5. En l'espèce, d'une part, les I à III de l'article 2 du décret attaqué déterminent les dispositions transitoires selon lesquelles est opéré le financement des établissements exerçant une activité de psychiatrie pour l'année 2022. D'autre part, les dispositions du IV du même article, définissant des dispositions transitoires pour la période du 1er janvier 2023 au 31 décembre 2025 portant sur le montant cumulé annuel minimal de " dotation populationnelle " et de dotation relative à la " file active " garanti à chaque établissement à périmètre d'autorisations d'activités et de capacités constantes, ont été, de même que celles du VI de cet article, modifiées par le décret du 31 décembre 2022 modifiant certaines dispositions relatives au financement des établissements de santé, dont la fédération requérante ne peut utilement, dès lors qu'il est devenu définitif par l'effet du rejet par la décision rendue le même jour de son recours pour excès de pouvoir, soutenir qu'il ne pourrait en raison de son illégalité priver d'objet les conclusions dirigées contre le refus d'abroger les dispositions qu'il a modifiées.

6. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que les conclusions de la fédération requérante dirigées contre le refus d'abroger les dispositions de l'article 2 du décret attaqué sont, dès lors qu'elles ont cessé de recevoir application, devenues sans objet.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

7. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé () à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat () ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

8. A l'appui de son recours tendant à l'annulation du refus de la Première ministre d'abroger le décret du 29 septembre 2021 relatif à la réforme du financement des activités de psychiatrie, la Fédération de l'hospitalisation privée - Psychiatrie soutient que les articles L. 162-22-18 et L. 162-22-19 du code de la sécurité sociale, bases légales de ce décret, sont contraires à la liberté d'entreprendre, à la liberté contractuelle et à l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé, sont entachés d'incompétence négative et portent atteinte à la garantie des droits prévue par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

9. En premier lieu, il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle qui découlent de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi.

10. L'instauration, par les dispositions législatives contestées, d'un objectif de dépenses d'assurance maladie afférent aux activités de psychiatrie des établissements de santé constitué en dotations a notamment pour but d'assurer une meilleure répartition sur le territoire du financement de ces dépenses entre l'ensemble des établissements exerçant ces activités en fonction des besoins de la population, tout en maîtrisant l'évolution de son coût pour la sécurité sociale. Elle met ainsi en œuvre les exigences de valeur constitutionnelle qui s'attachent tant à l'équilibre financier de la sécurité sociale qu'à la protection de la santé, en concourant, contrairement à ce qui est soutenu, à un meilleur accès aux soins. En fixant le principe d'un tel mode de financement de ces activités, commun aux différents établissements de santé, le législateur n'a pas porté une atteinte manifestement disproportionnée à la liberté d'entreprendre ou la liberté contractuelle, qu'il a conciliées de manière équilibré avec les exigences précitées.

11. En deuxième lieu, la détermination des modalités du financement des activités de psychiatrie ne relève pas des principes fondamentaux de la sécurité sociale qu'il incombe au législateur de déterminer en vertu de l'article 34 de la Constitution. Ainsi, en renvoyant au pouvoir réglementaire le soin de fixer les principaux critères d'attribution des dotations dont est constitué l'objectif de dépenses d'assurance maladie afférent aux activités de psychiatrie, lesquels, contrairement à ce qui est soutenu, relèvent de telles modalités, le législateur a, en tout état de cause, pleinement exercé la compétence qu'il tient de l'article 34.

12. En dernier lieu, aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ". Il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions. Ce faisant, il ne saurait toutefois priver de garanties légales des exigences constitutionnelles. En particulier, il ne saurait, sans motif d'intérêt général suffisant, ni porter atteinte aux situations légalement acquises, ni remettre en cause les effets qui pouvaient légitimement être attendus de situations nées sous l'empire de textes antérieurs.

13. La modification pour l'avenir des règles de financement des activités de psychiatrie ne porte atteinte à aucune situation légalement acquise. Ni la circonstance que certains établissements ont obtenu des autorisations d'ouverture de lits ou de création d'activité sous l'empire des précédentes règles de financement, ni la signature d'un protocole avec l'Etat dans le cadre de la concertation sur la réforme du financement de la psychiatrie, d'ailleurs postérieur aux dispositions contestées, ne conduisent à estimer que les dispositions contestées ont remis en cause les effets qui pouvaient légitimement être attendus de situations nées sous l'empire des dispositions auxquelles elles se sont substituées.

14. Par suite, la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que les articles L. 162-22-18 et L. 162-22-19 du code de la sécurité sociale portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté.

Sur les autres moyens :

En ce qui concerne la compétence :

15. En premier lieu, il résulte de l'article 21 de la Constitution que le Premier ministre exerce le pouvoir règlementaire.

16. Par suite, d'une part, au 7° de son article 1er, le décret attaqué modifie les dispositions réglementaires du code de la sécurité sociale pour définir, notamment, les conditions selon lesquelles sont déterminées les différentes dotations, dont la " dotation populationnelle ", la dotation relative à la " file active " ou encore la dotation relative à la " qualité du codage ", entre lesquelles il prévoit qu'est réparti le montant annuel de l'objectif de dépenses d'assurance maladie afférent aux activités de psychiatrie. La fédération requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en prévoyant à ce titre, à l'article R. 162-31-1 de ce code, la possibilité, pour les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, de fixer les conditions d'une répartition de la " dotation populationnelle " et de la dotation relative à la " file active " par catégories d'établissements mentionnés à l'article L. 162-22-6 du même code, le décret attaqué serait, faute qu'une disposition législative l'y autorise, entaché d'incompétence ou contraire au principe d'égalité.

17. D'autre part, en vertu des dispositions de l'article L. 162-22-19 du code de la sécurité sociale citées au point 2, les critères en fonction desquels est fixé le montant de celle des dotations qui, finançant annuellement, pour chaque établissement, les activités de psychiatrie, résulte de la répartition de la " dotation populationnelle ", sont définis au niveau régional et peuvent faire l'objet d'un encadrement par décret en Conseil d'Etat. La fédération requérante n'est pas plus fondée à soutenir qu'en prévoyant à ce titre, à l'article R. 162-31-6 du même code, également issues du 7° de l'article 1er du décret attaqué, non seulement les différents éléments pouvant ou ne pouvant être pris en compte par les critères régionaux, mais également que ces critères peuvent être différenciés en fonction des catégories d'établissements mentionnés à l'article L. 162-22-6 de ce code, ce décret serait, faute qu'une disposition législative l'y autorise, entaché d'incompétence ou contraire au principe d'égalité.

18. En deuxième lieu, il résulte également de l'article 21 de la Constitution que le Premier ministre peut déléguer le pouvoir réglementaire aux ministres.

19. D'une part, aux termes du II de l'article R. 162-29-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du 6° de l'article 1er du décret contesté, la section dédiée à l'activité de psychiatrie du comité consultatif d'allocation des ressources " est composée : / 1° De dix représentants des organisations nationales les plus représentatives des établissements de santé publics et privés désignés par celles-ci dans les conditions suivantes : / a) Le nombre de représentants par fédération est déterminé en fonction de l'activité des établissements relevant de chacune des fédérations au sein de la région sans que ce nombre ne puisse être inférieur à deux ; / b) Au moins, un représentant de chaque fédération est un médecin ; / 2° De deux représentants des associations d'usagers et de représentants des familles, spécialisés dans le domaine d'activité, nommés par le directeur général de l'agence régionale de santé. / Un président et un vice-président de la section sont désignés parmi les membres selon des modalités fixées par le règlement intérieur. / Les membres désignés ou nommés sont soumis à l'obligation d'établir une déclaration d'intérêts conformément à l'article L. 1451-1 du code de la santé publique ".

20. En vertu de l'article R. 162-29 du code de la sécurité sociale, le comité consultatif d'allocation des ressources est placé auprès de chaque agence régionale de santé. S'agissant d'une commission administrative à caractère consultatif placée auprès d'un établissement public administratif de l'Etat, il est régi par les dispositions du chapitre III du titre III du livre Ier du code des relations entre le public et l'administration, dont l'article R. 133-2 dispose notamment que : " Sauf lorsque son existence est prévue par la loi, une commission est créée par décret pour une durée maximale de cinq ans ". Il résulte des termes mêmes des dispositions citées au point précédent que le pouvoir réglementaire a fixé les règles de composition de la section de ce comité dédiée aux activités de psychiatrie de façon suffisamment claire et précise. Par suite, la fédération requérante n'est pas fondée à soutenir que le pouvoir réglementaire aurait, faute de préciser les modalités de désignation ou la durée du mandat des représentants des associations d'usagers et des familles spécialisés dans le domaine d'activité, délégué illégalement sa compétence.

21. D'autre part, ainsi qu'il a été dit, figure parmi les différentes dotations entre lesquelles le décret attaqué prévoit qu'est réparti le montant annuel de l'objectif de dépenses d'assurance maladie afférent aux activités de psychiatrie une dotation relative à la " qualité du codage ". Aux termes du II de l'article R. 162-31-3 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du 7° de l'article 1er du décret contesté : " La dotation relative à la qualité du codage mentionnée au 7° de l'article R. 162-31-1 est répartie entre les établissements de santé sur la base d'indicateurs de qualité portant sur l'année civile précédant l'exercice considéré. Les indicateurs ainsi que les modalités de calcul de la dotation sont fixés par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale. Ces indicateurs portent, en particulier, sur la complétude, la conformité et la cohérence des données collectées et transmises par les établissements ". Il résulte des termes mêmes de ces dispositions que le pouvoir réglementaire a fixé de façon suffisamment claire et précise les conditions selon lesquelles est déterminée cette dotation, sur la base d'indicateurs dont il a précisé la teneur. Par suite, la fédération requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en renvoyant à un arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale le seul soin de fixer les indicateurs et les modalités de calcul de cette dotation, le Premier ministre aurait délégué illégalement sa compétence.

22. En troisième lieu, l'article R. 162-31 du code de la sécurité sociale, issu du 7° de l'article 1er du décret attaqué, a pour objet même de définir, ainsi que l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale, cité au point 1, en confie le soin au pouvoir réglementaire, le " contenu " de l'objectif de dépenses d'assurance maladie afférent aux activités de psychiatrie. Par suite, la fédération requérante n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que le pouvoir réglementaire n'aurait pas exercé la compétence ainsi été confiée.

En ce qui concerne la procédure :

23. Si, dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision refusant d'abroger un acte réglementaire, la légalité des règles fixées par celui-ci, la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées, il n'en va pas de même des conditions d'édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'acte réglementaire lui-même et introduit avant l'expiration du délai de recours contentieux. Il s'ensuit que la fédération requérante ne peut utilement soutenir, à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation du refus d'abroger le décret du 29 septembre 2021, et quelles que puissent être les circonstances qui l'ont conduite à ne pas présenter de recours pour excès de pouvoir contre cet acte lui-même, que l'Autorité de la concurrence aurait dû être consultée en application de l'article L. 462-2 du code de commerce, moyen qui, contrairement à ce qui est soutenu, se rattache à la procédure d'édiction du décret attaqué et non à la compétence de son auteur.

En ce qui concerne la légalité interne :

24. En premier lieu, les moyens tirés de ce que l'instauration, par les articles L. 162-22-18 et L. 162-22-19 du code de la sécurité sociale, d'un objectif de dépenses d'assurance maladie afférent aux activités de psychiatrie des établissements de santé constitué en dotations porterait une atteinte inconventionnelle tant à la libre prestation de services qu'à la liberté d'établissement garantis par le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et que ces dispositions législatives ainsi que celles du décret attaqué permettraient l'attribution de compensations susceptibles de constituer des aides d'Etat entrant dans le champ d'application de la décision 2012/21/UE du 20 décembre 2011 de la Commission relative à l'application de l'article 106, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne aux aides d'Etat sous forme de compensation de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général ne sont, en tout état de cause, pas assorties des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

25. En deuxième lieu, les dispositions de l'article R. 161-31-2 du code de la sécurité sociale issues du 7° de l'article 1er du décret contesté ayant pour objet de préciser les seuls critères sociaux et démographiques dont il est tenu compte pour répartir la " dotation populationnelle " entre les régions, la fédération requérante ne saurait utilement soutenir qu'elles seraient entachées d'illégalité faute de rappeler qu'en vertu du III de l'article L. 162-22-18 de ce code, cette répartition tient compte, non seulement de ces critères sociaux et démographique, mais également d'autres éléments, parmi lesquels le projet régional de santé, ses déclinaisons territoriales et les orientations des schémas interrégionaux.

26. Il résulte de tout ce qui précède que la Fédération de l'hospitalisation privée - Psychiatrie n'est pas fondée à demander l'annulation du refus d'abroger le surplus du décret du 29 septembre 2021. Ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent par suite qu'être également rejetées.

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la Fédération de l'hospitalisation privée - Psychiatrie dirigées contre le refus d'abroger l'article 2 du décret du 29 septembre 2021.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la Fédération de l'hospitalisation privée - Psychiatrie.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la Fédération de l'hospitalisation privée - Psychiatrie est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la Fédération de l'hospitalisation privée - Psychiatrie et au ministre de la santé et de la prévention.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et à la Première ministre.

Code publication

C