Tribunal administratif de Paris

Ordonnance du 2 octobre 2023 n° 2204240

02/10/2023

Renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 18 février 2022 et deux mémoires enregistrés le 21 mars 2022 et le 7 avril 2023, la communauté de communes Chinon Vienne et Loire, représentée par la SCP Boulloche, Colin et Stoclet, demande au tribunal :

1°) d'annuler l'arrêté du 10 décembre 2021 pris pour l'application au titre de l'année 2021 des dispositions prévues à l'article 250 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, par lequel les ministres de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales ainsi que de l'économie, des finances et de la relance ont fixé à 791 992 euros le montant de la contribution sur la fiscalité directe locale due par la communauté de commune Chinon Vienne et Loire.

2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire distinct, enregistré le 7 avril 2023, la communauté de communes Chinon Vienne et Loire, représentée par la SCP Boulloche, Colin et Stoclet, demande au tribunal, à l'appui de sa requête, de transmettre au Conseil d'Etat aux fins de transmission au Conseil constitutionnel, la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article 250 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 dans leur version en vigueur depuis le 31 décembre 2020.

Elle soutient que :

-ces dispositions sont applicables au litige ;

-elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution ;

-le moyen revêt un caractère sérieux : en effet, ces dispositions méconnaissent les droits et obligations que la Constitution garantit, et notamment les principes d'égalité devant l'impôt et de libre administration des collectivités territoriales, en ce qu'elles prévoient que le prélèvement opéré en 2018 en application de l'article L. 5211-28 précité est reconduit chaque année.

Vu :

-la délégation du président du tribunal accordé en application de l'article R. 771-7 du code de justice administrative,

-la décision n° 2020-862 QPC du 15 octobre 2020 du Conseil,

-les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1,

- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789,

- la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020,

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. La communauté de communes Chinon Vienne et Loire demande au tribunal, à l'appui de sa requête, de transmettre au Conseil d'Etat aux fins de transmission au Conseil constitutionnel, la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article 250 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 dans leur version en vigueur depuis le 31 décembre 2020. Elle soutient que ces dispositions méconnaissent les droits et obligations que la Constitution garantit, et notamment les principes d'égalité devant l'impôt et de libre administration des collectivités territoriales, en ce qu'elles prévoient que le prélèvement opéré en 2018 en application de l'article L. 5211-28 précité est reconduit chaque année.

2. Il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, que le tribunal administratif, saisi d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux.

3. Aux termes de l'article 250 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 dans sa version en vigueur depuis le 31 décembre 2020, modifié par la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 : " II.-A compter de 2019, le prélèvement opéré en 2018 en application du troisième alinéa de l'article L. 5211-28 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction antérieure à la présente loi, est reconduit chaque année. A compter du prélèvement effectué au titre de l'année 2021, le montant de ce prélèvement est minoré pour les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont le montant des recettes réelles de fonctionnement du budget principal du pénultième exercice par habitant a diminué par rapport à l'année 2015 de plus de 5 % de ces mêmes recettes. Pour chaque établissement qui remplit la condition mentionnée au deuxième alinéa du présent II, il est calculé l'écart entre les recettes réelles de fonctionnement de son budget principal du pénultième exercice par habitant et les recettes réelles de fonctionnement de son budget principal de l'exercice 2015 par habitant diminuées du pourcentage prévu au même deuxième alinéa. Au titre d'un exercice donné, le prélèvement de chacun de ces établissements est minoré à hauteur de cet écart multiplié par le nombre d'habitants de l'établissement. Le décret précité précise également les modalités d'application du présent II, notamment en ce qui concerne les données de population à prendre en compte et les règles de calcul des recettes réelles de fonctionnement en cas d'évolution du périmètre d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. (...) ". Eu égard aux termes de la question soulevée, la communauté de communes Chinon Vienne et Loire doit être regardée comme ne contestant la conformité à la Constitution que des dispositions du II de l'article 250 de la loi de finances du 28 décembre 2018 dans leur version en vigueur depuis le 31 décembre 2020.

4. Ces dispositions dans leur rédaction applicable au litige n'ont pas été déclarées conformes à la Constitution. En effet, le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2020-862 QPC du 15 octobre 2020 susvisée, a déclaré contraire à la Constitution le premier alinéa du paragraphe II de l'article 250 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, dans sa rédaction initiale et il a constaté qu'à la date de sa décision ces dispositions avaient été modifiées depuis son adoption par la loi de finances pour 2020.

5. Aux termes de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ". En particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, le législateur doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.

6. En relevant qu'en reconduisant le prélèvement opéré en 2021, sans tenir compte de l'évolution des facultés contributives des redevables, les dispositions en litige méconnaissent le principe d'égalité devant la loi, puisqu'elles soumettent les différents EPCI à des différences de traitements non justifiées par une différence de situation objective ainsi que le principe d'égalité devant les charges publiques puisque, en ne tenant pas compte de l'évolution de la situation des EPCI en 2021, ils les soumettent à des différences de traitement non justifiées au regard de leurs facultés contributives, la communauté de communes Chinon Vienne et Loire qui relève également que la modification introduite par le législateur en 2020 ne permet pas de corriger de façon pérenne l'atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques soulève ainsi une question qui présente un caractère sérieux.

7. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de renvoyer au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la communauté de communes Chinon Vienne et Loire portant sur les dispositions du II de l'article 250 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 dans leur version en vigueur depuis le 31 décembre 2020, modifiée par la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 .

O R D O N N E :

Article 1er : Il y a lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la communauté de communes Chinon Vienne et Loire portant sur les dispositions du II de l'article 250 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 dans leur version en vigueur depuis le 31 décembre 2020, modifiée par la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 .

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de la communauté de communes Chinon Vienne et Loire jusqu'à la réception de la décision du Conseil d'Etat ou, s'il a été saisi, jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la communauté de communes Chinon Vienne et Loire, au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Fait à Paris, le 2 octobre 2023.

La présidente de la 2ème section,

J. EVGENAS

2/2-1

Open data