Cour d'Appel de Colmar

Arrêt du 9 novembre 2023 n° 20/03585

09/11/2023

Désistement

MINUTE N° 23/748

 

NOTIFICATION :

 

Copie aux parties

 

Clause exécutoire aux :

 

- avocats

 

- parties non représentées

 

Le

 

Le Greffier

 

REPUBLIQUE FRANCAISE

 

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

COUR D'APPEL DE COLMAR

 

CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB

 

ARRET DU 09 Novembre 2023

 

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB N° RG 20/03585 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HOEU

 

Décision déférée à la Cour : 18 Novembre 2020 par le pôle social du Tribunal Judiciaire de STRASBOURG

 

APPELANT :

 

Monsieur [K] [D]

 

[Adresse 3]

 

[Adresse 3]

 

[Adresse 3] (ISRAEL)

 

Représenté par Me Ana cristina COIMBRA, avocat au barreau de BORDEAUX, dispensée de comparution

 

INTIMEE :

 

CAISSE AUTONOME DE RETRAITE DES

 

MEDECINS DE FRANCE

 

[Adresse 1]

 

[Localité 2]

 

Représentée par Me Luc STROHL, avocat au barreau de STRASBOURG, dispensé de comparution

 

COMPOSITION DE LA COUR :

 

L'affaire a été débattue le 14 Septembre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

 

M. LEVEQUE, Président de chambre

 

Mme GREWEY, Conseiller

 

M. LAETHIER, Vice-Président placé

 

qui en ont délibéré.

 

Greffier, lors des débats : Mme WALLAERT, Greffier

 

ARRET :

 

- contradictoire

 

- prononcé par mise à disposition au greffe par M. LEVEQUE, Président de chambre,

 

- signé par M. LEVEQUE, Président de chambre, et Mme WALLAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

* * * * *

 

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

 

Par courrier du 4 janvier 2016, la caisse autonome de retraite des médecins de France (ci-après « la CARMF ») a notifié à M. [K] [D] une mise en demeure d'un montant total de 29 706,72 euros pour des cotisations (28 602 euros) et majorations de retard (1 104,72 euros) de l'année 2015.

 

M. [D] a contesté cette mise en demeure devant la commission de recours amiable de la CARMF par courrier du 13 janvier 2016.

 

Par requête envoyée le 9 mars 2016, M. [D] a contesté la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable devant le tribunal des affaires de sécurité sociale du Bas-Rhin, devenu le pôle social du tribunal judiciaire de Strasbourg.

 

Par acte du 5 avril 2018, reçu au greffe du tribunal le 9 avril 2018, M. [D] s'est désisté de l'instance.

 

Par courrier du 16 avril 2018, la CARMF a informé le tribunal qu'elle ne s'opposait pas au désistement de M. [D] et a sollicité le prononcé d'une ordonnance constatant le désistement de l'instance, l'extinction de l'instance et le dessaisissement du tribunal.

 

Par jugement du 18 avril 2018, le tribunal a ordonné la radiation de l'affaire.

 

Par courrier du 31 mai 2018, la CARMF a sollicité le rétablissement de l'affaire.

 

Par jugement contradictoire du 18 novembre 2020, le tribunal a :

 

- constaté le désistement d'instance de M. [K] [D],

 

- déclaré le désistement d'instance de M. [K] [D] parfait, lequel met fin à l'instance enrôlée sous le numéro RG 18/00275,

 

- condamné M. [K] [D] à payer à la caisse autonome de retraite des médecins de France la somme de 29 706,72 euros au titre des cotisations dues pour l'année 2015 et des majorations de retard y afférentes,

 

- condamné M. [K] [D] aux dépens,

 

- ordonné l'exécution provisoire.

 

Pour se déterminer ainsi, le tribunal a retenu que la demande reconventionnelle en paiement de la CARMF était recevable car formée par conclusions du 13 juillet 2016, soit antérieurement au désistement d'instance de M. [D].

 

M. [D] a interjeté appel par lettre recommandée avec demande d'avis de réception expédiée le 9 décembre 2020.

 

Il soulève, par mémoires distincts du 2 août 2021, deux questions prioritaires de constitutionnalité, l'une concernant l'article L111-1 du code de la sécurité sociale, l'autre l'article L642-1 du code de la sécurité sociale, ainsi qu'une question préjudicielle à transmettre à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE).

 

Les questions prioritaires de constitutionnalité ont été transmises à M. le Procureur général qui a conclu le 5 juillet 2022 à l'irrecevabilité des moyens d'inconstitutionnalité soulevés.

 

L'affaire a été appelée et retenue à l'audience du 14 septembre 2023.

 

M. [D] et la CARMF ont été dispensés de se présenter à l'audience en application des dispositions des articles 446-1 du code de procédure civile et R 142-10-4 du code de la sécurité sociale.

 

Par conclusions n° 2 du 31 juillet 2023, M. [D] demande à la cour de :

 

- juger l'appel recevable,

 

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

 

. constaté le désistement d'instance de M. [D],

 

. déclaré le désistement d'instance de M. [D] parfait, lequel met fin à l'instance enrôlée sous le numéro RG 18/00275.

 

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

 

. condamné M. [D] à payer à la caisse autonome de retraite des médecins de France la somme de 29 706,72 euros au titre des cotisations dues pour l'année 2015 et des majorations de retard y afférentes,

 

. condamné M. [D] aux dépens,

 

. ordonné l'exécution provisoire.

 

- débouter l'intimée de toutes demandes contraires à celles de l'appelant.

 

Subsidiairement, pour le cas où la Cour ne ferait pas droit aux précédentes demandes :

 

Sur les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées,

 

- transmettre à la Cour de cassation pour transmission au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité suivante : les dispositions de l'article L. 111-1 du Code de la sécurité sociale en ce qu'elles considèrent obligatoire l'adhésion et la cotisation à des organismes de droit privé chargés du monopole de fait de l'assurance des risques couverts par le système de sécurité sociale et du recouvrement des cotisations sociales, portent-elles atteinte aux droits et libertés garantis par le point 9 du Préambule de la Constitution de 1946 aux

 

termes duquel « tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un  monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité » et aux droits et libertés garantis par les articles 1 et 2 de la Constitution de la république et 2,5,6 et 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 intégrés au bloc constitutionnel '

 

- surseoir à statuer jusqu'à réception de la décision du Conseil constitutionnel,

 

- transmettre à la Cour de cassation pour renvoi au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité suivante : les dispositions de l'article L.642-1 du Code de la sécurité sociale français portent-elles atteinte aux droits et libertés garantis par les articles 1er et 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, intégrée au bloc constitutionnel et aux articles 1er et 2 de la Constitution de la République française '

 

- surseoir à statuer jusqu'à décision définitive sur la question prioritaire de constitutionnalité.

 

Sur la demande de renvoi préjudiciel,

 

Vu la demande de renvoi préjudiciel formée,

 

Vu l'article 267 du TFUE (ex-article 234 du TCE),

 

- transmettre à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle suivante : « Les dispositions des articles L. 111-2-1 et L. 642-1 du Code de la sécurité sociale français satisfont-elles à toutes les conditions requises pour justifier la notion d'intérêt général permettant de déroger aux dispositions des directives 92/49/CE et 92/96/CE ' »

 

-surseoir à statuer jusqu'à décision définitive sur le renvoi préjudiciel,

 

Subsidiairement, pour le cas où la Cour ne ferait pas droit aux précédentes demandes,

 

Et en tout état de cause,

 

- juger qu'il n'y a pas lieu de valider la mise en demeure contestée,

 

- débouter l'intimée de toutes ses demandes, fins et conclusions,

 

- condamner l'intimée au paiement de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

 

Subsidiairement, et pour les cas où la Cour ne ferait pas droit aux précédentes demandes,

 

- enjoindre la CARMF d'avoir à communiquer les éléments suivants :

 

3) le montant de la valeur éventuelle de rachat et de réduction, prévu à l'article R.325-3 du code de la mutualité,

 

4) comme prévu à l'article R. 325-5 du Code de la mutualité, et en l'absence de note d'information explicative m'en ayant informé lors de mon affiliation à la CARMF, les indications précises sur les conditions d'exercice de la renonciation aux garanties couvrant les risques suivants : incapacité de travail ou invalidité résultant de la maladie et autres risques comportant le service de prestations au-delà d'un an ; opérations comportant des engagements dont l'exécution dépend de la durée de la vie humaine (vieillesse, vie, décès).

 

- renvoyer l'affaire à telle audience en attendant cette communication, et ce, afin de permettre au requérant de faire valoir son droit de renoncer aux garanties et de former une demande en répétition des montants payés pendant la période d'adhésion.

 

Par courrier du 13 septembre 2023, Maître Luc Strohl, avocat, a informé la cour de son intervention dans l'intérêt de la CARMF et a sollicité le renvoi de l'affaire à une date ultérieure ainsi que sa dispense de comparution à l'audience.

 

Il est renvoyé aux conclusions précitées pour l'exposé complet des moyens et prétentions de M. [D], conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

 

MOTIFS DE LA DÉCISION

 

Sur la demande de renvoi de la CARMF :

 

La CARMF, par l'intermédiaire de Maître Luc Strohl, sollicite le renvoi de l'affaire à une date ultérieure.

 

La demande de la caisse est motivée par la récente constitution de son avocat, le 13 septembre 2023, et le souhait de répliquer aux conclusions de M. [D] du 31 juillet 2023.

 

Cependant, la cour relève que l'appel de M. [D] a été interjeté le 9 décembre 2020 et que la CARMF a déposé ses conclusions d'intimée le 11 août 2021, en réponse aux conclusions d'appelant du 2 août 2021.

 

Si M. [D] a déposé de nouvelles conclusions le 31 juillet 2023, la CARMF a indiqué dans un courriel de Mme [N] [P], juriste, adressé à la cour le 4 août 2023, qu'elle n'entendait pas produire de nouvelles écritures et que ses conclusions du 12 août 2021 étaient toujours valables.

 

La constitution de Maître Strohl est intervenue le 13 septembre 2023, veille de l'audience de plaidoirie, alors que la procédure est pendante devant la cour depuis 2 ans, 9 mois, 5 jours et que la CARMF avait expressément déclaré le 4 août 2023 qu'elle était en état pour l'audience de plaidoirie du 14 septembre 2023.

 

Au vu de ces éléments, la demande de renvoi formulée par la CARMF sera rejetée.

 

Sur la recevabilité de la demande reconventionnelle de la CARMF :

 

M. [D] soutient que son désistement est parfait, dès lors que la CARMF a déclaré ne pas s'y opposer et n'a pas formé de demande reconventionnelle, et que le premier juge ne pouvait donc le condamner au paiement du montant de la mise en demeure.

 

En application de l'article 385 du code de procédure civile, l'instance s'éteint à titre principal par l'effet de la péremption, du désistement d'instance ou de la caducité de la citation. Dans ces cas, la constatation de l'extinction de l'instance et du dessaisissement de la juridiction ne met pas obstacle à l'introduction d'une nouvelle instance, si l'action n'est pas éteinte par ailleurs.

 

Aux termes des articles 394 et 395 du code de procédure civile, le demandeur peut, en toute matière, se désister de sa demande en vue de mettre fin à l'instance. Le désistement n'est parfait que par l'acceptation du défendeur. Toutefois, l'acceptation n'est pas nécessaire si le défendeur n'a présenté aucune défense au fond ou fin de non recevoir au moment où le demandeur se désiste.

 

Selon l'article 397 du même code, le désistement est exprès ou implicite ; il en est de même de l'acceptation.

 

Il ressort notamment de ces dispositions qu'en matière de procédure orale, le désistement formulé par écrit antérieurement à l'audience produit immédiatement son effet extinctif de sorte que toute demande reconventionnelle présentée postérieurement à celui-ci est irrecevable.

 

En outre, le défendeur peut accepter le désistement en émettant des réserves.

 

En l'espèce, M. [D] a déclaré se désister de l'instance par acte reçu au greffe du tribunal des affaires de sécurité sociale le 9 avril 2018.

 

Par courrier du 16 avril 2018, la CARMF a fait parvenir au tribunal un courrier rédigé comme suit :

 

« Le conseil de M. [D] nous a fait part du désistement de son client concernant les recours référencé ci-dessus.

 

Nous déclarons pour notre part ne pas nous y opposer.

 

Afin d'éviter tout malentendu et de mettre un terme à ce litige, nous vous saurions reconnaissants de bien vouloir appeler ce dossier à l'audience et rendre une ordonnance constatant le désistement de l'instance et le dessaisissement du tribunal des affaires de sécurité sociale (conformément aux articles 385, 394 et suivants du code de procédure civile).

 

Nous vous précisons que la CARMF a vocation nationale et ne dispose pas de représentation locale qui lui permettrait d'être présente à tous les audience ; nous vous prions en conséquence de bien vouloir excuser notre absence à l'audience du 18 avril 2018. »

 

Il résulte des termes de ce courrier que la CARMF ne s'est pas opposée au désistement de M. [D] et a sollicité du tribunal une ordonnance de désistement, sans mentionner ni faire référence à ses précédentes conclusions du 13 juillet 2016 contenant une demande reconventionnelle en paiement de la somme de 29 706,72 euros.

 

A aucun moment, la CARMF ne manifeste sa volonté de voir statuer sur la demande reconventionnelle précédemment formée.

 

Il doit donc être considéré qu'elle a accepté le désistement de M. [D] sans la moindre réserve et que cette acceptation du désistement a eu pour effet d'éteindre immédiatement l'instance, de sorte que le premier juge ne pouvait statuer sur la demande reconventionnelle en paiement de la CARMF qui sera déclarée irrecevable.

 

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

 

Les dispositions du jugement déféré s'agissant des dépens seront infirmées et la CARMF sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

 

L'équité commande de ne pas prononcer de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour, de sorte que les demandes présentées à hauteur de cour seront rejetées.

 

PAR CES MOTIFS

 

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe,

 

DECLARE l'appel interjeté recevable,

 

REJETTE la demande de renvoi de la caisse autonome de retraite des médecins de France,

 

INFIRME le jugement déféré, sauf en ce qu'il a :

 

- constaté le désistement d'instance de M. [K] [D],

 

- déclaré le désistement d'instance de M. [K] [D] parfait, lequel met fin à l'instance enrôlée sous le numéro RG 18/00275,

 

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

 

DECLARE irrecevable la demande reconventionnelle en paiement formée par la caisse autonome de retraite des médecins de France,

 

Y ajoutant,

 

CONDAMNE la caisse autonome de retraite des médecins de France aux dépens de première instance et d'appel,

 

REJETTE les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

 

Le Greffier, Le Président,