Cour de cassation

Arrêt du 5 décembre 2023 n° 23-85.780

05/12/2023

Non renvoi

N° Q 23-85.780 FS-B

N° 01569

5 DÉCEMBRE 2023

SL2

QPC INCIDENTE : NON LIEU À RENVOI AU CC

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,

DU 5 DÉCEMBRE 2023

M. [F] [L] a présenté, par mémoire spécial reçu le 14 septembre 2023, une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi formé par lui contre le jugement du tribunal de police de Versailles, en date du 12 décembre 2022, qui, pour contravention au code de la route, l'a condamné à 135 euros d'amende.

Sur le rapport de M. Hill, conseiller, et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 5 décembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Hill, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, MM. Maziau, Seys, Dary, Mmes Thomas, Chaline-Bellamy, conseillers de la chambre, M. Violeau, Mme Merloz, M. Michon, conseillers référendaires, M. Aubert, avocat général référendaire, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

« Les articles 584 et 585-1 du code de procédure pénale doivent être déclarés anticonstitutionnels dans la mesure où, pour former un pourvoi en cassation et le motiver, il est imposé au prévenu présent à l'audience d'interjeter dans le délai de cinq jours puis de déposer son mémoire en cassation dans le délai d'un mois au plus tard après la date du pourvoi alors que jugement écrit ne lui est pas encore parvenu.

Aux fins de pouvoir se prononcer en toute connaissance de cause, le jugement doit être notifié aux parties pour parfaite connaissance. Compte tenu de l'égal accès à la justice, d'une procédure pénale qui doit être équitable, le prévenu qui comparaît à l'audience doit bénéficier des dispositions de l'article 568, alinéa 2 et suivants, du code de procédure pénale qui mentionnent que le délai ne court qu'à compter de la signification de l'arrêt quelqu'en soit le mode. En déclarant contraire aux droits et libertés garantis par la constitution, l'alinéa 1 de l'article 568 du code de procédure pénale.»

2. La question peut être reformulée par le juge afin de la rendre plus claire ou de lui restituer son exacte qualification, à condition de ne pas en modifier l'objet et la portée (Ass. plén., 20 mai 2011, pourvoi n° 11-90.033, Bull. crim. 2011, Ass. plén., n° 6).

3. En effet, aux termes de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, la question prioritaire de constitutionnalité est un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution.

4. Les dispositions législatives contestées sont précisément identifiées dans la présente question.

5. Il n'importe que des textes constitutionnels n'y soient pas visés dès lors que les droits et libertés que la Constitution garantit, dont la violation est invoquée, sont clairement identifiables.

6. Enfin, le mémoire spécial explicite en quoi les dispositions législatives contestées porteraient atteinte aux principes constitutionnels invoqués.

7. Il y a lieu en conséquence de considérer que la Cour de cassation est régulièrement saisie de la question prioritaire de constitutionnalité, ainsi reformulée :

« Les dispositions des articles 568, alinéa 1, 584 et 585-1 du code de procédure pénale qui fixent les délais pour former un pourvoi en cassation et déposer un mémoire au soutien de ce recours, en ce qu'elles imposent au prévenu comparant à l'audience de former un pourvoi dans les cinq jours suivant le prononcé de la décision et de déposer un mémoire personnel dans un délai d'un mois suivant le pourvoi, alors que les motifs de la décision attaquée ne sont pas nécessairement connus, faute de signification de celle-ci, et ce contrairement au prévenu visé à l'article 568, alinéa 2 et suivants, du code de procédure pénale, pour lequel le délai ne court qu'à compter de la signification de l'arrêt, quel qu'en soit le mode, portent-elles atteinte aux principes de l'égal accès à la justice et au caractère équitable de la procédure pénale ? »

8. Les dispositions législatives contestées sont applicables à la procédure et n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

9. La question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.

10. La question posée ne présente pas un caractère sérieux dès lors que les dispositions légales critiquées ne méconnaissent pas les principes d'égalité devant la justice et d'équité de la procédure pénale, pour les motifs qui suivent.

11. En premier lieu, les dispositions critiquées, fixant, d'une part, le point de départ du délai de pourvoi en cassation, au lendemain du jour du prononcé de la décision contradictoire, d'autre part, le délai pour déposer un mémoire au soutien de ce recours, ne privent pas les parties d'un accès à la Cour de cassation, fût-ce à titre conservatoire, dès lors que le demandeur condamné pénalement dispose d'un délai d'un mois à compter de son pourvoi pour déposer un mémoire contenant ses moyens de cassation, délai qui peut être augmenté par dérogation accordée par le président de la chambre criminelle, en application de l'article 585-1 du code de procédure pénale, ou en cas de constitution d'un avocat à la Cour de cassation.

12. En deuxième lieu, l'article 568 du code de procédure pénale répond à l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice, en visant à prévenir l'allongement des délais de jugement des auteurs d'infractions.

13. Enfin, le prévenu qui, régulièrement mis en mesure d'assister au prononcé de la décision, peut prendre connaissance de son sens dès cette date, et ainsi apprécier l'opportunité de faire un pourvoi, est dans une situation différente de celui visé aux alinéas 2 et suivants de l'article 568 précité qui ignore le jour où cette décision a été rendue, de sorte que la différence du point de départ du délai pour former un pourvoi et déposer un mémoire ne procède pas de distinctions injustifiées.

14. Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en audience publique du cinq décembre deux mille vingt-trois.

Code publication

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