Tribunal administratif de Nantes

Jugement du 17 octobre 2023 n° 2216597

17/10/2023

Irrecevabilité

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 16 décembre 2022, le 6 avril 2023 et le 7 avril 2023, Mme B et M. D, agissant en leur nom et en tant que représentants légaux des enfants H C D et G D, représentés par Me Pronost, demandent au tribunal :

1°) d'annuler la décision du 23 novembre 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre la décision du 13 juillet 2022 de l'autorité consulaire française à Bamako (Mali) refusant à l'enfant H C D la délivrance d'un visa d'entrée et de long séjour en France en qualité de membre de famille de réfugié ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à titre principal, de faire délivrer le visa sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de la demande de visa dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

3°) de transmettre au Conseil d'État une question prioritaire de constitutionnalité ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 440 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à son conseil sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.

Ils soutiennent que :

- il n'est pas établi que la commission de recours ait été régulièrement composée ;

- la décision de la commission de recours est entachée d'une erreur de droit en ce qu'elle méconnait le champ d'application des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juillet 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Mme B a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 juillet 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, et son décret d'application ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Revéreau,

- et les observations de Me Pronost, avocate de Mme B et M. D.

Considérant ce qui suit :

1. G D, ressortissante malienne née le 18 octobre 2013 de Mme B, ressortissante malienne, est présentée comme s'étant vue reconnaître la qualité de réfugiée. Le 13 décembre 2021, une demande de visa long séjour au titre de la réunification familiale a été déposée pour le compte de l'enfant H C D, né le 27 juillet 2010 de Mme B et de M. D, et frère allégué de G D. Par une décision du 13 juillet 2022, l'autorité consulaire française à Bamako a refusé de délivrer le visa sollicité. Par une décision du 24 novembre 2022, dont Mme B et de M. D demandent l'annulation, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre cette décision consulaire.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

2. A supposer que Mme B et M. D aient entendu soulever une question prioritaire de constitutionnalité, un tel moyen est irrecevable, faute d'avoir été présenté dans un mémoire distinct, en méconnaissance de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 susvisée.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France :

3. En premier lieu, aux termes de l'article D. 312-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le président de la commission [de recours] est choisi parmi les personnes ayant exercé des fonctions de chef de poste diplomatique ou consulaire. / La commission comprend, en outre : / 1° Un membre, en activité ou honoraire, de la juridiction administrative ; / 2° Un représentant du ministre des affaires étrangères ; / 3° Un représentant du ministre chargé de l'immigration ; / 4° Un représentant du ministre de l'intérieur ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article 1er de l'arrêté du 4 décembre 2019 relatif aux modalités de fonctionnement de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France : " [La commission] délibère valablement lorsque le président et deux de ses membres au moins, ou leurs suppléants respectifs, sont réunis ". Il ressort des pièces du dossier que, lors de la séance du 23 novembre 2022 au cours de laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a examiné la demande de visa du jeune H C D, celle-ci s'est réunie en présence d'un de ses présidents suppléants et de trois de ses membres. Par suite, le quorum étant atteint, le moyen tiré de la composition irrégulière de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France doit être écarté comme manquant en fait.

4. En deuxième lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que : " I. - Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / 1° Par son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est antérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile / 2° Par son concubin, âgé d'au moins dix-huit ans, avec lequel il avait, avant la date d'introduction de sa demande d'asile, une vie commune suffisamment stable et continue / 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans. Si le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire est un mineur non marié, il peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint par ses ascendants directs au premier degré, accompagnés le cas échéant par leurs enfants mineurs non mariés dont ils ont la charge effective. L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite ".

5. Il résulte de ces dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les ascendants directs d'un enfant mineur non marié réfugié en France ou bénéficiaire de la protection subsidiaire peuvent demander à le rejoindre au titre de la réunification familiale. Ces mêmes dispositions prévoient que ces derniers peuvent être accompagnés le cas échéant par leurs enfants mineurs non mariés dont ils ont la charge effective. La circonstance que l'un des deux parents réside déjà en France ne fait pas obstacle à la délivrance d'un visa de long séjour au profit de ces enfants, dès lors toutefois qu'ils sont accompagnés par l'autre parent.

6. Il ressort des pièces du dossier que le visa litigieux a été sollicité au bénéfice du jeune H C D pour lui permettre de rejoindre sa mère, sa sœur et son frère allégués, résidant en France. Il ressort également du dossier que le père allégué du demandeur, titulaire d'une carte de résident depuis le 16 septembre 2021, séjournait régulièrement sur le territoire français à la date de la demande de visa. Dans ces conditions, le demandeur, dont la demande de visa ne tend pas à lui permettre d'accompagner un ascendant direct au premier degré d'un réfugié mineur, n'entre pas dans le champ d'application des dispositions du 3° de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, en rejetant pour ce motif le recours dont elle était saisie, dirigée contre la décision consulaire refusant la délivrance d'un visa au jeune H C D, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas commis d'erreur de droit.

7. En troisième lieu, si les requérants produisent au dossier des copies écran d'échanges téléphoniques avec M. A B, oncle et tuteur allégué du demandeur, ainsi que des justificatifs de virements bancaires effectués à son intention, ces seuls éléments ne permettent pas d'attester du maintien du lien affectif et matériel avec le jeune H C D. Ainsi, faute pour les requérants de justifier d'éléments de possession d'état, les moyens de la requête tirés de l'atteinte disproportionnée portée au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'atteinte excessive portée à l'intérêt supérieur, au sens de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, des trois enfants des requérants, ne peuvent qu'être écartés.

8. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions tendant à l'annulation de la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours contre la décision de refus de délivrance de visas de long séjour à l'enfant H C D doivent être rejetées.

Sur les conclusions accessoires :

9. Le présent jugement rejetant les conclusions à fin d'annulation de la requête, les conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles relatives aux frais liés au litige doivent également, par voie de conséquence, être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B et M. D est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme E B et M. F D, et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 26 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Besse, président,

Mme Roncière, première conseillère,

M. Revéreau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2023.

Le rapporteur,

P. REVEREAU

Le président,

P.BESSE

La greffière,

S. BRIAND

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S.BRIAND

Code publication

C