Tribunal administratif de Chalons

Jugement du 14 septembre 2023 n° 2100347

14/09/2023

Irrecevabilité

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 12 février 2021, la société par actions simplifiée Imprimerie de Champagne nouvelle, représentée par Me Geny-La Rocca, demande au tribunal :

1°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la prise de position du 24 avril 2020 par laquelle le directeur des finances publiques de la Haute-Marne lui a indiqué qu'elle ne pouvait bénéficier des mécanismes d'exonérations fiscales prévues dans le cadre de la reprise d'une entreprise en difficulté ainsi que celle du 14 décembre 2020 par laquelle cette même autorité a confirmé sa prise de position après délibération du collège territorial de second examen ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable dès lors que les prises de position contestées impactent significativement le budget prévisionnel établi dans le cadre de la reprise de l'activité antérieurement exercée par la SA Imprimerie de Champagne et entraînera une diminution des projets de développement, d'investissement et d'emploi initialement envisagés ;

- ces prises de position sont entachées d'incompétence de leur signataire ;

- ces prises de position sont entachées d'erreur de droit au regard des dispositions de l'article 44 septies du code général des impôts ;

- l'interprétation de l'article 44 septies du code général des impôts retenue par l'administration fiscale méconnaît le principe d'égalité devant l'impôt.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 avril 2021, le directeur départemental des finances publiques de la Marne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

L'instruction a été close avec effet immédiat le 20 février 2023 en application des dispositions combinées des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre de procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Torrente, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Castellani, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Imprimerie de Champagne nouvelle exerce, depuis sa création le 19 décembre 2019 à la suite de la reprise de la SA Imprimerie de Champagne qui a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire, une activité industrielle d'imprimerie de labeur. Par des lettres datées des 28 février et 10 mars 2020, cette société a saisi l'administration fiscale d'une demande de rescrit en vue de savoir si elle pouvait bénéficier des mécanismes d'exonérations fiscales prévus en cas de reprise d'une entreprise en difficulté. Par une prise de position du 24 avril 2020, le directeur départemental des finances publiques de la Haute-Marne a indiqué à l'intéressée qu'elle ne pouvait pas prétendre aux exonérations prévues par les dispositions des articles 44 sexies, 44 quindecies, 44 septies, 1465 et 1465 A du code général des impôts. Par une lettre du 3 juin 2020, la SAS Imprimerie de Champagne nouvelle a saisi l'administration fiscale d'une demande de second examen sur le fondement de l'article L. 80 CB du livre des procédures fiscales. Par une prise de position du 14 décembre 2020, le directeur départemental des finances publiques de la Haute-Marne a confirmé sa prise de position initiale, conformément à la délibération du collège territorial de second examen du 6 novembre 2020. Par la présente requête, la SAS Imprimerie de Champagne nouvelle demande l'annulation des prises de position des 24 avril et 14 décembre 2020 en tant qu'elles la déclarent non éligible au bénéfice de l'exonération fiscale prévue à l'article 44 septies du code général des impôts ainsi qu'à celles qui lui sont corrélés.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 80 CB du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'administration a pris formellement position à la suite d'une demande écrite, précise et complète déposée au titre des 1° à 6° ou du 8° de l'article L. 80 B () par un redevable de bonne foi, ce dernier peut saisir l'administration, dans un délai de deux mois, pour solliciter un second examen de cette demande () / Lorsqu'elle est saisie d'une demande de second examen, auquel elle procède de manière collégiale, l'administration répond selon les mêmes règles et délais que ceux applicables à la demande initiale, décomptés à partir de la nouvelle saisine. () ". L'article R. 80 B-12 de ce livre dispose : " I.- La demande prévue au 1° de l'article L. 80 B est adressée par tout moyen permettant d'apporter la preuve de sa réception, à la direction dont dépend le service auprès duquel le contribuable est tenu de souscrire ses obligations déclaratives en fonction de l'objet de la demande. () ". Selon l'article R. 80 CB-2 du même livre : " Le collège prévu au troisième alinéa de l'article L. 80 CB se prononce selon les mêmes règles et délais que ceux prévus pour la demande initiale. Ce délai est décompté, dans les mêmes conditions, à partir de la date de réception par l'administration de la demande du contribuable d'un second examen. () ". En vertu de l'article R. 80 CB-4 de ce livre : " Le service, dont la réponse initiale a fait l'objet de la demande de second examen, notifie au contribuable, par tout moyen permettant d'apporter la preuve de sa réception, une nouvelle réponse conforme à la délibération du collège. ". Aux termes de l'article 350 terdecies de l'annexe III au code général des impôts : " I. - Sous réserve des dispositions des articles 409 et 410 de l'annexe II au code général des impôts, seuls les fonctionnaires de la direction générale des finances publiques appartenant à des corps des catégories A et B peuvent fixer les bases d'imposition et liquider les impôts, taxes et redevances ainsi que proposer les rectifications. ". Au sens et pour l'application de ces dispositions, constitue une prise de position formelle sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal une prise de position qui émane de l'autorité compétente en matière d'assiette ou d'une personne disposant d'une délégation régulière de signature l'habilitant à agir au nom de cette autorité.

3. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la prise de position du 24 avril 2020 est signée par Mme A B, directrice départementale des finances publiques de la Haute-Marne, laquelle détient en qualité d'administratrice générale des finances publiques, le grade requis par l'article 350 terdecies de l'annexe 3 au code général des impôts précité pour engager l'administration par une prise de position formelle. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la prise de position du 24 avril 2020 doit, en tout état de cause, être écarté.

4. D'autre part, il résulte des dispositions de l'article R. 80 CB-4 du livre des procédures fiscales que les services de la direction départementale des finances publiques de la Haute-Marne, dont la prise de position initiale a fait l'objet de la demande de second examen, étaient tenus de se conformer à la délibération du collège territorial de second examen, lequel a estimé que la société requérante ne remplissait pas les conditions lui permettant de bénéficier de l'exonération prévue à l'article 44 septies du code général des impôts. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la prise de position du 14 décembre 2020 doit être écarté comme inopérant.

5. En second lieu, aux termes de l'article 44 septies du code général des impôts, alors en vigueur, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Les sociétés créées entre le 1er juillet 2007 et le 31 décembre 2020 pour reprendre une entreprise industrielle en difficulté qui fait l'objet d'une cession ordonnée par le tribunal en application de l'article L. 626-1, de l'article L. 631-22 ou des articles L. 642-1 et suivants du code de commerce bénéficient d'une exonération d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices réalisés, à l'exclusion des plus-values constatées lors de la réévaluation des éléments d'actif immobilisé, jusqu'au terme du vingt-troisième mois suivant celui de leur création et déclarés selon les modalités prévues à l'article 53 A. () / Le capital de la société créée ne doit pas être détenu directement ou indirectement par les personnes qui ont été associées ou exploitantes ou qui ont détenu plus de 50 % du capital de l'entreprise en difficulté pendant l'année précédant la reprise. / Les droits de vote ou les droits à dividendes dans la société créée ou l'entreprise en difficulté sont détenus indirectement par une personne lorsqu'ils appartiennent : / a. Aux membres du foyer fiscal de cette personne ; / b. A une entreprise dans laquelle cette personne détient plus de 50 % des droits sociaux y compris, s'il s'agit d'une personne physique, ceux appartenant aux membres de son foyer fiscal ; / c. A une société dans laquelle cette personne exerce en droit ou en fait la fonction de gérant ou de président, directeur général, président du conseil de surveillance ou membre du directoire. () ".

6. Il résulte des dispositions précitées de l'article 44 septies du code général des impôts que le bénéfice de l'exonération qu'elles prévoient est exclu lorsque le capital de la société créée est détenu directement par une personne qui a été associée de la société en difficulté, quelle que soit sa part dans le capital de cette dernière. Il est constant que M. C avait la qualité d'associé de la SA Imprimerie de Champagne à raison de la détention d'une action entre le 31 mai 2018 et sa cession à la SAS Imprimerie de Champagne nouvelle, créée en décembre 2019 dans le cadre d'un plan de cession validé par un jugement du 19 décembre 2019 du tribunal de commerce de Chaumont et dont il détient 36% des parts. La société requérante ne peut utilement soutenir que les dispositions citées au point 5 excluent uniquement les sociétés détenues par un associé ayant détenu directement plus de 50% du capital de la société en difficulté, ni ne peut utilement se prévaloir du caractère très minoritaire de la participation de M. C dans la société ayant fait l'objet de la reprise. Par suite, en relevant la présence d'un actionnaire commun dans la société reprise, fût-ce à raison d'une seule action, et la société nouvellement créée pour prendre la prise de position du 24 avril 2020 et confirmer sa prise de position le 14 décembre 2020, conformément à la délibération du collège territorial de second examen, la directrice départementale des finances publiques de la Haute-Marne n'a pas méconnu les dispositions de l'article 44 septies du code général des impôts.

7. A supposer que la société requérante ait également entendu soutenir que les dispositions de l'article 44 septies du code général des impôts, ainsi interprétées, méconnaissent le principe d'égalité devant l'impôt, la conformité de la loi fiscale au principe constitutionnel d'égalité ne peut être utilement contestée autrement que par la voie d'une question prioritaire de constitutionnalité. Ce moyen doit ainsi être écarté.

8. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité des conclusions dirigées contre la prise de position initiale du 24 avril 2020, que la SAS Imprimerie de Champagne nouvelle n'est pas fondée à demander l'annulation de la prise de position initiale du 24 avril 2020 ainsi que de la prise de position à la suite du second examen du 14 décembre 2020. Sa requête doit ainsi être rejetée, y compris les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS Imprimerie de Champagne nouvelle est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la société par actions simplifiée Imprimerie de Champagne nouvelle et au directeur départemental des finances publiques de la Marne.

Délibéré après l'audience du 31 août 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Mach, présidente,

M. Torrente, premier conseiller,

M. Rifflard, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 septembre 2023.

Le rapporteur,

Signé

V. TORRENTELa présidente,

Signé

A-S. MACH

Le greffier,

Signé

E. MOREUL

Code publication

C