Cour administrative d'appel de Bordeaux

Arrêt du 26 septembre 2023 n° 21BX00732

26/09/2023

Irrecevabilité

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler les décisions des 7 février 2019 et 19 avril 2019 par lesquelles le directeur général des finances publiques a refusé de lui accorder la protection fonctionnelle, d'annuler les décisions implicites par lesquelles cette même autorité a rejeté ses demandes de validation de projets de courriers à l'attention de M. A C et destinés à une publication dans le journal " La République des Pyrénées ", d'annuler la décision du 12 juin 2019 par laquelle le directeur général des finances publiques a rejeté sa demande, au titre de la protection fonctionnelle, de prise en charge d'honoraires d'avocat, et de condamner l'Etat à lui verser une somme de 100 000 euros en réparation de ses préjudices.

Par un jugement n° 1900550-1900742-1900968-1901450 du 9 décembre 2020, le tribunal administratif de Pau a annulé les décisions du 7 février 2019 et du 12 juin 2019 par lesquelles le directeur général des finances publiques a rejeté la demande de protection fonctionnelle présentée par M. B et refusé de prendre en charge ses honoraires d'avocat, a enjoint au directeur général des finances publiques de réexaminer la demande de M. B du 17 mai 2019 relative à la prise en charge d'honoraires d'avocat et de prendre une nouvelle décision dans un délai de deux mois, a mis à la charge de l'Etat une somme globale de 250 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des demandes de M. B.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 février 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 9 décembre 2020 en tant qu'il a annulé la décision du 12 juin 2019 par laquelle le directeur général des finances publiques a refusé de prendre en charge les honoraires d'avocat de M. B ;

2°) de rejeter la demande présentée par B devant le tribunal administratif tendant à l'annulation de cette décision du directeur général des finances publiques du 12 juin 2019.

Il soutient que :

- la demande de prise en charge de frais d'avocat de M. B s'inscrit dans le cadre de la procédure contentieuse relative à la légalité du refus de protection fonctionnelle, et ne relève ainsi pas de l'exercice de la protection fonctionnelle ;

- la protection fonctionnelle ne vise pas les litiges opposant l'administration employeur à un de ses agents concernant une décision administrative prise dans le cadre de son pouvoir hiérarchique normal ; la prise en charge d'avocats au titre de la protection fonctionnelle vise les seules procédures juridictionnelles civiles ou pénales ;

- le juge du référé suspension du Conseil d'Etat n'a pas reconnu le droit de M. B à la protection fonctionnelle.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 juin 2021, M. B conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et demande à la cour, par la voie de l'appel incident, d'annuler les décisions des 7 février 2019 et 19 avril 2019 par lesquelles le directeur des finances publiques a refusé de lui accorder la protection fonctionnelle ainsi que les décisions implicites par laquelle cette même autorité a rejeté ses demandes de validation de projets de courriers à l'attention de M. A C et destinés à une publication dans le journal " La République des Pyrénées ", de condamner l'Etat à lui verser une somme de 100 000 euros en réparation de ses préjudices et de " transmettre au Conseil Constitutionnel " la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité des dispositions de l'article R. 431-12 du code de justice administrative à l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Il soutient que :

- les dispositions combinées des articles R. 431-11 et R. 431-12 du code de justice administrative sont contraires aux stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ; il convient d'admettre la recevabilité de son mémoire en défense, présenté sans avocat, ou à défaut de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité ;

- sa demande du 25 janvier 2019 d'exercer son droit de réponse a été implicitement rejetée ; cette demande est distincte de sa demande d'octroi de la protection fonctionnelle ;

- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, le communiqué de presse du 24 janvier 2019 ne comporte pas de démenti des propos tenus à son encontre par M. A C, lesquels revêtaient un caractère diffamatoire ; le refus de protection fonctionnelle a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 et des stipulations de l'article 12 de la déclaration universelle des droits de l'homme et du préambule de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le refus de prise en charge des frais d'avocat exposés dans le cadre de l'instance relative au refus de protection fonctionnelle, instance qui n'était pas dépourvue de tout succès, a méconnu les dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 ; l'Etat lui devait une assistance juridique ;

- la responsabilité pour faute simple de l'Etat est engagée à raison des attaques subies de la part de son administration ; il a subi un préjudice moral, un préjudice d'image et un préjudice d'honorabilité ; il a en outre subi un préjudice professionnel du fait du blocage de sa carrière.

Par une ordonnance du 7 décembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 janvier 2023 à 12 h.

Par lettre du 10 janvier 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur des moyens relevés d'office.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil Constitutionnel ;

- loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,

- et les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler les décisions des 7 février 2019 et 19 avril 2019 par lesquelles le directeur général des finances publiques a refusé de lui accorder la protection fonctionnelle, d'annuler les décisions implicites par laquelle cette même autorité a rejeté ses demandes de validation de projets de courriers à l'attention de M. A C et destinés à une publication dans le journal " La République des Pyrénées " et d'annuler la décision du 12 juin 2019 par laquelle le directeur général des finances publiques a rejeté sa demande, au titre de la protection fonctionnelle, de prise en charge d'honoraires d'avocat. Par un jugement du 9 décembre 2020, le tribunal administratif de Pau a annulé les décisions du directeur général des finances publiques des 7 février 2019 et 12 juin 2019, a enjoint au directeur général des finances publiques de réexaminer la demande de M. B du 17 mai 2019 relative à la prise en charge d'honoraires d'avocat et de prendre une nouvelle décision dans un délai de deux mois, a mis à la charge de l'Etat une somme globale de 250 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des demandes de M. B.

2. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 9 décembre 2020 en tant qu'il a annulé la décision du 12 juin 2019 par laquelle le directeur général des finances publiques a refusé de prendre en charge les honoraires d'avocat de M. B. Par la voie de l'appel incident, M. B reprend devant la cour ses demandes de première instance tendant à l'annulation des décisions des 7 février et 19 avril 2019 par lesquelles le directeur général des finances publiques a refusé de lui accorder la protection fonctionnelle, à l'annulation des décisions par lesquelles cette même autorité a rejeté ses demandes de validation de projets de courriers à l'attention de M. A C et destinés à une publication dans le journal " La République des Pyrénées " et à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 100 000 euros en réparation de ses préjudices. M. B demande en outre à la cour de " transmettre au Conseil Constitutionnel " la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité des dispositions de l'article R. 431-12 du code de justice administrative à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Sur l'appel principal :

3. M. B a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Pau de suspendre l'exécution de la décision implicite de rejet opposée à sa demande de validation de projets de courriers destinés à M. A C et au journal " La République des Pyrénées " tendant à la mise en œuvre du droit de réponse au titre de la protection fonctionnelle. Par une ordonnance n° 1900735 du 17 avril 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Pau a suspendu l'exécution de cette décision. Par une décision n° 430253 du 24 juillet 2019, le Conseil d'Etat a, sur le pourvoi du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, annulé cette ordonnance et rejeté la demande présentée par M. B devant le juge des référés du tribunal administratif de Pau. M. B a sollicité le 17 mai 2019 la prise en charge par l'administration, au titre de la protection fonctionnelle, des frais d'avocat occasionnés par ce pourvoi en cassation. Par une décision du 12 juin 2019, le directeur général des finances publiques a rejeté cette demande.

4. Aux termes du IV de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction alors applicable : " La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté () ". Lorsqu'un agent public est mis en cause par un tiers à raison de ses fonctions, il incombe à la collectivité publique dont il dépend de lui accorder sa protection dans le cadre d'une instance civile non seulement en le couvrant des condamnations civiles prononcées contre lui mais aussi en prenant en charge l'ensemble des frais de cette instance, dans la mesure où une faute personnelle détachable du service ne lui est pas imputable.

5. Ainsi que le fait valoir le ministre de l'économie, des finances et de la relance, le différend qui oppose l'administration à un agent qu'elle emploie relatif à l'octroi de la protection fonctionnelle ne constitue aucun des agissements visés par les dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 et n'entre, dès lors, pas dans le champ de la protection fonctionnelle que cet article instaure. Le ministre est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a annulé la décision ci-dessus mentionnée du directeur général des finances publiques du 12 juin 2019.

Sur les conclusions d'appel de M. B :

6. En premier lieu, le jugement du tribunal administratif de Pau ayant fait droit à la demande de M. B tendant à l'annulation de la décision du 7 février 2019 du directeur général des finances publiques portant refus d'octroi de la protection fonctionnelle, les conclusions d'appel de M. B relatives à cette décision, qui sont en réalité dirigées non contre le dispositif du jugement attaqué mais contre l'un de ses motifs, ne sont pas recevables.

7. En deuxième lieu, M. B demande, par un mémoire enregistré après l'expiration du délai d'appel, l'annulation du jugement du tribunal administratif de Pau en ce qu'il a rejeté ses demandes de première instance tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 19 avril 2019 du directeur général des finances publiques lui refusant l'octroi de la protection fonctionnelle et des décisions implicites par lesquelles cette même autorité a rejeté ses demandes de validation de projets de courriers à l'attention de M. A C et destinés à une publication dans le journal " La République des Pyrénées ", d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 100 000 euros en réparation de ses préjudices. Ces conclusions, présentées par la voie de l'appel incident, soulèvent un litige distinct des conclusions de l'appel principal tendant à l'annulation du jugement par lequel le tribunal a annulé la décision du directeur général des finances publiques du 12 juin 2019 portant refus de prise en charge d'honoraires d'avocat, et sont par suite irrecevables.

8. Enfin, aux termes de l'article 23-1 de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil Constitutionnel : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d'appel. Il ne peut être relevé d'office ". Aux termes de l'article R. 773-1 du code de justice administrative : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est soulevé () à peine d'irrecevabilité, dans un mémoire distinct et motivé () ". Aux termes de l'article R. 771-4 du même code : " L'irrecevabilité tirée du défaut de présentation, dans un mémoire distinct et motivé, du moyen visé à l'article précédent peut être opposée sans qu'il soit fait application des articles R. 611-7 et R. 612-1 ".

9. M. B n'a pas présenté dans un mémoire distinct le moyen tiré de ce que l'article R. 431-12 du code de justice administrative porterait atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution. Ce moyen n'est, par suite, pas recevable et ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté, sans qu'il soit besoin de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par M. B et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1900550-1900742-1900968-1901450 du 9 décembre 2020 du tribunal administratif de Pau est annulé en tant qu'il a annulé la décision du 12 juin 2019 par laquelle le directeur général des finances publiques a rejeté la demande de M. B de prise en charge d'honoraires d'avocat.

Article 2 : La demande présentée par M. B devant le tribunal administratif dirigée contre la décision du 12 juin 2019 du directeur général des finances publiques, ensemble ses conclusions d'appel, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à M. D B.

Délibéré après l'audience du 5 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 septembre 2023.

La rapporteure,

Marie-Pierre Beuve Dupuy

Le président,

Laurent Pouget

La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Code publication

C