Conseil d'Etat

Décision du 18 juillet 2023 n° 472881

18/07/2023

Irrecevabilité

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 7 avril 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Smiledirectclub FR demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler, pour excès de pouvoir, le troisième alinéa du paragraphe n° 330 des commentaires administratifs publiés le 8 février 2023 au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - Impôts sous la référence BOI-TVA-CHAMP-30-10-20-10 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la directive n° 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Sébastien Ferrari, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. L'entreprise Smiledirectclub FR doit être regardée, eu égard aux moyens qu'elle soulève, comme demandant l'annulation pour excès de pouvoir du troisième alinéa du paragraphe n° 330 des commentaires administratifs publiés le 8 février 2023 au BOFiP - Impôts sous la référence BOI-TVA-CHAMP-30-10-20-10, commentant le 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, ainsi que du premier alinéa de la " remarque " qui y fait suite.

Sur les conclusions de la requête dirigées contre la " remarque " figurant à la suite du troisième alinéa du paragraphe n° 330 des commentaires attaqués :

2. Le paragraphe n° 330 des commentaires attaqués comprend les énonciations suivantes : " Remarque : L'exclusion des orthèses dentaires du champ d'application de l'exonération a été confirmée par le comité de la TVA institué par l'article 398 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006. En effet, les lignes directrices issues de sa 105ème réunion précisent que l'expression "prothèses dentaires" ne comprend ni la fourniture de dispositifs dentaires tels que les appareils orthodontiques et les gouttières dentaires, ni celle des matériaux qui servent à fabriquer des prothèses dentaires () ".

3. De telles énonciations, qui se bornent à faire état, à titre d'information, de la position d'un comité consultatif dont les avis sont dépourvus de toute force contraignante, ne sont pas susceptibles d'avoir, par elles-mêmes, des effets notables sur les droits ou la situation de la requérante.

4. Par suite, les conclusions de la requête sont irrecevables en tant qu'elles sont dirigées contre cette " remarque ".

Sur les conclusions de la requête dirigées contre les énonciations du troisième alinéa du paragraphe n° 330 des commentaires attaqués :

5. Le 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts prévoit que sont, notamment, exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée " les fournitures de prothèses dentaires () ". Il résulte de ces dispositions, qui sont d'interprétation stricte s'agissant du champ d'une exonération, qu'elles s'appliquent aux fournitures des seuls biens qu'elles mentionnent, à savoir les prothèses dentaires, à l'exclusion, notamment, des orthèses dentaires.

6. En premier lieu, il en découle qu'en énonçant, au troisième alinéa de leur paragraphe n° 330, que l'exonération prévue au 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts en faveur des prothèses dentaires ne s'étend pas à " la fourniture d'orthèses dentaires tels que les appareils orthodontiques et les gouttières dentaires (aligneurs) ", les commentaires attaqués se bornent à expliciter la portée de la loi fiscale, sans y ajouter. Par suite, contrairement à ce que soutient l'entreprise requérante, ils ne sont entachés ni d'incompétence ni, en tout état de cause, d'un vice de procédure tenant à ce que leur " entrée en vigueur " n'aurait pas été précédée de mesures transitoires.

7. En deuxième lieu, si le 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts prévoit par ailleurs une exonération des " soins dispensés aux personnes " par certains professionnels de santé, et si cette exonération s'étend à la fourniture des biens qui en sont matériellement et économiquement indissociables, les énonciations attaquées n'ont pas pour objet de commenter de telles dispositions. Par suite, le moyen tiré de ce qu'en indiquant, dans leur paragraphe n° 330, que la fourniture d'orthèses dentaires n'est pas exonérée de taxe sur la valeur ajoutée, les commentaires attaqués donneraient une interprétation erronée de la loi fiscale ne peut qu'être écarté, l'exonération de la fourniture de certains biens effectuée par les praticiens dans le prolongement direct des soins dispensés à leurs malades étant au demeurant mentionnée au paragraphe n° 10 des mêmes commentaires.

8. En troisième lieu, le e) du 1 de l'article 132 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (ci-après " la directive TVA ") dispose que les Etats membres exonèrent " les fournitures de prothèses dentaires () ". Ainsi, les dispositions législatives commentées par les énonciations attaquées se bornent à assurer la transposition, dans les mêmes termes, de la directive TVA. Par suite, l'entreprise requérante n'est pas fondée à soutenir que les commentaires attaqués réitèreraient une règle législative méconnaissant cette directive et le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée qui en découle.

9. En dernier lieu, le moyen tiré de ce que les commentaires attaqués réitèreraient des dispositions législatives contraires au principe d'égalité devant la loi ne peut être utilement soulevé qu'à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité. Faute d'être soulevé à l'appui d'une telle question présentée par mémoire distinct, ce moyen est irrecevable.

10. Il résulte de ce qui précède que la requête ne peut qu'être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-l du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de l'entreprise Smiledirectclub FR est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Smiledirectclub FR et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 22 juin 2023 où siégeaient : M. Pierre Collin, président de chambre, présidant ; M. Hervé Cassagnabère, conseiller d'Etat et M. Sébastien Ferrari, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 18 juillet 2023.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

Le rapporteur :

Signé : M. Sébastien Ferrari

La secrétaire :

Signé : Mme Michelle Bailleul

Code publication

C