Tribunal administratif de Pau

Jugement du 20 juillet 2023 n° 2002312

20/07/2023

Autre

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 23 novembre 2020, M. C A, représenté par Me Gasquet, demande au tribunal :

1°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014, 2015 et 2016 ainsi que des pénalités correspondantes, à hauteur d'une somme totale de 140 904 euros ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le quantum des sommes mises à sa charge est excessif est présente un caractère confiscatoire ;

- la distribution liée à une charge non engagée dans l'intérêt de la SARL Octana n'est pas justifiée dès lors que la preuve du caractère professionnel du voyage à Miami effectué par lui et sa compagne a été apportée ;

- il doit être déchargé des intérêts de retard, des lors que les suppléments d'impôt sur le revenu mis à sa charge ne sont pas fondés ;

- le service n'a pas motivé sa décision de faire application de la pénalité de 10 % ;

- il doit être déchargé des sommes mises à sa charge au titre de la majoration pour manquement délibéré dès lors qu'il n'a pas cherché à égarer ou restreindre le pouvoir de contrôle de l'administration.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mai 2021, le directeur départemental des finances publiques des Pyrénées-Atlantiques conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 26 août 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 26 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Neumaier ;

- et les conclusions de M. Clen, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Octana, exploite sous la dénomination commerciale " Le Beach Burger " à Biscarosse (Landes) un établissement à usage de restaurant. L'administration fiscale a obtenu du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan, le 30 juin 2017, une ordonnance lui permettant de mettre en œuvre la procédure de visite et saisie prévue à l'article L. 16 du livre des procédures fiscales dans les locaux de la SARL Octana et au domicile de sa gérante, Mme B, et du compagnon de cette dernière, M. A. Au vu, notamment, du résultat de ces saisies, l'administration a conduit une vérification de comptabilité de cette société pour les exercices clos de 2014 à 2016. A l'issue de cette vérification de comptabilité, le service a notifié à la SARL Octana des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2014. Par une seconde proposition de rectification, en date du 28 juin 2018, le service à mis à la charge de ladite société des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2015 et 2016.

2. Par deux propositions de rectification en date des 22 décembre 2017 et 13 juillet 2018, le service a assujetti M.A, qui détenait 50 % du capital social et était gérant de fait et maitre de l'affaire de la SARL Octana, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2014, 2015 et 2016. Par un courrier du 22 octobre 2020, le service a rejeté la réclamation préalable introduite par M. A. Par sa requête, M. A demande au tribunal la décharge des impositions supplémentaires mises à sa charge au titre des années 2014, 2015 et 2016.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

3. En premier lieu, d'une part, aux termes du 7 de l'article 158 du code général des impôts : " Le montant des revenus et charges énumérés ci-après, retenu pour le calcul de l'impôt selon les modalités prévues à l'article 197, est multiplié par 1, 25. Ces dispositions s'appliquent : / () 2° Aux revenus distribués mentionnés aux c à e de l'article 111, aux bénéfices ou revenus mentionnés à l'article 123 bis et aux revenus distribués mentionnés à l'article 109 résultant d'une rectification des résultats de la société distributrice ". Aux termes du 1 de l'article 109 du même code : " Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices () ". Aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués:/ (.) c. les rémunérations et avantages occultes () ".

4. D'autre part, aux termes de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ". Cette exigence ne serait pas respectée si l'impôt revêtait un caractère confiscatoire ou faisait peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives. En vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité devant les charges publiques, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.

5. Toutefois, il n'appartient pas au juge de l'impôt de se prononcer sur un moyen tiré de la non-conformité de la loi à une normale de valeur constitutionnelle sauf dans le cadre de la question prioritaire de constitutionnalité, non mise en œuvre en l'espèce. Par suite, et dès lors que les impositions en litige ont été établies conformément à la loi, le moyen tiré du caractère confiscatoire des impositions en litige et de la méconnaissance de l'article 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ne peut qu'être écarté.

6. En second lieu, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

7. Si M. A soutient que les frais de déplacement réintégrés dans les résultats de la SARL Octana au titre de l'année 2016 ont été engagés pour l'accomplissement, par Mme B et lui-même, d'un voyage professionnel aux Etats-Unis à des fins de marketing en vue notamment de rechercher l'existence de nouveautés en matière de restauration rapide, il n'apporte toutefois aucune justification à l'appui de ces allégations. Il résulte en outre de l'instruction que si lors des opérations de contrôle, M. A a présenté qu'une copie des billets d'avion utilisés, qui prouvent la réalité du voyage effectué, il n'a produit, pour établir le caractère professionnel de ce déplacement qu'une attestation en date du 25 mars 2018, établie par un tiers postérieurement à l'année d'imposition en litige et rédigée en anglais, indiquant que la visite de M. A et Mme B revêtait un caractère professionnel, ces éléments sont insuffisant à établir le caractère professionnel du déplacement ainsi effectué. Dans ces conditions, l'administration doit, dès lors, être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe, que les dépenses ainsi exposées ne l'ont pas été dans l'intérêt direct de la SARL Octana et, ont constitué pour M. A un revenu distribué au sens de l'article 111 du code général des impôts

Sur les intérêts de retard :

8. Aux termes de l'article 1727 du code général des impôts, dans sa version applicable au litige : " I.- Toute créance de nature fiscale, dont l'établissement ou le recouvrement incombe aux administrations fiscales, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard. A cet intérêt s'ajoutent, le cas échéant, les sanctions prévues au présent code. () / III.- Le taux de l'intérêt de retard est de 0,40 % par mois. Il s'applique sur le montant des créances de nature fiscale mises à la charge du contribuable ou dont le versement a été différé ".

9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 7 du présent jugement que le moyen invoqué par M. A et tiré de ce que les intérêts de retard dont sont assortis les droits en litige devraient être déchargés par voie de conséquence de l'irrégularité des impositions litigieuses ne peut qu'être écarté.

Sur les majorations :

10. D'une part, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt () entraînent l'application d'une majoration de : /() / c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses() ". Aux termes de l'article 1758 A du code général des impôts : " I. - Le retard ou le défaut de souscription des déclarations qui doivent être déposées en vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu ainsi que les inexactitudes ou les omissions relevées dans ces déclarations, qui ont pour effet de minorer l'impôt dû par le contribuable ou de majorer une créance à son profit, donnent lieu au versement d'une majoration égale à 10 % des droits supplémentaires ou de la créance indue () ". Aux termes de l'article L. 80 D du même code : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens des articles L. 211-2 à L. 211-7 du code des relations entre le public et l'administration, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. () "

11. D'autre part, aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration ".

12. Il résulte de ces dispositions que la majoration pour manquement délibéré a pour objet de sanctionner la méconnaissance délibérée par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir de tels manquements, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations, et, d'autre part, de l'intention du contribuable d'éluder l'impôt. Pour établir le caractère intentionnel du manquement du contribuable à son obligation déclarative, l'administration doit se placer au moment de la déclaration ou de la présentation de l'acte comportant l'indication des éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt.

13. En premier lieu, la proposition de rectification du 13 juillet 2018, qui indique que la pénalité de 10 % s'applique aux suppléments d'impôt sur les rappels de droit qui ne sont pas assortis de la majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses résultant de la seule distribution, comporte, en sa page 8, l'exposé des considérations de droit et de fait sur lesquelles l'administration s'est fondée pour la mettre à la charge du requérant. En outre, les conséquences financières pour 2015 et 2016 annexées à cette proposition mentionnent le montant des droits supplémentaires sur lequel elle est assise et précisent que le montant de la majoration de 10 % pour défaut de déclaration définie à l'article 1758 A du code pour 2015 et pour 2016. Dans ces conditions, M. A n'est pas fondé à soutenir que le service n'aurait pas exposé de façon suffisamment claire les modalités de calcul de cette pénalité appliquée aux cotisations d'impôt sur le revenu.

14. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que pour justifier l'application des pénalités pour manquement délibéré aux rectifications en cause, l'administration s'est fondée sur la circonstance que M. A avait admis avoir retranché une partie du chiffre d'affaires de la SARL Octana par l'utilisation d'un logiciel permissif et indiqué le mode opératoire de la fraude. Dans ces conditions, l'administration établit suffisamment le bien-fondé des pénalités contestées.

15. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions présentées par M. A à fin de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014, 2015, et 2016 ainsi que des pénalités correspondantes, doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. C A et au directeur départemental des finances publiques des Pyrénées-Atlantiques.

Délibéré après l'audience du 29 juin 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Sellès, présidente,

Mme Corthier, conseillère,

Mme Neumaier, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juillet 2023.

La rapporteure,

signé

L. NEUMAIERLa présidente,

signé

M. SELLES

La greffière,

signé

P. SANTERRE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances, et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition :

La greffière,

Code publication

C