Cour d'Appel de Paris

Arrêt du 4 octobre 2023 n° 23/02797

04/10/2023

Non renvoi

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

 

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

COUR D'APPEL DE PARIS

 

Pôle 4 - Chambre 13

 

ARRET DU 04 OCTOBRE 2023

 

(n° , 8 pages)

 

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/02797

 

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 03 Novembre 2022 - Juge de la mise en état de du Tribunal Judiciaire de PARIS - RG n° 21/03616

 

Question prioritaire de constitutionnalité soulevée le 07 février 2023 concernant l'article 4 3° de l'ordonnance n°45-2590 du 2 novembre 1945

 

DEMANDEUR A LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE

 

SCP BTSG en la personne de Maître [Z] [M] en qualité de « Liquidateur judiciaire » de la « SCP PASCAL BUSSIERE »

 

[Adresse 2]

 

[Localité 6]

 

Ayant pour avocat postulant Me Paul YON de la SARL PAUL YON SARL, avocat au barreau de PARIS, toque : C0347

 

Ayant pour avocat plaidant Me Ma'a-Ané JOUBERT, avocat au barreau de PARIS

 

DEFENDEURS A LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE

 

Madame [Y] [R]

 

[Adresse 1]

 

[Localité 4]

 

Représentée par Me Edouard BLOCH, avocat au barreau de PARIS, toque : R179

 

Madame [X] [K]

 

[Adresse 1]

 

[Localité 4]

 

Représentée par Me Edouard BLOCH, avocat au barreau de PARIS, toque : R179

 

SCP DURANT DES AULNOIS GROENINCK LE MAGUERESSE VINCENT [R]-DEPONDT [K] Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

 

[Adresse 1]

 

[Localité 4]

 

Ayant pour avocat postulant Me Jean-claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0945

 

Ayant pour avocat plaidant Me Renaud THOMINETTE, avocat au barreau de PARIS

 

AUTRE PARTIE :

 

LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE PARIS

 

[Adresse 3]

 

[Localité 5]

 

COMPOSITION DE LA COUR :

 

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 juin 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre, et devant Mme Estelle MOREAU, Conseillère, chargée du rapport.

 

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

 

Mme Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre

 

Mme Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre

 

Mme Estelle MOREAU, Conseillère

 

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

 

MINISTERE PUBLIC : dont l'affaire a été communiqué le 16 février 2023 et qui a fait connaître son avis le 11 mai 2023.

 

ARRET :

 

- contradictoire

 

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 04 octobre 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

 

- signé par Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, pour la Première Présidente de chambre empêchée et par Florence GREGORI, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

 

***

 

La Scp Pascal Bussière est titulaire d'un office notarial à [Localité 7]. En novembre et décembre 2018, ses deux notaires collaboratrices salariées, Mmes [X] [K] et [Y] [R], ont démissionné puis rejoint en janvier suivant, en qualité de notaires associées, la Scp Durant des Aulnois Groeninck Le Magueresse Vincent devenue la Scp Durant des Aulnois Groenick Le Magueresse Vincent [R] Depondt [K] (ci-après, la Scp Dda). La Scp Pascal Bussière dont des dossiers ont été transférés à la Scp Dda, a sollicité une 'rémunération pour sa participation à l'avancement du dossier' sur le fondement de la charte de la confraternité de la compagnie interdépartementale des notaires de [Localité 7].

 

Par ordonnance du 2 septembre 2020, le président du tribunal judiciaire de Paris, faisant droit à la requête présentée par la Scp Pascal Bussière, a désigné un huissier de justice avec mission d'obtenir des éléments sur les dossiers qui auraient été transférés. Cette ordonnance a été rétractée par une décision du 30 novembre 2021.

 

C'est dans ces circonstances qu'entre temps, par acte du 4 mars 2021, la Scp Pascal Bussière a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Paris la société Dda, Mme [K] et Mme [R] en indemnisation de son préjudice au titre d'actes de concurrence déloyale et de sa participation à l'avancement des dossiers ouverts en son étude et transférés à la Scp Dda.

 

Le 15 avril 2021, le tribunal judiciaire de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la Scp Pascal Bussière, désignant la Scp Btsg en qualité de mandataire judiciaire et la Selarl Ascagne AJ en qualité d'administrateur judiciaire, lesquelles sont intervenues volontairement à la procédure. Cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du 9 février 2023, la société Btsg étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire de la Scp Pascal Bussière.

 

La Scp Dda a saisi le juge de la mise en état d'un incident de procédure.

 

Par ordonnance du 3 novembre 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris :

 

- a déclaré l'action de la Scp Pascal Bussière irrecevable,

 

- l'a condamnée aux dépens,

 

- l'a condamnée à payer à la Scp Dda d'une part, à Mme [K] et Mme [R], d'autre part, une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

 

- a rejeté les demandes pour le surplus.

 

La Scp Pascal Bussière, la Selarl Ascagne Aj ès qualités et la Scp Btsg ès qualités ont interjeté appel de cette décision, laquelle instance a été enregistrée sous le numéro RG 22-19157.

 

La Scp Pascal Bussière et les organes de sa procédure collective ont soulevé une question prioritaire de constitutionnalité concernant l'article 4 3° de l'ordonnance n°45-2590 du 2 novembre 1945, le 7 février 2023, laquelle a été signifiée aux parties le 14 février 2023.

 

Dans ses dernières conclusions notifiées le 13 juin 2023, la Scp Btsg en sa qualité de liquidateur judiciaire de la Scp Pascal Bussière demande à la cour de :

 

- déclarer irrecevables les observations relatives à la question prioritaire de constitutionnalité de Mme [K] et de Mme [R] devant la cour,

 

- transmettre à la Cour de cassation la question prioritaire de constitutionnalité suivante :

 

- l'article 4, 3°, de l'ordonnance n°45-2590 du 2 novembre 1945 porte-t-il atteinte au principe de clarté et d'intelligibilité de la loi en ne définissant pas ce que sont les 'différends d'ordre professionnel entre notaires' '

 

- l'article 4, 3°, de l'ordonnance n°45-2590 du 2 novembre 1945 porte-t-il atteinte au droit d'accès à un juge en soumettant à la compétence de la chambre des notaires, qui n'est pas une juridiction, tous les litiges entre notaires '

 

- l'article 4, 3°, de l'ordonnance n°45-2590 du 2 novembre 1945 porte-t-il atteinte au droit d'accès à un juge en ne prévoyant pas de voie de recours contre les décisions rendues par la chambre des notaires '

 

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 7 mars 2023, la Scp Durant des Aulnois Gorenick Le Magueresse Vincent [R]-Depondt [K] (la Scp Dda) demande à la cour de :

 

- déclarer les demandeurs (sic) irrecevables à soulever la question prioritaire de constitutionnalité, portant sur une disposition dont ils soutiennent eux-mêmes, dans la procédure, qu'elle n'est pas applicable au litige,

 

subsidiairement,

 

- rejeter la demande tendant à la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité,

 

en tout état de cause,

 

- condamner les demandeurs aux dépens,

 

- condamner les demandeurs à leur payer une somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

 

Dans leurs dernières conclusions, notifiées et déposées le 9 juin 2023, Mme [Y] [R] et Mme [X] [K] demandent à la cour de :

 

- déclarer la Scp Bussière et son liquidateur irrecevables en leurs demandes de transmission des questions prioritaires de constitutionnalité, celles-ci portant sur une disposition inapplicable au litige en cours et qui ne constitue pas le fondement des poursuites initiées,

 

- dire et juger, en tout état de cause, que les questions prioritaires de constitutionnalité posées sont dépourvues de tout caractère sérieux,

 

- rejeter la transmissions des questions prioritaires de constitutionnalité soulevées,

 

- condamner solidairement la Scp Bussière et son liquidateur judiciaire à leur payer à chacune une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

 

- condamner solidairement la Scp Bussière et son liquidateur judiciaire aux entiers dépens.

 

La cour, soulevant d'office la question du pouvoir de la cour à connaître de la demande d'irrecevabilité des conclusions de Mme [K] et de Mme [R], a invité les parties à faire valoir leurs observations par note en délibéré. Mmes [R] et [K], d'une part, et la Scp Btsg ès qualités d'autre part, ont chacune déposé une note en délibéré les 21 et 26 juillet 2023.

 

SUR CE

 

Sur l'irrecevabilité des observations en réponse de Mmes [K] et [R] à la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Btsg ès qualités :

 

La société Scp Btsg ès qualités fait valoir que :

 

- en application des dispositions de l'article 905-2 du code de procédure civile, les intimés avaient un délai d'un mois pour conclure à compter des conclusions d'appelants notifiées le 14 février 2023 et de la question prioritaire de constitutionnalité signifiée le même jour,

 

- l'acte de signification délivré par l'huissier de justice mentionnant un délai de trois mois pour conclure en application de l'article 909 du code de procédure civile est affecté d'une erreur matérielle,

 

- les intimés, auxquels avait été signifié un avis à bref délai, dont seuls les délais mentionnés sont applicables, ne pouvaient ignorer l'application des dispositions de l'article 905-2 du code de procédure civile,

 

- le jugement convertissant la procédure de redressement judiciaire de la Scp Pascal Bussière en liquidation judiciaire du 9 février 2023 n'est devenu opposable qu'à l'occasion de sa notification du 16 février 2023, en sorte que la société Btsg ès qualités et les autres organes de la procédure collective ont régulièrement déposé des conclusions le 7 février 2023 et saisi l'huissier de justice, dont l'acte n'est affecté d'aucune nullité,

 

- les observations en réponse à la question prioritaire de constitutionnalité de Mme [K] et [R] sont irrecevables comme tardives.

 

Mmes [K] et [R] répliquent que :

 

- elles ont conclu dans le délai imparti dans l'acte de signification des conclusions de l'appelant, l'erreur et la négligence alléguées de l'huissier de justice ne pouvant leur causer préjudice, l'appelant ne pouvant invoquer sa propre turpitude,

 

- la mention erronée de leurs droits d'intimé dans le procès-verbal de signification des conclusions d'appelant et de la question prioritaire de constitutionnalité entache cet acte de nullité, en sorte que les délais de l'article 905-2 du code de procédure civile sont inapplicables, faute de signification régulière,

 

- la nullité de l'acte de signification des conclusions d'appelant et de la question prioritaire de constitutionnalité est d'autant plus caractérisée qu'il a été fait au nom de la Scp Pascal Bussière, de son administrateur judiciaire et de son mandataire alors que la liquidation judiciaire de la société Pascal Bussière a été prononcée par jugement du 9 février 2023.

 

En réponse à la demande de la cour, Mmes [R] et [K] font valoir que la cour n'a pas le pouvoir de statuer sur l'irrecevabilité des conclusions d'intimé, devant être relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, l'incident devant être soulevé devant le président de chambre et non pas la cour.

 

La société Bussière réplique que la cour a le pouvoir de statuer sur cette irrecevabilité, dès lors que la carence du président de la chambre saisie n'ayant pas relevé d'office ladite irrecevabilité ne saurait lui être préjudiciable et qu'en l'absence, dans les procédures de circuit court, de conseiller de la mise en état dont la compétence est exclusive dans une procédure classique, l'article 905-2 du code de procédure civile ne peut à lui seul donner compétence exclusive au président de la chambre saisie ou au magistrat désigné par celui-ci pour statuer sur l'irrecevabilité de l'appel.

 

Selon l'article 905-2 du code de procédure civile, l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.

 

Il résulte de ces dispositions que seul le président de la chambre saisie ou le magistrat désigné par le premier président statue sur l'irrecevabilité des conclusions en application dudit article.

 

La cour n'a donc pas le pouvoir de statuer sur l'irrecevabilité des écritures de Mmes [K] et [R] déposées en réponse à la question prioritaire de constitutionnalité soulevée à l'occasion d'une procédure ouverte sur appel d'une ordonnance du juge de la mise en état.

 

Sur la recevabilité et le bien fondé de la question prioritaire de constitutionnalité :

 

La société Btsg ès qualités soulève une question prioritaire de constitutionnalité de l'article 4 3° de l'ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945 qui dispose que :

 

' La chambre des notaires a pour attributions :

 

[']

 

3° De prévenir ou de concilier tous différends d'ordre professionnel entre notaires du département, de trancher, en cas de non-conciliation, ces litiges par des décisions qui seront exécutoires immédiatement'.

 

Le tribunal a jugé l'action irrecevable en ce que :

 

- la charte de la confraternité de la compagnie interdépartementale des notaires de Paris, dont les parties ne contestent pas l'application, impose en son article 3.4 un préalable obligatoire de conciliation et prévoit qu'une fois saisie, la chambre des notaires statue sur le différend opposant les notaires,

 

- les faits de concurrence déloyale et le droit à participation étant visés aux articles 3.2 et 3.3 de cette charte, relèvent de la compétence de la chambre des notaires,

 

- il n'est justifié par aucune pièce que la chambre des notaires, devant laquelle les parties ont été convoquées et ont tenté une conciliation, a ensuite statué sur le différend, ni quel était l'objet de la saisine,

 

- soit la saisine portait uniquement sur la rémunération, auquel cas la demande de dommages et intérêts pour concurrence déloyale est irrecevable faute de tentative préalable de conciliation, soit elle visait les deux prétentions objets du litige, auquel cas les demandes sont également irrecevables car elles devaient être tranchées par la chambre des notaires.

 

La société Btsg ès qualités fait valoir que :

 

- l'article 4 3° de l'ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945 est applicable au litige dès lors que le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris a déclaré irrecevable l'action sur le fondement de la charte de la confraternité de la compagnie interdépartementale des notaires de Paris qui renvoie à cet article,

 

- elle n'a pas adopté de position contraire à celle prise antérieurement dans la mesure où elle a toujours affirmé que l'article 4 3°de l'ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945 ne pouvait prospérer dans la mesure où il porte sur la conciliation de 'tous différends d'ordre professionnel entre notaires du département', alors que le litige a trait à la responsabilité civile dont le tribunal judiciaire a compétence à connaître,

 

- cet article n'a jamais été déclaré conforme à la Constitution,

 

- cet article méconnait les droits et garanties prévues par la Constitution, en particulier :

 

- le principe de clarté et d'intelligibilité de la loi, en ce que la notion de 'différend d'ordre professionnel' est imprécise et sujette à interprétation quant à la nature du différend, qui pourrait être d'ordre déontologique, financier, social ou plus largement concerner tous les différends entre notaires, cette notion visant, selon des décisions de jurisprudence, la déontologie professionnelle (cour d'appel d'Aix-en-Provence - 13 septembre 2012) et, selon le juge de la mise en état, tous les litiges entre notaires,

 

- le droit d'accès au juge en ce que :

 

- cet article empêche un notaire d'accéder à un tribunal pour faire trancher un différend qu'il aurait avec un autre notaire en confiant à la chambre des notaires le soin de trancher tous les litiges opposant les notaires entre eux alors qu'elle n'est pas une juridiction et qu'il existe des matières qu'elle ne peut connaître et qui ne peuvent être traitées que par un tribunal indépendant et impartial,

 

- il n'est pas justifié que l'accès au juge demeure toujours possible, alors que dans le cas d'espèce, la chambre des notaires, qui a constaté l'absence de conciliation, n'a pas tranché le litige, que le juge de la mise en état a déclaré l'action irrecevable et que la chambre des notaires a refusé de statuer en suite de l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état,

 

- l'inertie de la chambre des notaires prive le notaire du droit d'accès au juge dès lors que tant qu'elle n'a pas statué, le recours à un juge du fond est impossible,

 

- aucune disposition légale n'impose à la chambre des notaires un délai pour statuer concernant les différends entre notaires à l'occasion de leur exercice professionnel, ce qui rend impossible la saisine des juridictions judiciaires,

 

- aucune voie de recours n'est prévue contre la décision de la chambre des notaires.

 

La Scp Dda réplique que la demande de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité est irrecevable et en tout cas mal fondée, en ce que :

 

- la recevabilité de la question prioritaire de constitutionnalité est subordonnée à l'applicabilité au litige de la disposition contestée et la Scp Pascal Bussière soutient au fond que l'article 4 3°de l'ordonnance n°45-2590 du 2 novembre 1945 n'est pas applicable, tout en faisant valoir le contraire au titre de la présente procédure, et l'ordonnance dont appel n'est pas fondée sur ces dispositions,

 

- les appelants sont également irrecevables en leurs demandes en raison de leurs positions contradictoires,

 

- outre que l'objectif de clarté et d'accessibilité de la loi ne constitue pas l'un des droits et libertés garantis par la constitution, la disposition légale visée ne recèle aucune ambiguïté en ce que la chambre des notaires a pour mission de traiter 'tous différends d'ordre professionnel entre notaires',

 

- cette disposition ne porte pas atteinte au droit d'accès au juge, la seule circonstance que la loi confie à une instance professionnelle le soin de régler des différends entre professionnels ne postulant nullement que la décision rendue par cette instance ne peut faire l'objet d'un recours de droit commun devant le juge, et la compétence ainsi attribuée à la chambre des notaires n'excluant pas la faculté pour les parties au litige de saisir les tribunaux conformément au droit commun.

 

Mmes [K] et [R] soutiennent que :

 

- la demande de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité est irrecevable comme portant sur l'article 4 3° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dont les appelants concluent au fond à l'inapplicabilité au litige, étant relevé que l'ordonnance dont appel se fonde exclusivement sur les dispositions de la charte de la confraternité de la compagnie interdépartementale des notaires,

 

- cette demande est mal fondée, la question prioritaire de constitutionnalité étant dépourvue de caractère sérieux en l'absence d'ambiguïté du texte visé et de privation d'accès au juge.

 

Selon l'article 23-2 de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958, la question prioritaire de constitutionnalité est transmise à la Cour de cassation lorsque les trois conditions suivantes sont réunies :

 

- la disposition est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites,

 

- la disposition n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs ou le dispositif d'une décision du Conseil Constitutionnel, sauf changement de circonstances,

 

- la question n'est pas dépourvue de caractère sérieux.

 

La décision du juge de la mise en état objet du recours est fondée sur l'article 3.4 de la charte de la confraternité de la compagnie interdépartementale des notaires de Paris en particulier l'article 3.4.1 qui prévoit que 'Les notaires s'attachent à régler directement entre eux les conflits qui les opposent. En cas de conflit persistant, il est recouru à la conciliation de la Chambre. Cette saisine intervient valablement à la demande d'un confrère' et l'article 3.4.2 qui précise qu' 'En cas de non-conciliation, ces litiges sont réglés par des décisions de la Chambre, qui sont exécutoires immédiatement en application de l'article 4 de l'ordonnance n°42-2590 du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat lequel énonce les attributions de la chambre des notaires'.

 

L'article 3.4.2 de la charte renvoyant expressément à l'article 4 de l'ordonnance n°42-2590 du 2 novembre 1945, cette disposition est applicable au litige.

 

Il n'existe aucune contradiction à ce que la société Bussière sollicite la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité fondée sur l'article 4 3°de l'ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945, tout en contestant l'application de cette disposition au soutien de son recours contre l'ordonnance du juge de la mise en état, dès lors qu'elle peut, sans encourir la critique, prendre acte de ce que la décision du juge de la mise en état est fondée sur l'article 3.4. de la charte renvoyant à l'article 4 de l'ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945, tout en soutenant que ce texte visant les différends d'ordre professionnel entre notaires du département n'est pas applicable au litige relevant de la responsabilité civile des notaires.

 

L'article 4 de l'ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945 n'a pas déjà été déclaré conforme à la Constitution dans les motifs ou le dispositiff d'une décision du Conseil Constitutionnel.

 

S'agissant du caractère sérieux de la question, en premier lieu, la circonstance que l'article 4 3° prévoit que la chambre des notaires est compétente pour 'prévenir ou concilier tous différends d'ordre professionnel entre notaires du département,(...) trancher, en cas de non-conciliation, ces litiges par des décisions qui seront exécutoires immédiatement' sans définir ces 'différends d'ordre professionnel', n'est pas contraire au principe de clarté et d'intelligibilité de la loi, en ce que cette notion, qui ne souffre d'aucune exception et revêt un large champ d'application, vise tous les différends que les notaires ont à connaître entre eux à l'occasion de leur exercice professionnel, et non pas les seuls différends d'ordre déontologique et n'a pas à être définie de manière exhaustive compte tenu du large champ d'intervention professionnelle des notaires.

 

En deuxième lieu, la circonstance que la chambre des notaires ait pour attribution de statuer sur les différends entre notaires par une décision qui est immédiatement exécutoire ne prive pas les notaires du droit d'accès au juge, dès lors que cette compétence d'attribution de la chambre des notaires, saisie à la diligence des parties au litige en application de l'article 24 du décret n°45-0117 du 19 novembre 1945, n'exclut pas la faculté pour celles-ci de saisir les tribunaux conformément au droit commun.

 

En cas de différend d'ordre professionnel, les notaires ont donc le choix entre la saisine de la chambre des notaires ou celle du juge conformément au droit commun.

 

La procédure de règlement des différends d'ordre professionnel entre les notaires, instituée par les textes régissant le statut du notariat, constitue une fin de non-recevoir qui s'impose au juge si les parties l'invoquent ou si la chambre départementale compétente a été régulièrement saisie avant l'introduction de l'instance judiciaire, jusqu'au terme de cette procédure de règlement lorsqu'elle a été effectivement mise en oeuvre et suivie. (1re Civ., 21 octobre 2003 publié, pourvoi n° 00-21.832).

 

Ainsi, la compétence des juridictions de droit commun n'est soumise à aucune condition particulière lorsque la chambre départementale des notaires n'a pas été saisie régulièrement conformément aux dispositions de l'article 24 du décret n° 45-0117 du 19 décembre 1945. De même, le constat de l'absence de suivi de la procédure devant la chambre des notaires régulièrement saisie par les parties et du défaut de décision par celle-ci dans un délai raisonnable, le texte ne prévoyant pas de délai pour statuer, permet la saisine du juge de droit commun.

 

Il n'est donc démontré aucune atteinte au droit d'accès au juge, y compris en cas d'inertie de la chambre des notaires saisie à l'initiative des parties.

 

Enfin, la circonstance qu'il ne soit pas prévu de recours contre la décision rendue par la chambre des notaires ne porte pas atteinte au droit d'accès au juge, dès lors que les parties, en la saisissant conformément aux dispositions de l'article 24 du décret n°45-0117, ont fait le choix de voir trancher leur litige professionnel par l'instance professionnelle plutôt que par un juge judiciaire et de s'en remettre à son appréciation en sachant que sa décision revêtait un caractère administratif, était exécutoire immédiatement et ce, sans recours possible sauf un recours en annulation devant le garde des Sceaux.

 

La question prioritaire de constitutionnalité soumise à la cour étant dépourvue de caractère sérieux, il n'y a pas lieu d'ordonner sa transmission.

 

PAR CES MOTIFS

 

La cour,

 

Dit qu'il n'entre pas dans les pouvoirs de la cour de connaître de la demande d'irrecevabilité des écritures de Mmes [X] [K] et [Y] [R],

 

Dit n'y avoir lieu à transmission des questions prioritaires de constitutionnalité ayant trait à l'article 4 3°de l'ordonnance n°45-2590 du 2 novembre 1945,

 

Dit que les dépens de la présente instance et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile suivront le sort de ceux de l'instance au fond, enregistrée sous le numéro 22-19157.

 

LA GREFFIERE, POUR LA PREMIERE PRESIDENTE EMPECHEE,