Tribunal administratif de Lyon

Décision du 7 novembre 2023 n° 2304510

07/11/2023

Non renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 31 mai 2023 M. B A demande au tribunal d'annuler la délibération n°2023-12 du 3 avril 2023 du conseil municipal de la commune de Saint-Germain-au-Mont-D'or.

Il soutient que :

- la délibération prévoit pour le budget 2023 un résultat reporté de l'année 2022 pour un montant de 497 027,27 euros en recettes de fonctionnement pour 2023 sans inscrire en contrepartie une dépense de fonctionnement correspondant au remboursement aux contribuables d'un trop perçu fiscal en 2022 à la suite de la décision du Conseil constitutionnel n°2021-982 du 17 mars 2022 ;

- la commune a perçu une compensation supplémentaire relative au taux syndical de taxe foncière qui s'est élevée à 184 975 euros alors que parallèlement le taux syndical de taxe foncière est passé de 5,93% en 2020 à 8,28% en 2021 et 9% en 2022 ;

- contrairement à ce que le Conseil constitutionnel a jugé, les contribuables de Saint-Germain-au-Mont-D'or ont subi une perte de pouvoir d'achat de 184 975 euros.

Par un mémoire, enregistré le 14 juin 2023, M. B A a demandé au tribunal, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 11 de la loi n°2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022.

Il soutient que :

- ces dispositions sont applicables au litige ;

- ces dispositions n'ont pas fait l'objet d'une déclaration de conformité à la Constitution puisque dans sa décision n°2022-842 du 12 août 2022 le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur la conformité des articles 5 et 6 de la loi mais ne s'est pas prononcé sur les autres dispositions ;

- ces dispositions sont contraires au principe dégagé par le Conseil constitutionnel dans sa décision n°2021-982 du 17 mars 2022 qui prévoit la compensation intégrale de la perte du produit de la taxe d'habitation dès lors qu'elles conduisent à une compensation pour la commune mais sans que le taux syndical de taxe ne soit modifié ; ceci conduit à un enrichissement sans cause de la commune.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Clément, président-rapporteur ;

- les conclusions de Mme Tocut, rapporteure publique ;

- et les observations de M. A.

Considérant ce qui suit :

1. Par la délibération attaquée, le conseil municipal de la commune de Saint-Germain-au-Mont-D'or a adopté le budget primitif de la commune pour 2023 lequel inclut en recette la majoration de la compensation de l'Etat prévue par l'article 11 de la loi n°2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 au titre de la perte de produit de taxe d'habitation affectée au syndicat de communes Sygerly auquel la commune a adhéré. M. B A demande l'annulation de cette délibération.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé ". Selon l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux. () ".

3. Il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que le tribunal administratif saisi d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux.

4. Aux termes des dispositions de l'article 11 de la loi n°2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 : " I.- Le a du 1° du A du IV de l'article 16 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 est complété par une phrase ainsi rédigée : " Ce taux est majoré, le cas échéant, du taux syndical de taxe d'habitation appliqué en 2017 sur le territoire de la commune, en application du premier alinéa de l'article 1609 quater du code général des impôts. " / II.- Le I s'applique à compter du 1er janvier 2022. ".

5. Le requérant soutient que les dispositions précitées portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution en ce qu'elles sont contraires au principe dégagé par le Conseil constitutionnel dans sa décision n°2021-982 du 17 mars 2022 qui prévoit la compensation intégrale de la perte du produit de la taxe d'habitation dès lors qu'elles conduisent à une compensation pour la commune mais sans que le taux syndical de taxe ne soit modifié. Il doit être regardé comme invoquant une violation de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Cependant alors que l'article 11 a pour effet de compenser la perte de recettes fiscales liée à la part de taxe d'habitation affectée aux syndicats de communes, la circonstance que la compensation soit faite au bénéfice de la commune concernée ne peut avoir pour effet de créer de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques entre les contribuables de communes différentes, lesquels sont placés dans des situations différentes, pas plus qu'entre les communes elles-mêmes. Ainsi la question posée doit être regardée comme dépourvue de caractère sérieux. Dès lors, il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.

Sur les autres moyens de la requête :

6. Aux termes de l'article L. 5212-20 du code général des collectivités territoriales : " La contribution des communes associées mentionnée au 1° de l'article L. 5212-19 est obligatoire pour ces communes pendant la durée du syndicat et dans la limite des nécessités du service telle que les décisions du syndicat l'ont déterminée. / Le comité du syndicat peut décider de remplacer en tout ou partie cette contribution par le produit de la taxe d'habitation, des taxes foncières et de la cotisation foncière des entreprises. / La mise en recouvrement de ces impôts ne peut toutefois être poursuivie que si le conseil municipal, obligatoirement consulté dans un délai de quarante jours, ne s'y est pas opposé en affectant d'autres ressources au paiement de sa quote-part. ".

7. Si M. A soutient que la commune de Saint-Germain-au-Mont-D'or aurait dû faire bénéficier directement les contribuables de la commune de la compensation versée pour la perte de produit de taxe d'habitation s'agissant de sa contribution au budget du syndicat Sylergy, aucune disposition ne lui imposait de le faire alors que les dispositions précitées du code général des collectivités territoriales prévoient la possibilité pour la commune d'affecter d'autres ressources qu'une contribution fondée sur les taxe locales au financement du syndicat.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. B A doit être rejetée.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. B A et à la commune de Saint-Germain-au-Mont-D'or.

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Clément, président,

Mme Rizzato, première conseillère,

Mme Gros, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023.

L'assesseure la plus

ancienne,

C. Rizzato

Le président,

M. ClémentLa greffière,

T. Andujar

La République mande et ordonne à la préfète du Rhône en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Un greffier,

Code publication

C