Tribunal administratif de Poitiers

Ordonnance du 28 novembre 2023 n° 2302946

28/11/2023

Non-lieu à statuer

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée au greffe du tribunal administratif de Poitiers, le 30 octobre 2023, M. A B, représenté par Me Poudampa, demande au tribunal :

1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler la décision en date du 30 août 2023 par laquelle le préfet de la Vienne l'a placé en rétention administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée de quarante-huit heures ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour son conseil de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- il conteste la légalité de la décision du 30 août 2023 le plaçant en centre de rétention ;

- contrairement au juge administratif, le juge de la liberté et de la détention n'a pas le pouvoir d'annuler une mesure de rétention en tant que telle, mais seulement celui d'en prononcer la mainlevée, en raisonnant sur la régularité de cette mesure et non sur sa légalité ;

- aucun juge ne se prononcera sur la légalité de la décision de rétention dont il a fait l'objet ;

- dès lors qu'un acte administratif a été pris, il ouvre droit à un contentieux de la légalité qui est l'apanage du seul juge administratif ; le juge administratif reste donc compétent pour se prononcer sur la légalité de cette mesure ;

- le délai de deux mois pour contester la légalité de la décision de rétention qui lui a été notifiée le 30 août 2023 n'a pas expiré ;

- la décision est entachée d'un défaut d'examen complet de sa situation en particulier des garanties de représentation dont il dispose ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il bénéficie de garanties de représentations suffisantes pour prévenir le risque de fuite et éviter de recourir à un placement en rétention.

Par un mémoire enregistré le 2 novembre 2023 et à l'appui de sa requête M. B soulève en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution, de l'article L. 741-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Il soutient que :

- l'article L. 741-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est applicable au litige et à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ;

- l'article L. 741-10 n'a pas déjà été déclaré conforme à la Constitution par le Conseil Constitutionnel ;

- l'article L. 741-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, méconnaît le principe fondamental reconnu par les lois de la République de la compétence de la juridiction administrative ;

- l'article L. 741-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile méconnaît le droit à un recours effectif et le droit à un procès équitable, garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; la disposition est trop imprécise sur la nature de la contestation pouvant être introduite et sur les pouvoirs du juge des libertés et de la détention ; le juge judiciaire ne s'est pas reconnu le pouvoir d'annuler les décisions de placement en centre de rétention.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, et notamment son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. M. B, ressortissant marocain, né le 19 juin 1995, déclare être entré sur le territoire français au mois de mars 2021. Par un arrêté du 21 décembre 2022, le préfet de Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français mais l'intéressé s'est soustrait à cette mesure. A la suite de son interpellation par les services de police, M. B a été placé en rétention administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée de quarante-huit heures par décision du préfet de la Vienne du 30 août 2023. M. B demande au tribunal administratif d'annuler pour excès de pouvoir cette décision.

2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif () et les magistrats ayant une ancienneté minimale de deux ans et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller désignés à cet effet par le président de leur juridiction peuvent, par ordonnance : () 2° Rejeter les requêtes ne relevant manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative ; () ".

3. Aux termes de l'article L. 614-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision de placement en rétention ne peut être contestée que devant le juge des libertés et de la détention, conformément aux dispositions de l'article L. 741-10 ". Aux termes de l'article L. 741-10 du même code : " L'étranger qui fait l'objet d'une décision de placement en rétention peut la contester devant le juge des libertés et de la détention, dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa notification. / Il est statué suivant la procédure prévue aux articles L. 743-3 à L. 743-18 ". Aux termes des dispositions de l'article R. 741-3 du même code : " Le juge des libertés et de la détention est saisi par l'étranger qui conteste la régularité de la décision de placement en rétention administrative par simple requête, dans les conditions prévues au chapitre III, avant l'expiration du délai mentionné à l'article L. 741-10. La requête est adressée par tout moyen au greffe du tribunal compétent en application de l'article R. 743-1. ".

4. Il résulte de ces dispositions que les litiges relatifs à une décision de placement en rétention administrative relèvent de la compétence exclusive du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire. Dès lors la juridiction administrative n'est manifestement pas compétente pour connaître des conclusions de M. B dirigées contre cette décision.

5. Il suit de là que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée, tirée de l'inconstitutionnalité des dispositions de l'article L. 741-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la requête doit être rejetées comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître, sur le fondement des dispositions précitées du 2° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de M. B est rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

 

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. A B et au préfet de la Vienne.

Fait à Poitiers, le 28 novembre 2023.

Le président,

signé

P. CRISTILLE

La République mande et ordonne au préfet de la Vienne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour le greffier en chef,

La greffière,

N. COLLET