Tribunal administratif de Nancy

Jugement du 13 juillet 2023 n°2101932

13/07/2023

Non renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 2 juillet 2021 et des mémoires en réplique enregistrés les 13 juillet et 20 décembre 2022, la Fondation Saint-Charles, représentée par Me Martin et Me Brancaleoni, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de lui accorder la réduction des cotisations de taxe d'habitation auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2018 à 2020 dans les rôles de la commune de Nancy à raison de locaux sis 12-14 rue Chanoine A à Nancy à concurrence de la surimposition résultant de la revalorisation des tarifs résultant des lois du 29 décembre 2010 et 16 août 2012 ;

2°) subsidiairement, fixer, avant application des dégrèvements de l'article 1414 D du code général des impôts, le montant de la taxe d'habitation due au titre de l'année 2018 à 32 445 euros, le montant de la taxe d'habitation due au titre de l'année 2019 à 35 361 euros et le montant de la taxe d'habitation due au titre de l'année 2020 à 37 9155 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à la suite de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels organisée par la loi de finances rectificative pour 2010, elle a vu ses cotisations de taxe d'habitation drastiquement augmenter ;

- les conditions et les modalités de revalorisation pour la détermination de la valeur locative servant de base à la taxe d'habitation apparaissent contraires aux normes supérieures que sont la Constitution et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'absence de prise en compte du caractère lucratif ou non de l'activité exercée dans les maisons de retraite par le décret du 10 octobre 2011 et l'absence de prise en compte de la destination au secteur social des locaux conduisent à une situation de discrimination des locaux rattachés au parc social qui est prohibée par l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention ;

- la surface pondérée de 7 597 m2 retenue par le service ne correspond pas aux surfaces du local qui ont été justifiées et déclarées ; il ressort des déclarations souscrites une surface pondérée de 6 564 m2 au titre des années 2017 et 2018 et une surface pondérée de 6 595 m2 au titre des années 2019 et suivantes ;

- l'administration a rectifié la surface pondérée déclarée en violation des droits de la défense dès lors qu'elle ne l'a pas mise à même de présenter ses observations sur ce rehaussement de la base d'imposition ;

- la pondération des surfaces taxables opérée par le service est erronée ;

- ses propres calculs conduisent à des cotisations de taxe d'habitation de 30 156 euros au titre de l'année 2017, de 32 445 euros au titre de l'année 2018, de 35 361 euros au titre de l'année 2019 et de 37 915 euros au titre de l'année 2020.

Par des mémoires en défense enregistrés les 14 décembre 2021 et 8 septembre 2022, le directeur départemental des finances publiques de Meurthe-et-Moselle conclut au non-lieu à statuer à concurrence des dégrèvements prononcés en cours d'instance et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il fait valoir que :

- des dégrèvements d'un montant de 4 097 euros, 12 068 euros et 11 799 euros ont été prononcés par décision du 8 septembre 2022 s'agissant de la taxe d'habitation due au titre respectivement des années 2018, 2019 et 2020 ;

- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 10 août 2021 et un mémoire en réplique enregistré le 8 mars 2022, la Fondation Saint-Charles demande au tribunal, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article 34 de la loi du 29 décembre 2010, reprises à l'article 1498 du code général des impôts.

Elle soutient que :

- ces dispositions, applicables au litige et qui n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution, sont entachées d'une méconnaissance par le législateur de l'étendue de la compétence qu'il tient de l'article 34 de la Constitution, d'une manière qui porte atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques ;

- l'absence de prise en compte des modalités d'exploitation des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes et de leurs spécificités entraîne une violation du principe d'égalité devant l'impôt tant au titre du principe d'égalité devant la loi fiscale garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen qu'au titre du principe d'égalité devant les charges publiques garanti par l'article 13 de cette même Déclaration.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 septembre 2021, le directeur départemental des finances publiques de Meurthe-et-Moselle demande au tribunal de ne pas transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la Fondation Saint-Charles.

Il fait valoir que les conditions de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité ne sont pas remplies dès lors que la question posée ne présente pas de caractère sérieux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et le premier protocole additionnel à cette convention ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010, notamment son article 34 ;

- le décret n° 2011-1267 du 10 octobre 2011 ;

- le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné M. Coudert, vice-président, en application de l'article R. 222-13 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coudert, magistrat désigné,

- les conclusions de Mme Guidi, rapporteure publique,

- et les observations de Me Martin, représentant la Fondation Saint-Charles.

Une note en délibérée présentée pour la Fondation Saint-Charles a été enregistrée le 4 juillet 2023 et n'a pas été communiquée.

Considérant ce qui suit :

1. La Fondation Saint-Charles, reconnue d'utilité publique, est propriétaire d'un ensemble immobilier sis 12-14 rue Chanoine A à Nancy, au sein duquel elle exploite l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Saint-Rémy, à raison duquel elle a été assujettie à la taxe d'habitation au titre des années 2018 à 2020. Par la présente requête, elle demande la réduction des cotisations de taxe d'habitation ainsi mises à sa charge dans les rôles de la commune de Nancy (Meurthe-et-Moselle).

Sur l'étendue du litige :

2. Par décision en date du 8 septembre 2022, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur départemental des finances publiques de Meurthe-et-Moselle a prononcé le dégrèvement, à concurrence des sommes de 4 097 euros, 12 068 euros et 11 799 euros, des cotisations de taxe d'habitation auxquelles la Fondation Saint-Charles a été assujettie au titre respectivement des années 2018, 2019 et 2020 dans les rôles de la commune de Nancy. Les conclusions de la requête relatives à ces impositions sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

Sur les conclusions aux fins de réduction des impositions en litige en tant qu'elles résultent de la révision de la valeur locative des locaux en litige :

3. Aux termes de l'article 1498 du code général des impôts, issu de l'article 30 de la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017 et applicable à compter du 1er janvier 2018 : " I. - La valeur locative de chaque propriété bâtie ou fraction de propriété bâtie, autres que les locaux mentionnés au I de l'article 1496, que les établissements industriels mentionnés à l'article 1499 et que les locaux dont la valeur locative est déterminée dans les conditions particulières prévues à l'article 1501, est déterminée selon les modalités prévues aux II ou III du présent article. / Les propriétés mentionnées au premier alinéa sont classées dans des sous-groupes, définis en fonction de leur nature et de leur destination. A l'intérieur d'un sous-groupe, elles sont classées par catégories, en fonction de leur utilisation, de leurs caractéristiques physiques, de leur situation et de leur consistance. Les sous-groupes et catégories de locaux sont déterminés par décret en Conseil d'Etat. / II. - A. - La valeur locative de chaque propriété bâtie ou fraction de propriété bâtie mentionnée au I est déterminée en fonction de l'état du marché locatif à la date de référence du 1er janvier 2013, sous réserve de la mise à jour prévue au III de l'article 1518 ter. / Elle est obtenue par application d'un tarif par mètre carré déterminé conformément au 2 du B du présent II à la surface pondérée du local définie au C du présent II. / B. - 1. Il est constitué, dans chaque département, un ou plusieurs secteurs d'évaluation qui regroupent les communes ou sections cadastrales de communes qui, dans le département, présentent un marché locatif homogène. / () 2. Les tarifs par mètre carré sont déterminés sur la base des loyers moyens constatés dans chaque secteur d'évaluation par catégorie de propriétés. / () / C. - La surface pondérée d'un local est obtenue à partir de la superficie de ses différentes parties, réduite, le cas échéant, au moyen de coefficients fixés par décret, pour tenir compte de leur utilisation et de leurs caractéristiques physiques respectives ". Aux termes de l'article 1er du décret du 10 octobre 2011 fixant les sous-groupes et catégories de locaux professionnels en vue de l'évaluation de leur valeur locative, dont les dispositions sont aujourd'hui codifiées à l'article 310 Q de l'annexe II au code général des impôts : " Pour l'application du second alinéa du II de l'article 34 de la loi du 29 décembre 2010 susvisée, les propriétés bâties mentionnées au I de cet article sont classées selon les sous-groupes et catégories suivants : / () Sous-groupe VIII : cliniques et établissements du secteur sanitaire et social : / Catégorie 1 : cliniques et établissements hospitaliers. / Catégorie 2 : centres médico-sociaux, centres de soins, crèches, haltes-garderies. / Catégorie 3 : maisons de repos, maisons de retraite (médicalisées ou non). / Catégorie 4 : centres de rééducation, de thalassothérapie, établissements thermaux. / () ".

En ce qui concerne la question prioritaire de constitutionnalité :

4. Il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, que le tribunal administratif, saisi d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, présenté dans un mémoire distinct et motivé, statue par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question présente un caractère sérieux.

5. La Fondation Saint-Charles soutient qu'en adoptant l'article 34 de la loi du 29 décembre 2010 visée ci-dessus, dont les dispositions ont été transposées à l'article 1498 du code général des impôts, le législateur aurait méconnu l'étendue de sa compétence d'une manière telle qu'il serait porté atteinte au principe d'égalité devant la loi fiscale, garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, et au principe d'égalité devant les charges publiques garanti par l'article 13 de cette même Déclaration. A cet égard la fondation requérante soutient que le législateur ne pouvait se borner à renvoyer au pouvoir réglementaire le soin de déterminer les sous-groupes et catégories de locaux sans prévoir notamment que cette détermination devrait nécessairement tenir compte des conditions spécifiques d'exploitation des locaux professionnels et, partant, du caractère lucratif ou non-lucratif de cette exploitation.

6. Toutefois, d'une part, la méconnaissance par le législateur de l'étendue de sa compétence dans la détermination de l'assiette ou du taux d'une imposition n'affecte par elle-même aucun droit ou liberté que la Constitution garantit. D'autre part, et en tout état de cause, le législateur, en indiquant que les sous-groupes de locaux devaient être définis en fonction de leur nature et de leur destination et que les catégories devaient l'être en fonction de leur utilisation, de leurs caractéristiques physiques, de leur situation et de leur consistance, a suffisamment précisé les critères devant être pris en compte par le pouvoir réglementaire pour procéder au classement des propriétés visées à l'article 1498 du code général des impôts.

7. Il s'ensuit que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la Fondation Saint-Charles est dépourvue de caractère sérieux et que les conclusions tendant à la transmission de cette question prioritaire de constitutionnalité doivent être rejetées.

En ce qui concerne l'inconventionalité des dispositions en litige :

8. La Fondation Saint-Charles soutient que les conditions et les modalités de révision des valeurs locatives des locaux professionnels prévues par la loi de finances rectificative pour 2010 sont contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. Aux termes de l'article premier du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ". Aux termes de l'article 14 de la même convention : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ".

10. Une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue ou la non-application d'un traitement différencié à des personnes se trouvant dans des situations sensiblement différentes, est discriminatoire, au sens des stipulations de l'article 14 de la convention, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi.

11. La Fondation Saint-Charles soutient en l'espèce qu'en ne prévoyant pas, dans le sous-groupe " cliniques et établissements du secteur sanitaire et social ", des catégories distinctes pour les EHPAD lucratifs et les EHPAD non-lucratifs et en les soumettant ainsi aux mêmes modalités de détermination de la valeur locative des locaux qu'ils utilisent, le pouvoir réglementaire aurait porté atteinte à ses biens ainsi qu'au principe de non-discrimination. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que les établissements lucratifs et les établissements non-lucratifs seraient, au regard à l'imposition en litige, qui est due à raison de la seule disposition de biens immobiliers imposables, et alors même qu'elle est assise sur la valeur locative déterminée fonction de l'état du marché locatif, dans une différence de situation telle que le pouvoir réglementaire, en ne prévoyant pas à l'article 1er du décret du 10 octobre 2011 un traitement différent entre les EHPAD lucratifs et les EHPAD non-lucratifs, puisse être regardé comme ayant ainsi introduit une discrimination prohibée par les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. A cet égard, est sans incidence sur cette appréciation la circonstance que le pouvoir réglementaire a, s'agissant du sous-groupe VII relatif aux établissements d'enseignement, distingué les établissements lucratifs des établissements non-lucratifs, la requérante se trouvant dans une situation différente des établissements rattachés à ce sous-groupe.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la Fondation Saint-Charles n'est pas fondée à demander la décharge des cotisations de taxe d'habitation auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2018 à 2020 dans les rôles de la commune de Nancy à concurrence du montant résultant de la révision des valeurs locatives issues de la loi du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010.

Sur les conclusions aux fins de réduction des impositions en litige en tant qu'elles résultent de la détermination de la surface pondérée des locaux en litige :

13. Aux termes de l'article 324 Z de l'annexe III au code général des impôts : " Pour l'application du C du II de l'article 1498 du code général des impôts, la surface pondérée d'un local est la somme, le cas échéant arrondie au mètre carré inférieur, des superficies de ses différentes parties, affectées, le cas échéant, du coefficient mentionné au troisième alinéa. / La superficie des différentes parties d'un local, y compris celle des dégagements et sanitaires, est la superficie réelle, mesurée au sol, entre murs ou séparations et arrondie au mètre carré inférieur. / Lorsque l'une de ces parties a une valeur d'utilisation réduite par rapport à l'affectation principale du local, la superficie de cette partie est réduite par application d'un coefficient fixé à 0,5 lorsque cette partie est couverte et à 0,2 dans le cas contraire ".

14. Il résulte de la déclaration N° 6660-REV souscrite par la Fondation Saint-Charles que cette dernière a fixé à 9 306 m2 la surface totale non pondérée du local en litige, cette surface ayant été réduite à 9 277 m2 à compter du 1er janvier 2019 en raison de la transformation d'un grenier de 152 m2 en une salle d'activité sportives de 123 m2. Contrairement à ce que soutient la Fondation Saint-Charles, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration aurait remis en cause la surface non pondérée ainsi déclarée, le service s'étant borné à diminuer la surface ainsi déclarée en procédant à la correction d'une erreur tenant à la prise en compte à deux reprises d'une superficie de 346 m2 de stationnement couvert. Le service a, en revanche, procédé, pour certaines parties des locaux, à une modification du coefficient de pondération initialement retenu par la requérante.

15. En premier lieu, lorsqu'une imposition est assise sur la base d'éléments qui doivent être déclarés par le redevable, l'administration ne peut établir, à la charge de celui-ci, des droits excédant le montant de ceux qui résulteraient des éléments qu'il a déclarés qu'après l'avoir, conformément au principe général des droits de la défense, mis à même de présenter ses observations, notamment lorsque l'administration procède, en application de l'article 1508 du code général des impôts, au redressement des bases d'imposition d'un contribuable pour insuffisance d'évaluation résultant du défaut ou de l'inexactitude des déclarations des propriétés bâties prévues aux articles 1406 et 1502 du même code. Toutefois, l'administration n'est pas tenue de mettre le contribuable à même de présenter des observations lorsqu'elle procède, sans modifier les éléments déclarés par le contribuable, à une nouvelle évaluation des locaux en cause.

16. En l'espèce, il résulte de ce qui a été dit précédemment que l'administration n'a pas modifié les éléments déclarés par la Fondation Saint-Charles quant à la consistance des locaux à évaluer mais s'est bornée à modifier le coefficient de pondération prévu par les dispositions de l'article 324 Z de l'annexe III au code général des impôts pour certaines parties de locaux aux fins de détermination de la valeur locative. En outre, dès lors que la surface pondérée totale des locaux en cause a été déterminée aux fins de mise en œuvre, à compter de l'année 2018, des dispositions de l'article 1498 du code général des impôts, l'administration n'a pas procédé, en l'espèce, à un rehaussement des bases d'imposition ayant servi d'assiette à une imposition antérieure. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en ne la mettant pas à même de présenter ses observations, le service aurait entaché d'irrégularité la procédure d'imposition.

17. En deuxième lieu, si la requérante soutient que la valeur locative 1970 revalorisée selon l'ancienne méthode pour 2017 calculée par l'administration fiscale faisait fortement augmenter sa base d'imposition à la taxe d'habitation en raison du mécanisme du " planchonnement ", il résulte de l'instruction que l'administration a procédé en cours d'instance à un nouveau calcul de sa base d'imposition et a prononcé, ainsi qu'il a été dit au point 2 du présent jugement, les dégrèvements en résultant pour l'ensemble des années en litige. La critique de la requérante sur ce point, en l'absence de contestation du montant des dégrèvements prononcés en cours d'instance, est donc sans portée sur les impositions restant en litige.

18. En troisième lieu, la Fondation Saint-Charles soutient que c'est à tort que l'administration a remis en cause l'application du coefficient de 0,5, prévu par les dispositions précitées de l'annexe III au code général des impôts pour les parties d'un local ayant une valeur d'utilisation réduite par rapport à l'affectation principale, qu'elle avait mentionnée dans sa déclaration N° 6660-REV. Il résulte de l'instruction que la Fondation avait estimé à 3 188 m2 la surface des parties des locaux relevant de la catégorie " P2 - Surface des parties secondaires couvertes " alors que l'administration a retenu à ce titre une surface de 522 m2. A cet égard l'administration a notamment estimé que relevaient de la catégorie " P1 " une partie des surfaces rattachées par la Fondation aux " Lingerie, buanderie, garages, greniers, caves, chaufferie, locaux techniques ". Eu égard à l'activité d'hébergement de personnes âgées dépendantes exercée dans les locaux en litige, la requérante est fondée à soutenir que l'ensemble des surfaces mentionnées à ce titre relevait de la catégorie " P2 " devant faire l'objet de la pondération de 0,5 prévue par l'article 324 Z de l'annexe III au code général des impôts. La surface de 142 m2 retenue à ce titre par l'administration devra ainsi être portée à 657 m2, après déduction d'une surface de 39,84 m2 de garage au sous-sol de l'aile Saint-Clément qui relève des " espaces de stationnement couvert " et qui a été prise en compte par le service. Il conviendra d'ajouter à ces 657 m2 les surfaces de grenier et locaux insalubres retenus par le service au titre de l'année 2018 pour une surface totale de 380 m2, soit une surface totale pour la catégorie " P2 " de 1 037 m2. S'agissant des années 2019 et 2020, en raison de la transformation d'un grenier en une salle d'activités sportives, les surfaces de locaux insalubres ont été fixés par le service à 228 m2 et la surface totale pour la catégorie " P2 " doit ainsi être fixée à 885 m2. En revanche, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration ait fait une inexacte application des dispositions de l'article 324 Z de l'annexe III au code général des impôts en estimant que les surfaces rattachées par la Fondation Saint-Charles aux " Toilettes et sanitaires communs, couloirs, dégagements, vestiaires, foyer, salle d'activités, bibliothèque, chapelle, sacristie, cuisine collective " relevait de la catégorie " P1-Surfaces des parties principales ".

19. Il résulte de ce qui précède que la Fondation Saint-Charles est fondée à demander, au titre de l'année 2018, que la surface brute des locaux " P1 " soit ramenée à 7 027 m2 et que la surface brute des locaux " P2 " soit portée à 1037 m2, soit une surface pondérée de 518 m2, et que la surface pondérée totale des locaux en litige soit fixée, en tenant compte des surfaces pondérées des espaces de stationnement non contestées, à 7 867 m2. Au titre des années 2019 et 2020, la Fondation Saint-Charles est fondée à demander que la surface brute des locaux " P1 " soit ramenée à 7 150 m2 et que la surface brute des locaux " P2 " soit portée à 885 m2, soit une surface pondérée de 442 m2, et que la surface pondérée totale des locaux en litige soit fixée, en tenant compte des surfaces pondérées des espaces de stationnement non contestées, à 7 914 m2.

20. Il résulte de tout ce qui précède que la Fondation Saint-Charles est seulement fondée à demander la réduction des cotisations de taxe d'habitation auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2018 à 2020 dans les rôles de la commune de Nancy à concurrence de la différence entre les montants mis à sa charge et ceux résultant de la prise en compte des diminutions de surface pondérée fixées au point 19 du présent jugement.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

21. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la Fondation Saint-Charles et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la Fondation Saint-Charles.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la Fondation Saint-Charles, à concurrence des sommes de 4 097 euros, 12 068 euros et 11 799 euros, en ce qui concerne les cotisations de taxe d'habitation auxquelles elle a été assujettie au titre respectivement des années 2018, 2019 et 2020 dans les rôles de la commune de Nancy.

Article 3 : Les cotisations de taxe d'habitation auxquelles la Fondation Saint-Charles a été assujettie au titre des années 2018 à 2020 à raison des locaux sis 12-14 rue Chanoine A à Nancy sont réduites à concurrence de la différence entre les montants mis à sa charge et ceux résultant de la prise en compte des diminutions de surface pondérée fixées au point 19 du présent jugement.

Article 4 : L'Etat versera à la Fondation Saint-Charles une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la Fondation Saint-Charles est rejeté.

Article 6 : Le présent jugement sera notifié à la Fondation Saint-Charles et au directeur départemental des finances publiques de Meurthe-et-Moselle.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juillet 2023.

Le magistrat désigné,

B. Coudert

Le greffier,

F. Richard

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Code publication

C