Tribunal administratif de Rouen

Jugement du 12 octobre 2023 n° 2104372

12/10/2023

Irrecevabilité

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 15 novembre 2021, Mme A B doit être regardée comme demandant au tribunal d'annuler la décision n° 2021-009106 du 17 septembre 2021 par laquelle le directeur des ressources humaines du Centre hospitalier intercommunal Eure-Seine l'a suspendue de ses fonctions sans rémunération à compter du 15 septembre 2021 et jusqu'à production d'un justificatif de vaccination, ou de contre-indication à la vaccination, répondant aux conditions définies par le décret n° 2021-1059 du 7 août 2021.

Elle soutient que :

- la décision, qui prononce sa suspension sans traitement, présente le caractère d'une sanction disciplinaire prise sans qu'elle n'ait pu bénéficier des garanties de la procédure disciplinaire prévues, notamment, par l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 ;

- il lui a été refusé toute modalité de régularisation de sa situation ;

- la décision méconnaît les articles 6 et 25 de la loi du 13 juillet 1983 relatifs à la liberté d'opinion des agents publics, à l'interdiction de toute discrimination et à l'obligation d'impartialité s'imposant à toute autorité administrative ;

- la loi du 5 août 2021 est contraire aux articles 6 et 19 du code civil ;

- l'article 12 de la loi du 5 août 2021, en tant qu'il lui impose de participer, sans son consentement éclairé, à un essai clinique, méconnaît l'article 2, du chapitre 1er de la convention d'Oviedo, les articles 7.3.1 et 7.3.2 de la résolution n°2361 du 27 janvier 2021 rendue par le Conseil de l'Europe et l'article 7 du pacte international relatif aux droits civils et politiques ; il porte atteinte au principe de respect de la vie privée et au principe du respect de la dignité humaine ;

- la loi du 5 août 2021 porte atteinte au droit au respect du secret médical ;

- la loi du 5 août 2021, prise, en particulier, en ses articles 12 et 14, n'est pas conforme au préambule de la constitution du 27 octobre 1946 et à la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 et à la constitution du 4 octobre 1958.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 février 2023, le Centre hospitalier intercommunal Eure-Seine, représenté par Me Robert, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme B une somme de 600 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requérante n'est pas recevable à invoquer la contrariété de la loi du 5 août 2021 à la constitution sans produire un mémoire distinct et motivé en ce sens, dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité ;

- les moyens soulevés par Mme B ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la constitution du 4 octobre 1958 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le pacte international relatif aux droits civils et politiques signé à New-York, le 16 décembre 1966 ;

- la convention d'Oviedo du 4 avril 1997 ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;

- le décret n° 2021-1059 du 7 août 2021 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bouvet, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Cazcarra, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A B exerce au sein du Centre hospitalier intercommunal Eure-Seine, site d'Evreux (Eure) depuis le mois d'octobre 2002, en qualité d'agent administratif faisant fonction de secrétaire médicale. Par une décision du 15 septembre 2021, le directeur des ressources humaines du centre hospitalier l'a suspendue de ses fonctions sans rémunération à compter du même jour et jusqu'à la production d'un justificatif de vaccination ou de contre-indication à la vaccination. Le 7 octobre 2021, l'établissement a accepté la demande de mise en disponibilité pour convenance personnelle à compter du 29 septembre 2021, présentée par Mme B le 5 octobre 2021. Par la présente instance, Mme B demande l'annulation de la décision de suspension sans traitement du 15 septembre 2021.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne les moyens tirés de l'inconstitutionnalité de la loi du 5 août 2021 :

2. Aux termes de l'article R. 771-3 du code de justice administrative : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est soulevé, conformément aux dispositions de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, à peine d'irrecevabilité, dans un mémoire distinct et motivé. Ce mémoire, ainsi que, le cas échéant, l'enveloppe qui le contient, portent la mention : " question prioritaire de constitutionnalité. " ".

3. Si Mme B soutient que les articles 12 et 14 de la loi du 5 août 2021, dont procède la décision litigieuse, méconnaissent la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ainsi, notamment, que le droit au travail et le droit à la protection de la santé, énoncés dans le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, elle conteste en réalité le principe même de l'obligation vaccinale posé, pour certaines catégories d'agents publics, par la loi précitée. Toutefois, les moyens que la requérante entend soulever, tirés de l'inconstitutionnalité de cette loi, n'ont pas été présentés dans un mémoire distinct conformément aux dispositions citées au point précédent relatives à la question prioritaire de constitutionnalité. Ils sont, par suite, irrecevables et ne peuvent dès lors qu'être écartés. Au surplus, et en tout état de cause, les dispositions de la loi du 5 août 2021 dont la requérante invoque l'inconstitutionnalité ont été déclarées conformes à la constitution par une décision n°2021-824 du 5 août 2021 du conseil constitutionnel.

En ce qui concerne les moyens tirés de l'inconventionnalité de la loi du 5 août 2021 :

4. Aux termes de l'article 12 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire : " I. - Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la covid-19 : 1° Les personnes exerçant leur activité dans : a) Les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique ainsi que les hôpitaux des armées mentionnés à l'article L. 6147-7 du même code () ". Aux termes de l'article 14 de cette même loi : " I. - A. - A compter du lendemain de la publication de la présente loi et jusqu'au 14 septembre 2021 inclus, les personnes mentionnées au I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12 ou le résultat, pour sa durée de validité, de l'examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19 prévu par le même décret. / B. - A compter du 15 septembre 2021, les personnes mentionnées au I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12. / Par dérogation au premier alinéa du présent B, à compter du 15 septembre 2021 et jusqu'au 15 octobre 2021 inclus, sont autorisées à exercer leur activité les personnes mentionnées au I de l'article 12 qui, dans le cadre d'un schéma vaccinal comprenant plusieurs doses, justifient de l'administration d'au moins une des doses requises par le décret mentionné au II du même article 12, sous réserve de présenter le résultat, pour sa durée de validité, de l'examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19 prévu par le même décret. () III. - Lorsque l'employeur constate qu'un agent public ne peut plus exercer son activité en application du I, il l'informe sans délai des conséquences qu'emporte cette interdiction d'exercer sur son emploi ainsi que des moyens de régulariser sa situation. L'agent public qui fait l'objet d'une interdiction d'exercer peut utiliser, avec l'accord de son employeur, des jours de congés payés. A défaut, il est suspendu de ses fonctions ou de son contrat de travail. / La suspension mentionnée au premier alinéa du présent III, qui s'accompagne de l'interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que l'agent public remplit les conditions nécessaires à l'exercice de son activité prévues au I. Elle ne peut être assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits acquis par l'agent public au titre de son ancienneté. Pendant cette suspension, l'agent public conserve le bénéfice des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles il a souscrit. / La dernière phrase du deuxième alinéa du présent III est d'ordre public. Lorsque le contrat à durée déterminée d'un agent public non titulaire est suspendu en application du premier alinéa du présent III, le contrat prend fin au terme prévu si ce dernier intervient au cours de la période de suspension. () ".

5. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Une vaccination obligatoire constitue une ingérence dans le droit au respect de la vie privée, invoqué par la requérante. Une telle ingérence peut toutefois être admise si elle remplit les conditions du paragraphe 2 de l'article 8 et, notamment, si elle est justifiée par des considérations de santé publique et proportionnée à l'objectif poursuivi. Il doit ainsi exister un rapport suffisamment favorable entre, d'une part, la contrainte et le risque présentés par la vaccination pour chaque personne vaccinée et, d'autre part, le bénéfice qui en est attendu tant pour cet individu que pour la collectivité dans son entier, y compris ceux de ses membres qui ne peuvent être vaccinés en raison d'une contre-indication médicale, compte tenu à la fois de la gravité de la maladie, de son caractère plus ou moins contagieux, de l'efficacité du vaccin et des risques ou effets indésirables qu'il peut présenter.

6. L'article 12 de la loi du 5 août 2021 a défini le champ de l'obligation de vaccination contre la covid-19 en retenant, notamment, un critère géographique pour y inclure les personnes exerçant leur activité dans un certain nombre d'établissements, principalement les établissements de santé et des établissements sociaux et médico-sociaux, ainsi qu'un critère professionnel pour y inclure les professionnels de santé afin, à la fois, de protéger les personnes accueillies par ces établissements qui présentent une vulnérabilité particulière au virus de la covid-19 et d'éviter la propagation du virus par les professionnels de la santé dans l'exercice de leur activité qui, par nature, peut les conduire à soigner des personnes vulnérables ou ayant de telles personnes dans leur entourage. Il s'ensuit que, eu égard à l'objectif de santé publique poursuivi, l'obligation vaccinale pesant sur le personnel exerçant dans un établissement de santé, qui ne saurait être regardée comme incohérente et disproportionnée au regard de l'objectif de santé publique poursuivi, n'est pas manifestement incompatible avec le droit au respect de la vie privée tel que protégé, notamment, par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. A le supposer soulevé, le moyen tiré de la méconnaissance du droit au respect de la vie privée, doit, par suite, être écarté.

7. En deuxième lieu, la requérante soutient que les vaccins permettant d'obtenir le schéma vaccinal mentionné par la loi du 5 août 2021 se trouvaient en phase d'essai clinique au 15 septembre 2021, date à laquelle la présentation dudit schéma vaccinal devenait obligatoire pour les professionnels de santé, et que toute intervention médicale nécessite de rechercher le consentement libre et éclairé du patient. Ainsi, selon elle, l'obligation vaccinale résultant de la loi du 5 août 2021 et servant de fondement à la décision attaquée est contraire à l'article 7 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, aux articles 5, 13 et 16 de la convention d'Oviedo et à son protocole additionnel relatif à la recherche biomédicale, à la déclaration d'Helsinki de l'Association médicale mondiale, à la directive européenne 75/318/CEE à la directive 2001/20/CE et à la résolution n° 2361 de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe adoptée le 27 janvier 2021. Ces textes invoqués par la requérante imposent de recueillir le consentement libre et éclairé de toute personne avant de procéder à un essai clinique ou à une intervention dans le domaine de la santé ou des recherches scientifiques. La requérante fait également valoir que cette obligation vaccinale porte atteinte au droit à la dignité de la personne humaine.

8. En l'espèce, les vaccins contre la covid-19 autorisés en France ont fait l'objet d'une autorisation de mise sur le marché par l'Agence européenne du médicament, en considération d'un rapport bénéfice/risque positif. En vertu du règlement (CE) n° 507/2006 de la Commission du 29 mars 2006 relatif à l'autorisation de mise sur le marché conditionnelle de médicaments à usage humain relevant du règlement (CE) n° 726/2004 du Parlement européen et du Conseil, celle-ci ne peut être accordée que si le rapport bénéfice/risque est positif. La vaccination contre la covid-19, dont l'efficacité au regard des objectifs rappelés au point n°6 du jugement est établie en l'état des connaissances scientifiques, n'est susceptible de provoquer, sauf dans des cas très rares, que des effets indésirables mineurs et temporaires. Si l'autorisation est conditionnelle, la mise sur le marché d'un vaccin au bénéfice d'une autorisation de mise sur le marché délivrée par une autorité compétente en vue de son administration à la population ne constitue, eu égard à sa nature et à ses finalités, ni une étude clinique, ni un essai clinique. Un tel vaccin ne peut, en conséquence, être qualifié de médicament expérimental. Dès lors, et contrairement à ce que soutient la requérante, les vaccins mis sur le marché ne peuvent être regardés comme étant des médicaments expérimentaux utilisés dans le cadre d'un essai clinique imposant le consentement libre et éclairé du patient et portant atteinte à sa dignité. Il s'ensuit que les moyens soulevés en ce sens, tels que repris au point précédent, ne peuvent qu'être écartés. Enfin, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe n'ayant pas le pouvoir d'adopter des lois contraignantes, la résolution n° 2361 du 27 janvier 2021 n'est pas opposable aux Etats, de sorte que le moyen tiré de la contrariété de la loi du 5 août 2021 à cette résolution doit, en tout état de cause, être écarté.

En ce qui concerne les moyens tirés de la contrariété de la loi du 5 août 2021 à d'autres normes de même nature :

9. Mme B invoque la contrariété de la décision en litige aux articles 9 et 16 du code civil relatifs à la protection de la dignité de la personne humaine et au respect de la vie privée ainsi qu'aux articles 16 et 25 de la loi du 13 juillet 1983 relatifs à l'interdiction des discriminations et à l'obligation d'impartialité pesant sur toute autorité administrative. Il ressort cependant de ses écritures qu'elle conteste, en réalité, dans son principe, l'obligation vaccinale prévue par les dispositions de la loi du 5 août 2021. Toutefois, pour les motifs exposés aux points n°6, 7 et 8, cette obligation, qui, eu égard, notamment, à l'objectif de santé publique poursuivi, et compte tenu du rapport bénéfice/risque positif, ne porte pas atteinte au droit au respect de la vie privée, ni plus qu'au respect de la dignité humaine, ne méconnaît pas davantage la liberté de conscience des fonctionnaires. Sa mise en œuvre, dans les conditions rappelées aux points précédents, ne caractérise pas une discrimination fondée sur l'état de santé. Au surplus, Mme B ne peut invoquer la contrariété de cette loi aux articles du code civil et de la loi du 13 juillet 1983 précités, qui n'ont pas un rang inférieur au sien dans la hiérarchie des normes, dès lors qu'il n'appartient pas au juge administratif de contrôler la cohérence des dispositions législatives entre elles, ni de se prononcer sur l'opportunité de leur contenu. Les moyens soulevés en ce sens doivent être écartés.

En ce qui concerne les autres moyens :

10. En premier lieu, Mme B fait valoir que la décision litigieuse prononçant sa suspension sans traitement, présente le caractère d'une sanction disciplinaire prise sans qu'elle n'ait pu bénéficier des garanties de la procédure disciplinaire prévues, notamment, par l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983. Toutefois, la mesure de suspension prise dans l'intérêt du service, qui est limitée à la période au cours de laquelle l'intéressée s'abstient de se conformer aux obligations posées par les dispositions précitées des articles 12 et 14 de la loi du 5 août 2021, se borne à constater que l'agent ne remplit pas les conditions légales pour exercer son activité. En outre, l'agent est à même de mettre fin à la mesure de suspension, à son initiative et dès qu'il le souhaite, en régularisant son statut vaccinal. Cette mesure ne présente pas, ainsi, le caractère d'une sanction disciplinaire et n'a dès lors pas à être précédée de la mise en œuvre des garanties procédurales attachées au prononcé d'une sanction administrative, tenant à la mise en œuvre des droits de la défense, à l'organisation d'une procédure disciplinaire et à la communication préalable de son dossier administratif individuel, prévues, notamment, par l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée. Le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie par l'administration ne peut donc qu'être écarté.

11. En deuxième lieu, l'article 14 de la loi du 5 août 2021 ne prévoyant pas d'alternative à la vaccination, le télétravail ou la proposition d'un poste non soumis à l'obligation vaccinale ne peuvent être regardés comme des moyens de régulariser la situation de l'agent, au sens de ces dispositions. Ainsi, il ne ressort pas des dispositions de la loi du 5 août 2021, ni plus que d'aucun principe, que le directeur des ressources humaines du Centre hospitalier intercommunal Eure-Seine, après avoir constaté que l'agent ne remplissait pas les conditions d'exercice de son emploi, telles que fixées par l'article 12 de la loi précitée, aurait été tenu de lui proposer un autre poste, ou de lui proposer d'exercer en télétravail, avant d'adopter la décision de suspension contestée. Cette branche du moyen, à la supposer ainsi soulevée, doit être écarté. Si Mme B fait valoir, par ailleurs, qu'il lui a été refusé de régulariser sa situation en faisant valoir ses droits à congés, il ressort des échanges tenus par courrier électronique, versés aux débats par le Centre hospitalier intercommunal Eure-Seine, que la requérante avait épuisé ses droits à congés annuels, à la date d'adoption de la décision litigieuse, mais que l'établissement lui a accordé de solder ses jours de récupération avant son placement en disponibilité pour convenance personnelle. Au surplus, les RTT, qui ne constituent pas des jours de congés payés, au sens des dispositions du III de l'article 14 de la loi du 5 août 2021, citées au point n°4, ne pouvaient être utilisées aux fins de régularisation de sa situation. Au regard de ces éléments, la seconde branche du moyen manque en fait et ne peut qu'être écartée.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983, alors en vigueur, susvisée : " La liberté d'opinion est garantie aux fonctionnaires. / Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses, de leur origine, de leur orientation sexuelle ou identité de genre, de leur âge, de leur patronyme, de leur situation de famille ou de grossesse, de leur état de santé, de leur apparence physique, de leur handicap ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race. () ". Aux termes de l'article 25 de cette même loi : " Le fonctionnaire exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité. / Dans l'exercice de ses fonctions, il est tenu à l'obligation de neutralité. / Le fonctionnaire exerce ses fonctions dans le respect du principe de laïcité. A ce titre, il s'abstient notamment de manifester, dans l'exercice de ses fonctions, ses opinions religieuses. () Le fonctionnaire traite de façon égale toutes les personnes et respecte leur liberté de conscience et leur dignité. / Il appartient à tout chef de service de veiller au respect de ces principes dans les services placés sous son autorité. () ".

13. Au regard de ce qui a été exposé aux points précédents, et dès lors que la requête se borne à soutenir, de façon générale, que la décision litigieuse est " discriminatoire ", la décision contestée, qui se limite à constater que l'agent ne remplit pas ses conditions d'exercice et à mettre en œuvre les dispositions de la loi du 5 août 2021 citées au point n°4, ne saurait être regardée comme caractérisant une mesure discriminatoire prohibée. Il suit de là que ce moyen doit être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme B doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

15. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la requérante le versement de la somme de 600 euros demandée par le Centre hospitalier intercommunal Eure-Seine au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B est rejetée.

Article 2 : Les conclusions formées par le Centre hospitalier intercommunal Eure-Seine au titre des frais d'instance sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme A B et au Centre hospitalier intercommunal Eure-Seine.

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Gaillard, présidente,

M. Bouvet, premier conseiller,

M. Mulot, premier conseiller,

Assistés de M. Tostivint, greffier.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 octobre 2023.

Le rapporteur,

C. BOUVET

La présidente,

A. GAILLARD

Le greffier,

H. TOSTIVINT

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision

Code publication

C