Conseil d'Etat

Décision du 13 décembre 2023 n° 488749

13/12/2023

Non renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

La société Human Immobilier, venant aux droits de la société La Bourse de l'Immobilier, partie en défense à la requête d'appel de la commune de Champagne-au-Mont-d'Or tendant à l'annulation du jugement nos 2104304, 2106305, 2106307, 2109210 du 19 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a, d'une part, annulé la décision du 7 mai 2021 du maire de Champagne-au-Mont-d'Or mettant en demeure la société La Bourse de l'Immobilier, sur le fondement de l'article L. 481-1 du code de l'urbanisme, de régulariser la situation de son bail commercial, d'autre part, annulé les arrêtés des 10 juin et 26 octobre 2021 prononçant une astreinte et émettant un titre exécutoire à l'encontre de cette société, enfin déchargé celle-ci de l'obligation de payer la somme de 25 000 euros mise à sa charge et rejeté les conclusions en annulation de l'opposition à déclaration préalable du 1er mars 2021, a produit un mémoire distinct, enregistré le 7 juillet 2023 au greffe de la cour administrative d'appel de Lyon, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel elle soulève une question prioritaire de constitutionnalité.

Par une ordonnance n° 22LY02812 du 4 octobre 2023, enregistrée le 5 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la cour administrative d'appel de Lyon, avant de statuer sur la requête de la commune de Champagne-au-Mont-d'Or, a décidé, en application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 481-1 du code de l'urbanisme.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- l'article L. 481-1 du code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Nathalie Destais, conseillère d'Etat,

- les conclusions de Mme Maïlys Lange, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de la commune de Champagne-au-Mont-d'or ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Aux termes de l'article L. 481-1 du code de l'urbanisme : " I.- Lorsque des travaux mentionnés aux articles L. 421-1 à L. 421-5 ont été entrepris ou exécutés en méconnaissance des obligations imposées par les titres Ier à VII du présent livre et les règlements pris pour leur application ainsi que des obligations mentionnées à l'article L. 610-1 ou en méconnaissance des prescriptions imposées par un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou par la décision prise sur une déclaration préalable et qu'un procès-verbal a été dressé en application de l'article L. 480-1, indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées pour réprimer l'infraction constatée, l'autorité compétente mentionnée aux articles L. 422-1 à L. 422-3-1 peut, après avoir invité l'intéressé à présenter ses observations, le mettre en demeure, dans un délai qu'elle détermine, soit de procéder aux opérations nécessaires à la mise en conformité de la construction, de l'aménagement, de l'installation ou des travaux en cause aux dispositions dont la méconnaissance a été constatée, soit de déposer, selon le cas, une demande d'autorisation ou une déclaration préalable visant à leur régularisation. / II.- Le délai imparti par la mise en demeure est fonction de la nature de l'infraction constatée et des moyens d'y remédier. Il peut être prolongé par l'autorité compétente, pour une durée qui ne peut excéder un an, pour tenir compte des difficultés que rencontre l'intéressé pour s'exécuter. / III.- L'autorité compétente peut assortir la mise en demeure d'une astreinte d'un montant maximal de 500 € par jour de retard. / L'astreinte peut également être prononcée, à tout moment, après l'expiration du délai imparti par la mise en demeure, le cas échéant prolongé, s'il n'y a pas été satisfait, après que l'intéressé a été invité à présenter ses observations. / Son montant est modulé en tenant compte de l'ampleur des mesures et travaux prescrits et des conséquences de la non-exécution. / Le montant total des sommes résultant de l'astreinte ne peut excéder 25 000 € ".

3. En premier lieu, le dispositif prévu par l'article L. 481-1 du code de l'urbanisme a pour objet, lorsqu'a été dressé un procès-verbal constatant que des travaux soumis à permis de construire, permis d'aménager, permis de démolir ou déclaration préalable ou dispensés, à titre dérogatoire, d'une telle formalité ont été entrepris ou exécutés irrégulièrement, de permettre à l'autorité administrative, dans le cadre de ses pouvoirs de police spéciale et indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées pour réprimer l'infraction constatée, de mettre en demeure l'intéressé, après avoir recueilli ses observations, selon la nature de l'irrégularité constatée et les moyens permettant d'y remédier, soit de solliciter l'autorisation ou la déclaration nécessaire, soit de mettre la construction, l'aménagement, l'installation ou les travaux en cause en conformité avec les dispositions dont la méconnaissance a été constatée, y compris, si la mise en conformité l'impose, en procédant aux démolitions nécessaires. Le pouvoir ainsi mis en œuvre a pour seul objet de rétablir les lieux dans leur situation antérieure aux opérations entreprises ou exécutées irrégulièrement. Il en résulte que, si la remise en état a pour effet de priver le propriétaire de l'usage du bien tel qu'il l'avait irrégulièrement aménagé, elle n'a pas pour effet de conduire à une privation du droit de propriété garanti par l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Par suite, l'article L. 481-1 du code de l'urbanisme ne méconnaît pas les principes de la garantie des droits et de la séparation des pouvoirs en ce qu'il ne prévoit pas l'intervention du juge judiciaire.

4. En deuxième lieu, la remise en état ne peut être prononcée que pour mettre fin à une méconnaissance des dispositions d'urbanisme et suppose, comme le prévoit expressément l'article L. 481-1 du code de l'urbanisme, que la personne concernée ait été mise à même de présenter ses observations et qu'un délai lui soit laissé pour régulariser la situation. Enfin, la démolition des constructions ou aménagements réalisés ne peut être prononcée que si la mise en conformité l'impose. Ainsi, les limitations apportées par l'article L. 481-1 du code de l'urbanisme à l'exercice du droit de propriété sont justifiées par le motif d'intérêt général s'attachant au respect des règles d'urbanisme et sont proportionnées à cet objectif. Par suite, l'article L. 481-1 du code de l'urbanisme ne méconnaît pas le droit de propriété garanti par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ni l'étendue de la compétence reconnue au législateur.

5. Il résulte de ce qui précède que la question de la conformité aux droits et libertés garanties par la Constitution des dispositions contestées, qui n'est pas nouvelle, est dépourvue de caractère sérieux. Il n'y a, dès lors, pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Human Immobilier.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Human Immobilier, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la commune de Champagne-au-Mont-d'Or.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, à la Première ministre et à la cour administrative d'appel de Lyon.

Délibéré à l'issue de la séance du 23 novembre 2023 où siégeaient : M. Cyril Roger-Lacan, assesseur, présidant ; M. Stéphane Hoynck, conseiller d'Etat et Mme Nathalie Destais, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 13 décembre 2023.

Le président :

Signé : M. Cyril Roger-Lacan

La rapporteure :

Signé : Mme Nathalie Destais

La secrétaire :

Signé : Mme Valérie Peyrisse

Code publication

C