Tribunal administratif de Toulouse

Ordonnance du 16 octobre 2023 n° 2107096

16/10/2023

Irrecevabilité

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 24 novembre, 27 décembre 2021, 14 mai 2022 et 9 mars 2023, M. A B demande au tribunal de prononcer la décharge, en droits et en pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2017.

Il soutient que :

- à la cession de son activité libérale pour cause de départ à la retraite, il a déclaré la valeur de son appartement qu'il avait acquis en 1995 avec son épargne personnelle pour un usage professionnel, comme plus-value à long terme, totalement exonérée du fait d'une détention de plus de quinze ans ; l'administration fiscale a considéré la somme de 36 024 euros comme une plus-value à court terme imposable ;

- dès lors qu'il était travailleur indépendant, il existe une confusion entre ses patrimoines privé et professionnel ; par suite, la plus-value en cause ne constitue pas une plus-value à titre onéreux au sens de l'article 1 A du code général des impôts ;

- l'article 38 du code général des impôts n'est pas applicable à son cas ;

- il a été trompé par les explications de son cabinet comptable au sujet de l'existence d'une plus-value à long terme ; il convient de tenir compte de sa situation économique et financière ;

- l'imposition en litige méconnait l'article 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen dès lors qu'il n'a pas eu d'enrichissement ;

- le refus de faire droit à sa demande de remise gracieuse n'est pas justifié ; l'imposition en litige est hors de proportion avec son revenu réel ;

Par des mémoires enregistrés les 21 mars 2022 et 9 février 2023, le directeur régional des finances publiques d'Occitanie et du département de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 13 février 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 15 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " () les présidents de formation de jugement des tribunaux () peuvent, par ordonnance : / () 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. / () ".

2. M. A B, qui exerçait à titre libéral depuis le 15 janvier 1990, l'activité d'agent et courtier d'assurance, a cessé son activité professionnelle le 30 novembre 2017. L'appartement qu'il avait acquis en décembre 1995 et qui avait fait l'objet, du fait de son usage professionnel, d'une inscription à son actif professionnel, a alors été réintégré dans son patrimoine privé. M. B a, dans sa déclaration déposée le 26 janvier 2018 au titre des revenus non commerciaux de 2017, appliqué une plus-value professionnelle d'un montant de 65 000 euros, qu'il a qualifiée de plus-value à long terme, lui permettant ainsi de bénéficier de l'exonération totale prévue à l'article 151 septies B du code général des impôts. A l'issue d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a toutefois estimé, en distinguant une plus-value à court terme à hauteur des amortissements pratiqués, que seule une somme de 11 231 euros pouvait bénéficier, en tant que plus-value à long terme, du régime d'exonération prévu à l'article 151 septies B du code général des impôts. M. B a alors été assujetti, à raison de la plus-value à court terme imposable au barème progressif de l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2017, à une cotisation supplémentaire pour un montant, en droits et pénalités, de 13 847 euros. Par la présente requête, M. B demande la décharge de cette imposition.

3. Aux termes de l'article 1 A du code général des impôts : " Il est établi un impôt annuel unique sur le revenu des personnes physiques désigné sous le nom d'impôt sur le revenu. Cet impôt frappe le revenu net global du contribuable déterminé conformément aux dispositions des articles 156 à 168. / Ce revenu net global est constitué par le total des revenus nets des catégories suivantes : / - Revenus fonciers ; / - Bénéfices industriels et commerciaux ; / - Rémunérations, d'une part, des gérants majoritaires des sociétés à responsabilité limitée n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes dans les conditions prévues au IV de l'article 3 du décret n° 55-594 du 20 mai 1955 modifié et des gérants des sociétés en commandite par actions et, d'autre part, des associés en nom des sociétés de personnes et des membres des sociétés en participation lorsque ces sociétés ont opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux ; / - Bénéfices de l'exploitation agricole ; / - Traitements, salaires, indemnités, émoluments, pensions et rentes viagères ; / - Bénéfices des professions non commerciales et revenus y assimilés ; / - Revenus de capitaux mobiliers ; / - Plus-values de cession à titre onéreux de biens ou de droits de toute nature, déterminés conformément aux dispositions des articles 14 à 155, total dont sont retranchées les charges énumérées à l'article 156. "

4. Aux termes de l'article 93 du code général des impôts, relatif à l'imposition des bénéfices des professions non commerciales : " 1. Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession. Sous réserve des dispositions de l'article 151 sexies, il tient compte des gains ou des pertes provenant soit de la réalisation des éléments d'actif affectés à l'exercice de la profession, soit des cessions de charges ou d'offices, ainsi que de toutes indemnités reçues en contrepartie de la cessation de l'exercice de la profession ou du transfert d'une clientèle. / Les dépenses déductibles comprennent notamment : () 2° Les amortissements effectués suivant les règles applicables en matière de bénéfices industriels et commerciaux ; / () ". Aux termes de l'article 99 du même code : " Les contribuables soumis obligatoirement au régime de la déclaration contrôlée () doivent en outre tenir un document appuyé des pièces justificatives correspondantes, comportant la date d'acquisition ou de création et le prix de revient des éléments d'actif affectés à l'exercice de leur profession, le montant des amortissements effectués sur ces éléments, ainsi qu'éventuellement le prix de la date de cession de ces mêmes éléments. / () ".

5. Aux termes de l'article 151 septies B du code général des impôts : " I. - Les plus-values à long terme soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies réalisées dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, sont imposées après application d'un abattement de 10 % pour chaque année de détention échue au titre de l'exercice de réalisation de la plus-value au-delà de la cinquième lorsque ces plus-values portent sur : / 1° Des biens immobiliers bâtis ou non bâtis qui sont affectés par l'entreprise à sa propre exploitation ; / 2° Des droits ou parts de sociétés dont l'actif est principalement constitué de biens immobiliers bâtis ou non bâtis qui sont affectés par l'entreprise à sa propre exploitation ou de droits ou parts de sociétés dont l'actif est principalement constitué des mêmes biens, droits ou parts. / () ".

6. Il résulte des dispositions citées au point 4 que les contribuables soumis au régime de la déclaration contrôlée et exerçant leur activité à titre individuel doivent distinguer à l'intérieur de leur patrimoine les biens formant l'actif professionnel des biens faisant partie de leur patrimoine privé. Cette distinction entraîne en cas de cession des biens, l'application du régime des plus-values professionnelles pour les éléments de l'actif professionnel et du régime des plus-values privées pour les biens relevant du patrimoine privé. Il s'en suit que lorsque, à la cessation de son activité, M. B a réintégré dans son patrimoine privé l'appartement qu'il avait acquis en 1995 à des fins professionnelles, celui-ci doit être regardé comme ayant procédé à une cession d'un élément de l'actif professionnel, donnant lieu à l'application du régime des plus-value professionnels. Par suite, et alors au demeurant qu'il avait lui-même correctement déclaré cette cession au titre des plus-values professionnelles dans sa déclaration du 26 janvier 2018, M. B ne peut utilement se prévaloir, au seul motif qu'il aurait été travailleur indépendant, d'une " confusion entre ses patrimoines privé et professionnel " pour prétendre au bénéfice de l'exonération totale prévue après quinze années de détention, par les dispositions précitées de l'article 151 septies B du code générale des impôts.

7. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a réintégré la fraction de plus-value professionnelle résultant de la cession en cause dans la base imposable de M. B à l'impôt sur le revenu de 2017, au titre des " Bénéfices des professions non commerciales et revenus y assimilés ", en application des dispositions précitées de l'article 1 A et 93 du code général des impôts. Par suite, M. B ne peut davantage utilement soutenir que la cession en cause " de lui-même à lui-même " ne pourrait être regardée comme une " cession à titre onéreux " au sens de l'article 1 A du code général des impôts et que les dispositions de l'article 38 du même code, relatives aux bénéfices industriels et commerciaux, ne seraient pas applicables à sa situation.

8. La circonstance que M. B aurait été induit en erreur par le cabinet comptable avec lequel il est en relation contractuelle est sans incidence sur le bien-fondé des impositions en litige.

9. Il n'appartient pas au juge de l'impôt d'examiner la conformité d'une imposition aux dispositions de la Constitution, auxquelles est intégrée la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, en dehors du dispositif de question prioritaire de constitutionnalité introduit par la loi organique du 10 décembre 2009 prise pour l'application de l'article 61-1 de la Constitution. Par suite, en l'absence de mémoire distinct soulevant une telle question prioritaire de constitutionnalité, le moyen tiré de la méconnaissance des impositions en litige aux dispositions de l'article 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ne peut qu'être écarté.

10. Si M. B invoque une situation économique et financière difficile, cette circonstance est sans incidence sur le bien-fondé de l'imposition en litige. A supposer qu'il ait entendu saisir le juge de l'excès de pouvoir d'une demande d'annulation de la décision du 28 septembre 2021 rejetant sa demande de remise gracieuse, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise l'administration en rejetant cette demande n'est manifestement pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

11. Il résulte de ce qui précède que la requête de M. B, qui ne comporte que des moyens inopérants ou qui ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé, doit être rejetée par application des dispositions précitées du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

 

ORDONNE :

Article 1er : La requête de M. B est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. A B et au directeur des finances publiques d'Occitanie et du département de la Haute-Garonne.

Fait à Toulouse, le 16 octobre 2023.

La présidente de la 5ème chambre,

B. MOLINA-ANDRÉO

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Code publication

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