Tribunal administratif d'Orléans

Jugement du 11 juillet 2023 n° 2104626

11/07/2023

Non renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 24 décembre 2021 et régularisée le 12 janvier 2022, M. C A, représenté par Me Mongis, demande au tribunal :

1°) d'annuler la décision du 27 octobre 2021 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé Centre-Val de Loire lui a notifié, compte tenu de l'absence de présentation des justificatifs requis en application des dispositions de la loi n° 2021-1040 du

5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire, une interdiction d'exercice valant suspension automatique de son activité professionnelle depuis le 15 septembre 2021 ;

2°) de mettre à la charge de l'agence régionale de santé Centre-Val de Loire le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision attaquée a été prise par une autorité incompétente ;

- elle viole le principe de non-rétroactivité des actes administratifs puisque n'ayant pas été mis en situation de transmettre les documents avant le 15 septembre 2021, il ne pouvait se voir interdit d'exercice professionnel de manière rétroactive, plus d'un mois après l'entrée en vigueur de l'obligation vaccinale ;

- la décision contestée, au même titre que la sanction organisée par la loi du 5 août 2021 à l'égard des professionnels de santé libéraux, présente un caractère disproportionné, l'objectif poursuivi de protection de la santé publique ne suffisant pas à justifier l'atteinte portée à la liberté fondamentale que constitue le droit de disposer de son corps ni les risques résultant de la vaccination au regard de la situation épidémiologique ;

- la sanction d'interdiction d'exercice valant suspension automatique d'activité professionnelle est une sanction disproportionnée dès lors qu'elle n'autorise aucune alternative non-susceptible de participer à la propagation du Covid-19 de poursuite de l'activité professionnelle ;

- la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article L. 1111-4 du code de la santé publique en ce qu'il n'a pas donné son consentement libre et éclairé au traitement médical obligatoire qui lui est imposé ;

- elle méconnaît son droit au respect de sa vie privée garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît son droit au travail protégé par l'alinéa 5 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.

Par un mémoire distinct, enregistré le 27 janvier 2022, M. A demande au tribunal administratif, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles 12-I et II, 13 et 14-I-B de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021.

Il soutient que :

- les dispositions contestées sont applicables au litige et l'examen de leur conformité à la Constitution présente un caractère nouveau ;

- les dispositions contestées portent atteinte aux principes d'égalité, de respect de la dignité de la personne humaine, d'inviolabilité du corps humain, de respect de la vie privée, ainsi qu'à la liberté de conscience et au droit à l'emploi.

Par un mémoire, enregistré le 9 février 2022, l'agence régionale de santé (ARS) Centre-Val de Loire conclut à la non-transmission de la question prioritaire de constitutionnalité.

L'ARS soutient que la question posée par M. A ne présente pas de caractère sérieux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2022, l'agence régionale de santé (ARS) Centre-Val de Loire conclut au rejet de la requête.

L'ARS soutient que les moyens invoqués par M. A ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;

- le décret n° 2021-1059 du 7 août 2021 ;

- le décret n° 2021-1215 du 22 septembre 2021 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Viéville,

- et les conclusions de Mme Palis De Koninck, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C A est chirurgien-dentiste libéral exerçant à Mont-Près-Chambord. Par une décision du 27 octobre 2021, le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) Centre-Val de Loire lui a notifié, compte tenu de l'absence de présentation des justificatifs requis en application des dispositions de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire, une interdiction d'exercice valant suspension automatique de son activité professionnelle à caractère médical depuis le 15 septembre 2021. M. A sollicite, par la requête ci-dessus analysée, l'annulation de cette décision.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et

23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, que le tribunal administratif, saisi d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux.

3. M. A soutient que les dispositions des articles 12, 13 et 14 de la loi n° 2021-1040 sont contraires aux principes d'égalité, d'inviolabilité du corps humain, de sauvegarde de la dignité humaine contre toute forme d'asservissement et de dégradation, ainsi qu'au respect de la vie privée et de la liberté de conscience et au droit à l'emploi.

4. Toutefois, par une décision n° 457879 du 28 janvier 2022, le Conseil d'Etat a rejeté la demande de transmission au Conseil constitutionnel d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur ces mêmes dispositions. Il a été retenu, d'une part, que la question prioritaire de constitutionnalité, en ce qu'elle met en cause l'article 14 de la loi n° 2021-1040 est dépourvue de caractère sérieux quant à l'atteinte au droit à l'emploi garanti par l'alinéa 5 du préambule de la Constitution de 1946 et, d'autre part, que les dispositions de l'article 12 de cette même loi sont justifiées par une exigence de santé publique et ne portent pas atteinte au principe d'égalité, à l'exigence constitutionnelle de protection de la santé garantie par le Préambule de la Constitution de 1946, à l'inviolabilité du corps humain et au principe constitutionnel de respect de la dignité de la personne humaine.

5. Par ailleurs, les dispositions de l'article 13 de la loi n° 2021-1040 ne font que préciser les conditions d'application de l'obligation vaccinale prévue par l'article 12 de cette même loi.

6. Enfin, s'agissant de l'atteinte à la liberté de conscience, le principe posé par les dispositions du cinquième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel se réfère la Constitution du 4 octobre 1958, aux termes desquelles : " () Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances " découle du principe d'égalité. Or, le principe d'égalité garanti par les dispositions constitutionnelles précitées ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il y soit dérogé pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. En admettant même que l'abstention du requérant de se faire vacciner soit motivée par une opinion ou une croyance, l'interdiction d'exercer critiquée, qui résulte de la situation de contact avec les patients, qui plus est dans des conditions facilitant la contamination, est en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'institue, à savoir la protection de la santé, ainsi qu'il a été dit plus haut. Par ailleurs, et en tout état de cause, si l'autorisation de mise sur le marché délivrée aux vaccins est conditionnelle, il ne s'ensuit pas pour autant que la vaccination obligatoire aurait le caractère d'une expérimentation médicale ou d'un essai clinique, lesquels au surplus obéissent à d'autres fins. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée méconnaîtrait la liberté de conscience ne peut qu'être écarté dans toutes ses branches.

7. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil d'Etat pour transmission au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

8. En premier lieu, la décision attaquée a été prise par le docteur B, directeur général adjoint. Par une décision du 15 octobre 2021, le directeur de l'ARS Centre-Val de Loire a délégué sa signature au docteur B pour signer tous actes et décisions relatifs à l'exercice des missions du directeur général de l'ARS Centre-Val de Loire telles que fixées à l'article L. 1432-2 du code de la santé publique. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision contestée manque en fait et doit être écarté.

9. En deuxième lieu, aux termes du I de l'article 12 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire : " I- Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la covid-19 : () / 2° Les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du code de la santé publique, lorsqu'ils ne relèvent pas du 1° du présent I ; ".

10. Aux termes de l'article 13 de cette même loi : " I. - Les personnes mentionnées au I de l'article 12 établissent : / 1° Satisfaire à l'obligation de vaccination en présentant le certificat de statut vaccinal prévu au second alinéa du II du même article 12. / Par dérogation au premier alinéa du présent 1°, peut être présenté, pour sa durée de validité, le certificat de rétablissement prévu au second alinéa du II de l'article 12. Avant la fin de validité de ce certificat, les personnes concernées présentent le justificatif prévu au premier alinéa du présent 1°. / () 2° Ne pas être soumises à cette obligation en présentant un certificat médical de contre-indication. Ce certificat peut, le cas échéant, comprendre une date de validité. II. - Les personnes mentionnées au I de l'article 12 justifient avoir satisfait à l'obligation prévue au même I ou ne pas y être soumises auprès de leur employeur lorsqu'elles sont salariées ou agents publics. Pour les autres personnes concernées, les agences régionales de santé compétentes accèdent aux données relatives au statut vaccinal de ces mêmes personnes, avec le concours des organismes locaux d'assurance maladie. En cas d'absence du certificat de statut vaccinal mentionné au I du présent article, les personnes mentionnées au deuxième alinéa du présent II adressent à l'agence régionale de santé compétente le certificat de rétablissement ou le certificat médical de contre-indication prévus au I. () III. - Le certificat médical de contre-indication mentionné au 2° du I du présent article peut être contrôlé par le médecin conseil de l'organisme d'assurance maladie auquel est rattachée la personne concernée. Ce contrôle prend en compte les antécédents médicaux de la personne et l'évolution de sa situation médicale et du motif de contre-indication, au regard des recommandations formulées par les autorités sanitaires. () V. - Les employeurs sont chargés de contrôler le respect de l'obligation prévue au I de l'article 12 par les personnes placées sous leur responsabilité. Les agences régionales de santé compétentes sont chargées de contrôler le respect de cette même obligation par les autres personnes concernées. ".

11. Et aux termes du I de l'article 14 de la même loi : " B. - A compter du

15 septembre 2021, les personnes mentionnées au I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12. Par dérogation au premier alinéa du présent B, à compter du

15 septembre 2021 et jusqu'au 15 octobre 2021 inclus, sont autorisées à exercer leur activité les personnes mentionnées au I de l'article 12 qui, dans le cadre d'un schéma vaccinal comprenant plusieurs doses, justifient de l'administration d'au moins une des doses requises par le décret mentionné au II du même article 12, sous réserve de présenter le résultat, pour sa durée de validité, de l'examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19 prévu par le même décret. () ".

12. La mesure d'interdiction d'exercice valant suspension automatique d'activité que l'ARS met en œuvre lorsqu'elle constate que le professionnel de santé concerné ne peut plus exercer son activité en application du I de l'article 14 de la loi du 5 août 2021, s'analyse comme une mesure de gestion prise dans l'intérêt de la santé publique et destinée à lutter contre la propagation de l'épidémie de Covid-19 dans un objectif de maîtrise de la situation sanitaire, et n'a pas vocation à sanctionner un éventuel manquement ou agissement fautif commis par ce professionnel. Par suite, lorsque l'autorité administrative prononce une telle interdiction d'exercice à l'égard d'un professionnel de santé qui ne satisfait pas à cette obligation, elle ne prononce pas une sanction mais se borne à constater que le professionnel ne remplit plus les conditions légales pour exercer son activité.

13. En troisième lieu, M. A soutient que la décision attaquée est disproportionnée au regard de l'objectif de protection de la santé publique poursuivi dès lors qu'elle ne permet pas la continuité de son activité professionnelle sous une autre forme non-susceptible de participer à la propagation du Covid-19. Toutefois, en adoptant, pour les professionnels de santé soumis au livre IV du code de la santé publique, le principe d'une obligation vaccinale à compter du 15 septembre 2021, le législateur a entendu, dans un contexte de progression rapide de l'épidémie de Covid-19 accompagné de l'émergence de nouveaux variants et compte tenu d'un niveau encore incomplet de la couverture vaccinale de certains professionnels de santé, garantir le bon fonctionnement des services hospitaliers publics grâce à la protection offerte par les vaccins disponibles et protéger, par l'effet de la moindre transmission du virus par les personnes vaccinées, la santé des malades qui y étaient hospitalisés. Cette obligation vaccinale ne s'impose pas, en vertu de l'article 13 de la même loi du 5 août 2021, aux personnes qui présentent un certificat médical de contre-indication, ainsi que, pendant la durée de sa validité, aux personnes disposant d'un certificat de rétablissement. Par ailleurs, l'article 12 de cette loi donne compétence, en son IV, au pouvoir réglementaire, compte tenu de l'évolution de la situation épidémiologique et des connaissances médicales et scientifiques et après avis de la Haute autorité de santé, pour suspendre cette obligation pour tout ou partie des catégories de personnes qu'elle concerne. Enfin, la vaccination contre la Covid-19, dont l'efficacité au regard des objectifs assignés est établie en l'état des connaissances scientifiques, n'est susceptible de provoquer, sauf dans des cas très rares, que des effets indésirables mineurs et temporaires. S'il est constant que les vaccins contre la Covid-19 administrés en France n'ont fait l'objet que d'une autorisation de mise sur le marché conditionnelle de l'Agence européenne des médicaments, celle-ci procède à un contrôle strict des vaccins afin de garantir que ces derniers répondent aux normes européennes en matière de sécurité, d'efficacité et de qualité et soient fabriqués et contrôlés dans des installations agréées et certifiées, de sorte qu'ils ne sauraient être regardés comme des médicaments expérimentaux au sens de l'article L. 5121-1-1 du code de la santé publique.

14. Dans ces conditions, les dispositions de la loi du 5 août 2021 n'étant pas disproportionnée au regard de l'objectif qu'elles poursuivent, le législateur n'avait pas à rechercher si l'objectif aurait pu être atteint par d'autres voies. Dès lors, la décision attaquée, ayant pour fondement la loi du 5 août 2021, n'est pas disproportionnée au regard de l'objectif de protection de la santé publique qu'elle poursuit.

15. En quatrième lieu, si M. A soutient que l'ARS Centre-Val de Loire a, par sa décision, méconnu les dispositions de l'article L. 1111-4 du code de la santé publique selon lesquelles " Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne () ", il est constant qu'aucun traitement médical ne lui a été administré et, notamment, qu'il n'a pas été contraint de subir une injection de vaccin contre la Covid-19 mais seulement interdit d'exercer pour s'être soustrait à l'obligation vaccinale prévue par la loi. Par suite, le moyen est écarté.

16. En cinquième lieu, le droit à l'intégrité physique fait partie du droit au respect de la vie privée au sens de ces stipulations, telles que la Cour européenne des droits de l'homme les interprète. Une vaccination obligatoire constitue une ingérence dans ce droit, qui peut être admise si elle remplit les conditions du paragraphe 2 de l'article 8 et, notamment, si elle est justifiée par des considérations de santé publique et proportionnée à l'objectif poursuivi. Il doit ainsi exister un rapport suffisamment favorable entre, d'une part, la contrainte et le risque présentés par la vaccination pour chaque personne vaccinée et, d'autre part, le bénéfice qui en est attendu tant pour cet individu que pour la collectivité dans son entier, y compris ceux de ses membres qui ne peuvent être vaccinés en raison d'une contre-indication médicale, compte tenu à la fois de la gravité de la maladie, de son caractère plus ou moins contagieux, de l'efficacité du vaccin et des risques ou effets indésirables qu'il peut présenter.

17. M. A ne fait état d'aucun élément précis qui serait de nature à remettre en cause l'efficacité des vaccins contre la Covid-19 ou à attester de ses effets indésirables, ou même à démontrer que la vaccination ne serait pas nécessaire pour atteindre l'objectif de réduction des contaminations. Eu égard à la gravité de l'épidémie qu'a connu le territoire, et alors même qu'aucune dérogation personnelle à l'obligation de vaccination n'est prévue en dehors des cas de contre-indication, le champ de cette obligation ne saurait être regardé comme incohérent et disproportionné au regard de l'objectif de santé publique poursuivi. Le champ d'application de la vaccination obligatoire ne porte dès lors pas d'atteinte grave et manifestement illégale aux droits et libertés garantis par la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La circonstance que M. A a été interdit d'exercer son activité professionnelle jusqu'à la production de justificatifs, ne constitue ainsi pas une ingérence disproportionnée au regard du but poursuivi. Dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée porte une atteinte grave et manifestement illégale à son droit au respect de sa vie privée garanti par l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen doit être écarté.

18. En cinquième lieu, les dispositions de l'article 14 de la loi du 5 août 2021 prévoient pour les agents publics qui refusent de se soumettre en dehors des motifs prévus par la loi à l'obligation vaccinale, non pas la rupture de leur contrat de travail ou la cessation de leurs fonctions, mais la suspension du contrat de travail ou des fonctions exercées jusqu'à ce que l'agent produise les justificatifs requis. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient le requérant, la décision attaquée ne porte pas atteinte à son droit à l'emploi.

19. En sixième et dernier lieu, les décisions administratives ne peuvent légalement disposer que pour l'avenir. Il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée du 27 octobre 2021 a suspendu le requérant à compter du 15 septembre 2021 et prend ainsi effet à une date antérieure à sa notification. Il suit de là que le requérant est fondé à soutenir que la décision attaquée est illégale en ce qu'elle rétroagit sur la période allant du 15 septembre 2021 au 29 octobre 2021.

20. Il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est fondé à demander l'annulation de la décision du 27 octobre 2021 par laquelle le directeur de l'ARS Centre-Val de Loire a prononcé à son encontre une interdiction d'exercice valant suspension automatique d'activité professionnelle à caractère médical, qu'en tant que cette décision prend effet à une date antérieure à sa notification.

Sur les frais d'instance :

21. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La décision du 27 octobre 2021 portant interdiction d'exercice valant suspension automatique d'activité professionnelle à caractère médical de M. A est annulée en tant qu'elle rétroagit sur la période du 15 septembre 2021 au 29 octobre 2021.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. C A et à l'agence régionale de santé Centre-Val de Loire.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Rouault-Chalier, présidente,

M. Viéville, premier conseiller,

Mme Bernard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juillet 2023.

Le rapporteur,

Sébastien VIEVILLE

La présidente,

Patricia ROUAULT-CHALIER

La greffière,

Emilie DEPARDIEU

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Code publication

C