Tribunal administratif de Caen

Ordonnance du 7 septembre 2023 n° 2302164

07/09/2023

Autre

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par un mémoire, enregistré le 17 août 2023, M. A B, représenté par Me Croix et Me Hebert, demande au tribunal administratif, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du 2° de l'article L. 946-1 du code rural et de la pêche maritime, à l'appui de sa requête tendant à l'annulation de la décision du 26 avril 2023 par laquelle le préfet de la région Normandie l'a sanctionné par le paiement d'une amende de 1 000 euros et la suspension de la licence européenne de pêche du navire " Chant de sirènes " pour une durée de quatorze jours.

Il soutient que les dispositions du 2° de l'article L. 946-1 du code rural et de la pêche maritime, en ce qu'elles instituent, à titre de sanction administrative, la possibilité d'ordonner

" la suspension ou le retrait de toute licence ou autorisation de pêche ou titre permettant l'exercice du commandement d'un navire délivré en application de la réglementation ou du permis de mise en exploitation " sans aucune limite de durée ne sont pas conformes aux articles 4 et 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ni à l'objectif à valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et l'article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, que le tribunal administratif, saisi d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux.

2. En outre, l'article R. 771-6 du code de justice administrative dispose que : " La juridiction n'est pas tenue de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité mettant en cause, par les mêmes motifs, une disposition législative dont le Conseil d'Etat ou le Conseil constitutionnel est déjà saisi. En cas d'absence de transmission pour cette raison, elle diffère sa décision sur le fond, jusqu'à ce qu'elle soit informée de la décision du Conseil d'Etat ou, le cas échéant, du Conseil constitutionnel. ". Enfin, en vertu de l'article R. 771-7 du même code, les présidents de formation de jugement des tribunaux peuvent, par ordonnance, statuer sur la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité.

3. Par une décision du 26 avril 2023, le préfet de la région Normandie a prononcé à l'encontre de M. B, armateur du navire de pêche " Chant des Sirènes ", immatriculé CH 764 626, une sanction consistant en une amende administrative de 1 000 euros et en la suspension de la licence européenne de pêche de ce navire pour une durée de quatorze jours. Le requérant demande au tribunal l'annulation de cette décision et, par un mémoire distinct, la transmission au Conseil d'Etat de la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du 2° de l'article L. 946-1 du code rural et de la pêche maritime, aux termes du duquel : " Indépendamment des sanctions pénales qui peuvent être prononcées et sous réserve de l'article L. 946-2, les manquements à la réglementation prévue par les dispositions du présent livre, les règlements de l'Union européenne pris au titre de la politique commune de la pêche et les textes pris pour leur application, y compris les manquements aux obligations déclaratives et de surveillance par satellite qu'ils prévoient, et par les engagements internationaux de la France peuvent donner lieu à l'application par l'autorité administrative d'une ou plusieurs des sanctions suivantes : / () 2° La suspension ou le retrait de toute licence ou autorisation de pêche ou titre permettant l'exercice du commandement d'un navire délivré en application de la réglementation ou du permis de mise en exploitation ".

4. La décision attaquée par M. B a été prise sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 946-1 du code rural et de la pêche maritime, qui sont, par suite, applicables au présent litige. En outre, elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Par une ordonnance n° 2302056 du 3 juillet 2023, la présidente de la 4ème chambre du tribunal administratif de Rouen, estimant que la question n'était pas dépourvue de caractère sérieux, a transmis au Conseil d'État la même question prioritaire de constitutionnalité que celle invoquée par M. B dans la présente instance. Par suite, il n'y a pas lieu de transmettre à nouveau cette question au Conseil d'Etat. Il appartient seulement au Tribunal, en application des dispositions précitées de l'article R. 771-6 du code de justice administrative, de différer son jugement au fond jusqu'à ce qu'il soit informé de la décision du Conseil d'Etat ou, si la question lui est transmise, de la décision du Conseil constitutionnel.

O R D O N N E :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête de M. B jusqu'à ce qu'il ait été statué par le Conseil d'État ou, s'il est saisi, par le Conseil constitutionnel sur la question prioritaire de constitutionnalité ainsi soulevée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A B et au préfet de la région Normandie.

Fait à Caen, le 7 septembre 2023.

La présidente de la 3ème chambre

Signé

A. MACAUD

La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme,

Le greffier,