Tribunal administratif de Nice

Jugement du 31 octobre 2023 n° 2104924

31/10/2023

Non renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu les procédures suivantes :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 2104924 les 23 septembre 2021 et 21 juin 2022, Mme J K, M. D A, Mme I B, M. G B, Mme C H, et M. F E, représentés par Me Baheux, demandent au tribunal :

1°) d'annuler les décisions du 15 septembre 2021 par lesquelles le directeur général du centre hospitalier universitaire (CHU) de Nice les a suspendus de leurs fonctions en raison du non-respect de l'obligation vaccinale s'imposant aux professionnels de santé, avec privation de rémunération ;

2°) de mettre à la charge du CHU de Nice une somme de 1 500 euros à verser à chacun en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les décisions de suspension de leurs contrats de travail ont été prises en méconnaissance du respect de la procédure contradictoire ;

- l'obligation faite aux agents du CHU de Nice de communiquer à l'établissement de santé leur statut vaccinal méconnait les règles relatives à la protection du secret médical et au droit à la vie privée ;

- l'obligation vaccinale imposée au personnel médical viole le règlement n° 536/2014 (UE) du 16 avril 2014 relatif aux essais cliniques de médicaments à usage humain et abrogeant la directive 2001/20/CE ;

- l'obligation vaccinale imposée au personnel médical est disproportionnée en l'état des connaissances scientifiques, dès lors qu'elle ne permet pas de parvenir à une immunité collective ;

- le refus du personnel soignant de se soumettre à la vaccination est légitime ;

- la loi du 5 août 2021 n'était pas applicable en l'état.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 17 février 2022 et 12 septembre 2022, le CHU de Nice, représenté par Me Gillet, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge des requérants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme K et autres ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 19 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 17 octobre 2022.

Par un mémoire, enregistré le 9 octobre 2023, Mme K et autres demandent au tribunal, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 14 paragraphe 1.B de la loi du 5 août 2021.

Un mémoire présenté pour Mme K a été enregistré le 12 octobre 2023.

II. Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 2106219 les 29 novembre 2021 et 12 octobre 2023, Mme I B, représentée par Me Baheux, demande au tribunal :

1°) d'annuler la décision du 15 septembre 2021 par laquelle le directeur général du CHU de Nice l'a suspendue de ses fonctions en raison du non-respect de l'obligation vaccinale s'imposant aux professionnels de santé, avec privation de rémunération ;

2°) de mettre à la charge du CHU de Nice une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme B soulève les mêmes moyens que Mme K et autres dans la requête n° 2104924.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 septembre 2023, le CHU de Nice, représenté par Me Broc, conclut au rejet de la requête pour les mêmes motifs que ceux exposés sous le n° 2104924, et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la requérante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable, dès lors qu'elle n'a pas été suspendue de ses fonctions et que l'acte contesté par Mme B est une simple mesure d'information ne faisant pas grief ;

- les moyens soulevés par Mme B ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 9 octobre 2023, Mme B demande au tribunal, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 14 paragraphe 1.B de la loi du 5 août 2021.

III. Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 2106229 les 29 novembre 2021 et 12 octobre 2023, Mme C H, représentée par Me Baheux, demande au tribunal :

1°) d'annuler la décision du 15 septembre 2021 par laquelle le directeur général du CHU de Nice l'a suspendue de ses fonctions en raison du non-respect de l'obligation vaccinale s'imposant aux professionnels de santé, avec privation de rémunération ;

2°) de mettre à la charge du CHU de Nice une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme H soulève les mêmes moyens que Mme K et autres dans la requête n° 2104924.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 septembre 2023, le CHU de Nice, représenté par Me Broc, conclut au rejet de la requête pour les mêmes motifs que ceux exposés sous le n° 2104924, et à ce qu'une somme de 500 euros soit mise à la charge de la requérante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire, enregistré le 9 octobre 2023, Mme H demande au tribunal, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 14 paragraphe 1.B de la loi du 5 août 2021.

IV. Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 2106231 les 29 novembre 2021 et 12 octobre 2023, M. D A, représenté par Me Baheux, demande au tribunal :

1°) d'annuler la décision du 15 septembre 2021 par laquelle le directeur général du CHU de Nice l'a suspendu de ses fonctions en raison du non-respect de l'obligation vaccinale s'imposant aux professionnels de santé, avec privation de rémunération ;

2°) de mettre à la charge du CHU de Nice une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A soulève les mêmes moyens que Mme K et autres dans la requête n° 2104924.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 septembre 2023, le CHU de Nice, représenté par Me Broc, conclut au rejet de la requête pour les mêmes motifs que ceux exposés sous le n° 2104924, et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge du requérant en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable, dès lors que M. A n'a pas été suspendu et que l'acte contesté est une simple mesure d'information ne faisant pas grief ;

- les moyens soulevés par M. A ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 9 octobre 2023, M. A demande au tribunal, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 14 paragraphe 1.B de la loi du 5 août 2021.

V. Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 2106232 les 29 novembre 2021 et 12 octobre 2023, M. G B, représenté par Me Baheux, demande au tribunal :

1°) d'annuler la décision du 15 septembre 2021 par laquelle le directeur général du CHU de Nice l'a suspendu de ses fonctions en raison du non-respect de l'obligation vaccinale s'imposant aux professionnels de santé, avec privation de rémunération ;

2°) de mettre à la charge du CHU de Nice une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B soulève les mêmes moyens que Mme K et autres dans la requête n° 2104924.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 septembre 2023, le CHU de Nice, représenté par Me Broc, conclut au rejet de la requête pour les mêmes motifs que ceux exposés sous le n° 2104924, et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge du requérant en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable, dès lors que M. B n'a pas été suspendu de ses fonctions et que l'acte contesté est une simple mesure d'information ne faisant pas grief ;

- les moyens soulevés par M. B ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 9 octobre 2023, M. B demande au tribunal, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 14 paragraphe 1.B de la loi du 5 août 2021.

VI. Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 2106233 les 29 novembre 2021 et 12 octobre 2023, M. F E, représenté par Me Baheux, demande au tribunal :

1°) d'annuler la décision du 15 septembre 2021 par laquelle le directeur général du CHU de Nice l'a suspendu de ses fonctions en raison du non-respect de l'obligation vaccinale s'imposant aux professionnels de santé, avec privation de rémunération ;

2°) de mettre à la charge du CHU de Nice une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. E soulève les mêmes moyens que Mme K et autres dans la requête n° 2104924.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 septembre 2023, le CHU de Nice, représenté par Me Broc, conclut au rejet de la requête pour les mêmes motifs que ceux exposés sous le n° 2104924, et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge du requérant en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable, dès lors que M. E n'a pas été suspendu et que l'acte contesté est une simple mesure d'information ne faisant pas grief ;

- les moyens soulevés par M. E ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 9 octobre 2023, M. E demande au tribunal, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 14 paragraphe 1.B de la loi du 5 août 2021.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention d'Oviedo du 4 avril 1997 ;

- le règlement (CE) n° 726/2004 du 31 mars 2004 ;

- le règlement (CE) n° 507/2006 du 29 mars 2006 ;

- le règlement (UE) n° 536/2014 du 16 avril 2014 ;

- le code général de la fonction publique ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 ;

- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;

- le décret n° 2021-1059 du 7 août 2021 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sandjo,

- les conclusions de M. Beyls, rapporteur public,

- et les observations de Me Gillet, représentant le CHU de Nice.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes de Mmes K, B, H et de MM. A, B et E sont dirigées contre la même décision. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul jugement.

2. Mmes K, B, H et MM. A, B et M. E ont été recrutés par le CHU de Nice en qualité d'agents contractuels ou de fonctionnaires. Par une décision du 15 septembre 2021, dont les requérants demandent l'annulation, le directeur général du CHU de Nice a prononcé leur suspension en raison du non-respect de l'obligation vaccinale imposée aux agents et personnels de santé. Les requérants ont introduit un recours gracieux devant le CHU le 22 septembre 2021, ainsi qu'une requête en référé, le 23 septembre 2021. Par une ordonnance du 24 septembre 2021, le juge des référés du tribunal a rejeté la requête ainsi présentée.

Sur la demande de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité :

3. Il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, que le tribunal administratif saisi d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux. Le second alinéa de l'article 23-2 de la même ordonnance précise que : " En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu'elle est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative, d'une part, aux droits et libertés garantis par la Constitution et, d'autre part, aux engagements internationaux de la France, se prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d'Etat () " ;

4. Mme K et autres soutiennent que l'obligation vaccinale imposée par l'article 14 paragraphe 1.B de la loi du 5 août 2021 est contraire à l'article 61-1 de la Constitution ainsi qu'aux articles 23-1 et suivants de l'ordonnance du 7 novembre 1958. Toutefois, en se bornant à viser les dispositions des articles 61-1 de la Constitution et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, qui sont relatifs aux conditions et aux modalités de saisine du Conseil constitutionnel, les requérants n'identifient pas dans leurs mémoires distincts avec précision les principes ou règles constitutionnelles qui seraient effectivement méconnues par la disposition législative contestée. Par ailleurs, s'il est constant que dans la décision du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire, le Conseil constitutionnel ne s'est pas prononcé sur la conformité de la disposition spécifique du paragraphe 1.B de l'article 14 de la loi du 5 août 2021, il ressort de cette décision que les dispositions de la loi contestées ont été regardées comme opérant une conciliation équilibrée entre plusieurs exigences constitutionnelles, en particulier entre l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé, le droit à l'emploi, la liberté d'entreprendre ou encore à la liberté d'aller et venir. En outre, le dispositif de la décision vise que le Conseil constitutionnel n'a pas soulevé d'office, comme il en a la possibilité, d'autre question de conformité de cette loi à la Constitution. Par suite, la question soulevée ne présente pas un caractère sérieux.

5. Ainsi, sans qu'il soit besoin de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que l'article 14 paragraphe 1.B de la loi du 5 août 2021 porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

6. Aux termes de l'article 12 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire : " I. - Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la

covid-19 : 1° Les personnes exerçant leur activité dans : a) Les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique ainsi que les hôpitaux des armées mentionnés à l'article L. 6147-7 du même code ; () / II. - Un décret, pris après avis de la Haute Autorité de santé, détermine les conditions de vaccination contre la covid-19 des personnes mentionnées au

I du présent article. Il précise les différents schémas vaccinaux et, pour chacun d'entre eux, le nombre de doses requises. / Ce décret fixe les éléments permettant d'établir un certificat de statut vaccinal pour les personnes mentionnées au même I et les modalités de présentation de ce certificat sous une forme ne permettant d'identifier que la nature de celui-ci et la satisfaction aux critères requis. Il détermine également les éléments permettant d'établir le résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19 et le certificat de rétablissement à la suite d'une contamination par la covid-19. / () ". Aux termes de l'article 13 de la même loi : " I. - Les personnes mentionnées au I de l'article 12 établissent : 1° Satisfaire à l'obligation de vaccination en présentant le certificat de statut vaccinal prévu au second alinéa du II du même article 12. / Par dérogation au premier alinéa du présent 1°, peut être présenté, pour sa durée de validité, le certificat de rétablissement prévu au second alinéa du II de l'article 12. Avant la fin de validité de ce certificat, les personnes concernées présentent le justificatif prévu au premier alinéa du présent 1°. () / II. - Les personnes mentionnées au I de l'article 12 justifient avoir satisfait à l'obligation prévue au même I ou ne pas y être soumises auprès de leur employeur lorsqu'elles sont salariées ou agents publics. / () ". Et aux termes de l'article 14 de la même loi : " I. - A. - A compter du lendemain de la publication de la présente loi et jusqu'au 14 septembre 2021 inclus, les personnes mentionnées au I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12 ou le résultat, pour sa durée de validité, de l'examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19 prévu par le même décret. / B. - A compter du 15 septembre 2021, les personnes mentionnées au I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12. / Par dérogation au premier alinéa du présent B, à compter du 15 septembre 2021 et jusqu'au 15 octobre 2021 inclus, sont autorisées à exercer leur activité les personnes mentionnées au I de l'article 12 qui, dans le cadre d'un schéma vaccinal comprenant plusieurs doses, justifient de l'administration d'au moins une des doses requises par le décret mentionné au II du même article 12, sous réserve de présenter le résultat, pour sa durée de validité, de l'examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19 prévu par le même décret. / () III. - Lorsque l'employeur constate qu'un agent public ne peut plus exercer son activité en application du I, il l'informe sans délai des conséquences qu'emporte cette interdiction d'exercer sur son emploi ainsi que des moyens de régulariser sa situation. L'agent public qui fait l'objet d'une interdiction d'exercer peut utiliser, avec l'accord de son employeur, des jours de congés payés. A défaut, il est suspendu de ses fonctions ou de son contrat de travail. / La suspension mentionnée au premier alinéa du présent III, qui s'accompagne de l'interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que l'agent public remplit les conditions nécessaires à l'exercice de son activité prévues au I. Elle ne peut être assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits acquis par l'agent public au titre de son ancienneté. Pendant cette suspension, l'agent public conserve le bénéfice des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles il a souscrit. / () ".

7. Aux termes du 8° de l'article 1 du décret du 7 août 2021 modifiant le décret du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire : " () Art. 49-1.-Hors les cas de contre-indication médicale à la vaccination mentionnés à l'article 2-4, les éléments mentionnés au second alinéa du II de l'article 12 de la loi

n° 2021-1040 du 5 août 2021 susvisée sont : " 1° Un justificatif du statut vaccinal délivré dans les conditions mentionnées au 2° de l'article 2-2 ; " 2° Un certificat de rétablissement délivré dans les conditions mentionnées au 3° de l'article 2-2 ; " 3° A compter de la date d'entrée en vigueur de la loi et jusqu'au 14 septembre 2021 inclus et à défaut de pouvoir présenter un des justificatifs mentionnés aux présents 1° ou 2°, le résultat d'un examen de dépistage, d'un test ou d'un autotest mentionné au 1° de l'article 2-2 d'au plus 72 heures. A compter 15 septembre 2021 et jusqu'au 15 octobre 2021 inclus, ce justificatif doit être accompagné d'un justificatif de l'administration d'au moins une des doses d'un des schémas vaccinaux mentionnés au 2° de l'article 2-2 comprenant plusieurs doses. / " Les seuls tests antigéniques pouvant être valablement présentés pour l'application du présent 3° sont ceux permettant la détection de la protéine N du

SARS-CoV-2. / " La présentation de ces documents est contrôlée dans les conditions mentionnées à l'article 2-3. () ".

8. Le législateur a adopté cette disposition dans l'objectif de protection de la santé publique et notamment afin de protéger les personnes accueillies par ces établissements qui peuvent présenter une vulnérabilité particulière au virus de la covid-19 et afin d'éviter la propagation du virus par les professionnels de la santé dans l'exercice de leur activité qui, par nature, peut les conduire à soigner des personnes vulnérables ou ayant de telles personnes dans leur entourage. En outre, il a entendu laisser une durée raisonnable aux professionnels soignants et non-soignants des établissements publics de santé pour se faire vacciner.

9. Les personnels concernés devaient présenter, soit un certificat vaccinal complet, soit un certificat de rétablissement en cours de validité, soit un certificat de contre-indication à la vaccination, soit un justificatif attestant avoir reçu au moins une des doses de vaccin ainsi que le résultat de l'examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la

Covid-19 de moins de 72 heures. Le contenu de ces documents est limité à la situation des personnels concernés par rapport à la Covid-19 et ne porte dès lors pas une atteinte disproportionnée au secret médical, ni une atteinte grave et manifestement illégale au droit à la vie privée.

10. Il résulte des dispositions citées aux points 6 et 7 ci-dessus qu'à défaut de présentation des justificatifs exigés par le I de l'article 13 de la loi du 5 août 2021 ou, comme le prévoit l'article 14 de cette loi, de la justification de l'administration d'une des doses d'un vaccin contre la covid-19, les agents en fonction dans un établissement de santé ne peuvent plus exercer leur activité à compter du 15 septembre 2021 et que, lorsqu'il constate une telle situation, l'autorité hiérarchique ne peut que prononcer à l'encontre des agents concernés une suspension d'exercer avec suspension de leur traitement.

11. Si les requérants font valoir que la décision de suspension les frappant a été prise en violation du principe du contradictoire, il ressort des pièces du dossier que par sa décision attaquée, le directeur général du CHU de Nice les a préalablement invités à prendre l'attache des services des ressources humaines compétents afin de définir les modalités d'une régularisation de leur situation et, ainsi d'éviter la sanction. Dès lors, le moyen tiré de la violation du respect du principe du contradictoire est sans incidence sur la légalité de la décision contestée, et ne peut être qu'écarté.

12. Aux termes de l'article L. 1124-1 du code de la santé publique : " I.- Les essais cliniques de médicaments sont régis par les dispositions du règlement (UE) n° 536/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014. / (). ". Ce règlement prévoit dans ses propos liminaires que : " Lors d'un essai clinique, les droits, la sécurité, la dignité et le bien-être des participants, ainsi que la fiabilité et la robustesse des données obtenues, devraient être garantis. L'intérêt des participants devrait toujours prévaloir sur tout autre intérêt. ". Aux termes de l'article L. 1121-2 du code de la santé publique: " Aucune recherche impliquant la personne humaine ne peut être effectuée : - si elle ne se fonde pas sur le dernier état des connaissances scientifiques et sur une expérimentation préclinique suffisante ; - si le risque prévisible encouru par les personnes qui se prêtent à la recherche est hors de proportion avec le bénéfice escompté pour ces personnes ou l'intérêt de cette recherche ; - si elle ne vise pas à étendre la connaissance scientifique de l'être humain et les moyens susceptibles d'améliorer sa condition ; - si la recherche impliquant la personne humaine n'a pas été conçue de telle façon que soient réduits au minimum la douleur, les désagréments, la peur et tout autre inconvénient prévisible lié à la maladie ou à la recherche, en tenant compte particulièrement du degré de maturité pour les mineurs et de la capacité de compréhension pour les majeurs hors d'état d'exprimer leur consentement. L'intérêt des personnes qui se prêtent à une recherche impliquant la personne humaine prime toujours les seuls intérêts de la science et de la société. La recherche impliquant la personne humaine ne peut débuter que si l'ensemble de ces conditions sont remplies. Leur respect doit être constamment maintenu. ".

13. Si l'article 12 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire instaure une obligation vaccinale pour les professionnels de santé, il n'impose pas une obligation de vaccination au moyen d'un vaccin à ARN messager. Au demeurant, les vaccins contre la covid-19 administrés en France ont fait l'objet d'une autorisation de mise sur le marché de l'Agence européenne du médicament, telle qu'encadrée par le règlement du 29 mars 2006 relatif à l'autorisation de mise sur le marché conditionnelle de médicaments à usage humain relevant du règlement du 31 mars 2004 établissant des procédures communautaires pour l'autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments et que le caractère conditionnel de cette autorisation ne saurait conduire à la regarder comme un essai clinique au sens du règlement du 16 avril 2014 relatif aux essais cliniques de médicaments à usage humain. Par suite, les requérants ne peuvent utilement invoquer les stipulations de ce règlement.

14. Selon l'article 5 de la convention sur les droits de l'homme et la biomédecine, signée à Oviedo le 4 avril 1997 : " Une intervention dans le domaine de la santé ne peut être effectuée qu'après que la personne concernée y a donné son consentement libre et éclairé. / Cette personne reçoit préalablement une information adéquate quant au but et à la nature de l'intervention ainsi que quant à ses conséquences et ses risques. / La personne concernée peut, à tout moment, librement retirer son consentement. ". Aux termes de son article 26 : " L'exercice des droits et les dispositions de protection contenus dans la présente Convention ne peuvent faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sûreté publique, à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé publique ou à la protection des droits et libertés d'autrui. / Les restrictions visées à l'alinéa précédent ne peuvent être appliquées aux articles 11, 13, 14, 16, 17, 19, 20 et 21. ". Et aux termes de l'article L. 1111-4 du code de la santé publique : " () / Toute personne a le droit de refuser ou de ne pas recevoir un traitement. () / Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment. / (). ".

15. Une vaccination obligatoire constitue une restriction au droit institué par l'article 5 de la convention sur les droits de l'homme et la biomédecine, qui peut être admise si elle remplit les conditions prévues à son article 26 et, notamment, si elle est justifiée par des considérations de santé publique et proportionnée à l'objectif poursuivi. Il doit ainsi exister un rapport suffisamment favorable entre, d'une part, la contrainte et le risque présentés par la vaccination pour chaque personne vaccinée et, d'autre part, le bénéfice qui en est attendu tant pour cet individu que pour la collectivité dans son entier, y compris ceux de ses membres qui ne peuvent être vaccinés en raison d'une contre-indication médicale, compte tenu à la fois de la gravité de la maladie, de son caractère plus ou moins contagieux, de l'efficacité du vaccin et des risques ou effets indésirables qu'il peut présenter.

16. Si, les requérants soutiennent que les bénéfices attendus des vaccins contre la covid-19 sont limités, tandis que les risques de moyen et de long termes liés à ces vaccins ne sont pas connus eu égard à leur caractère expérimental, les communiqués de presses et interviews qu'ils produisent ne constituent pas des éléments suffisants de nature à remettre en cause le consensus scientifique selon lequel la vaccination contre la covid-19 prémunit contre les formes graves de la maladie et présente des effets indésirables limités au regard de son efficacité. Par ailleurs, l'article 12 de la loi du 5 août 2021 prévoit que l'obligation vaccinale ne s'applique pas aux personnes présentant une contre-indication médicale reconnue. En outre, la restriction apportée par cet article à l'obligation de consentement à toute intervention dans le domaine de la santé est inhérente au caractère obligatoire de la vaccination. Par suite, et même si chaque personne reste libre de refuser de se soumettre à la vaccination contre la covid-19 qui n'est pas pratiquée par la force, en adoptant la loi du 5 août 2021, le législateur a nécessairement entendu déroger à l'article L. 1111-4 du code de la santé publique. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision attaquée, fondée sur l'obligation vaccinale instituée par la loi du 5 août 2021, méconnaît le principe du respect du libre consentement ne peut qu'être écarté.

17. En dernier lieu, le moyen tiré de l'inapplicabilité de la loi du 5 août 2021 manque en fait dès lors que le décret du 7 août 2021, modifiant le décret du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire, est venu en préciser les modalités d'application.

18. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'ils soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le CHU de Nice dans les requêtes n° 2106219, 2106231, 2106232 et 216233, que les conclusions de des requérants tendant à l'annulation de la lettre du 15 septembre 2021 doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CHU de Nice, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que les requérants demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des requérants les sommes demandées par le CHU de Nice au même titre.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par Mme K et autres.

Article 2 : Les requêtes de Mme K et autres sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par le CHU de Nice au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à Mme J K, à Mme I B, à Mme C H, à M. D A, à M. G B, à M. F E et au centre hospitalier universitaire de Nice.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Bonhomme, président,

- Mme Soler, conseillère,

- Mme Sandjo, conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 octobre 2023.

La rapporteure,

Signé

G. SANDJO

Le président,

Signé

T. BONHOMMELa greffière,

Signé

O. MOULOUD

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour le greffier en chef,

Ou par délégation la greffière,

2, 2106219, 2106229, 2106231, 2106232, 2106233

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