Tribunal administratif d'Amiens

Jugement du 19 octobre 2023 n° 2104040

19/10/2023

Autre

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 9 décembre 2021, M. B A, représenté par Me Sultan, demande au tribunal :

1°) la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2018 et de la majoration prévue à l'article 1730 du code général des impôts ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat, outre les dépens, la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- dès lors qu'il a pensé de bonne foi bénéficier d'un sursis de paiement en application de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales, la majoration prévue à l'article 1730 du code général des impôts ne peut lui être appliquée ;

- il est en droit de se prévaloir du paragraphe 30 de la documentation administrative de base référencée BOI-IR-PAS-50-10-30-10 pour bénéficier du crédit d'impôt modernisation du recouvrement au titre de ses revenus non exceptionnels perçus en 2018 ;

- le refus de lui faire bénéficier du crédit d'impôt modernisation du recouvrement au seul motif d'un retard de paiement méconnait les principes de proportionnalité des peines et d'égalité devant l'impôt.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mars 2022, la directrice départementale des finances publiques de la Somme conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. A ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Par ordonnance du 15 décembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 31 janvier 2023.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pierre,

- et les conclusions de M. Beaujard, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A a déclaré, le 25 février 2020, après mise en demeure, les revenus qu'il a perçus en 2018. Sa cotisation d'impôt sur le revenu a été mise en recouvrement le 30 septembre 2020, assortie de la majoration prévue à l'article 1758 A du code général des impôts, outre les intérêts de retard. En l'absence de paiement, les montants dus ont été assortis de la majoration prévue à l'article 1730 du code général des impôts à compter du 15 novembre 2020 et M. A a été destinataire d'une mise en demeure de payer le 6 mai 2021. Le 15 juin 2021, M. A a contesté cette imposition ainsi que la majoration fondée sur l'article 1730 du code général des impôts et demandé le sursis de paiement des sommes en cause. Le 16 septembre 2021, l'administration fiscale a rejeté sa réclamation au motif que seuls les contribuables ayant spontanément déclaré leurs revenus de l'année 2018 peuvent bénéficier du crédit d'impôt modernisation du recouvrement. M. A demande au tribunal de prononcer la décharge des impositions en litige et de la majoration prévue à l'article 1730 du code général des impôts.

Sur les conclusions relatives à l'assiette de l'impôt :

2. En premier lieu et d'une part, aux termes du II de l'article 60 de la loi du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 : " A. - Les contribuables bénéficient, à raison des revenus non exceptionnels entrant dans le champ du prélèvement mentionné à l'article 204 A du code général des impôts, tel qu'il résulte de la présente loi, perçus ou réalisés en 2018, d'un crédit d'impôt modernisation du recouvrement destiné à assurer, pour ces revenus, l'absence de double contribution aux charges publiques en 2019 au titre de l'impôt sur le revenu. () / 3. Seuls les revenus déclarés spontanément par le contribuable sont pris en compte dans le calcul du montant du crédit d'impôt prévu au A et du crédit d'impôt complémentaire prévu au 3 du E. () ". Pour l'application de ces dispositions, les revenus déclarés spontanément s'entendent des revenus qui figurent sur la déclaration souscrite par le contribuable en application des dispositions de l'article 170 du code général des impôts et, le cas échéant, de l'article 172 du même code.

3. Il résulte des dispositions, citées au point précédent, que le crédit d'impôt prévu au A de celles-ci ne s'applique que sur la base des revenus déclarés spontanément par le contribuable. Par suite, M. A, qui n'a déposé sa déclaration de revenus au titre de l'année 2018 qu'après mise en demeure d'y procéder dans les trente jours, adressée par l'administration, n'est pas fondé, sur le terrain de la loi, à se prévaloir d'un crédit d'impôt d'un montant équivalent aux impositions dues au titre de l'année 2018 en application des dispositions précitées, quand bien même les revenus en cause ne constitueraient pas des revenus exceptionnels et sans qu'il puisse utilement se prévaloir des défaillances de son comptable, au demeurant non établies par les pièces produites, pour soutenir que le retard à procéder à sa déclaration de revenus ne lui serait pas imputable.

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. () ".

5. Si M. A se prévaut du paragraphe 30 de la documentation de base référencée BOI-IR-PAS-50-10-30-10, la garantie prévue par le premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ne peut être invoquée que pour contester les rehaussements d'imposition auxquels procède l'administration. Par suite, M. A ne peut, en tout état de cause, s'en prévaloir pour contester le refus de l'administration de faire droit à sa demande tendant au bénéfice du crédit d'impôt modernisation du recouvrement.

6. En second lieu, alors que le refus d'octroi du crédit d'impôt modernisation du recouvrement ne constitue pas une sanction, le moyen tiré de l'atteinte au principe de proportionnalité des peines est inopérant. Par ailleurs, M. A soutient qu'il a bien rempli ses obligations déclaratives, fût-ce en retard, et se trouve pénalisé par comparaison à un contribuable qui aurait déclaré ses revenus spontanément dans les délais légaux, en violation du principe d'égalité des contribuables devant l'impôt. Toutefois, alors au demeurant qu'il conteste ainsi la constitutionnalité des dispositions législatives précitées sans formuler de question prioritaire de constitutionnalité par mémoire distinct, le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des différences de situation susceptibles de la justifier. Dès lors que la situation d'un contribuable qui aurait déclaré spontanément ses revenus dans les délais légaux est objectivement différente de celle de M. A, ce dernier ne peut utilement alléguer une rupture du principe d'égalité à son détriment.

Sur les conclusions relatives aux pénalités:

7. Aux termes de l'article 1730 du code général des impôts dans sa rédaction applicable : " 1. Donne lieu à l'application d'une majoration de 10 % tout retard dans le paiement des sommes dues au titre de l'impôt sur le revenu, des contributions sociales recouvrées comme en matière d'impôt sur le revenu, de la taxe d'habitation, des taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties, des impositions recouvrées comme les impositions précitées et de l'impôt sur la fortune immobilière. () ". En outre, aux termes de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable : " Le contribuable qui conteste le bien-fondé ou le montant des impositions mises à sa charge est autorisé, s'il en a expressément formulé la demande dans sa réclamation et précisé le montant ou les bases du dégrèvement auquel il estime avoir droit, à différer le paiement de la partie contestée de ces impositions et des pénalités y afférentes. () "

8. Il est constant que les impositions d'impôt sur le revenu qui sont réclamées à

M. A ont été mises en recouvrement le 10 septembre 2020. Faute de paiement dans les 45 jours suivant cette date, une majoration de 10 % a été établie le 15 novembre 2020. Si M. A soutient qu'il a de bonne foi pensé bénéficier d'un sursis de paiement de l'imposition concernée, en application de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales, à la suite de sa saisine du conciliateur départemental comportant une demande en ce sens, cette circonstance, alors d'ailleurs qu'il est constant qu'il a été informé dès le 25 novembre 2021 de l'incompétence du conciliateur départemental pour prononcer un sursis de paiement, est sans incidence sur l'application de la majoration prévue par les dispositions précitées de l'article 1730 du code général des impôts.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. A doit être rejetée, y compris les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et celles relatives aux dépens, en l'absence de tels frais.

 

 

 

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. B A et à la directrice des finances publiques de la Somme.

Délibéré après l'audience du 5 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Boutou, président,

Mme Pierre, première conseillère,

M. Menet, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2023.

La rapporteure,

Signé

A-L Pierre

Le président,

Signé

B. Boutou

La greffière,

Signé

A. Ribière

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Code publication

C