Cour d'Appel de Paris

Ordonnance du 17 juillet 2023 n° 23/02927

17/07/2023

Non renvoi

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D'APPEL DE PARIS

 

L. 742-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour

 

des étrangers et du droit d'asile

 

ORDONNANCE DU 17 JUILLET 2023

 

(3 pages)

 

Numéro d'inscription au répertoire général et de décision : B N° RG 23/02927 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CH4PX

 

Décision déférée : ordonnance rendue le 15 juillet 2023, à 16h13, par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Meaux

 

Nous, Stéphanie Gargoullaud, présidente de chambre à la cour d'appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Ophanie Kerloc'h, greffière aux débats et au prononcé de l'ordonnance,

 

DEMANDEUR A LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ ET APPELANT AU FOND :

 

M. [G] [K]

 

né le 27 juillet 2001 à Oran, de nationalité algérienne

 

RETENU au centre de rétention : Mesnil Amelot 3

 

assisté par de Me Jérôme Bertrand, avocat au barreau de Paris et de M. [X] [D] [O] (Interprète en arabe) tout au long de la procédure devant la cour et lors de la notification de la présente ordonnance, serment préalablement prêté

 

DEFENDEURS A LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ ET INTIMES AU FOND :

 

LE PARQUET DE LA COUR D'APPEL DE PARIS

 

représenté par Me Florence Lifchtiz, avocat général

 

LE PREFET DES YVELINES

 

représenté par Me Romain Dussault du cabinet Centaure Avocats, avocats au barreau de Paris

 

MINISTÈRE PUBLIC, avisé de la date et de l'heure de l'audience, le dossier ayant été transmis au parquet le 16 juillet 2023 à 11h57

 

ORDONNANCE :

 

- contradictoire et susceptible de recours dans les conditions de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel

 

- prononcée en audience publique

 

- Vu l'article 23-1 de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1985 portant loi organique sur le conseil constitutionnel ;

 

- Vu les articles 126-1 et suivants du code de procédure civile, notamment l'article 126-3 ;

 

- Vu la demande d'examen de la question prioritaire de constitutionnalité déposée le 15 juillet 2023 à 17h06, par le conseil choisi de M. [G] [K] ;

 

- Vu l'ordonnance du 15 juillet 2023 du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Meaux rejetant le moyen d'irrecevabilité de M. [G] [K], déclarant la requête recevable et la procédure régulière et ordonnant une deuxième prolongation de la rétention de M. [G] [K] au centre de rétention administrative n°3 du [1], ou dans tout autre centre ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée de 30 jours à compter du 15 juillet 2023 ;

 

- Vu les observations de Me Romain Dussault, conseil du préfet des Yvelines, reçues le 16 juillet 2023 à 14h59 ;

 

- Vu l'avis écrit du parquet général reçu le 17 juillet 2023 à 09h42 ;

 

- Après avoir entendu les observations :

 

- du conseil de M. [G] [K] qui demande la transmission de la QPC ;

 

SUR QUOI,

 

Sur la Question prioritaire de constitutionnalité

 

En application de l'article 61-1 de la Constitution, lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé.

 

En application de l'article 23-1 de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé.

 

En l'espèce, M. [K] prétend que l'article L.743-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, en ce qu'est garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen 'le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif, le droit à un procès équitable, ainsi que les droits de la défense lorsqu'est en cause une sanction ayant le caractère d'une punition".

 

Il pose la question prioritaire de constitutionnalité en ces termes 'Dès lors que la cour d'appel de PARIS ne semble tenir aucun compte de la motivation des appels des personnes retenues pour conclure à leur irrecevabilité sous la forme d'un jugement rendu sans audience et sans débat contradictoire, au mépris des règles du procès équitable, il faut en conclure que l'article L. 743-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas conforme à la constitution'.

 

En réplique, le préfet soutient que :

 

- La disposition critiquée (L.743-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) n'est pas applicable au litige dès lors que la Cour ne l'a pas utilisée pour rejeter l'appel introduit comme irrecevable ;

 

- La question posée ne présente pas un caractère sérieux dès lors qu'il est prévu par l'article R.743-15 que « lorsque le premier président de la cour d'appel ou son délégué envisage de rejeter une déclaration d'appel en application du second alinéa de l'article L. 743-23, il recueille par tout moyen les observations des parties sur l'absence de circonstance nouvelle de fait ou de droit depuis le placement en rétention administrative ou son renouvellement, ou sur le caractère inopérant des éléments fournis par l'étranger ». Il est donc prévu un mécanisme de « demande d'observations » visant à respecter les exigences de l'article 6 de la CEDH ;

 

- Enfin, la question ne présente pas un caractère sérieux dès lors qu'il est affirmé, sans motif valable, que « la cour d'appel de PARIS ne semble tenir aucun compte de la motivation des appels des personnes retenues pour conclure à leur irrecevabilité sous la forme d'un jugement rendu sans audience et sans débat contradictoire, au mépris des règles du procès équitable, il faut en conclure que l'article L. 743-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas conforme à la constitution ». Il s'agit donc de critiquer, éventuellement, l'interprétation de la Cour d'appel de cet article et le fait que les prescriptions de l'article R.743-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne seraient pas respectées, alors qu'un pourvoi en cassation existe et est ouvert.

 

La présente affaire a été communiquée au ministère public le 16 juillet 2023, qui a fait connaître son avis le 17 juillet 2023. Le ministère public soutient que la cour d'appel n'a pas application des dispositions en cause pour rejeter le recours de M. [K], celui-ci ne faisant état que d'allégations de nature générale.

 

MOTIFS DE LA DECISION :

 

Sur la recevabilité du moyen tiré de l'atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution

 

En l'espèce, le moyen tiré de l'atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution a été présenté le 15 juillet 2023 à 17h01 dans un écrit distinct des conclusions, et motivé. Il est donc recevable.

 

Sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation

 

L'article 23-2 de l'ordonnance précitée dispose que la juridiction transmet sans délai et dans la limite de deux mois la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation si les conditions suivantes sont remplies:

 

1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ;

 

2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ;

 

3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux.

 

Une disposition législative contestée n'est pas applicable au litige ou à la procédure lorsqu'elle n'a été ni invoquée par le requérant ni appliquée dans le cadre de la procédure relative à la décision critiquée (par exemple Crim., 14 septembre 2016, QPC n°15-86.918).

 

En l'espèce, la question prioritaire de constituionnalité porte sur le premier alinéa de l'article L. 743-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoit que 'le premier président de la cour d'appel ou son délégué peut, par ordonnance motivée et sans avoir préalablement convoqué les parties, rejeter les déclarations d'appel manifestement irrecevables'.

 

Or la déclaration d'appel formée par M. [K] dans la présente instance n'a pas été déclarée irrecevable par le magistrat délégué par le premier président, l'interessé ayant été convoqué à l'audience du 17 juillet 2023 afin qu'il soit statué sur son appel de sorte que l'article L.743-23 du code précité n'est pas applicable au présent litige.

 

Il n'y a donc pas lieu de transmettre à la Cour de cassation la question posée dans la présente instance.

 

PAR CES MOTIFS

 

DISONS N'Y AVOIR LIEU à transmettre à la Cour de cassation la question prioritaire de constitutionnalité ;

 

DISONS que l'affaire sera appelée à l'audience de ce jour pour statuer au fond dans les délais prescrits par les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

 

ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d'une expédition de la présente ordonnance.

 

Fait à [Localité 2] le 17 juillet 2023 à

 

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 

REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :

 

Pour information : L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.

 

Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.

 

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

 

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

 

Le préfet ou son représentant L'intéressé L'avocat de l'intéressé

 

L'avocat général L'interprète