Cour administrative d'appel de Nancy

Ordonnance du 17 octobre 2023 n° 23NC00508

17/10/2023

Irrecevabilité

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B A a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 1er octobre 2021 par laquelle le président du conseil d'administration du Service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Jura l'a suspendu de ses fonctions, à compter de cette même date jusqu'à la production d'un justificatif de vaccination à la Covid-19 ou de contre-indication à cette vaccination et, à cette même date, a interrompu le versement de sa rémunération.

Par un jugement n° 2102163 du 28 décembre 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 février 2023, M. A, représenté par Me Stucklé, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 28 décembre 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 1er octobre 2021 ;

3°) d'enjoindre au Service départemental d'incendie et de secours du Jura de le rétablir dans ses droits et tous ses accessoires ;

4°) de mettre à la charge du SDIS du Jura le versement de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le tribunal administratif de Besançon n'a pas répondu à plusieurs moyens, notamment ceux tirés de la méconnaissance de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983, du " non-respect des garanties disciplinaires ", de l'absence de décret d'application de la loi du 5 août 2021 et d'un avis de la Haute autorité de santé, et enfin le moyen selon lequel il est nécessaire de connaître les suites données aux plaintes déposées auprès du parquet de Paris par diverses associations ;

Sur la décision du 1er octobre 2021 :

- la décision du 1er octobre 2021 constitue une sanction disciplinaire ou une mesure conservatoire qui méconnaît les garanties procédurales ;

- le dispositif relatif à l'obligation vaccinale est inapplicable en l'absence d'un avis de la Haute autorité de santé et d'un décret d'application de la loi du 5 août 2021 ;

- la décision se fonde sur une étude scientifique qui fait l'objet de plaintes pour faux, usage de faux et trafic d'influence devant les juridictions pénales ;

- elle méconnaît les stipulations de la déclaration universelle des droits de l'homme, celles de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que celles de la convention d'Oviedo ;

- elle méconnaît les dispositions de la Constitution de 1958, celles du Préambule de 1946 ainsi que celles de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- elle constitue une discrimination et méconnaît l'intégrité du corps humain, le secret médical et le droit à la vie privée ;

- elle méconnaît la liberté d'opinion des fonctionnaires ;

- la politique sanitaire adoptée par le gouvernement est disproportionnée aux regards des objectifs poursuivis.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution et son Préambule ;

- l'ordonnance du 7 novembre 1958 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention d'Oviedo du 4 avril 1997 ;

- le code de la santé publique ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code général de la fonction publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire ;

- modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire ;

- le décret n°2021-1059 du 7 août 2021 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. M. A relève appel du jugement du 28 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 1er octobre 2021 par laquelle le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Jura l'a suspendu de ses fonctions sans traitement à compter de cette même date et jusqu'à ce qu'il satisfasse à l'obligation vaccinale instaurée par la loi n°2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire.

2. Aux termes du dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents des cours administratives d'appel, les premiers vice-présidents des cours () peuvent, en outre, par ordonnance, rejeter () après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire les requêtes d'appel manifestement dépourvues de fondement. Ils peuvent, de même, annuler une ordonnance prise en application des 1° à 5° et 7° du présent article à condition de régler l'affaire au fond par application des 1° à 7°. ".

Sur la régularité du jugement :

3. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre au détail de l'argumentation présentée par le requérant ont répondu, avec une motivation suffisante, à l'ensemble des moyens opérants.

Sur la légalité de la décision du 1er octobre 2021 :

En ce qui concerne le champ d'application de la loi du 5 août 2021 :

4. Aux termes de l'article 12 de la loi susvisée du 5 août 2021 : " I. - Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la covid-19 : / 6° Les sapeurs-pompiers et les marins-pompiers des services d'incendie et de secours, les pilotes et personnels navigants de la sécurité civile assurant la prise en charge de victimes, les militaires des unités investies à titre permanent de missions de sécurité civile mentionnés au premier alinéa de l'article L. 721-2 du code de la sécurité intérieure ainsi que les membres des associations agréées de sécurité civile mentionnées à l'article L. 725-3 du même code participant, à la demande de l'autorité de police compétente ou lors du déclenchement du plan Orsec, aux opérations de secours et à l'encadrement des bénévoles dans le cadre des actions de soutien aux populations ou qui contribuent à la mise en place des dispositifs de sécurité civile dans le cadre de rassemblements de personnes () ". Aux termes de l'article 13 de cette même loi : " I. - Les personnes mentionnées au I de l'article 12 établissent : / 1° Satisfaire à l'obligation de vaccination en présentant le certificat de statut vaccinal prévu au second alinéa du II du même article 12. () ". Aux termes de l'article 14 de cette loi : " B. - A compter du 15 septembre 2021, les personnes mentionnées au I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12. / Par dérogation au premier alinéa du présent B, à compter du 15 septembre 2021 et jusqu'au 15 octobre 2021 inclus, sont autorisées à exercer leur activité les personnes mentionnées au I de l'article 12 qui, dans le cadre d'un schéma vaccinal comprenant plusieurs doses, justifient de l'administration d'au moins une des doses requises par le décret mentionné au II du même article 12, sous réserve de présenter le résultat, pour sa durée de validité, de l'examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19 prévu par le même décret. / () / III. - Lorsque l'employeur constate qu'un agent public ne peut plus exercer son activité en application du I, il l'informe sans délai des conséquences qu'emporte cette interdiction d'exercer sur son emploi ainsi que des moyens de régulariser sa situation. L'agent public qui fait l'objet d'une interdiction d'exercer peut utiliser, avec l'accord de son employeur, des jours de congés payés. A défaut, il est suspendu de ses fonctions ou de son contrat de travail. / La suspension mentionnée au premier alinéa du présent III, qui s'accompagne de l'interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que l'agent public remplit les conditions nécessaires à l'exercice de son activité prévues au I. Elle ne peut être assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits acquis par l'agent public au titre de son ancienneté. Pendant cette suspension, l'agent public conserve le bénéfice des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles il a souscrit. () ".

5. Il résulte de ces dispositions combinées que les sapeurs-pompiers des services d'incendie et de secours sont soumis à l'obligation vaccinale prévue par le 6° du I de l'article 12 de la loi du 5 août 2021. Ainsi, le requérant, qui est adjudant de sapeurs-pompiers professionnels, ne conteste pas entrer dans le champ d'application de la loi du 5 août 2021.

En ce qui concerne les moyens tirés de la requalification de la mesure de suspension :

6. En premier lieu, il résulte des dispositions précitées des articles 12 à 14 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire, d'une part, qu'il appartient aux établissements visés au 6° du I de l'article 12 de la loi du 5 août 2021 de contrôler le respect de l'obligation vaccinale de leurs personnels et, le cas échéant, de prononcer une suspension de leurs fonctions jusqu'à ce qu'il soit mis fin au manquement constaté et, d'autre part, que l'appréciation selon laquelle les personnels ne remplissent pas les conditions posées par ces dispositions, ne résulte pas d'un simple constat, mais nécessite non seulement l'identification du cas, parmi ceux énumérés par le I de l'article 13, dans lequel se trouve l'agent, mais également l'examen de la validité des justificatifs en matière vaccinale ou de contre-indications médicales produits le cas échéant par l'agent au regard de ces dispositions législatives et des dispositions réglementaires prises pour leur application.

7. En l'espèce, lorsque l'autorité investie du pouvoir de nomination prononce la suspension d'un agent public en application de l'article 14 de la loi du 5 août 2021, la décision litigieuse doit s'analyser comme une mesure prise dans l'intérêt du service et de la politique sanitaire, destinée à lutter contre la propagation de l'épidémie de Covid-19 dans un objectif de maîtrise de la situation sanitaire, et n'a pas vocation à sanctionner un éventuel manquement ou agissement fautif commis par cet agent. Reposant sur un régime juridique propre, cette mesure de suspension, qui constate le non-respect par l'agent de l'obligation vaccinale imposée par le dispositif légal susmentionné, est limitée à la période au cours de laquelle l'agent s'abstient de se conformer aux obligations qui sont les siennes en application des dispositions précitées. Dès lors, la décision de suspension attaquée n'a pas le caractère d'une sanction administrative qui eût nécessité le respect des garanties procédurales attachées à la procédure disciplinaire ou aux droits de la défense et n'a pas davantage la nature d'une mesure prise en considération de la personne qui eût justifié le respect d'une procédure contradictoire préalable. Les moyens tirés de la qualification de la décision comme étant une sanction disciplinaire ou, à défaut, une mesure conservatoire ainsi que la privation de telles garanties procédurales sont, par suite, sans incidence sur la légalité de la décision contestée et doivent être écartés.

En ce qui concerne l'absence du décret d'application annoncé par le gouvernement :

8. Une loi régulièrement adoptée en application des articles 34 et suivants de la Constitution de 1958 par le législateur peut nécessiter l'édiction de décrets d'application par le pouvoir réglementaire afin de permettre son exécution par les autorités qui en seront chargées. La loi est cependant d'application directe, indépendamment de tout décret, dès lors que celle-ci est suffisamment claire et précise pour être exécutée.

9. En l'espèce, la décision attaquée a été prise en application de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 et du décret n° 2010-1059 du 7 août 2021. A la lecture de ces dispositions, il y a lieu de considérer ces normes comme étant suffisamment précises pour qu'elles soient d'application directe. Par conséquent, le moyen tiré de l'absence d'un décret d'application ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne les moyens tirés de l'inconstitutionnalité des dispositions de la loi du 5 août 2021 :

10. Il est soutenu que la décision attaquée porterait, en raison de la base légale sur laquelle elle se fonde, une atteinte aux droits énoncés aux articles 10, 11 et 13 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, et aux principes à valeur constitutionnelle de continuité du service public, de liberté, d'égalité, de précaution, de respect de l'intégrité physique et du corps humain. Toutefois, il n'appartient pas au juge de l'excès de pouvoir de se prononcer sur de tels moyens relatifs à la constitutionnalité de dispositions législatives hormis dans le cas où par un mémoire distinct il serait saisi d'une demande tendant à la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité, ce qui n'est pas le cas du présent litige. Par suite, eu égard à l'office du juge, les moyens tirés de l'inconstitutionnalité de la loi du 5 août 2021 sont irrecevables et doivent être écartés.

En ce qui concerne les moyens tirés de l'inconventionnalité des dispositions de la loi du 5 août 2021 :

11. Le requérant soutient, d'abord, que la décision contestée méconnaîtrait les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et notamment son article 8 en ce qu'elle porterait atteinte au droit à la vie, à la liberté, au respect de la vie privée et familiale, qu'elle constituerait une discrimination au sens de l'article 14 de cette convention, ensuite, qu'elle méconnaîtrait les articles 1er, 23 et 26 de la déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, ainsi que les articles 5 et 10 de la convention d'Oviedo de 1997 en ce qu'elle méconnaîtrait notamment l'expression du consentement libre et éclairé nécessaire à toute intervention médicale.

12. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

13. Le droit à l'intégrité physique fait partie du droit au respect de la vie privée au sens de ces stipulations, telles que la Cour européenne des droits de l'homme les interprète. Une vaccination obligatoire constitue une ingérence dans ce droit, qui peut être admise si elle remplit les conditions du paragraphe 2 de l'article 8 et, notamment, si elle est justifiée par des considérations de santé publique et proportionnée à l'objectif poursuivi. Il doit ainsi exister un rapport suffisamment favorable entre, d'une part, la contrainte et le risque présentés par la vaccination pour chaque personne vaccinée et, d'autre part, le bénéfice qui en est attendu tant pour cet individu que pour la collectivité dans son entier, y compris ceux de ses membres qui ne peuvent être vaccinés en raison d'une contre-indication médicale, compte tenu à la fois de la gravité de la maladie, de son caractère plus ou moins contagieux, de l'efficacité du vaccin et des risques ou effets indésirables qu'il peut présenter.

14. D'une part, l'article 12 de la loi du 5 août 2021 a défini le champ de l'obligation de vaccination contre la Covid-19 en retenant, notamment, un critère géographique pour y inclure les personnes exerçant leur activité dans un certain nombre d'établissements, principalement les établissements de santé, des établissements sociaux et médico-sociaux et des services d'incendie et de secours, ainsi qu'un critère professionnel pour y inclure les professionnels de santé afin, à la fois, de protéger les personnes accueillies par ces établissements qui présentent une vulnérabilité particulière au virus de la Covid-19 et d'éviter la propagation du virus par ces professionnels dans l'exercice de leur activité qui, par nature, peut les conduire à soigner et à secourir des personnes vulnérables ou ayant de telles personnes dans leur entourage. Il s'ensuit que, eu égard à l'objectif de santé publique poursuivi et alors même qu'aucune dérogation personnelle à l'obligation de vaccination n'est prévue en dehors des cas de contre-indication, l'obligation vaccinale pesant sur les sapeurs-pompiers des services d'incendie et de secours, qui ne saurait être regardée comme incohérente et disproportionnée au regard de l'objectif de santé publique poursuivi, ne méconnaît pas le droit à l'intégrité physique garanti par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni non plus le consentement libre et éclairé garanti par la Convention d'Oviedo.

15. D'autre part, l'article 13 de la même loi prévoit que l'obligation de vaccination ne s'applique pas aux personnes qui présentent un certificat médical de contre-indication ainsi que, pendant la durée de sa validité, aux personnes disposant d'un certificat de rétablissement. Le champ de cette obligation apparaît ainsi cohérent et proportionné au regard de l'objectif de santé publique poursuivi alors même que l'obligation ne concerne pas l'ensemble de la population mais seulement les professionnels qui se trouvent dans une situation qui les expose particulièrement au virus et au risque de le transmettre aux personnes les plus vulnérables à ce virus.

16. Enfin, à la lecture du III de l'article 14 de la loi du 5 août 2021, la période de suspension, à laquelle il est loisible à l'agent de mettre fin, n'est pas indéfinie et le préjudice financier en résultant n'est pas, à lui seul, suffisamment grave pour caractériser une méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

17. Ainsi, contrairement à ce qui est soutenu dans la requête, en prenant la décision contestée en application des articles 12, 13 et 14 de la loi du 5 août 2021, le président du conseil d'administration de l'établissement n'a pas porté d'atteinte disproportionnée au droit du requérant à mener une vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

18. Au regard de ce qui a été dit aux points précédents, et dès lors que la requête se borne à soutenir qu'une discrimination est instituée entre les personnels vaccinés et non vaccinés, les dispositions de la loi du 5 août 2021 ne créent aucune discrimination prohibée par l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Au surplus, tandis que les professionnels de santé sont soumis à d'autres obligations vaccinales sans que celles-ci soient considérées comme discriminatoires, le SDIS se limitant à constater que l'agent ne remplit pas ses conditions d'exercice ne peut être regardé comme prenant une mesure discriminatoire. Il s'ensuit que ce moyen doit également être écarté.

En ce qui concerne la méconnaissance du droit au respect du secret médical :

19. L'article 13 de la loi du 5 août 2021 charge les employeurs de contrôler le respect de l'obligation par les personnes placées sous leur responsabilité. Il prévoit que les agents ou salariés présentent un certificat de statut vaccinal, ou un certificat de rétablissement, ou un certificat médical de contre-indication. Il fait obligation aux employeurs de s'assurer de la conservation sécurisée de ces documents. Les agents ou les salariés peuvent transmettre le certificat de rétablissement ou le certificat médical de contre-indication au médecin du travail compétent, qui informe l'employeur du fait que l'obligation a été satisfaite. Il résulte de ces dispositions que l'employeur ne saurait avoir accès à aucune autre donnée de santé. L'article 2-3 du décret du 1er juin 2021 dans sa rédaction issue du décret du 7 août 2021, applicable au contrôle de l'obligation vaccinale en vertu de son article 49-1, énumère limitativement les informations auxquelles les personnes et services autorisés à contrôler les justificatifs ont accès. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que les dispositions contestées méconnaîtraient le secret médical protégé par l'article L. 1110-4 du code de la santé publique doit être écarté.

En ce qui concerne la méconnaissance de la liberté d'opinion garantie aux fonctionnaires :

20. L'article 6 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dispose que " La liberté d'opinion est garantie aux fonctionnaires. Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses, de leur origine, de leur orientation sexuelle ou identité de genre, de leur âge, de leur patronyme, de leur situation de famille ou de grossesse, de leur état de santé, de leur apparence physique, de leur handicap ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race. () Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'appréciation de la valeur professionnelle, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il a subi ou refusé de subir des agissements contraires aux principes énoncés au deuxième alinéa du présent article ".

21. En l'espèce, le requérant se borne à soutenir que la décision de suspension de fonctions dont il fait l'objet méconnaîtrait la liberté d'opinion reconnue aux fonctionnaires sans apporter aucune précision. Dès lors, ce moyen, dépourvu des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé, ne peut qu'être écarté. En tout état de cause, la décision administrative attaquée, qui, ainsi qu'il a été dit plus haut, se fonde sur des dispositions législatives conciliant de façon équilibrée les droits et libertés constitutionnellement garantis tels que la liberté de conscience ou d'opinion et l'objectif à valeur constitutionnelle de protection de la santé publique, ne saurait être regardée comme portant une atteinte disproportionnée à la liberté d'opinion.

En ce qui concerne les autres moyens de la requête :

22. D'une part, ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision n°2015-458 QPC du 20 mars 2015, il est loisible au législateur de définir une politique de vaccination afin de protéger la santé individuelle et collective, ainsi que de modifier les dispositions relatives à cette politique de vaccination pour tenir compte de l'évolution des données scientifiques, médicales et épidémiologiques. Le droit à la protection de la santé garanti par le Préambule de la Constitution de 1946 n'impose pas de rechercher si l'objectif de protection de la santé que s'est assigné le législateur aurait pu être atteint par d'autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à l'objectif visé. Ainsi, compte tenu de l'efficacité de la vaccination contre la Covid-19 au regard des objectifs poursuivis et en l'état des connaissances scientifiques, les cas très rares d'effets indésirables ne sauraient suffire à établir le caractère inadapté et disproportionné de la mesure.

23. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que les vaccins contre la Covid-19 administrés en France ont fait l'objet d'une autorisation conditionnelle de mise sur le marché de l'Agence européenne du médicament qui procède à un contrôle strict des vaccins afin de garantir que ces derniers répondent aux normes européennes en matière de sécurité, d'efficacité et de qualité et soient fabriqués et contrôlés dans des installations agréées et certifiées. Contrairement à ce qui est soutenu, les vaccins ne sauraient dès lors être regardés comme en phase expérimentale.

24. Par suite, l'argumentation du requérant se bornant à affirmer que les vaccins développés contre la Covid-19 n'en sont pas en raison de leur composition, le moyen ne peut qu'être écarté dès lors qu'il ne relève pas de l'office du juge administratif de se prononcer sur l'opportunité de la politique vaccinale adoptée par le législateur.

25. Il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est manifestement pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Par suite, il y a lieu, sur le fondement des dispositions précitées du dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, de rejeter ses conclusions à fin d'annulation ainsi, que par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B A et au président du conseil d'administration du Service départemental d'incendie et de secours du Jura.

Fait à Nancy, le 17 octobre 2023.

Le premier vice-président de la cour,

Signé : J. Martinez

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm