Cour administrative d'appel de Lyon

Jugement du 30 octobre 2023 n° 23LY00183

30/10/2023

Non renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 28 octobre 2022 par lesquelles le préfet du Puy-de-Dôme l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et l'a interdite de retour sur le territoire pour une durée d'un an.

Par jugement n° 2202529 du 11 janvier 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 16 janvier et le 13 septembre 2023, Mme A, représentée par Me Gauché, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 11 janvier 2023 ainsi que l'arrêté du 28 octobre 2022 du préfet du Puy-de-Dôme la concernant ;

2°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de lui délivrer dans le délai de deux jours, une autorisation provisoire de séjour durant le réexamen de sa demande et d'effacer son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;

3°) après l'avoir admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire au titre de la procédure de première instance, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre de la procédure de première instance ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre de la procédure d'appel.

Elle soutient que :

- l'instruction conduite par le tribunal a méconnu l'article L. 614-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le jugement est entaché d'omission à statuer sur le moyen tiré du défaut d'examen complet de sa situation ;

- le refus de l'admettre à l'aide juridictionnelle provisoire entache le jugement de partialité ;

- le jugement est entaché d'erreurs matérielles sur sa situation personnelle ;

- l'arrêté en litige est entaché d'un défaut d'examen particulier ;

- l'obligation de quitter le territoire méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, l'article 3 1° de la convention relative aux droits de l'enfant ;

- l'obligation de quitter le territoire, le refus de renouveler l'attestation de demandeur d'asile et l'interdiction de retour sur le territoire méconnaissent son droit à être entendue et le principe du contradictoire ;

- la fixation du pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ; le préfet s'est estimé en situation de compétence liée pour prononcer cette décision ;

- l'interdiction le retour sur le territoire d'une durée d'un an doit être annulée en conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ; elle méconnaît l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le tribunal ne pouvait pas se fonder sur l'article 7 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 pour rejeter l'aide juridictionnelle provisoire ; l'aide juridictionnelle à titre provisoire ne pouvait être refusée sans erreur au regard de la valeur des moyens articulés à l'appui du recours ;

- les dispositions de l'article 62 du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 dont il a été fait application sont inconstitutionnelles et inconventionnelles en tant qu'elles privent le justiciable de la possibilité de contester le refus d'admission, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle ; elles méconnaissent le droit à un recours effectif et les droits de la défense protégés par l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, les articles 13 et 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; elles font obstacle à ce que le justiciable puisse bénéficier de l'assistance d'un avocat et portent une atteinte substantielle au droit d'exercer un recours juridictionnel effectif.

Par mémoire du 14 septembre 2023, le préfet du Puy-de-Dôme conclut au rejet de la requête en faisant valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Par lettre du 15 septembre 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible de relever d'office l'irrecevabilité des conclusions de la requête dirigées contre le refus d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle sont irrecevables, cette décision n'étant pas susceptible de recours en application des dispositions de l'article 62 du décret du 28 décembre 2020.

Par courrier du 19 septembre 2023, Mme A a produit des observations en réponse à ce moyen d'ordre public, qui ont été communiquées.

Par mémoire distinct enregistré le 19 septembre 2023, Mme A, représentée par Me Gauché, demande de transmettre au Conseil d'État la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 20 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article 62 du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 au regard des dispositions de l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789.

Elle soutient que :

- l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 fait écran entre les dispositions de l'article 62 du décret du 28 décembre 2020 et la Constitution, le juge constitutionnel étant, dans ces conditions, seul compétent pour contrôler la constitutionnalité de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article 62 du décret du 28 décembre 2020 ;

- les trois conditions prévues par l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 sont réunies, les dispositions de l'article 20 de la loi et de l'article 62 du décret étant applicables au litige ; elle a notamment interjeté appel du jugement attaqué en tant que ce jugement a refusé de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ; les dispositions de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par une décision du Conseil constitutionnel ; la question n'est pas dépourvue de caractère sérieux ; l'aide juridictionnelle participe au respect du droit à un recours effectif qui assure la garantie des droits et libertés prévue par l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- les dispositions de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 sont entachées d'incompétence négative affectant le droit à un recours juridictionnel effectif ; elles ne prévoient aucune voie de recours permettant de contester la légalité d'une décision refusant une admission à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle, qui est une décision juridictionnelle ; il en est de même des dispositions de l'article 62 du décret du 28 décembre 2020 ; ces dispositions portent une atteinte substantielle au principe du contradictoire dès lors qu'une telle décision n'est précédée d'aucune procédure contradictoire ;

- une décision de refus d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle peut affecter les droits d'un justiciable et priver son avocat de l'indemnité à laquelle il aurait eu droit, alors même que le justiciable remplissait les conditions pour obtenir l'aide juridictionnelle et que l'intégralité des diligences nécessaires a été accomplie par son avocat ; pour refuser de faire droit à une telle demande, le magistrat peut être conduit à porter une appréciation du bien-fondé même du recours soumis à son examen, faisant alors application, en plus des dispositions de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991, de celles de l'article 7 ; cette appréciation est susceptible d'orienter le sens de la décision qui sera prise par le président du bureau d'aide juridictionnelle compétent et d'inciter ce dernier à rejeter la demande d'aide juridictionnelle ; le justiciable peut se trouver dissuadé d'introduire une action.

Par décision du 29 mars 2023, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à Mme A.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution et notamment son article 61-1 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement avertie du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Christine Psilakis, rapporteure.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A, ressortissante gabonaise, née le 17 janvier 1989, est entrée en France le 28 décembre 2019 sous couvert d'un visa de type C " court séjour ". La Cour nationale du droit d'asile a rejeté définitivement sa demande d'asile par une décision du 23 juin 2022. Par un arrêté du 28 octobre 2022, le préfet du Puy-de-Dôme a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français assortie d'un délai de départ volontaire de trente jours, a fixé le pays de destination, l'a interdite de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, et l'a informée de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pour la même durée. Mme A relève appel du jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 1er octobre 2020 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce dernier arrêté ainsi que sa demande d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, le recours pour excès de pouvoir a pour objet, non de sommer le défendeur de justifier a priori de la légalité de la décision en litige, mais de soumettre au débat des moyens sur lesquels le juge puisse utilement statuer. Le juge n'est, en conséquence, tenu de faire usage des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 614-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles prévoient que le ressortissant étranger visé par une obligation de quitter le territoire prise sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du même code, assortie d'un délai de départ volontaire, puisse demander la communication du dossier contenant les pièces sur la base desquelles la décision contestée a été prise, que si les moyens invoqués par le demandeur sont appuyés d'arguments ou de commencements de démonstration appelant une réfutation par la production d'éléments que l'administration est seule à détenir. Or, Mme A s'est bornée à affirmer devant le tribunal qu'il appartenait au préfet du Puy-de-Dôme de produire l'intégralité de son dossier sans préciser l'utilité de sa demande au regard des moyens qu'elle articulait. Dans ces conditions, en s'abstenant d'user de la faculté que prévoient les dispositions de l'article L. 614-5 la magistrate désignée n'a pas entaché son jugement d'irrégularité.

3. En deuxième lieu, en relevant, à titre liminaire dans son mémoire enregistré le 6 janvier 2023, que les pièces produites en défense ne permettaient pas de caractériser un examen complet de sa situation, Mme A n'a pas invoqué de nouveaux moyens contre l'obligation de quitter le territoire, tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant. Par suite, le moyen tiré de l'omission à statuer sur ces moyens qui entacherait le jugement attaqué doit être écarté.

4. En troisième lieu, il ne résulte pas des termes du jugement qu'il serait entaché de partialité. La seule circonstance que la magistrate désignée ait refusé d'admettre l'intéressée à l'aide juridictionnelle provisoire ne saurait caractériser une telle irrégularité.

5. Enfin, les erreurs matérielles alléguées entachant le jugement relèvent d'une contestation de son bien-fondé.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

6. Aux termes de l'article 61-1 de la Constitution du 4 octobre 1958 : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État () qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article ". Aux termes de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, modifiée par la loi organique du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution : " () le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d'appel () ". Aux termes de l'article 23-2 de la même ordonnance : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État () Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure () 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux ".

7. En premier lieu, aux termes de l'article 62 du décret du 28 décembre 2020 : " () La décision statuant sur la demande d'admission provisoire n'est pas susceptible de recours ". Ces dispositions, qui présentent un caractère réglementaire, ne sont pas au nombre des dispositions législatives visées par l'article 61-1 de la Constitution et l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, et ne peuvent, par conséquent, faire l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité.

8. En second lieu, et d'une part, aux termes de l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen : " Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ". Aux termes de l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 : " La loi fixe les règles concernant : - les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques () ".

9. D'autre part, aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 : " Dans les cas d'urgence (), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président. / L'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut également être accordée lorsque la procédure met en péril les conditions essentielles de vie de l'intéressé, notamment en cas d'exécution forcée emportant saisie de biens ou expulsion. / L'aide juridictionnelle est attribuée de plein droit à titre provisoire dans le cadre des procédures présentant un caractère d'urgence dont la liste est fixée par décret en Conseil d'État ".

10. Mme A soutient que ces dernières dispositions seraient de nature à faire obstacle à ce qu'un justiciable puisse bénéficier de l'assistance d'un avocat en vue de porter sa contestation devant la juridiction compétente pour en connaître et à priver l'avocat constitué pour un justiciable de l'indemnité allouée au titre de l'aide juridictionnelle, alors même que les conditions pour prétendre à cette aide seraient remplies et que cet avocat aurait accompli l'intégralité des diligences lui incombant. Toutefois ces dispositions ont seulement pour effet, spécialement en situation d'urgence, et sans dessaisir le bureau d'aide juridictionnelle qui, en toute hypothèse, devra ultérieurement se prononcer sur l'attribution de l'aide juridictionnelle et dont la décision pourra faire l'objet d'un éventuel recours, de permettre à la juridiction compétente d'accorder ou non provisoirement le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, et alors même qu'elles ne prévoient aucune procédure contradictoire ni voie de recours en cas de refus d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle, les dispositions de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991, qui n'interdisent pas, en tant que telles, à un justiciable de se faire assister d'un avocat, sont insusceptibles de porter atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif qui assure la garantie des droits et libertés prévue par l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Aucune incompétence négative du législateur, faute pour ce dernier d'avoir précisé, dans le cadre de l'article 34 de la Constitution, les conditions de contestation d'un refus d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle, ne saurait donc ici être retenue. Il suit de là que la question prioritaire de constitutionnalité dont Mme A a saisi la cour est dépourvue de caractère sérieux.

11.Il n'y a dès lors pas lieu de transmettre cette question au Conseil d'État.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le refus d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :

Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité des conclusions à fin d'annulation de ce refus :

12.En premier lieu, et comme il a déjà été dit, la décision statuant sur la demande d'admission provisoire ne dessaisit pas le bureau d'aide juridictionnelle qui, en toute hypothèse, doit ultérieurement se prononcer sur la demande d'aide juridictionnelle présentée par le justiciable, avec la possibilité pour ce dernier d'exercer un recours contre sa décision. Si, en vertu de l'article 62, précité, du décret du 28 décembre 2020, l'admission ou le refus provisoire est insusceptible de recours, une telle circonstance ne prive pas le justiciable de la possibilité de bénéficier de l'assistance d'un avocat et, également, d'obtenir le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par ailleurs, la décision se prononçant sur la demande d'admission provisoire demeure sans incidence sur celle prise finalement par le bureau d'aide juridictionnelle, qui n'est pas lié par l'appréciation portée initialement.

13.En second lieu, aux termes de l'article 7 de la loi du 10 juillet 1991 : " l'aide juridictionnelle est accordée à la personne dont l'action n'apparaît pas, manifestement, irrecevable ou dénuée de fondement () ". Ces dispositions ont pour objet d'éviter que soient mises à la charge de l'État les dépenses afférentes aux actions qui, de manière manifeste, apparaissent dépourvues de toute chance de succès et pour apprécier si les conditions prévues par ces dispositions sont remplies, l'autorité saisie se livre, au vu des seules indications figurant dans la demande d'aide juridictionnelle, à un examen nécessairement sommaire des éléments de l'espèce. Si l'intéressée soutient que la magistrate désignée ne pouvait, sans méconnaître la valeur effective de l'argumentation développée à l'appui des moyens tirés du défaut d'examen particulier, de la violation de son droit à être entendue, de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la violation de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile , se fonder sur ces dispositions pour lui refuser l'attribution, à titre provisoire, de l'aide juridictionnelle, la possibilité d'accorder ou non le bénéfice de cette aide en application de l'article 20 précité de la loi du 10 juillet 1991 est prévue sous réserve de l'intervention ultérieure du bureau d'aide juridictionnelle, sans faire obstacle à l'application des conditions posées, notamment, par son article 7. Par suite et alors que, comme l'a jugé le magistrat désigné, l'action de Mme A apparait manifestement infondée, le moyen ici invoqué ne peut, en toute hypothèse, qu'être écarté.

En ce qui concerne la légalité des décisions du 20 janvier 2022 :

14. En premier lieu, le défaut d'examen allégué de la situation de Mme A par le préfet du Puy-de-Dôme ne ressort pas des termes des décisions en litige. Ce moyen n'est pas fondé et doit être écarté, nonobstant les productions en défense du préfet devant le tribunal.

15. En deuxième lieu, une violation des droits de la défense, en particulier du droit d'être entendu, n'entraîne l'annulation de la décision prise au terme de la procédure administrative en cause que si, en l'absence de cette irrégularité, cette procédure pouvait aboutir à un résultat différent. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A, bien qu'elle ait sollicité une demande d'asile, ait été, à un moment de la procédure, informée de ce qu'elle était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement, d'un refus de renouvellement de son attestation de demandeur d'asile, d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ou mise à même de présenter des observations. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressée, qui se borne à faire état, pour contester ces mesures, de sa situation familiale, qui a été prise en compte par le préfet du Puy-de-Dôme dans la décision en litige, disposait d'éléments pertinents qu'elle aurait pu utilement porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise les mesures en cause et qui, s'ils avaient été communiqués à temps, auraient été de nature à faire obstacle à celles-ci. Par suite, le moyen doit être écarté.

16. En troisième lieu, Mme A est entrée en France en novembre 2019 afin d'y solliciter l'asile. Après rejet de cette demande par décision de la cour nationale du droit d'asile le 23 juin 2022, Mme A se maintient irrégulièrement sur le territoire national. Si l'intéressée se prévaut de ce que ses deux enfants mineurs âgés de 8 et 11 ans dont l'un est handicapé, sont scolarisés en France, toutefois rien ne fait obstacle à la reconstitution de la cellule familiale au Gabon. Par ailleurs, si la requérante verse aux débats la copie de carte de séjour de deux hommes qu'elle présente comme ses frères, elle ne justifie toutefois pas d'un lien de parenté avec eux. Ainsi, les circonstances invoquées par Mme A ne suffisent pas, eu égard notamment à ses conditions de séjour, à établir que la décision attaquée aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit dès lors être écarté.

17. En quatrième lieu, l'obligation de quitter le territoire français n'a pas pour finalité de séparer Mme A de ses enfants mineurs, et l'intérêt supérieur de ces derniers réside dans la poursuite de leur existence aux côtés de leur mère et non dans la scolarisation en France, fut-elle aménagée pour l'un des enfants compte tenu de son handicap. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.

18. En cinquième lieu, en l'absence d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire, Mme A n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette décision à l'encontre de la fixation du pays de destination. Par ailleurs, il ne ressort pas des termes de l'arrêté en litige que le préfet se soit estimé lié par la décision de la cour nationale du droit d'asile pour fixer le Gabon comme pays de destination en cas d'exécution de la mesure d'éloignement.

19. En sixième lieu, Mme A reprend en appel ses moyens selon lesquels la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire et procède d'une violation des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ces moyens ont été écartés à bon droit par le jugement attaqué, dont il y a lieu d'adopter les motifs.

20. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'exiger de l'administration qu'elle produise son entier dossier, que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'État la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par Mme A

Article 2 : La requête de Mme A est rejetée.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme B A. Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Arbarétaz, président,

Mme Christine Psilakis, première conseillère,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 octobre 2023.

La rapporteure,

Christine Psilakis

Le président,

Philippe Arbarétaz

La greffière,

Marie-Thérèse Pillet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

Code publication

C