Conseil d'Etat

Décision du 4 août 2023 n° 464788

04/08/2023

Irrecevabilité

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

La Fédération française de naturisme et l'Association pour la promotion du naturisme en liberté ont demandé à la cour administrative d'appel de Paris d'annuler le jugement n° 1923585 du 19 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 7 septembre 2019 par lequel le préfet de police a interdit le parcours, à Paris, d'une manifestation prévue le 8 septembre 2019. Par un arrêt n° 20PA02298 du 14 avril 2022, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté leur requête.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 8 juin 2022 et 1er septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération française de naturisme et l'Association pour la promotion du naturisme en liberté demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) jugeant l'affaire au fond, de faire droit à leur requête devant la cour administrative d'appel de Paris ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) ;

- l'ordonnance n° 58-1057 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

- le code pénal ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bruno Delsol, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Guérin - Gougeon, avocat de la Fédération française du naturisme et de l'association pour la promotion du naturisme en liberté ;

Vu la note en délibéré et le mémoire soulevant une question prioritaire de constitutionnalité, enregistrés le 13 juillet 2023 après la clôture de l'instruction, présentés par la Fédération française de naturisme et l'Association pour la promotion du naturisme en liberté ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ".

2. Pour demander l'annulation de l'arrêt qu'elles attaquent, la Fédération française de naturisme et l'Association pour la promotion du naturisme en liberté soutiennent que la cour administrative d'appel de Paris l'a entaché :

- d'irrégularité, en premier lieu, en se prononçant sur le fond de la requête dont elle était saisie alors que le rapporteur public n'avait conclu que sur la transmission au Conseil d'Etat de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée devant la Cour et non sur le bien-fondé des autres moyens de la requête, en deuxième lieu, en omettant de répondre au moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux avait été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 211-4 du code de la sécurité intérieure, dès lors qu'il ne leur avait pas été immédiatement notifié, et, en troisième lieu, en motivant insuffisamment son arrêt pour écarter le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait entaché son arrêté d'erreur d'appréciation sur le risque de trouble à l'ordre public présenté par la manifestation projetée ;

- d'erreur de droit en retenant une interprétation erronée de l'article 222-32 du code pénal selon laquelle l'infraction d'exhibition sexuelle consisterait à montrer tout ou partie de ses organes sexuels à la vue d'autrui dans un lieu accessible aux regards du public, alors même que l'intention de l'auteur serait dépourvue de toute connotation sexuelle provocatrice ;

- d'erreur de qualification juridique en écartant la question prioritaire de constitutionnalité dont elle était saisie, portant sur la conformité des dispositions de l'article 222-32 du code pénal aux principes constitutionnels de nécessité des infractions et de proportionnalité des peines, de liberté personnelle, de liberté d'opinion, de conscience et d'expression, au motif que cette question n'était pas sérieuse ;

- d'erreur de droit, d'erreur de qualification juridique et de dénaturation des pièces du dossier en jugeant que le préfet de police n'avait pas entaché son arrêté d'erreur d'appréciation sur le risque de trouble à l'ordre public présenté par la manifestation projetée ;

- d'erreur de droit en jugeant que l'article 222-32 du code pénal n'était pas, en lui-même, incompatible avec les stipulations de l'article 10 de la CEDH protégeant la liberté d'expression et en écartant les moyens tirés du caractère disproportionné de l'atteinte portée par l'arrêté litigieux à la liberté d'expression, la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'association garanties par les articles 10 et 11 de la CEDH.

3. Aucun de ces moyens n'est de nature à permettre l'admission du pourvoi.

4. Par ailleurs, aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé () à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (). Le moyen est présenté, à peine d'irrecevabilité, dans un mémoire distinct et motivé () ". Si la Fédération française de naturisme et l'Association pour la promotion du naturisme en liberté soulèvent un moyen nouveau tiré de ce que l'article 222-32 du code pénal porte atteinte au principe constitutionnel de légalité des délits et des peines, différent de ceux qu'elles ont soulevés devant la cour administrative d'appel, ce moyen n'a pas été présenté avant la clôture de l'instruction dans un mémoire distinct du mémoire par lequel elles ont contesté le refus de transmission qui leur a été opposé par la cour. La question prioritaire de constitutionnalité fondée sur ce moyen n'est, par suite, pas recevable.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de la Fédération française de naturisme et de l'Association pour la promotion du naturisme en liberté n'est pas admis.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil constitutionnel la question de la conformité à la Constitution de l'article 222-32 du code pénal soulevée devant le Conseil d'Etat par la Fédération française de naturisme et l'Association pour la promotion du naturisme en liberté.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Fédération française de naturisme et à l'Association pour la promotion du naturisme en liberté.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré à l'issue de la séance du 13 juillet 2023 où siégeaient : M. Bertrand Dacosta, président de chambre, présidant ; Mme Nathalie Escaut, conseillère d'Etat et M. Bruno Delsol, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 4 août 2023.

Le président :

Signé : M. Bertrand Dacosta

Le rapporteur :

Signé : M. Bruno Delsol

La secrétaire :

Signé : Mme Chloé-Claudia SediangUQPWJ6SA

Code publication

C