Cour administrative d'appel de Paris

Ordonnance du 8 septembre 2023 n° 23PA00962

08/09/2023

Non renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen ;

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, modifiée par la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 23-1 à 23-3 ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code des assurances ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article ".

2. Aux termes de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, modifiée par la loi organique du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat (), le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d'appel. Il ne peut être relevé d'office ". Aux termes de l'article 23-2 de la même ordonnance : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : / 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; / 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; / 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux ".

3. Aux termes de l'article R. 771-7 du code de justice administrative : " () les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours () peuvent, par ordonnance, statuer sur la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité ".

4. Enfin, aux termes de l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige : " I.- Lorsqu'ils sont payés à des personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts, les produits de placements sur lesquels sont opérés les prélèvements prévus au II de l'article 125-0 A, aux II, III, second alinéa du 4° et deuxième alinéa du 9° du III bis de l'article 125 A et au I de l'article 125 D du même code, ainsi que les produits de placements mentionnés au I des articles 125 A et 125-0 A du même code retenus pour l'établissement de l'impôt sur le revenu lorsque la personne qui en assure le paiement est établie en France, sont assujettis à une contribution à l'exception de ceux ayant déjà supporté la contribution au titre des articles L. 136-3 et L. 136-4 du présent code ou des 3° et 4° du II du présent article () II.- Sont également assujettis à la contribution selon les modalités prévues au premier alinéa du I, pour la part acquise à compter du 1er janvier 1997 et, le cas échéant, constatée à compter de cette même date en ce qui concerne les placements visés du 3° au 9° () 3° Les produits attachés aux bons ou contrats de capitalisation, ainsi qu'aux placements de même nature mentionnés à l'article 125-0 A du code général des impôts, quelle que soit leur date de souscription, à l'exception des produits attachés aux contrats mentionnés à l'article 199 septies du même code : / a) Lors de leur inscription au bon ou contrat pour : / - les bons ou contrats dont les droits sont exprimés en euros ou en devises ; / - la part des produits attachés aux droits exprimés en euros ou en devises dans les bons ou contrats en unités de compte mentionnées au second alinéa de l'article L. 131-1 du code des assurances ; / - la part des produits attachés aux droits exclusivement exprimés en euros ou en devises dans les bons ou contrats dont une part peut être affectée à l'acquisition de droits exprimés en unités de compte définies au troisième alinéa du présent a ou de droits donnant lieu à la constitution d'une provision de diversification ; / b) A l'atteinte de la garantie pour les engagements donnant lieu à la constitution d'une provision de diversification et pour lesquels un capital ou une rente est garantie à une échéance fixée au contrat. L'assiette de la contribution est alors égale à la différence entre la valeur de rachat de ces engagements à l'atteinte de la garantie et la somme des primes versées affectées à ces engagements nette des primes comprises, le cas échéant, dans des rachats partiels ; / c) Lors du dénouement des bons ou contrats ou lors du décès de l'assuré. L'assiette de la contribution est calculée déduction faite des produits ayant déjà supporté la contribution au titre des a et b nets de cette contribution () ".

5. En premier lieu, aux termes de l'article 34 de la Constitution : " La loi fixe les règles concernant () l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ; le régime d'émission de la monnaie. ". En vertu de ces dispositions il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques garantie par l'article 13 de la Déclaration de 1789.

6. M. A soutient que les dispositions de l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale méconnaissent l'article 34 de la Constitution, d'une part, en ce qu'aucun texte ne désigne expressément le redevable de la contribution en cause et, d'autre part, en ce qu'il fait payer au bénéficiaire du contrat d'assurance-vie une dette dont il n'est pas le redevable et dont il n'a pas hérité.

7. Cependant, d'une part, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique fait valoir qu'en cas de dénouement d'un contrat d'assurance vie par le décès de l'assuré, les dispositions du c) de l'article L. 136-7 du code des assurances prévoient que " l'assiette de la contribution est calculée déduction faite des produits ayant déjà supporté la cotisation des titres des a) et b) nets de cette contribution ". Il ajoute que la perception des contributions sociales au moyen d'une retenue à la source sur les sommes dues au bénéficiaire du contrat est une modalité de recouvrement adaptée aux spécificités du contrat d'assurance-vie, qui se caractérise, jusqu'à son dénouement par décès, par la coexistence des droits du souscripteur et de ceux du bénéficiaire dans le cadre de stipulations pour autrui. A cet égard, le ministre fait valoir les termes de l'article L. 132-12 du code des assurances, selon lesquels " Le capital ou la rente stipulés payables lors du décès de l'assuré à un bénéficiaire déterminé ou à ses héritiers ne font pas partie de la succession de l'assuré. Le bénéficiaire, quelles que soient la forme et la date de sa désignation, est réputé y avoir eu seul droit à partir du jour du contrat, même si son acceptation est postérieure à la mort de l'assuré ", l'article L. 132-13 de ce code disposant que : " Le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant ".

8. En application de la combinaison de l'ensemble de ces dispositions et de celles de l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale, la somme versée au bénéficiaire en cas de décès de l'assuré est identique à celle qu'aurait perçue le souscripteur si le contrat avait été dénoué du vivant du souscripteur, ainsi que le fait valoir le ministre sans être contesté sur ce point.

9. Il résulte de ce qui précède que, quand bien même aucun texte ne désigne expressément le redevable de la contribution en cause, le législateur a nécessairement prévu que le redevable de la contribution en cause est le souscripteur défunt, ainsi d'ailleurs qu'en conviennent M. A et le ministre. Par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que les dispositions de l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale méconnaîtraient l'article 34 de la Constitution en ce qu'aucun texte ne désigne expressément le redevable de la contribution en cause.

10. D'autre part, le législateur a également prévu que le bénéficiaire d'un contrat d'assurance vie reçoit, outre le capital versé par le souscripteur du contrat, les produits imputés de la contribution restant due, le cas échéant, au décès du souscripteur, sous réserve qu'il ait accepté que le bénéfice de l'assurance lui soit attribué, les héritiers du stipulant disposant pour leur part de l'exercice du droit de révocation de la clause ayant désigné un bénéficiaire après une mise en demeure de ce dernier, demeurée sans effet, de déclarer s'il accepte. L'article L. 132-9 du code des assurances dispose ainsi que : " I. - Sous réserve des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 132-4-1, la stipulation en vertu de laquelle le bénéfice de l'assurance est attribué à un bénéficiaire déterminé devient irrévocable par l'acceptation de celui-ci, effectuée dans les conditions prévues au II du présent article. Pendant la durée du contrat, après acceptation du bénéficiaire, le stipulant ne peut exercer sa faculté de rachat et l'entreprise d'assurance ne peut lui consentir d'avance sans l'accord du bénéficiaire. / Tant que l'acceptation n'a pas eu lieu, le droit de révoquer cette stipulation n'appartient qu'au stipulant et ne peut être exercé de son vivant ni par ses créanciers ni par ses représentants légaux. Lorsqu'une tutelle a été ouverte à l'égard du stipulant, la révocation ne peut intervenir qu'avec l'autorisation du juge des tutelles ou du conseil de famille s'il a été constitué. / Ce droit de révocation ne peut être exercé, après la mort du stipulant, par ses héritiers, qu'après l'exigibilité de la somme assurée et au plus tôt trois mois après que le bénéficiaire de l'assurance a été mis en demeure par acte extrajudiciaire, d'avoir à déclarer s'il accepte. /L'attribution à titre gratuit du bénéfice d'une assurance sur la vie à une personne déterminée est présumée faite sous la condition de l'existence du bénéficiaire à l'époque de l'exigibilité du capital ou de la rente garantis, à moins que le contraire ne résulte des termes de la stipulation. / II. - Tant que l'assuré et le stipulant sont en vie, l'acceptation est faite par un avenant signé de l'entreprise d'assurance, du stipulant et du bénéficiaire. Elle peut également être faite par un acte authentique ou sous seing privé, signé du stipulant et du bénéficiaire, et n'a alors d'effet à l'égard de l'entreprise d'assurance que lorsqu'elle lui est notifiée par écrit. / Lorsque la désignation du bénéficiaire est faite à titre gratuit, l'acceptation ne peut intervenir que trente jours au moins à compter du moment où le stipulant est informé que le contrat d'assurance est conclu. / Après le décès de l'assuré ou du stipulant, l'acceptation est libre ".

11. Dans ces conditions, M. A n'est pas fondé à soutenir que les dispositions de l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale méconnaissent l'article 34 de la Constitution en ce qu'il fait payer au bénéficiaire du contrat d'assurance-vie une dette dont il n'est pas le redevable et dont il n'a pas hérité.

12. En deuxième lieu, l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen impose seulement que l'imposition soit établie en tenant compte des capacités contributives des redevables. Cette exigence ne serait pas respectée si l'impôt revêtait un caractère confiscatoire ou faisait peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives. M. A, qui se borne à arguer de ce que les contributions en cause constituent une dette personnelle du souscripteur du contrat, sans même alléguer que la contribution en cause revêtirait un caractère confiscatoire ou ferait peser sur une catégorie de contribuables, au nombre desquels sa mère se serait trouvée, une charge excessive au regard de leurs facultés contributives, n'est pas fondé à soutenir que les dispositions de l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale méconnaissent l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

13. En troisième lieu, le bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie perçoit, outre le capital versé par le souscripteur du contrat, les produits imputés de la contribution restant due, le cas échéant, au décès du souscripteur, seulement sous réserve de son acceptation de la clause l'ayant désigné bénéficiaire, ainsi qu'il a été dit aux points 10 et 11 de la présente ordonnance. Dès lors, M. A n'est pas fondé à soutenir que les dispositions de l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale méconnaissent le droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

14. Il résulte de tout ce qui précède que les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par M. A sont dépourvues de caractère sérieux. Par suite, il n'y a pas lieu de les transmettre au Conseil d'Etat.

ORDONNE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par M. A.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B A et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la directrice des impôts des non-résidents.

Fait à Paris, le 8 septembre 2023.

La présidente de la 5ème chambre,

Hélène VINOT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Code publication

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