Cour d'Appel de Douai

Ordonnance du 23 novembre 2023 n° 23/02083

23/11/2023

Renvoi

COUR D'APPEL DE DOUAI

 

Chambre des Libertés Individuelles

 

ETRANGERS

 

DOSSIER : N° RG 23/02092 - N° Portalis DBVT-V-B7H-VGSL

 

N° de minute : 2087

 

Ordonnance du jeudi 23 novembre 2023

 

République Française

 

Au nom du Peuple Français

 

ORDONNANCE DE TRANSMISSION

 

DE LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ

 

Demandeur à la question prioritaire :

 

Monsieur [X] [B]

 

né le 04 Décembre 1998 à [Localité 3]

 

Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 1]

 

assisté par Me Olivier CARDON, avocat au barreau de LILLE et de M. [S] [M] (Interprète assermenté en langue arabe)

 

Défendeur :

 

M. LE PREFET DU NORD, non représenté

 

Partie jointe

 

M. le procureur général près la cour d'appel de Douai : non comparant

 

Le 23 Novembre 2023 à

 

Nous, Jeanne DEBERGUE, .conseillère, assistée de Véronique THÉRY, greffière;

 

Vu les articles l'article 23-1 de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel et suivants ;

 

Vu les articles 126-1 et suivants du Code de Procédure Civile ;

 

Vu la demande d'examen de la question prioritaire de constitutionnalité déposée par un écrit distinct de l'appel au fond et motivé le 22 Novembre 2023,

 

Vu l'absence d'observations de l'autorité administrative ;

 

Vu l'avis du ministère public en date du 23 novembre 2023 indiquant s'en rapporter ;

 

FAITS ET PROCEDURE

 

Suite à un contrôle d'identité réalisé sur le fondement de l'article 78-2 alinéa 9 du code de procédure pénale, [Adresse 4] à [Localité 2], et à son placement en retenue, M. [X] [B], né le 4 décembre 1998 à [Localité 3] (Algérie), de nationalité algérienne, a fait l'objet d'un placement en rétention administrative ordonné par M. Le préfet du Nord le 19 novembre 2023 et notifié à 15h00, au titre d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire délivrée le même jour et par la même autorité.

 

Un recours en annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative a été déposé par M. [X] [B], au visa de l'article L 741-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

 

M. Le préfet du Nord a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lille d'une requête aux fins de prolongation de la rétention administrative de M. [X] [B].

 

Par ordonnance 21 novembre 2023 (13h45), le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lille a rejeté la requête en annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative et ordonné une première prolongation du placement en rétention administrative de M. [X] [B] pour une durée de 28 jours.

 

M. [X] [B] a interjeté appel de cette décision le 22 novembre 2023 à 13h21 et déposé des conclusions aux fins de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation portant sur les dispositions de l'article L 813-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, formulée de la façon suivante :

 

'L'article L 813-13 du CESEDA est-il conforme à la constitution française en ce qu'il ne prévoit pas les conditions dans lesquelles l'étranger retenu en application de l'article L 813-1 du CESEDA pendant une durée maximale de vingt-quatre heures est alimenté par les services de police pendant la procédure de retenue administrative'.

 

Il soutient qu'en ne prévoyant pas dans quelles conditions l'étranger est alimenté pendant la mesure de retenue administrative, alors que de telles dispositions existent dans la procédure de garde à vue (article 64 du code de procédure pénale), l'article L 813-13 du CESEDA méconnaît le préambule de la constitution tendant à la sauvegarde de la dignité humaine contre toute forme d'asservissement et de dégradation.

 

Cette question a été transmise aux parties, M. Le préfet du Nord et M. Le procureur général, partie jointe, qui ont été mis en mesure de faire connaître leurs observations.

 

Suivant avis du 23 novembre 2023, M. Le procureur général indique s'en rapporter.

 

L'affaire a été audiencée le 23 novembre 2023 sur la question prioritaire de constitutionnalité et sur le fond.

 

MOTIFS DE LA DÉCISION

 

En application des articles 23-1 à 23-3 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel et des articles 126-1 et suivants du code de procédure civile, la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité est subordonnée aux conditions suivantes :

 

- la question prioritaire de constitutionnalité doit être présentée dans le cadre d'une instance,

 

- elle doit être présentée dans un écrit distinct et motivé,

 

- elle doit porter sur des dispositions législatives,

 

- les dispositions contestées doivent être applicables au litige ou à la procédure, ou constituer le fondement des poursuites,

 

- le requérant doit invoquer la violation de droits et libertés garantis par le bloc de constitutionnalité,

 

- la question prioritaire de constitutionnalité doit présenter un caractère nouveau et sérieux.

 

En l'espèce, la présente question prioritaire de constitutionnalité est soulevée par l'appelant M. [X] [B] dans le cadre de son appel contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lille du 21 novembre 2023 ayant rejeté son recours contre l'arrêté de placement en rétention et ordonné une première prolongation de son placement en rétention. Les dispositions de l'article L 813-13 du CESEDA qui sont contestées sont applicables à la procédure dans la mesure où l'appelant a soulevé un moyen tiré du défaut d'alimentation pendant sa retenue administrative préalable à son placement en rétention. Il est allégué une violation des dispositions du préambule de la constitution française tendant à la sauvegarde de la dignité humaine contre toute forme d'asservissement et de dégradation, dans le cadre précis de cette mesure privative de liberté dont la durée maximale est identique à celle de garde à vue. Cette question nouvelle n'apparaît pas dépourvue de caractère sérieux.

 

En conséquence, il convient d'ordonner la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité présentée par l'appelant à la Cour de cassation.

 

En application de l'article 7 de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 et d le'article R 743-19 du CESEDA, il n'a pas été sursis à statuer sur le fond.

 

PAR CES MOTIFS

 

Statuant publiquement, par décision contradictoire, non susceptible de recours'

 

ORDONNE la transmission à la Cour de cassation de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par l'appelant de la manière suivante :

 

'L'article L 813-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) est-il conforme à la constitution française en ce qu'il ne prévoit pas les conditions dans lesquelles l'étranger retenu en application de l'article L 813-1 du CESEDA pendant une durée maximale de vingt-quatre heures est alimenté par les services de police pendant la procédure de retenue administrative' ;

 

DIT que la présente décision sera adressée à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé avec les mémoires ou conclusions présentées, par un écrit distinct et motivé, des parties relatifs à la question prioritaire de constitutionnalité ;

 

DIT que les parties comparantes et le ministère public seront avisés par tout moyen et sans délai de la présente décision ;

 

DIT que les parties non comparantes seront avisées par lettre recommandée avec accusé de réception ;

 

RAPPELLE que la présente décision n'est susceptible d'aucun recours et que les parties qui entendent présenter des observations devant la Cour de cassation doivent se conformer aux dispositions de l'article 126-9 du code de procédure civile ;

 

Véronique THÉRY, Jeanne DEBERGUE, .

 

greffière conseillère

 

N° RG 23/02092 - N° Portalis DBVT-V-B7H-VGSL

 

REÇU L' AVIS A PARTIES DE L'ORDONNANCE 2087 DU 23 Novembre 2023

 

Vu les articles suivants :

 

art 126-7 al 1 et 2 du code de procédure civile :

 

Le greffe avise les parties et le ministère public par tout moyen et sans délai de la décision statuant sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation.

 

En cas de décision de transmission, l'avis aux parties précise que celle-ci n'est susceptible d'aucun recours et que les parties qui entendent présenter des observations devant la Cour de cassation doivent se conformer aux dispositions de l'article 126-9, qui est reproduit dans l'avis, ainsi que le premier alinéa de l'article 126-11. L'avis est adressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception aux parties qui n'ont pas comparu.

 

art 126-9 du code de procédure civile

 

Les parties disposent d'un délai d'un mois à compter de la décision de transmission pour faire connaître leurs éventuelles observations. Celles-ci sont signées par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, dans les matières où la représentation est obligatoire devant la Cour de cassation.

 

Art 126-11 al 1 du code de procédure civile

 

Le président de la formation à laquelle l'affaire est distribuée ou son délégué, à la demande de l'une des parties ou d'office, peut, en cas d'urgence, réduire le délai prévu par les articles 126-9 et 126-10.

 

Reçu copie et pris connaissance le jeudi 23 novembre 2023 :

 

- M. [X] [B]

 

- décision notifiée à M. [X] [B] le jeudi 23 novembre 2023

 

- décision transmise lette recommandée avec avis de réception au PREFET DU NORD et à Maître Olivier CARDON, par RPVA le jeudi 23 novembre 2023

 

- décision communiquée à M. le procureur général :

 

Le greffier, le jeudi 23 novembre 2023

 

N° RG 23/02092 - N° Portalis DBVT-V-B7H-VGSL