Cour d'Appel d'Orléans

Arrêt du 5 octobre 2023 n° 23/00133

05/10/2023

Non renvoi

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

 

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

 

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 05/10/2023

 

la SELARL CABINET YAMBA

 

la SCP LAVAL - FIRKOWSKI

 

ARRÊT du : 05 OCTOBRE 2023

 

SUR QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE

 

N° : 181 - 23

 

N° RG 23/00133 -

 

N° Portalis DBVN-V-B7H-GWVD

 

DÉCISION ENTREPRISE : Ordonnance du Juge commissaire de TOURS en date du 11 Octobre 2022

 

PARTIES EN CAUSE

 

APPELANT :- Timbre fiscal dématérialisé N°: -/-

 

Monsieur [Y] [U]

 

né le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 8]

 

COLLECTIF PRECARITE ET SOLIDARITE

 

[Localité 6]

 

Ayant pour avocat Me Germain YAMBA, membre de la SELARL CABINET YAMBA, avocat au barreau de TOURS

 

D'UNE PART

 

INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé N°: -/-

 

S.E.L.A.R.L. [V] FLOREK

 

Prise en la personne de Maître [V]

 

[Adresse 3]

 

[Localité 4]

 

Ayant pour avocat postulant Me Olivier LAVAL, membre de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI, avocat au barreau d'ORLEANS, et pour avocat plaidant Me Julien BERBIGIER, membre de la SELARL WALTER & GARANCE AVOCATS, avocat au barreau de TOURS

 

D'AUTRE PART

 

DÉCLARATION D'APPEL en date du 12 Décembre 2022

 

DECLARATION DE SAISINE sur QPC en date du : 13 Janvier 2023

 

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 04 Mai 2023

 

Dossier communiqué au Ministère Public le 01 Mars 2023

 

COMPOSITION DE LA COUR

 

Lors des débats à l'audience publique du JEUDI 25 MAI 2023, à 14 heures, Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, en charge du rapport, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 805 et 907 du code de procédure civile.

 

Après délibéré au cours duquel Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel D'ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :

 

Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS,

 

Madame Fanny CHENOT, Conseiller,

 

Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller,

 

Greffier :

 

Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,

 

ARRÊT :

 

Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 05 OCTOBRE 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

 

Selon jugement du tribunal de grande instance de Tours du 21 octobre 2011, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de M. [Y] [U], médecin, demeurant [Adresse 5], la SELARL [V] étant désignée en qualité de mandataire pour exercer la mission visée à l'article L.622-20 du code de commerce.

 

Par jugement du 19 octobre 2012, le tribunal de grande instance de Tours a prononcé la liquidation judiciaire de M. [Y] [U] et nommé Me [V] en qualité de liquidateur avec la mission prévue à l'article L.641-4 alinéa 1, 2, 3 du code de commerce.

 

M. [Y] [U] étant propriétaire d'un appartement (lot n°4, 2ème étage, escalier A) dans un ensemble immobilier soumis au statut de la copropriété situé [Adresse 7], la SELARL [V] Florek, es-qualités de liquidateur, a sollicité l'autorisation de vendre ce bien pour désintéresser partiellement les créanciers.

 

Par ordonnance du 11 décembre 2019 confirmée par jugement du tribunal judiciaire de Tours du 17 mars 2020, le juge commissaire à la liquidation judiciaire de M. [Y] [U] a autorisé un huissier à se rendre dans l'appartement pour l'établissement des diagnostics obligatoires en vue de la vente du bien, a sollicité du même huissier un avis sur la valeur vénale pour permettre au liquidateur de fixer la mise à prix de l'appartement. Sur appel interjeté par M. [Y] [U], la cour d'appel d'Orléans a, par arrêt du 28 janvier 2021 devenu définitif, confirmé le jugement du 17 mars 2020 et, y ajoutant, déclaré recevable la demande de clôture de la procédure collective formée par M. [Y] [U] mais l'a rejetée.

 

Une nouvelle requête aux fins de vente a été déposée par le liquidateur le 30 août 2022.

 

Par ordonnance du 11 octobre 2022, le juge commissaire à la liquidation judiciaire de M. [Y] [U] a :

 

Vu les articles L.642-18 et R.642-22 du code de commerce,

 

Vu les articles R.322-31 à R.322-38 du code des procédures civiles d'exécution,

 

- autorisé la SELARL [V] Florek, prise en la personne de Maître [V], agissant en qualité de liquidateur de la liquidation judiciaire de M. [Y] [U], à faire procéder à la réalisation aux enchères publiques des biens désignés dans la requête qui précède sur la mise à prix de 20.000 euros, avec faculté de baisse à la somme de 10.000 euros, des immeubles lui appartenant,

 

- constitué Me Julien Berbigier, associé de la SELARL Walter et Garance, avocat au barreau de Tours, demeurant [Adresse 2], à l'effet de poursuivre la vente,

 

- dit que les frais et honoraires d'avocats de la présente vente et ses suites, y compris les formalités de purge, d'ordre et de radiation des inscriptions seront employés en frais privilégiés de procédure collective,

 

- dit que la somme à parvenir de cette réalisation sera remise entre les mains du mandataire liquidateur pour être utilisée comme de droit,

 

- dit que les conditions de la vente sont celles prévues au cahier des conditions de vente qui sera déposé en suite de la requête.

 

Suivant déclaration du 12 décembre 2022, M. [Y] [U] a interjeté appel de cette décision (RG 22/02851).

 

Dans le cadre de la procédure d'appel, M. [Y] [U] a notifié, de manière distincte, le 13 janvier 2023 des 'conclusions d'appel tendant à la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité' aux termes desquelles il demande à la cour de :

 

- Transmettre à la cour de cassation aux fins de transmission au Conseil constitutionnel,

 

la question suivante : « l'article L 643-9 du code de commerce, modifié par ordonnance n°2014-326 du 12 mars 2014 - art. 77, porte-t-il atteinte, d'une part, au principe d'égalité devant la loi découlant de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, en ce qu'il empêche un médecin de jouir de sa liberté d'entreprendre et d'exercer sa profession, et, d'autre part, au droit au respect des biens

 

tel qu'il est garanti par l'article 17 de la même déclaration, en ce qu'il prive M. [Y] [U], dont l'expropriation est envisagée, du seul bien servant de logement personnel' »

 

- si le texte est jugé contraire aux principes énoncés, à valeur constitutionnelle, la cour prononcera la clôture de la liquidation judiciaire de M. [Y] [U] pour insuffisance d'actif.

 

- enfin demandera l'amendement de l'article L 643-9 du code de commerce afin d'y insérer l'obligation de prononcer la clôture de la liquidation judiciaire dans les trente six mois, ce délai incluant les éventuelles prorogations accordées par le juge.

 

Par un mémoire en réponse à la QPC notifié le 13 février 2023, la SELARL [V] Florek, es qualités de liquidateur de M. [Y] [U], demande à la cour de :

 

Vu les dispositions de l'article 61-1 de la Constitution du 4 octobre 1958,

 

Vu les dispositions de l'article 126-3 du code de procédure civile,

 

Vu les dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958,

 

- juger que les dispositions de l'article L.643-9 du code de commerce n'ont pas directement vocation à s'appliquer au litige en cours entre M. [Y] [U] et la SELARL [V]-Florek es qualités puisque l'objet de celui-ci n'est pas l'éventuelle clôture de la procédure collective, mais la vente forcée d'un bien immobilier situé [Adresse 7],

 

- juger que la question prioritaire de constitutionnalité déposée par M. [Y] [U] ne revêt aucun caractère sérieux de sorte et ne respecte pas les conditions cumulatives de l'article 126-3 du code de procédure civile,

 

- rejeter la demande de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité de M. [Y] [U],

 

- condamner M. [Y] [U] à régler la SELARL [V]-Florek es qualités une somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

 

- condamner M. [Y] [U] à prendre à sa charge exclusive les entiers dépens de l'incident.

 

Le dossier a été communiqué au Ministère public aux fins de recueillir son avis.

 

Par avis du 29 mars 2023 transmis aux parties, le parquet général considère que la question posée ne peut être transmise à la Cour de cassation, les dispositions dont l'inconstitutionnalité est soulevée ne s'appliquant pas au litige et la question posée étant dépourvue de caractère sérieux.

 

SUR CE :

 

La transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité nécessite la réunion de trois conditions, à savoir :

 

1°) la disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure ou constitue le fondement des poursuites,

 

2°) elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances,

 

3°) la question n'est pas dépourvue de caractère sérieux.

 

Ces trois conditions sont cumulatives.

 

En l'espèce, la disposition critiquée est l'article L.643-9 du code de commerce aux termes duquel:

 

'Dans le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire, le tribunal fixe le délai au terme duquel la clôture de la procédure devra être examinée. Si la clôture ne peut être prononcée au terme de ce délai, le tribunal peut proroger le terme par une décision motivée (alinéa 1).

 

Lorsqu'il n'existe plus de passif exigible ou que le liquidateur dispose de sommes suffisantes pour désintéresser les créanciers, ou lorsque la poursuite des opérations de liquidation judiciaire est rendue impossible en raison de l'insuffisance de l'actif ou encore lorsque l'intérêt de cette poursuite est disproportionné par rapport aux difficultés de réalisation des actifs résiduels, la clôture de la liquidation judiciaire est prononcée par le tribunal, le débiteur entendu ou dûment appelé (alinéa 2)'

 

en ce que les dispositions lacunaires de l'article L.643-9 alinéa 2 n'indiquent aucun délai raisonnable et permettent une poursuite abusive dans le temps de la procédure de liquidation judiciaire, constituant un obstacle dirimant de sorte qu'il y a rupture d'égalité entre l'appelant et les autres citoyens français face au principe de la liberté d'entreprendre.

 

La question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. [Y] [U] porte sur l'article L.643-9 du code de commerce tant au regard du principe d'égalité devant la loi découlant de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen que du droit au respect des biens garanti par l'article 17 de la même déclaration.

 

S'agissant de la première branche de la question, l'article L.643-9 précité porterait atteinte à l'article 6 de la déclaration en ce qu'il empêche un médecin de jouir de sa liberté d'entreprendre et d'exercer sa profession. M. [Y] [U] n'énonce toutefois pas de raison pour laquelle la procédure collective l'empêcherait d'exercer son activité professionnelle, autre que la longueur de la procédure à laquelle il contribue par l'exercice de ses recours, refusant la réalisation de ses actifs, étant observé que rien ne lui interdit d'exercer en qualité de médecin salarié.

 

S'agissant de la seconde branche de la question, l'article L.643-9 précité porterait atteinte à l'article 17 de la déclaration en ce qu'il prive M. [Y] [U], dont l'expropriation est envisagée, du seul bien lui servant de logement personnel. Sur ce point, il convient de relever que M. [Y] [U] ne développe aucun argument dans le corps de ses conclusions, de sorte que la question n'est pas motivée sous cet angle, ni ne produit d'élément de nature à justifier que le bien concerné constitue son domicile.

 

Il en résulte que la question est dépourvue de caractère sérieux.

 

En conséquence, il n'y a pas lieu de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité posée par M. [Y] [U] à la Cour de cassation.

 

En l'absence de développement dans les écritures de l'intimée relatif au caractère abusif de la procédure, la SELARL [V] Florek sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.

 

M. [Y] [U], qui succombe, supportera la charge des dépens.

 

PAR CES MOTIFS

 

Dit n'y avoir lieu à transmission à la Cour de cassation de la question prioritaire de constitutionnalité posée par M. [Y] [U],

 

Rejette la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,

 

Condamne M. [Y] [U] aux dépens.

 

Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT