Cour administrative d'appel de Marseille

Ordonnance du 16 août 2023 n° 23MA01438

16/08/2023

Autre

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A E, M. C E, M. G E et Mme H E née F, ont demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler les décisions par lesquelles le ministre des affaires étrangères et l'office national des anciens combattants et victimes de guerre ont refusé de faire droit à leurs demandes d'indemnisation et de condamner l'Etat à leur verser, en leur qualité d'ayants-droits de M. I E et de Mme D E née B, la somme de 1 274 930 euros à titre de dommages et intérêts.

Par une ordonnance du 22 décembre 2020, la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Nice a refusé de transmettre au Conseil d'Etat les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par M. E et autres, relatives :

- d'une part, à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution, de l'exclusion du principe d'une indemnisation intégrale des rapatriés Français d'Algérie, sur sa justification par un but d'intérêt général et son caractère proportionné à ce but, qui résulte des dispositions suivantes :

- des articles 1, 4, 6, 7, 11, 15, 16, 17, 22, 25, 27, 30-1, 32, 41 et 71 de la loi n° 70-632 du 15 juillet 1970 relative à une contribution nationale à l'indemnisation des Français dépossédés de biens situés dans un territoire antérieurement placé sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France ;

- des articles 1 et 2 de la loi n° 78-1 du 2 janvier 1978 relative à l'indemnisation des Français rapatriés d'outre-mer dépossédés de leurs biens ;

- des articles 1, 4, 5, 6 de la loi n° 87-549 du 16 juillet 1987 relative au règlement de l'indemnisation des rapatriés ;

- d'autre part, à la contrariété aux droits et libertés garantis par la Constitution, de la jurisprudence du Conseil d'Etat sur la portée effective des dispositions suivantes :

- de l'article 4 de la loi n° 61-1439 du 26 décembre 1961 relative à l'accueil et à la réinstallation des Français d'outre-mer ;

- des dispositions des articles 1, 4, 6, 7, 11, 15, 16, 17, 22, 25, 27, 30-1, 32, 41 et 71 de la loi n° 70-632 du 15 juillet 1970 relative à une contribution nationale à l'indemnisation des Français dépossédés de biens situés dans un territoire antérieurement placé sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France ;

- des dispositions des articles 1 et 2 de la loi n° 78-1 du 2 janvier 1978 relative à l'indemnisation des Français rapatriés d'outre-mer dépossédés de leurs biens ;

- des dispositions des articles 1, 4, 5, 6 de la loi n° 87-549 du 16 juillet 1987 relative au règlement de l'indemnisation des rapatriés.

Par jugement n° 1905900 du 11 avril 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 juin 2023, sous le n° 23MA01438, M. E et autres, représentés par Me Marty-Etcheverry, contestent devant la Cour, en application des articles 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et R 771-12 du code de justice administrative, le refus de transmission au Conseil d'Etat des questions prioritaires de constitutionnalité précitées, décidé par l'ordonnance du 22 décembre 2020 de la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Nice.

Ils soutiennent que :

- c'est à tort que la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Nice a estimé qu'ils n'apportaient pas des précisions suffisantes à l'appui de leurs questions ;

- le préjudice subi par les rapatriés et, en particulier, par la famille E est incontestable ;

- il appartenait au premier juge de dire si les questions n'étaient pas dépourvues de sérieux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- la loi n° 61-1463 du 26 décembre 1961 ;

- la loi n° 70-632 du 15 juillet 1970 ;

- la loi n° 78-1 du 2 janvier 1978 ;

- la loi n° 87-549 du 16 juillet 1987 ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article ".

2. Aux termes de l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'État (), le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d'appel. Il ne peut être relevé d'office ". L'article 23-2 de la même ordonnance dispose que : " () Le refus de transmettre la question ne peut être contesté qu'à l'occasion d'un recours contre la décision réglant tout ou partie du litige ".

3. En outre, aux termes du premier alinéa de l'article R. 771-12 du code de justice administrative : " Lorsque, en application du dernier alinéa de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, l'une des parties entend contester, à l'appui d'un appel formé contre la décision qui règle tout ou partie du litige, le refus de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité opposé par le premier juge, il lui appartient, à peine d'irrecevabilité, de présenter cette contestation avant l'expiration du délai d'appel dans un mémoire distinct et motivé, accompagné d'une copie de la décision de refus de transmission ".

4. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'un tribunal administratif a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité qui lui a été soumise, il appartient à l'auteur de cette question de contester ce refus, à l'occasion du recours formé contre le jugement qui statue sur le litige, dans le délai de recours contentieux et par un mémoire distinct et motivé, que le refus de transmission précédemment opposé l'ait été par une décision distincte du jugement, dont il joint alors une copie, ou directement par ce jugement.

5. A l'appui de leur contestation du refus de transmission par le premier juge de leurs questions prioritaires de constitutionnalité, les requérants font valoir qu'ils ont produit de nombreuses annexes en première instance, que leurs questions étaient assorties des précisions nécessaires, et que la réalité des préjudices subis par les rapatriés , et en particulier ceux subis par la famille E est incontestable, qu'une étude du doyen Vedel conclut à la réparation intégrale des préjudices subis par les rapatriés. Toutefois, ces seuls arguments, qui restent dépourvus de précisions eu égard aux nombreuses dispositions législatives concernées, ne permettent pas de remettre en cause le bien-fondé de l'ordonnance contestée.

6. Il résulte de de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la présente requête, que M. E et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Nice a décidé que les questions soulevées par les intéressés étaient dépourvues de caractère sérieux et qu'il n'y avait, par suite, pas lieu de la transmettre au Conseil d'Etat.

O R D O N N E :

Article 1er : Les conclusions de M. E et autres dirigées contre l'ordonnance en date du 22 décembre 2020 par laquelle la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Nice a décidé qu'il n'y avait pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par les intéressés sont rejetées.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A E, M. C E, M. G E et Mme H E née F.

Copie en sera adressée à l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre, au ministre des armées et à la ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

Fait à Marseille, le 16 août 2023.

2 QPC

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D