Tribunal administratif de Nantes

Jugement du 29 septembre 2023 n° 1812437

29/09/2023

Non renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 31 décembre 2018 et 15 décembre 2020, la société en nom collectif (SNC) Plaisir Saint-Nazaire Invest Hôtels, représentée par Me Zapf, demande au tribunal :

1°) de surseoir à statuer jusqu'à ce que le tribunal et, le cas échéant, le Conseil d'Etat et le Conseil constitutionnel se soient prononcés sur la question prioritaire de constitutionnalité qu'elle soumet par mémoire distinct au tribunal ;

2°) à titre principal, de prononcer la décharge de la cotisation foncière des entreprises et de la taxe pour frais de chambres de commerce et d'industrie auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2017 dans les rôles de la commune de Trignac (Loire-Atlantique) à raison d'un hôtel dont elle est propriétaire situé ZAC de Savine ;

3°) à titre subsidiaire, de prononcer la réduction des impositions litigieuses ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les impositions en litige doivent être calculées par application des différentes mesures de neutralisation des effets de la réforme des valeurs locatives des locaux professionnels en tenant compte de la valeur locative de 2016, c'est-à-dire une valeur locative égale à 7 859 euros, qui résulte de l'application d'un abattement de 30 % à la valeur locative initialement retenue, l'administration ayant fait droit à sa réclamation tendant à la réduction de la taxe foncière sur les propriétés bâties due au titre de l'année 2016 à raison des mêmes locaux.

Par un mémoire distinct, enregistré le 15 février 2019, la SNC Plaisir Saint-Nazaire Invest Hôtels, représentée par Me Zapf, demande au tribunal de transmettre au Conseil d'État la question de la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions de l'article 34 de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010, dans leur version modifiée par l'ordonnance n° 2016-1561 de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010, dans leur rédaction applicable après modification par l'article 48 de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015.

Elle soutient que ces dispositions portent atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques et au droit à un recours effectif garantis par les articles 13 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ce qui justifie qu'une question prioritaire de constitutionnalité soit transmise au Conseil Constitutionnel dès lors que ces dispositions sont applicables au litige, n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel et qu'il n'y a pas de doute sur le caractère sérieux de la question.

Par des mémoires en défense enregistrés les 22 février 2019, 30 décembre 2020 et 2 février 2021, la directrice régionale des finances publiques des Pays de la Loire et du département de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- il n'y a pas lieu de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société requérante, qui est dépourvue de caractère sérieux ;

- la requête en tant qu'elle se borne à renvoyer à la question prioritaire de constitutionnalité soulevée dans un mémoire distinct, qui s'apparente à un moyen inopérant, est irrecevable ; dans ces conditions la requête est irrecevable comme insuffisamment motivée et non régularisée dans le délai de recours contentieux

- les irrégularités dont était entachée la requête n'ont pas pu être régularisées par la production d'un mémoire complémentaire, dans la mesure où ce mémoire, qui contenait au demeurant des conclusions à fin de réduction des impositions litigieuses, n'a pas été produit dans le délai de recours contentieux, en méconnaissance de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

- les autres moyens soulevés par la SNC Plaisir Saint-Nazaire Invest Hôtels ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Thierry, conseillère,

- et les conclusions de M. Huin, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société en nom collectif (SNC) Saint-Nazaire Invest Hôtels demande au tribunal, à titre principal, d'une part, à ce qu'il soit sursis à statuer jusqu'à ce que le tribunal et, le cas échéant, le Conseil d'Etat et le Conseil constitutionnel se soient prononcés sur la question prioritaire de constitutionnalité relative au I bis de l'article 1586 quater du code général des impôts et, d'autre part, de prononcer la décharge de la cotisation foncière des entreprises et de la taxe pour frais de chambres de commerce et d'industrie auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2017 à raison d'un hôtel dont elle est propriétaire, situé ZAC de Savine à Trignac (Loire-Atlantique). A titre subsidiaire, elle demande la réduction de ces mêmes impositions.

Sur les conclusions aux fins de sursis à statuer :

2. Ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat par ses décisions nos 427758 et 427759 du 27 mars 2019, aux termes desquelles il a estimé qu'il n'y avait pas lieu de transmettre au Conseil constitutionnel les mêmes questions prioritaires de constitutionnalité que celles soulevées par la SNC Plaisir Saint-Nazaire Invest Hôtels, d'une part, en prévoyant au premier alinéa du II de l'article 34 de la loi du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010 -repris, à compter du 1er janvier 2018, au second alinéa du I de l'article 1498 du code général des impôts- que la valeur locative des propriétés bâties est déterminée en fonction de l'état du marché locatif ou, à défaut, par référence aux autres critères prévus par cet article, et qu'elle tient compte de la nature, de la destination, de l'utilisation, des caractéristiques physiques, de la situation et de la consistance de la propriété ou fraction de propriété considérée, le législateur, qui a entendu que les autorités administratives compétentes prennent notamment en considération, pour procéder à l'évaluation des propriétés, leur état d'entretien et les équipements dont elles bénéficient, sans faire de la date de construction d'un bâtiment un critère autonome de détermination de sa valeur locative, indépendamment de sa nature, sa destination, son utilisation, ses caractéristiques physiques, sa situation et sa consistance, a fondé son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts poursuivis, dans le respect du principe d'égalité énoncé à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, d'autre part, les dispositions du XV du même article ne peuvent être regardées comme portant une atteinte substantielle au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction.

3. Il résulte de ce qui précède que les conclusions aux fins de sursis à statuer ne peuvent qu'être écartées.

Sur le surplus des conclusions :

4. En se bornant, d'une part, à rappeler le dispositif de neutralisation, celui dit de " planchonnement " et celui de lissage prévus par la loi du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010 modifiée, sans préciser, au cas d'espèce, les conditions d'application de ces dispositifs dont elle est susceptible de bénéficier et, d'autre part, à renvoyer à une décision de l'administration fiscale acceptant partiellement de faire droit à la réclamation formulée en vue de la réduction du montant de la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle avait été assujettie, pour ce même immeuble, au titre de l'année 2016 par l'application d'un coefficient de minoration de 30 % à la valeur locative de 2016 initialement retenue, la SNC Plaisir Saint-Nazaire Invest Hôtels ne conteste pas sérieusement la valeur locative retenue par l'administration au titre de la détermination de la cotisation foncière des entreprises et de la taxe pour frais de chambre de commerce et d'industrie de l'année 2017.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par la directrice régionale des finances publiques des Pays de la Loire et du département de la Loire-Atlantique, que les conclusions principales à fin de décharge et les conclusions subsidiaires à fin de réduction des impositions litigieuses doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SNC Plaisir Saint-Nazaire Invest Hôtels est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la SNC Plaisir Saint-Nazaire Invest Hôtels et à la directrice régionale des finances publiques des Pays de la Loire et du département de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Allio-Rousseau, présidente,

Mme Thierry, conseillère,

Mme Benoist, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 septembre 2023.

La rapporteure,

S. THIERRY

La présidente,

M.-P. ALLIO-ROUSSEAULa greffière

C. MICHAULT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

Code publication

C