Conseil d'Etat

Décision du 21 novembre 2023 n° 475176

21/11/2023

Non renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par un mémoire distinct, enregistré le 14 septembre 2023, M. B A demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de son pourvoi formé contre la décision n° 22052174 du 27 janvier 2023 par laquelle la Cour nationale du droit d'asile a rejeté son recours tendant à l'annulation de la décision du 19 juillet 2022 de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides ayant rejeté sa demande d'asile, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles L. 532-11 à L. 532-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Philippe Bachschmidt, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Guérin - Gougeon, avocat de M. A ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé () à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat () ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Aux termes de l'article L. 532-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les débats devant la Cour nationale du droit d'asile ont lieu en audience publique après lecture du rapport par le rapporteur () ". L'article L. 532-12 du même code dispose que : " Les requérants peuvent présenter leurs explications à la Cour nationale du droit d'asile et s'y faire assister d'un conseil et d'un interprète ". Selon l'article L. 532-13 du même code : " Afin d'assurer une bonne administration de la justice et de permettre aux intéressés de présenter leurs explications à la cour, et sous réserve que les conditions prévues au présent article soient remplies, le président de la Cour nationale du droit d'asile peut prévoir que la salle d'audience de la cour est reliée, en direct, par un moyen de communication audiovisuelle () dans des conditions respectant les droits de l'intéressé prévus à l'article L. 532-12. / () Ces opérations donnent lieu à l'établissement d'un procès-verbal dans chacune des salles d'audience ou à un enregistrement audiovisuel ou sonore ". L'article L. 532-14 de ce code prévoit que : " Afin d'assurer une bonne administration de la justice et de permettre aux requérants de présenter leurs explications à la cour, le président de la Cour nationale du droit d'asile peut prévoir la tenue d'audiences foraines au siège d'une juridiction administrative ou judiciaire () ". Enfin, aux termes de l'article L. 532-15 du même code : " Les modalités d'application des articles L. 532-12, L. 532-13 et L. 532-14 sont fixées par décret en Conseil d'Etat ".

3. M. A demande, à l'appui du pourvoi en cassation qu'il a formé contre la décision du 27 janvier 2023 par laquelle la Cour nationale du droit d'asile a rejeté son recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 19 juillet 2022 ayant rejeté sa demande d'asile, que soit renvoyée au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions précitées des articles L. 532-11 à L. 532-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il soutient qu'en ne prévoyant pas un procès-verbal ou un enregistrement audiovisuel ou sonore des débats ayant eu lieu lors de l'audience devant la Cour nationale du droit d'asile, ces dispositions sont entachées d'incompétence négative et privent de garanties légales le droit à un recours effectif garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

4. Toutefois, l'auteur d'un pourvoi en cassation contre une décision de la Cour nationale du droit d'asile n'est pas privé de la possibilité de contester devant le Conseil d'Etat l'exactitude des propos que la Cour lui a prêtés ni la régularité des conditions dans lesquelles se sont tenus les débats devant elle. Ainsi, en ne prévoyant pas l'établissement d'un procès-verbal des échanges tenus devant la Cour nationale du droit d'asile, le législateur n'a ni méconnu l'étendue de sa compétence ni porté atteinte au droit à un recours effectif.

5. Il résulte de ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Il n'y a donc pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B A et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, à la Première ministre et à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.SBAP8J7U

Code publication

C