Tribunal administratif de Melun

Jugement du 9 novembre 2023 n° 2211655

09/11/2023

Renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par des mémoires, enregistrés le 26 janvier 2023 et le 21 septembre 2023, le groupement d'achats Edouard Leclerc demande au tribunal administratif, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation de la décision d'injonction sous astreinte du directeur régional interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France en date du

27 septembre 2022 faisant suite à des manquements constatés dans le cadre de l'enquête relative aux pratiques mises en œuvre à l'égard de ses fournisseurs en matière de pénalités logistiques, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 441-17 du code de commerce, de l'article L. 442-1-3° du même code et du III de l'article L. 470-1 du même code.

Il soutient que ces dispositions, applicables au litige, méconnaissent :

- l'article 34 de la Constitution ;

- les articles 4, 5, 6, 7, 8 et 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen du 26 août 1789 ;

- le principe de légalité des délits et des peines, la nécessaire prévisibilité de la loi répressive et le principe selon lequel le législateur ne peut méconnaître sa propre compétence lorsqu'il édicte une loi notamment pénale.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 juillet 2023, le préfet de la région Île-de-France soutient que les conditions posées par l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ne sont pas remplies et, en particulier, que la question ne présente pas de caractère sérieux.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- l'article L. 441-17 du code de commerce, l'article L. 442-1-3° du même code et le III de l'article L. 470-1 du même code ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pradalié,

- les conclusions de M. Allègre, rapporteur public,

- les observations de Me Clément, représentant le groupement d'achats Edouard Leclerc, et de Mme A, représentant le directeur régional interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France.

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, que le tribunal administratif saisi d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux. Le second alinéa de l'article 23-2 de la même ordonnance précise que : " En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu'elle est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative, d'une part, aux droits et libertés garantis par la Constitution et, d'autre part, aux engagements internationaux de la France, se prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d'Etat () ".

2. L'article L. 441-17 du code de commerce, l'article L. 442-1 3° du même code et le III de l'article L. 470-1 du même code sont applicables au présent litige. Ces dispositions n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Le moyen tiré de ce qu'elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment au principe de légalité des délits et des peines garanti par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789, pose une question qui n'est pas dépourvue de caractère sérieux. Ainsi, il y a lieu de transmettre au Conseil d'État la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.

D E C I D E :

Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des dispositions de l'article L. 441-17 du code de commerce, de l'article L. 442-1 3° du même code et du III de l'article L. 470-1 du même code est transmise au Conseil d'État.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête du groupement d'achats Edouard Leclerc, jusqu'à la réception de la décision du Conseil d'État ou, s'il a été saisi, jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié au groupement d'achats Edouard Leclerc et au préfet de la région Île-de-France.

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Lalande, président,

M. Dumas, premier conseiller.

M. Pradalié, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition du greffe le 9 novembre 2023.

Le rapporteur,

G. PRADALIELe président,

D. LALANDE

Le greffier,

G. NGASSAKI

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,