Tribunal administratif de Strasbourg

Jugement du 20 juillet 2023 n° 2202216

20/07/2023

Irrecevabilité

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 4 avril 2022, M. C B, représenté par Me Schott et Me Bergery, demande au tribunal :

1°) de prononcer la décharge du prélèvement de solidarité de 7,5 % auquel il a été assujetti au titre de l'année 2018 à raison des revenus patrimoniaux qu'il a perçus au cours de cette année ;

2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B soutient que :

- c'est à tort que l'administration a considéré que le prélèvement de solidarité de 7,5 % était hors du champ du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 et qu'il ne méconnaissait pas le principe d'unicité de la législation sociale qui en découle ;

- c'est à tort que l'administration ne l'a pas fait bénéficier du crédit d'impôt modernisation du recouvrement (CIMR).

Par un mémoire en défense enregistré le 1er juillet 2022, le directeur régional des finances publiques de la région Grand Est et du département du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Le directeur régional des finances publiques de la région Grand Est et du département du Bas-Rhin fait valoir que les moyens invoqués par M. B ne sont pas fondés.

Vu :

- le règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 modifiée, notamment son article 60 ;

- loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 ;

- la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 et, notamment, le I de l'état A des états législatifs y annexés ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mohammed Bouzar,

- et les conclusions de M. Laurent Guth, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B, résident fiscal en France affilié au régime de sécurité sociale allemand, a été assujetti au titre de l'année 2018 au prélèvement de solidarité prévu à l'article 235 ter du code général des impôts à raison des revenus du patrimoine qu'il a perçus au cours de cette année. Par sa requête, M. B demande la décharge de cette imposition.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 235 ter du code général des impôts, dans sa version issue de l'article 26 de la loi du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019 : " I.-Il est institué : / 1° Un prélèvement de solidarité sur les revenus du patrimoine mentionnés à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale ; / 2° Un prélèvement de solidarité sur les produits de placement mentionnés à l'article L. 136-7 du même code. / () / III.-Le taux des prélèvements de solidarité mentionnés au I est fixé à 7,5 % ". Le prélèvement de solidarité institué par ces dispositions s'est substitué, à compter du 1er janvier 2019, au prélèvement social, à la contribution additionnelle à ce prélèvement et au prélèvement de solidarité auparavant applicables aux revenus du patrimoine.

3. Il ressort du I de l'état A des états législatifs annexés à la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 et, notamment, de la ligne 1427 du tableau, que le produit du prélèvement de solidarité prévu par l'article 235 ter du code général des impôts est affecté au budget général de l'État. Dès lors, ce prélèvement ne peut être regardé comme présentant un lien avec les lois qui régissent les branches de la sécurité sociale et n'entre pas, par conséquent, dans le champ d'application du règlement n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale. M. B n'est pas fondé, par suite, à soutenir que le prélèvement de solidarité en litige serait fondé sur des dispositions législatives qui méconnaissent le principe d'unicité de législation qui découle du règlement n° 883/2004 susvisé.

4. En second lieu, aux termes du A A de l'article 60 de loi susvisée du 28 décembre 2016 : " Les contribuables bénéficient, à raison des revenus non exceptionnels entrant dans le champ du prélèvement mentionné à l'article 204 A du code général des impôts, tel qu'il résulte de la présente loi, perçus ou réalisés en 2018, d'un crédit d'impôt modernisation du recouvrement destiné à assurer, pour ces revenus, l'absence de double contribution aux charges publiques en 2019 au titre de l'impôt sur le revenu ". Et aux termes de l'article 204 A du code général des impôts : " 1. Les revenus imposables à l'impôt sur le revenu suivant les règles applicables aux salaires, aux pensions ou aux rentes viagères ou dans les catégories () des revenus fonciers () donnent lieu, l'année au cours de laquelle le contribuable en a la disposition ou de leur réalisation, à un prélèvement. / 2. Le prélèvement prend la forme : / () 2° Pour les revenus mentionnés à l'article 204 C, d'un acompte acquitté par le contribuable. ". Aux termes du C du même article dans sa rédaction applicable : " Donnent lieu au paiement de l'acompte prévu au 2° du 2 de l'article 204 A les revenus soumis à l'impôt sur le revenu dans les catégories des () revenus fonciers () ". Aux termes du M A de l'article 60 de la loi susvisée dans sa rédaction applicable : " Les revenus de l'année 2018 mentionnés à l'article 204 C du code général des impôts, lorsqu'ils sont soumis à la contribution prévue à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, dans les conditions prévues au III du même article L. 136-6, ouvrent droit à un crédit d'impôt dans les mêmes conditions que celles prévues au A du présent II () ". Enfin, aux termes de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale : " I.-Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts sont assujetties à une contribution sur les revenus du patrimoine assise sur le montant net retenu pour l'établissement de l'impôt sur le revenu, (). / I bis. -Sont également assujetties à la contribution les personnes physiques qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts à raison du montant net des revenus, visés au a du I de l'article 164 B du même code, retenu pour l'établissement de l'impôt sur le revenu. / I ter. -Par dérogation aux I et I bis, ne sont pas redevables de la contribution les personnes qui, par application des dispositions du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, relèvent en matière d'assurance maladie d'une législation soumise à ces dispositions et qui ne sont pas à la charge d'un régime obligatoire de sécurité sociale français ".

5. Il résulte de ces dispositions qu'un assujetti au prélèvement de solidarité prévu par l'article 235 ter du code général des impôts, lequel s'applique aux revenus fonciers, doit, pour bénéficier du crédit d'impôt pour la modernisation du recouvrement, être soumis au prélèvement à la source prévu à l'article 204 A du code général des impôts. Or, pour être soumis à ce prélèvement à la source, l'intéressé doit être assujetti à la contribution prévue à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale et avoir, à ce titre, acquitté des acomptes.

6. Si M. B soutient qu'il résulte de ces dispositions une rupture d'égalité entre les contribuables affiliés à un régime de sécurité sociale français et ceux affiliés notamment à un régime de sécurité sociale d'un autre État membre de l'Union européenne, il n'a cependant pas présenté, alors même que le juge de l'impôt n'est pas le juge de la constitutionnalité des lois, de question prioritaire de constitutionnalité dans les formes prévues à l'article R. 771-3 du code de justice administrative. Ce moyen doit, dès lors et en tout état de cause, être écarté comme irrecevable.

7. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de décharge présentées par M. B doivent être rejetées, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1 : La requête de M. B est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié M. C B et au directeur régional des finances publiques de la région Grand Est et du département du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 19 juin 2023, à laquelle siégeaient :

M. Julien Iggert, président,

M. Christophe Michel, premier conseiller,

M. Mohammed Bouzar, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juillet 2023.

Le rapporteur,

M. BOUZAR

Le président,

J. IGGERT

Le greffier,

S. PILLET

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,