Tribunal administratif de Nice

Jugement du 20 juillet 2023 n° 2002761

20/07/2023

Autre

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2020, M. C A demande au tribunal :

1°) de prononcer la décharge de toutes les impositions mises à sa charge en raison de sa domiciliation en principauté de Monaco au titre des années 2011, 2012, 2013 et 2014 en ce compris le principal, les intérêts de retard, les pénalités et les amendes ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'a pas été destinataire de l'avis de mise en recouvrement relatif aux amendes fiscales mises à sa charge ;

- les stipulations de l'article 7-1 de la convention franco-monégasque du 18 mai 1963 méconnaissent le principe constitutionnel d'égalité devant les charges publiques et le principe d'égalité des citoyens devant l'impôt garanti par les dispositions de l'article 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; elles sont inapplicables en vertu des dispositions de l'article 62 de la Constitution du 4 octobre 1958 ;

- les stipulations de l'article 7-1 de la convention franco-monégasque du 18 mai 1963 sont contraires au principe européen de non-discrimination en fonction de la nationalité ; ces dispositions instituent une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; ces stipulations méconnaissent les articles 18, 63 et 65 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ainsi que les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; la différence d'imposition fondée sur la différence de nationalité que les stipulations de l'article 7-1 de la convention franco-monégasque instituent constitue une restriction aux mouvements de capitaux entre États membres et pays tiers ;

- s'agissant de l'année 2011, les sommes provenant de la société DetB Avocats et de la société A Trust et Finance résultent de remboursements de compte courant d'associé correspondant aux remboursements des différents frais notamment de déplacement en ce qui concerne la société DetB Avocats et des avances consenties à la société A Trust et Finance ; le chèque de 55 000 euros correspond à la vente d'un véhicule automobile (Ferrari 360 Spider) auprès du concessionnaire Ferrari de Cannes acquis en 2005 pour un prix beaucoup plus élevé qui a généré une moins-value ; les virements de la société DetB Avocats correspondent au remboursement d'une partie du solde de son compte courant d'associé résultant notamment des frais professionnels qu'il avait engagés pour le compte de la société ; le virement Euro Providence correspond au paiement d'une commission qui doit être imposable selon le régime du micro-bénéfice non commercial, imposable après l'application d'un abattement de 72 % conformément aux dispositions du code général des impôts ; les chèques d'un montant de 3 000 euros et de 13 825 euros correspondent aux prix de vente de montres acquises en 2006 et 2007 et vendues pour un prix inférieur à leur prix d'acquisition ;

- s'agissant des années 2012 et 2013, les sommes de 42 214 euros et 23 855 euros ont été versées à son ex-épouse conformément aux dispositions provisoires du divorce validées par le tribunal de grande instance de Grasse par un jugement du 21 juin 2012 ; ces sommes sont déductibles de l'assiette de l'impôt sur le revenu conformément aux dispositions de l'article 156-II-2 du code général des impôts ; il résulte également des pièces de la procédure en cours devant le juge aux affaires familiales de Grasse que son ex-épouse reconnait avoir effectivement reçu l'intégralité de ces sommes, ce que l'administration fiscale ne saurait ignorer, ayant diligenté une vérification de sa situation fiscale personnelle au titre de ces années ;

- concernant le crédit d'impôt britannique, il appartient à l'administration fiscale d'apporter la preuve éventuelle que les conditions d'imposition au Royaume-Uni ne seraient pas remplies et, en l'absence d'une telle preuve, d'appliquer les stipulations de la convention fiscale franco-britannique du 19 juin 2008 ;

- un compte bancaire ouvert dans une banque monégasque, au demeurant filiale d'une banque française, ne saurait être assimilée à un compte ouvert (utilisé ou clos) à l'étranger pour l'application des dispositions de l'article 1649 A du code général des impôts ; les établissements bancaires implantés dans la Principauté de Monaco sont soumis à la même règlementation et aux mêmes obligations notamment déclaratives que les établissements bancaires établis en France, notamment eu égard à l'échange de lettre entre le Gouvernement de la Principauté et de la République Française.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 octobre 2020, le directeur départemental des finances publiques des Alpes-Maritimes conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions relatives à l'année 2014 sont dépourvues d'objet, dès lors que cette année n'a donné lieu à aucune imposition ;

- les conclusions de la requête relatives aux amendes mises à la charge de M. A sont irrecevables ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Des pièces ont été produites par le directeur départemental des finances publiques des Alpes-Maritimes. Elles ont été enregistrées le 26 juin 2023 mais n'ont pas été communiquées.

Vu les pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution du 4 octobre 1958 ;

- la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention fiscale conclue le 18 mai 1963 entre la France et la Principauté de Monaco ;

- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur les gains en capital, signée à Londres le 19 juin 2008 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Cherief, rapporteur ;

- et les conclusions de Mme Perez, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A a fait l'objet d'un examen de sa situation fiscale personnelle concernant les années 2011 à 2013. L'administration fiscale a notifié à M. A une proposition de rectification en date du 16 décembre 2014, établie selon la procédure de taxation d'office, et une seconde proposition de rectification en date du 11 mai 2015, établie selon la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, mettant à sa charge des rappels d'impôts sur le revenu et de contribution sociale au titre des années 2011, 2012 et 2013, ainsi que des amendes au titre des années 2011 à 2013. Par une réclamation contentieuse, en date du 6 décembre 2016, M. A a contesté, d'une part, les cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à sa charge à la suite de ses déclarations de revenus modèle 2042 souscrites au titre des années 2012, 2013 et 2014 et, d'autre part, les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et les amendes mises à sa charge au titre des années 2011, 2012 et 2013 ainsi que les cotisations supplémentaires de prélèvements sociaux mises à sa charge au titre de l'année 2011. A la suite du rejet de sa réclamation le 28 avril 2020, M. A demande au tribunal de prononcer la décharge des cotisations primitives et supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mises à sa charge au titre des années 2011 à 2014, pour un montant total, en droit et pénalités de 165 294 euros ainsi que des amendes mises à sa charge au titre des années 2011 à 2013, pour un montant total de 4 500 euros.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. En premier lieu, M. A soutient que l'interprétation par l'administration des stipulations de l'article 7-1 de la convention franco-monégasque porte atteinte au principe constitutionnel d'égalité devant les charges publiques et d'égalité des citoyens devant l'impôt. Ce moyen doit être regardé comme dirigé contre la loi du 6 août 1963 autorisant l'approbation de cette convention. Toutefois, il n'appartient pas, au juge administratif de contrôler la conformité à la Constitution d'une disposition de valeur législative en dehors des cas et conditions prévus par le chapitre II bis du titre II de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, relatif à la question prioritaire de constitutionnalité. En outre, et en tout état de cause, il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur la validité des stipulations d'un engagement international au regard des principes énoncés à l'article 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Par suite ce moyen doit être écarté.

3. En deuxième lieu, il résulte des termes mêmes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que le principe de non-discrimination qu'il édicte ne concerne que la jouissance des droits et libertés reconnus par ladite convention et par les protocoles additionnels à celle-ci. Dès lors, il appartient à tout requérant qui se prévaut de la violation de ce principe d'invoquer devant le juge le droit ou la liberté dont la jouissance est affectée par la discrimination alléguée. M. A n'a pas précisé le droit ou la liberté, reconnus par la convention, qu'aurait méconnus la discrimination qu'il invoque. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 14 de cette convention doit être écarté.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 7-1 de la convention franco-monégasque du 18 mai 1963 : " 1. Les personnes physiques de nationalité française qui transporteront à Monaco leur domicile ou leur résidence - ou qui ne peuvent pas justifier de cinq ans de résidence habituelle à Monaco à la date du 13 octobre 1962 - seront assujetties en France à l'impôt sur le revenu des personnes physiques et à la taxe complémentaire dans les mêmes conditions que si elles avaient leur domicile ou leur résidence en France. ().

5. Il résulte de ces stipulations que les personnes de nationalité française qui ont transporté leur domicile ou leur résidence à Monaco sont réputées avoir leur domicile fiscal en France pour l'assujettissement à l'impôt sur le revenu. Les stipulations de l'article 7-1 de la convention franco-monégasque du 18 mai 1963 ne sauraient cependant suffire à justifier leur assujettissement aux contributions sociales qui sont distinctes de l'impôt sur le revenu. En revanche, de telles stipulations n'ont ni pour objet ni pour effet de faire obstacle à ce que ces personnes soient regardées comme fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts et, par conséquent, assujetties à ces contributions sociales en application des articles L. 136-6 et L. 245-14 du code de la sécurité sociale et de l'article L. 14-10-4 du code de l'action sociale et des familles.

6. Par ailleurs, Aux termes de l'article 18 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " Dans le domaine d'application des traités, et sans préjudice des dispositions particulières qu'ils prévoient, est interdite toute discrimination exercée en raison de la nationalité. / Le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, peuvent prendre toute réglementation en vue de l'interdiction de ces discriminations. ". Aux termes de l'article 63 du même traité : " 1. Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites. / 2. Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux paiements entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites. ". Enfin, aux termes de l'article 65 de ce traité : " 1. L'article 63 ne porte pas atteinte au droit qu'ont les États membres: a) d'appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis; / b) de prendre toutes les mesures indispensables pour faire échec aux infractions à leurs lois et règlements, notamment en matière fiscale ou en matière de contrôle prudentiel des établissements financiers, de prévoir des procédures de déclaration des mouvements de capitaux à des fins d'information administrative ou statistique ou de prendre des mesures justifiées par des motifs liés à l'ordre public ou à la sécurité publique. / 2. Le présent chapitre ne préjuge pas la possibilité d'appliquer des restrictions en matière de droit d'établissement qui sont compatibles avec les traités. / 3. Les mesures et procédures visées aux paragraphes 1 et 2 ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l'article 63. ".

7. D'une part, le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne prévoyant à son article 63 une règle spécifique de non-discrimination dans le domaine relevant de la liberté de circulation des capitaux, il n'appartient pas au juge administratif de rechercher si l'application du paragraphe 1 de l'article 7 de la convention franco-monégasque méconnait également les stipulations de l'article 18 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui interdisent toute discrimination exercée en raison de la nationalité dans le domaine d'application du traité. Par suite, ce moyen doit être écarté comme inopérant.

8. D'autre part, dans son arrêt n° C-379/05 du 8 novembre 2007 Amurta SGPS contre Inspecteur D, la Cour de justice des communautés européennes a dit pour droit qu'il convenait de distinguer les traitements inégaux permis au titre de l'article 58, paragraphe 1, sous a) du traité sur les communautés européennes, devenu l'article 65 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, des discriminations interdites par le paragraphe 3 de ce même article. Or, il ressort de la jurisprudence que, pour qu'une réglementation fiscale nationale telle que celle en cause au principal puisse être considérée comme compatible avec les dispositions du traité relatives à la libre circulation des capitaux, il faut que la différence de traitement concerne des situations qui ne soient pas objectivement comparables ou soit justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général.

9. Il résulte de l'instruction que l'application des stipulations de l'article 7-1 de la convention franco-monégasque du 18 mai 1963 a conduit l'administration fiscale à soumettre M. A à l'imposition sur le revenu à raison de l'ensemble de ses revenus mondiaux, alors qu'un ressortissant de l'Union européenne résidant à Monaco n'aurait été soumis à cette imposition qu'à raison de ses revenus de source française. Une telle différence d'imposition ne résulte que d'une différence de nationalité, et ce alors même qu'un ressortissant français résidant à Monaco et un ressortissant de l'Union européenne résidant à Monaco, et disposant de revenus de source française, se trouvent dans une situation identique au regard de l'objet de l'impôt sur le revenu. Par conséquent ces stipulations comportent une restriction aux mouvements de capitaux entre les Etats membres de l'Union européenne et les pays tiers, restriction qui, en principe, est interdite par le paragraphe 1 de l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

10. Toutefois, il résulte de l'interprétation que la Cour de justice des communautés européennes a donnée des stipulations de l'article 56 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, notamment dans son arrêt n° C 101/05 du 18 décembre 2007, qu'une restriction aux mouvements de capitaux entre les Etats membres et les pays tiers, peut être justifiée par la raison impérieuse d'intérêt général de la lutte contre la fraude fiscale et la nécessité de préserver l'efficacité des contrôles fiscaux dès lors que cette mesure restrictive respecte le principe de proportionnalité.

11. A cet égard, ainsi que l'a rappelé le Conseil d'Etat dans la décision n° 362237 du 11 avril 2014, M. B, les stipulations citées au point 1 de l'article 7 de la convention fiscale franco-monégasque doivent être interprétées conformément au sens ordinaire à attribuer à leurs termes, dans leur contexte et à la lumière de leur objet et de leur but. Ces stipulations expriment l'intention des parties à la convention de lutter contre l'évasion fiscale. Il en résulte que sont seules au nombre des personnes de nationalité française assujetties en France aux impositions que ces stipulations mentionnent, dans les mêmes conditions que si elles avaient leur domicile ou leur résidence en France, les personnes qui soit ont transféré à Monaco leur domicile ou leur résidence après le 13 octobre 1962, soit l'ont fait auparavant mais sans pouvoir justifier, à cette même date, de cinq ans de résidence habituelle à Monaco. Ainsi, et sous cette réserve, la restriction par les stipulations de l'article 7-1 de la convention franco-monégasque au principe de liberté de circulation des capitaux est justifiée par la raison impérieuse d'intérêt général de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales et respecte le principe de proportionnalité. Dès lors qu'il est constant que M. A, qui possède la nationalité française, n'a résidé à Monaco qu'au cours des années 2011 à 2014, il n'est pas fondé à faire valoir que les stipulations de l'article 7-1 de la convention franco-monégasque du 18 mai 1963 méconnaissent le principe européen de non-discrimination en fonction de la nationalité ainsi que les articles 63 et 65 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et instaurent une restriction prohibée aux mouvements de capitaux entre États membres et pays tiers.

12. En quatrième lieu, aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : () / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. Les sommes imposables sont déterminées pour chaque période retenue pour l'établissement de l'impôt sur les sociétés par la comparaison des bilans de clôture de ladite période et de la période précédente selon des modalités fixées par décret en conseil d'Etat. () ".

13. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a considéré comme des revenus distribués et taxé entre les mains de M. A au titre de l'année 2011, en application des dispositions précitées du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, un ensemble de sommes portées à son compte-courant d'associé BPCA n°60719541434, pour un montant total de 75 700 euros. Si le requérant soutient que l'opération de 11 000 euros correspond à des remboursements de frais de déplacement pour le compte de la société DetB Avocats, et que la somme de 64 700 euros correspond à un reversement des avances effectuées dans l'intérêt de la société A Trust Finance, il ne produit aucune pièce à l'appui de ses allégations. Par suite, alors que le requérant n'apporte pas davantage la preuve qu'il n'aurait pas appréhendé ces sommes, c'est à bon droit que l'administration les a considérées comme imposables en son nom à la date de leur mise à disposition.

14. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales : " Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16. ". Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " () / la charge de la preuve incombe () / au contribuable () en cas de taxation d'office à l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle en application des dispositions des articles L. 16 et L. 69 ".

15. Si l'administration ne peut régulièrement taxer d'office, en application de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, les sommes dont elle n'ignore pas qu'elles relèvent d'une catégorie précise de revenus, elle peut en revanche procéder à cette taxation d'office si, au vu des renseignements dont elle disposait avant l'envoi de la demande de justifications fondée sur l'article L. 16 du livre des procédures fiscales et des réponses apportées par le contribuable à cette demande, la nature des sommes en cause, et donc la catégorie de revenus à laquelle elles seraient susceptibles de se rattacher, demeure inconnue. Il est toutefois loisible au contribuable régulièrement taxé d'office sur le fondement de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales d'apporter devant le juge de l'impôt la preuve que ces sommes, soit ne constituent pas des revenus imposables, soit se rattachent à une catégorie précise de revenus. Dans cette dernière situation, le contribuable peut obtenir, le cas échéant, une réduction de l'imposition d'office régulièrement établie au titre du revenu global, à raison de la différence entre les bases imposées d'office et les bases résultant de l'application des règles d'assiette propres à la catégorie de revenus à laquelle se rattachent, en définitive, les sommes en cause.

16. Il résulte de l'instruction que M. A n'a apporté aucun élément permettant à l'administration de connaître l'objet des versements constatés sur son compte bancaire ni de déterminer, par suite, de quelle catégorie de revenus imposables ces sommes relevaient. Ainsi l'administration a pu régulièrement taxer d'office lesdites sommes en les intégrant directement au revenu global, en tant que revenus d'origine indéterminée, en application de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales. Devant le juge de l'impôt, M. A qui supporte la charge de la preuve, se borne à soutenir que les sommes de 55 000 euros, 3 000 euros et 13 825 euros, versées par trois chèques, correspondent au produit de ventes, respectivement d'un véhicule automobile et de deux montres, qui ont généré une moins-value et que lesdites sommes ne peuvent constituer des revenus imposables. Toutefois, le requérant n'apporte aucun élément de nature à justifier de l'objet réel des versements effectués sur son compte bancaire, et ne justifie pas du rattachement de ces sommes à une catégorie précise de revenus. Par ailleurs, si M. A soutient que la somme de 35 000 euros versée par la société DetB Avocats correspond au remboursement d'une partie du solde du compte courant d'associé, notamment des frais professionnels engagés dans la société, il ne l'établit par aucune pièce du dossier alors que la société mentionnée sur les relevés bancaires est la société SC DetB Legal Ltd, société de droit anglaise. Enfin, si le requérant fait valoir que la somme de 7 075 euros en provenance de la société Euro Providence correspond à une commission imposable dans la catégorie des micro-bénéfices non commerciaux, il n'apporte aucune justification sur l'objet réel des versements effectués par la société. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration fiscale a pu taxer d'office l'ensemble de ces sommes en les intégrant directement au revenu global, en tant que revenus d'origine indéterminée, en application de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales.

17. En sixième lieu, aux termes de l'article 79 du code général des impôts : " Les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu. () ". Aux termes de l'article 92 du même code : " 1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus. () ". Aux termes de l'article 156 du même code : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé () sous déduction : / II Des charges ci-après () / 2° () pensions alimentaires répondant aux conditions fixées par les articles 205 à 211 () du code civil () ". Aux termes de l'article 158, 5. a. de ce code : " Les revenus provenant de traitements publics et privés, indemnités, émoluments, salaires et pensions ainsi que de rentes viagères autres que celles mentionnées au 6 sont déterminés conformément aux dispositions des articles 79 à 90. / Les pensions et retraites font l'objet d'un abattement de 10 % () ".

18. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a remis en cause la déduction des revenus imposables de M. A les sommes déclarées à titre de pensions alimentaires versées à son ex-épouse, pour des montants de 42 214 euros au titre de l'année 2012 et de 23 855 euros au titre de l'année 2013, au motif que ces pensions ne remplissaient pas les conditions de déduction posées par les dispositions précitées du 2° du II de l'article 156 du code général des impôts. Si, pour contester ces rectifications, M. A soutient qu'il a présenté au service les justificatifs des pensions alimentaires versées, il se borne à faire valoir qu'il résulte des pièces de la procédure en cours devant le juge aux affaires familiales de Grasse que son ex-épouse reconnait avoir effectivement reçu l'intégralité de ces sommes, sans produire toutefois à l'instance aucune pièce de nature à attester du versement effectif de ces pensions et ce alors que l'administration fiscale fait valoir qu'après examen des relevés bancaires de M. A, elle n'a constaté aucun versement correspondant aux sommes considérées au profit de l'ex-épouse du requérant. Dans ces conditions, M. A, qui ne justifie pas avoir effectué les versements litigieux, nonobstant le jugement de divorce du 21 juin 2012 établissant qu'il est astreint au versement mensuel de la somme de 3 500 euros au profit de son ex-épouse pour l'entretien et l'éducation de ses enfants, n'est pas fondé à soutenir que les sommes qu'il a déclarées à titre de pensions alimentaires sont déductibles de ses revenus imposables des années 2012 et 2013. Par suite, ce moyen doit être écarté.

19. En septième lieu, aux termes du paragraphe 3 de l'article 24 de la convention fiscale franco-britannique du 19 juin 2008 : " 3. En ce qui concerne la France, les doubles impositions sont éliminées de la manière suivante : / a) nonobstant toute autre disposition de la présente Convention, les revenus qui sont imposables ou ne sont imposables qu'au Royaume-Uni conformément aux dispositions de la présente Convention sont pris en compte pour le calcul de l'impôt français lorsqu'ils ne sont pas exemptés de l'impôt sur les sociétés en application de la législation interne française. Dans ce cas, l'impôt du Royaume-Uni n'est pas déductible de ces revenus, mais le résident de France a droit, sous réserve des conditions et limites prévues aux alinéas (i) et (ii) et au paragraphe 4, à un crédit d'impôt imputable sur l'impôt français. Ce crédit d'impôt est égal : / (i) pour les revenus non mentionnés à l'alinéa (ii), au montant de l'impôt français correspondant à ces revenus à condition que le résident de France soit soumis à l'impôt du Royaume-Uni à raison de ces revenus ; / (ii) pour les revenus soumis à l'impôt sur les sociétés visés à l'article 7 et au paragraphe 3 de l'article 14 et pour les revenus visés à l'article 11, aux paragraphes 1, 2 et 6 de l'article 14, au paragraphe 3 de l'article 15, à l'article 16, aux paragraphes 1 et 2 de l'article 17 et au paragraphe 3 de l'article 23, au montant de l'impôt payé au Royaume-Uni conformément aux dispositions de ces articles ; toutefois, ce crédit d'impôt ne peut excéder le montant de l'impôt français correspondant à ces revenus ; () ".

20. Il résulte de ces stipulations, qui doivent être interprétées conformément au sens ordinaire à attribuer à leurs termes, dans leur contexte et à la lumière de leur objet et de leur but, que la condition prévue à l'alinéa (i) du a) du paragraphe 3 de cet article, tenant à ce que le résident de France soit soumis à l'impôt du Royaume-Uni à raison des revenus non mentionnés à l'alinéa (ii), pour que ces revenus lui ouvrent droit à un crédit d'impôt égal au montant de l'impôt français correspondant à ces revenus, signifie que les revenus en cause doivent être compris dans la base de " l'impôt du Royaume-Uni " au sens du a) du paragraphe 1 de l'article 2 de la même convention, sans que le résident de France en soit exonéré à raison de son statut ou de son activité. En revanche, cette condition n'exige pas que les revenus en cause aient été soumis à une imposition effective. S'agissant des contributions sociales françaises, qui font partie de " l'impôt français " défini au b) du paragraphe 1 de l'article 2 de la convention, aucune stipulation de l'article 24 ne subordonne l'octroi d'un crédit d'impôt égal à leur montant à ce que les revenus soumis à ces contributions aient été compris dans la base d'un impôt équivalent ou similaire au Royaume-Uni.

21. Il résulte de ce qui a été dit au point 20 ci-dessus que la condition prévue à l'alinéa (i) du a) du paragraphe 3 de l'article 24 de la convention doit être regardée comme satisfaite s'il est établi par le résident de France qu'il a déclaré les revenus en cause au Royaume-Uni, parce que ces revenus étaient compris dans la base de l'un des impôts énumérés au a) du 1 de l'article 2 de la convention, alors même qu'il n'aurait acquitté dans cet Etat aucun impôt à raison de ces revenus. Ainsi, il appartenait à M. A, qui souhaite invoquer le bénéfice du crédit d'impôt prévu par les dispositions précitées de l'article 24 de la convention franco-britannique, d'établir qu'il a déclaré au Royaume-Uni des revenus compris dans la base de l'un des impôts énumérés au a) du 1 de l'article 2 de la convention. Dès lors qu'il se borne à faire valoir, dans ses écritures, qu'il appartient à l'administration fiscale d'établir que les conditions d'imposition au Royaume-Uni ne seraient pas remplies et, en l'absence d'une telle preuve, d'appliquer les stipulations pertinentes de la convention fiscale franco-britannique du 19 juin 2008, M. A n'apporte pas la preuve qui lui incombe qu'il remplit les conditions mentionnées au point 20 du présent jugement. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a considéré qu'il ne pouvait bénéficier du crédit d'impôt que ces stipulations instituent.

22. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin de décharge des impositions en litige doivent, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par l'administration fiscale, être rejetées.

Sur les pénalités :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par l'administration fiscale :

23. D'une part, aux termes de l'article R. 197-3 du livre des procédures fiscales : " Toute réclamation doit à peine d'irrecevabilité : () / d) Etre accompagnée soit de l'avis d'imposition, d'une copie de cet avis ou d'un extrait du rôle, soit de l'avis de mise en recouvrement ou d'une copie de cet avis, soit, dans le cas où l'impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou d'un avis de mise en recouvrement, d'une pièce justifiant le montant de la retenue ou du versement. / La réclamation peut être régularisée à tout moment par la production de l'une des pièces énumérées au d. () ".

24. D'autre part, aux termes de l'article R. 256-6 du livre des procédures fiscales : " La notification de l'avis de mise en recouvrement comporte l'envoi au redevable, soit au lieu de son domicile, de sa résidence ou de son siège, soit à l'adresse qu'il a lui-même fait connaître au service compétent de la direction générale des finances publiques ou au service des douanes et droits indirects compétent, de l'" ampliation " prévue à l'article R. 256-3. / Au cas où la lettre recommandée ne pourrait, pour quelque cause que ce soit, être remise au redevable destinataire ou à son fondé de pouvoir, il doit être demandé à la Poste de renvoyer au service compétent de la direction générale des finances publiques ou au service des douanes et droits indirects expéditeur, le pli non distribué annoté : / a) D'une part, de la date de sa première présentation à l'adresse indiquée à la souscription ou, s'il y a lieu, à la nouvelle adresse connue de La Poste ; / b) D'autre part, du motif de sa non-délivrance. () ". Aux termes de l'article R. 256-7 du même livre : " L'avis de mise en recouvrement est réputé avoir été notifié : / a) Dans le cas où l' " ampliation " a été effectivement remise par les services postaux au redevable ou à son fondé de pouvoir, le jour même de cette remise ; / b) Lorsque la lettre recommandée n'a pu être distribuée du fait du redevable, le jour où en a été faite la première présentation. ".

25. L'administration fiscale fait valoir que les conclusions de la requête relatives aux amendes mises à la charge de M. A sont irrecevables dès lors que ce dernier n'a pas produit l'avis de mise en recouvrement de ces amendes à l'appui de sa réclamation préalable et de sa requête. M. A soutient que l'administration fiscale ne lui a jamais notifié l'avis de mise en recouvrement correspondant à l'amende fiscale prévue par les dispositions du IV de l'article le 1736 du code général des impôts mise à sa charge au titre des années 2011 à 2013. En défense, l'administration fiscale fait valoir que l'avis de mise en recouvrement n°151100120 du 15 novembre 2015 a été adressé au requérant, à l'adresse située 17, avenue de l'Annonciade à Monaco, mentionnée au 1er janvier 2015 sur la déclaration 2042 souscrite par l'intéressé. Toutefois, en l'absence de tout élément de preuve de sa présentation, l'administration n'établit pas qu'elle a régulièrement notifié l'avis de mise en recouvrement dans les conditions fixées par les dispositions précitées du livre des procédures fiscales. Dans ces conditions, la fin de non-recevoir soulevée par l'administration fiscale tirée de l'irrecevabilité des conclusions de la requête tendant à la décharge des amendes mises à la charge de M. A doit être rejetée.

En ce qui concerne le bien fondé des amendes :

26. Aux termes de l'article 1649 A du code général des impôts : " Les administrations publiques, les établissements ou organismes soumis au contrôle de l'autorité administrative et toutes personnes qui reçoivent habituellement en dépôt des valeurs mobilières, titres ou espèces doivent déclarer à l'administration des impôts l'ouverture et la clôture des comptes de toute nature. () ". Aux termes de l'article 1736 du même code : " Les infractions aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 1649 A () sont passibles d'une amende de 1 500 € par compte ou avance non déclaré. () ". Aux termes de l'article 1754 de ce code : " I. - Le recouvrement et le contentieux des pénalités calculées sur un impôt sont régis par les dispositions applicables à cet impôt. / II. - Le recouvrement et le contentieux des autres pénalités sont régis par les dispositions applicables aux taxes sur le chiffre d'affaires. () ". Aux termes de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales : " Pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts. () ".

27. Ainsi que cela a été souligné au point 25 du présent jugement, l'administration fiscale n'apporte pas la preuve de la notification de l'avis de mise en recouvrement correspondant aux amendes mises à la charge de M. A, au titre des années 2011 à 2013, pour un montant total de 4 500 euros, dans les conditions fixées par les dispositions précitées des articles R. 256-6 et R. 257-7 du livre des procédures fiscales et dans le délai de reprise de trois ans prévu par l'article L. 176 du même livre. Dans ces conditions, M. A est fondé à demander la décharge de l'amende fiscale prévue par les dispositions du IV de l'article 1736 du code général des impôts qui a été mise à sa charge au titre des années 2011, 2012 et 2013.

Sur les frais liés au litige :

28. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une quelconque somme à verser à M. A, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : M. A est déchargé de l'amende fiscale prévue par les dispositions du IV de l'article 1736 du code général des impôts qui a été mise à sa charge au titre des années 2011, 2012 et 2013 pour un montant total de 4 500 euros.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. C A et au directeur départemental des finances publiques des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 29 juin 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Pouget, présidente,

Mme Kolf, conseillère,

M. Cherief, conseiller,

assistés de Mme Martin, greffière.

Rendu public par mise à disposition au greffe du tribunal le 20 juillet 2023.

Le rapporteur,

signé

H. CHERIEF

La présidente,

signé

M. POUGET

La greffière,

signé

 

C. MARTIN

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances, de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour le greffier en chef,

Ou par délégation la greffière,

Code publication

C