Tribunal administratif de Nice

Ordonnance du 14 novembre 2023 n° 2203589

14/11/2023

Non renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par un mémoire distinct, enregistré le 14 septembre 2023, M. A B, représenté par Me Plateaux, demande au tribunal, à l'appui de sa requête tendant à l'annulation de la décision du 14 juin 2022 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé Provence-Alpes Côte d'Azur l'a mis en demeure de cesser l'activité de chirurgie ambulatoire de la cataracte, de transmettre au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-3 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, une question prioritaire de constitutionnalité dirigée contre les dispositions de l'article L. 6122-1 du code de la santé publique.

Il soutient que :

- la question prioritaire de constitutionnalité répond aux conditions de recevabilité requises pour faire l'objet d'une transmission au Conseil constitutionnel : la disposition législative constitue le fondement de la décision en litige et n'a pas été expressément contrôlée par le Conseil constitutionnel au titre de ses motifs ou de son dispositif ; la question présente un caractère sérieux ; en effet, si par un arrêt du 22 juillet 2020 rendu à l'occasion d'un litige analogue, le Conseil d'Etat avait refusé la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité, la réserve neutralisante qu'il avait opéré se trouve désormais inopérante ; la nature des actes concernés par la règle de l'autorisation préalable a été déterminée par le pouvoir réglementaire ; il appartient au législateur de déterminer le champ d'application des actes médicaux soumis à un dispositif spécifique dont l'exercice entrave la liberté d'entreprendre.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de la santé publique, notamment son article L. 6122-1 ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article R. 771-7 du code de justice administrative : " () Les présidents de formation de jugement des tribunaux () peuvent, par ordonnance, statuer sur la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité ".

2. Aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. / Une loi organique détermine des conditions d'application du présent article. ". Aux termes de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat (). Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : / 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; / 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; / 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux. () ".

3. Aux termes de l'article L. 6122-1 du code de la santé publique : " Sont soumis à l'autorisation de l'agence régionale de santé les projets relatifs à la création de tout établissement de santé, la création, la conversion et le regroupement des activités de soins, y compris sous la forme d'alternatives à l'hospitalisation ou d'hospitalisation à domicile, et l'installation des équipements matériels lourds. / La liste des activités de soins et des équipements matériels lourds soumis à autorisation est fixée par décret en Conseil d'Etat ". Il résulte en outre des dispositions de l'article L. 6122-2 du même code que cette autorisation vise à vérifier que le projet répond aux besoins de santé de la population, est compatible avec les objectifs fixés à cette fin au niveau régional et satisfait à certaines conditions d'implantation et conditions techniques.

4. Par une décision du 14 juin 2022, le directeur général de l'agence régionale de santé Provence-Alpes Côte d'Azur a mis en demeure M. B de cesser les actes de chirurgie ambulatoire de la cataracte dans son cabinet au motif que cette activité ne peut être exercée que si elle est autorisée conformément au régime des autorisations prévues aux articles L. 6122-1 et suivants du code de la santé publique. Par une requête enregistrée le 13 juillet 2022, M. B a demandé l'annulation de cette décision pour excès de pouvoir. Par un mémoire distinct, enregistré, le 14 septembre 2023, M. B a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité dirigée contre les dispositions de l'article L. 6122-1 du code de la santé publique en tant qu'elles portent une atteinte à la liberté d'entreprendre contraire à la Constitution, constitutive d'une incompétence négative, en ne précisant pas suffisamment le champ des actes de soins concernés. Le requérant soutient que ces dispositions sont entachées d'incompétence négative en ce qu'elles renvoient au pouvoir réglementaire le soin de fixer la liste des activités de soins soumises à autorisation.

5. La méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit.

6. Dans son arrêt n° 423313 du 22 juillet 2020, le Conseil d'Etat, saisi d'une contestation d'un refus de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité dirigée contre les dispositions de l'article L. 6122-1 du code de la santé publique, a estimé que ces dispositions visent à mettre en œuvre les dispositions du onzième alinéa du Préambule de la Constitution, qui s'attachent à la protection de la santé, et que l'atteinte qu'elles portent à la liberté d'entreprendre ne revêt pas un caractère disproportionné. Cet arrêt précise également que si les dispositions contestées renvoient à un décret en Conseil d'Etat la fixation de la liste exacte des activités de soins soumises à autorisation, elles ne privent pas de garanties légales les exigences qui résultent de la liberté d'entreprendre. Le moyen d'incompétence négative soulevé par M. B ne peut, dès lors qu'être écarté. Par suite, la question prioritaire de constitutionnalité formulée par le requérant ne présente pas de caractère sérieux.

7. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la présente question prioritaire de constitutionnalité.

O R D O N N E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A B et au directeur général de l'agence régionale de santé Provence-Alpes Côte d'Azur.

Fait à Nice, le 14 novembre 2023.

La présidente de la 5ème chambre,

signé

F. Pascal

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour le greffier en chef,

ou par délégation, le greffier

Code publication

D