Tribunal administratif de Nantes

Jugement du 29 septembre 2023 n° 1903724

29/09/2023

Autre

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une réclamation présentée le 13 mars 2019, soumise d'office au tribunal le 9 avril 2019 par la directrice régionale des finances publiques des Pays de la Loire et du département de la Loire-Atlantique, et valant requête en application des articles R. 199-1 et R. 200-3 du livre des procédures fiscales, et un mémoire enregistré le 11 juin 2019, la société en nom collectif (SNC) Plaisir Saint-Nazaire Invest Hôtels, représentée par Me Zapf, demande au tribunal dans le dernier état de ses écritures :

1°) de prononcer la décharge de la cotisation foncière des entreprises et de la taxe pour frais de chambre de commerce et d'industrie auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2018 dans les rôles de la commune de Trignac (Loire-Atlantique) à raison d'un hôtel dont elle est propriétaire situé ZAC de Savine ;

2°) de prononcer la réduction, à concurrence d'une somme de 1 789 euros, de ces impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les dispositions de l'article 34 de la loi du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010 modifiée méconnaissent le principe d'égalité devant les charges publiques garanti par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

- les dispositions de l'article 34 de la loi du 29 décembre 2010 modifiée méconnaissent le droit au recours juridictionnel garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, en ce qu'elles prévoient, en leur XV, que " les décisions prises en application du VII autres que celles portant sur les coefficients de localisation ne peuvent pas être contestées à l'occasion d'un litige relatif à la valeur locative d'une propriété bâtie ", privant ainsi le contribuable de la possibilité d'exciper de l'illégalité des décisions réglementaires fixant les secteurs d'évaluation et les tarifs applicables, à l'appui d'un litige de plein contentieux fiscal afférent à une imposition établie sur cette base ;

- les impositions en litige dues au titre de l'année 2018 doivent être calculées par application des différentes mesures de neutralisation des effets de la réforme des valeurs locatives des locaux professionnels en prenant en compte la valeur locative de 2016 telle qu'elle ressort de la contestation actuellement pendante devant le tribunal, enregistrée sous le n° 1804733, concernant la cotisation foncière des entreprises due au titre de l'année 2016, à savoir une valeur locative égale à 10 056 euros.

Par des mémoires en défense enregistrés les 9 avril 2019, 10 septembre 2020 et 2 février 2021, la directrice régionale des finances publiques des Pays de la Loire et du département de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles 13 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 sont irrecevables, faute d'avoir été présentés dans les conditions prévues à l'article R. 771-3 du code de justice administrative ; en tout état de cause, ils ne sont pas fondés ;

- les irrégularités dont était entachée la requête n'ont pas pu être régularisées par la production d'un mémoire complémentaire, dans la mesure où ce mémoire n'a pas été produit dans le délai de recours contentieux, en méconnaissance de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; la requête est donc irrecevable ;

- les autres moyens soulevés par la SNC Plaisir Saint-Nazaire Invest Hôtels ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 modifiée, notamment son article 34 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Thierry, conseillère,

- et les conclusions de M. Huin, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société en nom collectif (SNC) Saint-Nazaire Invest Hôtels demande au tribunal, à titre principal, la décharge de la cotisation foncière des entreprises et de la taxe pour frais de chambre de commerce et d'industrie auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2018 à raison d'un hôtel dont elle est propriétaire, situé ZAC de Savine à Trignac et, à titre subsidiaire, la réduction de ces mêmes impositions, à concurrence d'une somme de 1 789 euros.

2. D'une part, aux termes de l'article 1467 du code général des impôts : " La cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France () / La valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière est calculée suivant les règles fixées pour l'établissement de cette taxe. () ". Et aux termes de l'article 1467 A de ce code : " Sous réserve des II, III IV et VI de l'article 1478, la période de référence retenue pour déterminer les bases de cotisation foncière des entreprises est l'avant-dernière année précédant celle de l'imposition ou le dernier exercice de douze mois clos au cours de cette même année lorsque cet exercice ne coïncide pas avec l'année civile. ". En outre, en application du 1 du II de l'article 1600 du même code, la taxe pour frais de chambre de commerce et d'industrie additionnelle à la cotisation foncière des entreprises est due par les redevables de cette cotisation proportionnellement à leur base d'imposition. Enfin, aux termes de l'article 1607 bis de code, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " Il est institué, au profit des établissements publics fonciers mentionnés à l'article L. 324-1 du code de l'urbanisme (), une taxe spéciale d'équipement destinée à permettre à ces établissements de financer les acquisitions foncières et immobilières correspondant à leur vocation () / La base de la taxe est déterminée dans les mêmes conditions que pour la part communale ou, à défaut de part communale, dans les mêmes conditions que la part intercommunale de la taxe principale à laquelle la taxe additionnelle s'ajoute () ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 34 de la loi de finance rectificative pour 2010, dans sa version alors applicable au litige codifié depuis le 1er janvier 2018 à l'article 1518 A quinquies du code général des impôts : " XVI.-.B.-1. En vue de l'établissement de la taxe foncière sur les propriétés bâties, de la cotisation foncière des entreprises, de la taxe d'habitation et de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, la valeur locative des propriétés bâties est corrigée par un coefficient de neutralisation./ Ce coefficient est égal, pour chaque taxe et chaque collectivité territoriale, au rapport entre, d'une part, la somme des valeurs locatives non révisées au 1er janvier 2017 des propriétés bâties imposables au titre de cette année dans son ressort territorial, à l'exception de celles mentionnées au 2, et, d'autre part, la somme des valeurs locatives révisées de ces propriétés à la date de référence du 1er janvier 2013./ Le coefficient de neutralisation déterminé pour chacune de ces taxes s'applique également pour l'établissement de leurs taxes annexes./ Les coefficients déterminés pour une commune s'appliquent aux bases imposées au profit des établissements publics de coopération intercommunale dont elle est membre. ()/ D.-Pour les impositions dues au titre des années 2017 à 2025 :/ 1° Lorsque la différence entre la valeur locative non révisée au 1er janvier 2017 et la valeur locative résultant du B du présent XVI est positive, celle-ci est majorée d'un montant égal à la moitié de cette différence ;/ 2° Lorsque la différence entre la valeur locative non révisée au 1er janvier 2017 et la valeur locative résultant du même B est négative, celle-ci est minorée d'un montant égal à la moitié de cette différence. () ". Enfin, aux termes des A et B du XXII du même article, désormais codifiés à l'article 1518 E du code général des impôts : " XXII.-A. Des exonérations partielles d'impôts directs locaux sont accordées au titre des années 2017 à 2025 lorsque la différence entre la cotisation établie au titre de l'année 2017 et la cotisation qui aurait été établie au titre de cette même année sans application du XVI est positive./ Pour chaque impôt, l'exonération est égale aux neuf dixièmes de la différence définie au premier alinéa du présent A pour les impositions établies au titre de l'année 2017, puis réduite chaque année d'un dixième de cette différence./ L'exonération cesse d'être accordée à compter de l'année qui suit celle au cours de laquelle la propriété ou fraction de propriété fait l'objet d'un des changements mentionnés au I de l'article 1406 du code général des impôts./ B.-Les impôts directs locaux établis au titre des années 2017 à 2025 sont majorés lorsque la différence entre la cotisation qui aurait été établie au titre de l'année 2017 sans application du XVI et la cotisation établie au titre de cette même année est positive./ Pour chaque impôt, la majoration est égale aux neuf dixièmes de la différence définie au premier alinéa du présent B pour les impositions établies au titre de l'année 2017, puis réduite chaque année d'un dixième de cette différence./ Cette majoration est supprimée à compter de l'année qui suit celle au cours de laquelle la propriété ou fraction de propriété fait l'objet d'un des changements mentionnés au I de l'article 1406 du code général des impôts ". Il résulte de ces dispositions que la loi de finances rectificative pour 2010 a instauré des dispositifs destinés à maintenir les équilibres contributifs entre les contribuables des locaux professionnels révisés et ceux des autres locaux non révisés et à étaler sur quatre ans les écarts d'imposition résultant de la révision.

4. En premier lieu, pour demander la décharge de la cotisation foncière des entreprises et de la taxe pour frais de chambre de commerce et d'industrie auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2018, la société requérante soutient tout d'abord que les dispositions de l'article 34 de la loi du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010 modifiée méconnaissent le principe d'égalité devant les charges publiques garanti par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ainsi que le droit au recours juridictionnel garanti par l'article 16 de cette même Déclaration. De tels moyens qui emportent l'appréciation par le juge administratif de la constitutionnalité d'une disposition législative ne sauraient être valablement soulevés que dans le cadre d'un mémoire distinct et motivé portant question prioritaire de constitutionnalité prévue par l'article 61-1 de la Constitution, dans les conditions de l'article R. 771-3 du code de justice administrative et de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des articles 13 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen par l'article 34 de la loi du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010 modifiée doivent être écartés.

5. En deuxième lieu, pour demander la réduction, à hauteur de la somme de 1 789 euros, de la cotisation foncière des entreprises et de la taxe pour frais de chambre de commerce et d'industrie auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2018, la société requérante se borne à demander l'application du mécanisme de neutralisation, de celui dit de planchonnement et de celui de lissage en rappelant les dispositifs prévus par la loi de finances rectificative pour 2010, sans préciser, au cas d'espèce, les conditions de leur application à sa situation. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à contester la valeur locative retenue par l'administration pour l'évaluation de son hôtel.

6. En dernier lieu, la société requérante ne peut utilement soutenir qu'il y a lieu de prononcer la réduction, à hauteur de la somme de 1 789 euros, de la cotisation foncière des entreprises et de la taxe pour frais de chambre de commerce et d'industrie auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2018, à raison de la prise en compte d'une valeur locative égale à 10 056 euros, qui correspond au chiffrage de la valeur locative sollicitée par une société tierce dans une autre affaire n'ayant aucune incidence sur le présent litige. Par suite, le moyen doit être écarté comme inopérant.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par la directrice régionale des finances publiques des Pays de la Loire et du département de la Loire-Atlantique, que les conclusions à fin de décharge et de réduction présentées par la SNC Plaisir Saint-Nazaire Invest Hôtels doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, la demande tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SNC Plaisir Saint-Nazaire Invest Hôtels est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la SNC Plaisir Saint-Nazaire Invest Hôtels et à la directrice régionale des finances publiques des Pays de la Loire et du département de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Allio-Rousseau, présidente,

Mme Thierry, conseillère,

Mme Benoist, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 septembre 2023.

La rapporteure,

S. THIERRY

La présidente,

M.-P. ALLIO-ROUSSEAULa greffière

C. MICHAULT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

Code publication

C