Tribunal administratif de Grenoble

Ordonnance du 20 octobre 2023 n° 2306637

20/10/2023

Irrecevabilité

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 16 octobre 2023, Mme B A demande au tribunal :

- de surseoir à statuer sur le litige et de transmettre au Conseil d'État la question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée dans le mémoire distinct : " Les dispositions de l'article L. 826-4, alinéa premier, du code général de la fonction publique, dans sa version issue de l'ordonnance n° 2021-1574 du 24 novembre 2021, portent-elles atteinte au principe d'égalité de traitement des citoyens devant la loi, garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, en ce qu'elles créent une discrimination injustifiée envers les fonctionnaires territoriaux handicapés en voie de reclassement, en disposant que " le fonctionnaire reconnu inapte à l'exercice de ses fonctions, peut être reclassé par la voie du détachement dans [] un cadre d'emplois ou emploi de niveau équivalent ou inférieur ", alors que pour les agents contractuels de la fonction publique territoriale placés dans une situation de handicap identique, aux termes de l'article 39-5, alinéa 2, du décret n° 88-145 du 15 février 1988, le reclassement s'effectue " sur un emploi relevant de la même catégorie hiérarchique ou à défaut, et sous réserve de l'accord exprès de l'agent, d'un emploi relevant d'une catégorie inférieure ' ".

- d'annuler la décision de l'adjoint au maire de la Ville d'Annecy en date du 28 août 2023 l'informant que la procédure de reclassement à son égard sera prochainement finalisée dans le but de régulariser sa situation administrative, qu'elle bénéficiera de la rémunération liée au cadre d'emplois d'auxiliaire de puériculture de catégorie B, suite au passage de la catégorie C à la catégorie B de ce cadre d'emplois au 1er janvier 2022, et ce jusqu'à la date de son reclassement sur un poste compatible avec son état de santé et ses compétences ;

- de condamner, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Ville d'Annecy à lui payer la somme de 2 800 euros au titre des frais irrépétibles non compris dans les dépens, à savoir l'achat de manuels de droit de la fonction publique, de droit constitutionnel, de droit des personnes handicapées, des consultations juridiques privées, la préparation matérielle du recours pour excès de pouvoir avec QPC sur ses jours de repos, et la réparation d'une imprimante-scanner pour la dématérialisation des pièces justificatives du recours.

Elle soutient que :

- la décision est signée par une autorité incompétente ;

- elle est entachée d'une violation de l'article 27, 1°, a), de la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées ;

- son reclassement par voie de détachement en date du 1er octobre 2020 " pour une durée d'un an " dans le cadre d'emplois des adjoints territoriaux du patrimoine n'a pas été renouvelé dans les formes prévues à l'article 4 du décret n° 85-1054 du 30 septembre 1985 ;

- elle entend soulever l'inconstitutionnalité de la loi et le défaut de base légale.

Par un mémoire compris dans le même fichier et enregistré le 16 octobre 2023, Mme B A demande au tribunal de transmettre au Conseil d'État cette question prioritaire de constitutionnalité.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit.

1. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " () les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours () peuvent, par ordonnance : () 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ; () ".

2. Mme B A, auxiliaire de puériculture, a été reclassée le 1er octobre 2020 par voie de détachement " pour une durée d'un an " dans le cadre d'emplois des adjoints territoriaux du patrimoine à la suite d'une maladie. L'intéressée, qui n'avait pas repris son travail, a été, aux termes d'un arrêté n°2022-0561 du 28 février 2022, intégrée dans le nouveau cadre d'emplois des auxiliaires de puériculture territoriaux de catégorie B à compter du 1er janvier 2022, et a bénéficié d'un reclassement indiciaire. En avril 2023, elle a constaté, à la lecture de son bulletin de salaire, qu'elle ne bénéficiait plus du traitement d'auxiliaire de puériculture territoriale de catégorie B sans que l'arrêté d'intégration n°2022-0561 du 28 février 2022, qui était devenu définitif, n'ait été retiré. Par un recours gracieux du 26 juin 2023, Mme A a demandé à être détachée dans le cadre d'emplois des rédacteurs territoriaux du patrimoine (catégorie B) et non plus dans celui des adjoints territoriaux du patrimoine (catégorie C) et a demandé la régularisation de sa situation professionnelle, notamment le versement des sommes dues en application de son intégration en catégorie B (traitement, primes et indemnités) retenues depuis le mois d'avril 2023. Mme A conteste le courrier de l'adjoint au maire de la Ville d'Annecy en date du 28 août 2023 l'informant que la procédure de reclassement à son égard sera prochainement finalisée dans le but de régulariser sa situation administrative, qu'elle bénéficiera de la rémunération liée au cadre d'emplois d'auxiliaire de puériculture de catégorie B, suite au passage de la catégorie C à la catégorie B de ce cadre d'emplois au 1er janvier 2022, et ce jusqu'à la date de son reclassement sur un poste compatible avec son état de santé et ses compétences.

3. A la date de l'introduction de la requête, il résulte du courrier d'information du 28 août 2023 que la décision de reclassement de Mme A sur un poste compatible avec son état de santé et ses compétences n'est pas intervenue. Il s'ensuit que la requête est prématurée. Dès lors elle est entachée d'une irrecevabilité manifeste. Il appartiendra à la requérante, le cas échéant, de saisir le tribunal contre la mesure qui sera prise par son employeur à l'issue de son reclassement pour raisons de santé si ce reclassement devait intervenir sur un grade de catégorie C alors que Mme A a été intégrée en catégorie B aux termes de l'arrêté d'intégration n°2022-0561 du 28 février 2022.

4. Le Tribunal administratif, saisi par mémoire distinct d'une question prioritaire de constitutionnalité, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de cette question au Conseil d'Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition législative contestée soit applicable au litige, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil Constitutionnel, sauf changement dans les circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux. Ainsi, est exclue la présentation directe au juge administratif d'une question prioritaire de constitutionnalité, sans qu'existe un litige né de l'édiction d'un acte administratif qui serait pris en application de la disposition législative contestée. Mme A invoque le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article L. 826-4, alinéa premier, du code général de la fonction publique, dans sa version issue de l'ordonnance n° 2021-1574 du 24 novembre 2021, portent atteinte au principe d'égalité de traitement des citoyens devant la loi, est soulevé par un mémoire distinct de la requête. Comme il a été dit au point 3, à la date de la présente requête, aucune décision de reclassement de Mme A sur un poste compatible avec son état de santé n'est intervenue. Il s'ensuit que sans qu'il n'existe à ce jour aucun litige né de l'édiction d'un acte administratif qui serait pris en application de la disposition législative contestée, à savoir de l'article L. 826-4, alinéa premier, du code général de la fonction publique. Par suite, la demande de Mme A est irrecevable pour ce motif et doit être rejetée en application des dispositions précitées de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

5. Enfin, si Mme A, qui n'a présenté aucune conclusion en ce sens, a entendu contester le courrier du 28 août 2023 en tant qu'il rejetterait son recours gracieux du 26 juin 2023 demandant à être détachée dans le cadre d'emplois des rédacteurs territoriaux du patrimoine (catégorie B) et non plus dans celui des adjoints territoriaux du patrimoine (catégorie C) et sollicitant la régularisation de sa situation professionnelle, notamment le versement des sommes dues en application de son intégration en catégorie B (traitement, primes et indemnités) retenues depuis le mois d'avril 2023, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que pour le moment, Mme A n'a pas été être détachée, pour raisons de santé, dans le cadre d'emploi des adjoints territoriaux du patrimoine (catégorie C). Sa requête est donc prématurée sur ce point. Au surplus, Mme A n'invoque aucun moyen de droit à l'appui de sa demande tendant à être intégrée dans le grade des rédacteurs territoriaux du patrimoine (catégorie B). Enfin, si Mme A a pu constater à lecture de ses bulletins de salaire qu'une décision irrégulière aurait été prise de retenir certaines primes qui lui sont acquises tant que l'arrêté d'intégration n°2022-0561 du 28 février 2022 n'a pas été retiré, cette dernière n'a pas présenté de conclusions tendant à l'annulation du courrier du 28 août 2023 en tant qu'il rejetterait son recours gracieux du 26 juin 2023 sur ce point. Par ailleurs, l'illégalité de la décision ne résulterait pas de la mise en œuvre de l'article L. 826-4, alinéa premier, du code général de la fonction publique. Aucun des moyens présentés par la requérante et visés dans la requête n'est opérant ou fondé à l'encontre de la décision matérialisée par les bulletins de salaire de retenir ses primes et indemnités dues en application de son arrêté d'intégration.

6. La requête de Mme A ne peut qu'être rejetée en application des dispositions du 4° de l'article 222-1 du code de justice administrative.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme A et à la Ville d'Annecy.

Fait à Grenoble le 20 octobre 2023.

Le président de la 6ème Chambre,

C.Vial-Pailler

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Savoie en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2306637

Code publication

C