Tribunal administratif d'Orléans

Jugement du 11 juillet 2023 n° 2104078

11/07/2023

Non renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 12 novembre 2021 et un mémoire, enregistré le 26 juin 2023, Mme A D, représentée par Me Hequet, demande au tribunal :

1°) d'annuler la décision du 13 septembre 2021 par laquelle la directrice générale du centre hospitalier régional universitaire de Tours (CHRU) l'a suspendue de ses fonctions, sans rémunération, à compter du 15 septembre 2021 jusqu'à la production d'un justificatif de vaccination ou de contre-indication à la vaccination répondant aux conditions définies par le décret n° 2021-1059 du 7 août 2021 ;

2°) d'enjoindre au CHRU de Tours de la réintégrer dans le même service et sous les mêmes conditions statutaires au même poste qu'elle occupait à la date du 14 septembre 2021, et ce sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

3°) d'enjoindre au CHRU de Tours de lui payer l'intégralité de sa rémunération ainsi que de régulariser l'intégralité de ses droits salariaux tels que primes, congés payés, droits à la retraite, à compter du 15 septembre 2021 ;

4°) de condamner le CHRU de Tours au paiement, d'une part, de la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral pour l'anxiété qu'elle estime avoir subie depuis le 15 septembre 2021 et, d'autre part, de la somme de 5 000 euros au titre du préjudice lié à la discrimination qu'elle estime avoir subie pour motif de santé ;

5°) de mettre à la charge du CHRU de Tours le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle est en situation d'arrêt maladie depuis le 3 août 2021 ;

- la décision attaquée a été prise par une autorité incompétente ;

- à supposer que la décision litigieuse soit une sanction disciplinaire, elle est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle ne respecte pas les formalités exigées par le décret n° 89-822 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux agents publics hospitaliers ;

- la décision contestée, prise sur le fondement de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021, méconnaît la législation relative à l'expérimentation médicale impliquant la personne humaine, à savoir le recueil obligatoire de son consentement libre et éclairé, la délivrance d'une information écrite et orale préalable, son suivi médical ainsi que la protection de ses données personnelles et médicales prévue par les dispositions de l'article 7 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, la recommandation n° R(90)3 du comité des ministres du Conseil de l'Europe relative à la recherche médicale sur l'être humain et le règlement (CE) n° 536/2014 du 16 avril 2014 abrogeant la directive 2001/20/CE du 4 avril 2001 ;

- elle méconnaît la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme en matière de vaccination obligatoire (arrêts Salvetti du 9 juillet 2002 et Pretty du 29 avril 2002) ;

- elle méconnaît le principe du consentement libre et éclairé protégé par les principes du code de Nuremberg repris dans l'avis rendu en 1984 par le Comité consultatif national d'éthique, par le rapport du Conseil d'Etat sur les sciences de la vie, l'éthique et les droits en 1988 et par les dispositions des articles L. 1121-1, L. 1122-1 et L. 1124-1 du code de la santé publique ;

- les vaccins proposés en France étant en phase d'expérimentation et n'ayant fait l'objet que d'une autorisation conditionnelle de mise sur le marché ne peuvent s'adresser qu'à des volontaires donnant un consentement libre et éclairé ; il ne peut donc pas légalement lui être imposé une injection qui participe d'une étude expérimentale sauf à commettre une infraction prévue par l'article 2133-8 du code pénal ;

- elle est en droit de refuser la vaccination avec des produits expérimentaux dont la dangerosité est réelle et alors que le bénéfice-risque n'est nullement établi pour la catégorie de population à laquelle elle appartient ;

- l'obligation vaccinale méconnaît le principe de l'inviolabilité du corps humain couvert par le principe de la sauvegarde de la dignité de la personne élevé au rang des principes constitutionnels ainsi que par l'article 223-8 du code pénal ;

- elle est entachée d'une erreur de droit, d'une erreur de fait et d'une inexacte application des dispositions de la loi du 5 août 2021 qui ne peuvent s'appliquer à l'égard de produits expérimentaux en cours d'essais cliniques conformément à l'interdiction de la vaccination obligatoire avec des produits expérimentaux autorisés, résultant de la législation en matière d'expérimentation médicale ;

- l'administration a commis un détournement de pouvoir ;

- la suspension est intervenue alors qu'elle était en arrêt maladie de sorte que l'obligation vaccinale ne lui était pas applicable ;

- la décision étant illégale, le CHRU de Tours a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

- elle a subi un préjudice moral pour anxiété et discrimination pour motif de santé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 février 2023, le centre hospitalier régional universitaire de Tours (CHRU), représenté par Me Tertrais, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la requérante une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens de légalité externe sont inopérants dès lors qu'il était en situation de compétence liée pour prendre la décision attaquée ;

- il était compétent pour prendre la décision litigieuse ;

- la décision contestée n'étant pas une sanction disciplinaire, la procédure disciplinaire applicable aux agents publics relevant de la fonction publique hospitalière n'avait pas à être mise en œuvre ;

- les vaccins qui ont obtenu une autorisation conditionnelle de mise sur le marché ne peuvent pas être assimilés à des médicaments expérimentaux utilisés dans le cadre d'essais cliniques ;

- la décision contestée n'a pas violé l'ensemble des dispositions légales nationales et supranationales applicables à l'expérimentation médicale impliquant la personne humaine, ni commis une erreur d'appréciation ;

- le CHRU n'a pas commis de détournement de pouvoir.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

- le règlement (CE) n° 536/2014 du 16 avril 2014 ;

- la directive 2001/20/CE du 4 avril 2001 ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;

- le décret n° 2021-1059 du 7 août 2021 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Viéville,

- les conclusions de Mme Palis De Koninck, rapporteure publique,

- et les observations de Me Gobé, substituant Me Tertrais, représentant le centre hospitalier régional universitaire de Tours.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A D exerce les fonctions d'aide-soignante titulaire au sein du service radiologie TR du centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Tours. Par une décision du 13 septembre 2021, la directrice générale de cet établissement l'a suspendue de ses fonctions, sans rémunération, à compter du 15 septembre 2021 jusqu'à la production d'un justificatif de vaccination ou de contre-indication à la vaccination. Mme D sollicite, par la requête ci-dessus analysée, l'annulation de cette décision ainsi que la condamnation du CHRU à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de cette décision.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 12 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire : " I. - Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la covid-19 : / 1° Les personnes exerçant leur activité dans : / a) Les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique () ". Aux termes de l'article 13 de la même loi : " I. - Les personnes mentionnées au I de l'article 12 établissent : 1° Satisfaire à l'obligation de vaccination en présentant le certificat de statut vaccinal prévu au second alinéa du II du même article 12. / Par dérogation au premier alinéa du présent 1°, peut être présenté, pour sa durée de validité, le certificat de rétablissement prévu au second alinéa du II de l'article 12. Avant la fin de validité de ce certificat, les personnes concernées présentent le justificatif prévu au premier alinéa du présent 1°. () / II. - Les personnes mentionnées au I de l'article 12 justifient avoir satisfait à l'obligation prévue au même I ou ne pas y être soumises auprès de leur employeur lorsqu'elles sont salariées ou agents publics. () / IV. - Les employeurs et les agences régionales de santé peuvent conserver les résultats des vérifications de satisfaction à l'obligation vaccinale contre la covid-19 opérées en application du deuxième alinéa du II, jusqu'à la fin de l'obligation vaccinale. Les employeurs et les agences régionales de santé s'assurent de la conservation sécurisée de ces documents et, à la fin de l'obligation vaccinale, de la bonne destruction de ces derniers. V. - Les employeurs sont chargés de contrôler le respect de l'obligation prévue au I de l'article 12 par les personnes placées sous leur responsabilité. () ". Et aux termes de l'article 14 de cette loi : " () / B. - A compter du 15 septembre 2021, les personnes mentionnées au I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12. / () III. - Lorsque l'employeur constate qu'un agent public ne peut plus exercer son activité en application du I, il l'informe sans délai des conséquences qu'emporte cette interdiction d'exercer sur son emploi ainsi que des moyens de régulariser sa situation. L'agent public qui fait l'objet d'une interdiction d'exercer peut utiliser, avec l'accord de son employeur, des jours de congés payés. A défaut, il est suspendu de ses fonctions ou de son contrat de travail. / La suspension mentionnée au premier alinéa du présent III, qui s'accompagne de l'interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que l'agent public remplit les conditions nécessaires à l'exercice de son activité prévues au I. Elle ne peut être assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits acquis par l'agent public au titre de son ancienneté. Pendant cette suspension, l'agent public conserve le bénéfice des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles il a souscrit. () / V. - Lorsque l'employeur ou l'agence régionale de santé constate qu'un professionnel de santé ne peut plus exercer son activité en application du présent article depuis plus de trente jours, il en informe, le cas échéant, le conseil national de l'ordre dont il relève ".

3. En premier lieu, il résulte des dispositions précitées des articles 12 à 14 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire qu'il appartient aux établissements de soins de contrôler le respect de l'obligation vaccinale de leurs personnels soignants et agents publics et, le cas échéant, de prononcer une suspension de leurs fonctions jusqu'à ce qu'il soit mis fin au manquement constaté. L'appréciation selon laquelle les personnels ne remplissent pas les conditions posées par ces dispositions ne résulte pas d'un simple constat mais nécessite non seulement l'identification du cas, parmi ceux énumérés par le I de l'article 13, dans lequel se trouve l'agent, mais également l'examen de la régularité du justificatif produit au regard de ces dispositions et de celles des dispositions réglementaires prises pour leur application. Par suite, contrairement à ce que soutient le CHRU de Tours, l'administration n'était pas en situation de compétence liée pour prendre la mesure litigieuse.

4. En deuxième lieu, il ressort des termes de la loi du 5 août 2021 que les agents publics exerçant leurs fonctions dans des établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique qui n'ont pas engagé un schéma vaccinal à la date du 15 septembre 2021 ne peuvent plus exercer leur activité. Il ressort des mêmes dispositions qu'il revient à ces établissements de santé de contrôler le respect de l'obligation vaccinale par leurs agents publics. Par suite, ces dispositions donnent compétence aux établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique pour suspendre l'activité d'un agent public qui ne satisfait pas à l'obligation vaccinale édictée par la loi du 5 août 2021.

5. Si la requérante soutient que seules les dispositions des articles L. 3131-15, L. 3131-16 et L 3131-17 du code de la santé publique confèrent au premier ministre, au ministre de la santé et aux préfets, sur délégation, le pouvoir de suspendre de leurs fonctions les agents publics relevant de la fonction publique hospitalière en raison de la non-satisfaction à l'obligation vaccinale, ces dispositions ne confèrent toutefois un pouvoir de police administrative spéciale à ces autorités que s'agissant de l'édiction de mesures réglementaires. De même, les dispositions de l'article L. 3111-1 du code de la santé publique n'attribuent au ministre de la santé compétence qu'en ce qui concerne la définition de la politique de vaccination et ne l'habilitent pas, ce faisant, à prendre des mesures individuelles de suspension. Par suite, alors que la décision attaquée constitue une mesure individuelle, le moyen tiré de l'incompétence du CHRU de Tours ne peut être qu'être écarté.

6. Par ailleurs, par une décision du 15 juillet 2017, Mme E, directrice générale du CHRU de Tours, a délégué sa signature à M. C B, directeur des ressources humaines, aux fins de signer les actes de gestion du personnel relevant du titre IV du statut général de la fonction publique hospitalière y compris les assignations au travail ainsi que tous les actes de gestion administrative courant relevant de sa direction fonctionnelle à l'exception de décisions auxquelles n'appartient pas la décision attaquée. Le moyen tenant à l'incompétence du signataire de la décision attaquée est, par suite, écarté.

7. En troisième lieu, la requérante soutient que la décision attaquée a le caractère d'une sanction et a été édictée en méconnaissance des garanties disciplinaires prévues par le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux agents publics relevant de la fonction publique hospitalière. Cependant, la mesure de suspension sans rémunération que l'employeur met en œuvre lorsqu'il constate que l'agent public concerné ne peut plus exercer son activité en application du I de l'article 14 de la loi du 5 août 2021, s'analyse comme une mesure de gestion des agents publics prise dans l'intérêt de la santé publique destinée à lutter contre la propagation de l'épidémie de Covid-19 dans un objectif de maîtrise de la situation sanitaire, et n'a pas vocation à sanctionner un éventuel manquement ou agissement fautif commis par cet agent, qui demeure par ailleurs soumis aux dispositions relatives aux droits et obligations conférés aux agents publics. Par suite, lorsque l'autorité administrative suspend le contrat de travail d'un agent public qui ne satisfait pas à cette obligation et interrompt, en conséquence, le versement de son traitement, elle ne prononce pas une sanction mais se borne à constater que l'agent ne remplit plus les conditions légales pour exercer son activité. Le moyen est dès lors écarté.

8. En quatrième lieu, la requérante soutient que l'obligation vaccinale imposée par la loi du 5 août 2021, fondement de la décision litigieuse, méconnaît le principe du consentement libre et éclairé du patient indispensable en matière d'essai clinique garanti au niveau supranational par le règlement (CE) n° 536/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relatif aux essais cliniques de médicaments à usage humain, par la directive 2001/20/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 avril 2001, par les principes dégagés par l'arrêt Pretty du

29 avril 2002 de la Cour européenne des droits de l'homme ainsi que par les dispositions des articles L. 1121-1 à L. 1121-12 et L. 1124-1 du code de la santé publique et la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Elle ajoute que l'autorisation conditionnelle de mise sur le marché délivrée aux vaccins contre la Covid 19 ne dispensait en rien de l'obligation de donner une information claire et appropriée, d'obtenir l'accord des personnes et d'assurer le suivi médical de la personne concernée.

9. Les vaccins contre la Covid-19 autorisés en France ont fait l'objet d'une autorisation de mise sur le marché par l'Agence européenne du médicament, en considération d'un rapport bénéfice/risque positif. Si l'autorisation est conditionnelle, il ne s'ensuit pas pour autant que les vaccins auraient un caractère expérimental. En vertu du règlement (CE) n° 507/2006 de la Commission du 29 mars 2006 relatif à l'autorisation de mise sur le marché conditionnelle de médicaments à usage humain relevant du règlement (CE) n° 726/2004 du Parlement européen et du Conseil, celle-ci ne peut être accordée que si le rapport bénéfice/risque est positif. La vaccination contre la Covid-19, dont l'efficacité au regard des objectifs poursuivis est établie en l'état des connaissances scientifiques, n'est susceptible de provoquer, sauf dans des cas très rares, que des effets indésirables mineurs et temporaires. Il s'ensuit, contrairement à ce que soutient la requérante, que les vaccins mis sur le marché ne peuvent être regardés comme étant des médicaments expérimentaux utilisés dans le cadre d'un essai clinique imposant le consentement libre et éclairé du patient. Dès lors, les moyens tirés de la violation des stipulations et dispositions rappelées au point précédent, sont inopérants et doivent être écartés.

10. En cinquième lieu, la requérante soutient que la décision attaquée est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'aucune disposition de la loi du 5 août 2021 n'autorise la directrice générale du CHRU de Tours à prendre une mesure de police administrative sanitaire relevant exclusivement du pouvoir régalien de l'Etat, à procéder au contrôle de la situation de santé des personnes concernées, à détenir et conserver des données médicales et des données relevant de la vie privée d'un salarié, à exclure cette personne pour un motif tiré de sa situation privée ou de santé, à priver pour une durée indéterminée et indéterminable cette personne de son activité professionnelle et de toute rémunération et revenus et à placer cette personne sous contrainte pour qu'il se vaccine avec des produits expérimentaux dangereux et ce, par le biais d'une mesure de suspension. Cependant, et ainsi qu'il a été rappelé au point 2, les dispositions combinées des articles 13 II et 14 habilitent les établissements de santé à accéder aux données relatives au statut vaccinal, à conserver les résultats des vérifications de satisfaction à l'obligation vaccinale contre la Covid-19, à contrôler le respect de cette même obligation et à suspendre le cas échéant l'activité des agents publics qui n'y satisfont pas. Par ailleurs, et ainsi qu'il a également été dit, les vaccins ne sont pas des médicaments expérimentaux au sens de l'article L. 5121-1-1 du code de la santé publique. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la requérante aurait présenté au CHRU de Tours un certificat de statut vaccinal ou un justificatif de l'administration de doses de vaccin, un certificat de rétablissement en cours de validité ou un certificat médical de contre-indication à la vaccination contre la Covid-19. Par suite, en prenant la décision attaquée, le CHRU de Tours n'a pas entaché sa décision d'une erreur de droit, d'une erreur de fait, ni commis une erreur d'appréciation. Le moyen doit dès lors être écarté.

11. En sixième lieu, aux termes de l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. ". Si la requérante soutient que la loi du 5 août 2021 méconnaît le principe constitutionnel de séparation des pouvoirs ainsi que le principe de l'inviolabilité du corps humain couvert par le principe de la sauvegarde de la dignité de la personne élevé au rang de principes constitutionnels, ces moyens ne sont pas présentés dans un écrit distinct et ne sont pas motivés contrairement aux exigences des dispositions précitées. Par suite, à les supposer posées, ces questions prioritaires de constitutionnalité ne peuvent en tout état de cause qu'être rejetées.

12. En septième lieu, la requérante fait valoir que l'obligation vaccinale posée par les dispositions de la loi du 5 août 2021 méconnaît les dispositions de l'article 223-8 du code pénal. Cependant, elle ne peut invoquer la contrariété de cette loi à des dispositions qui n'ont pas un rang inférieur au sien dans la hiérarchie des normes, dès lors qu'il n'appartient pas au juge administratif de contrôler la conformité des dispositions législatives entre elles ni de se prononcer sur l'opportunité de leur contenu.

13. En huitième lieu, aux termes de l'article 41 de la loi visée ci-dessus du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Le fonctionnaire en activité a droit : () 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 42. () ". Il résulte de ces dispositions, combinées avec celles du I de l'article 12 de la loi du 5 août 2021 et du III de l'article 14 de cette même loi, citées aux points 10 et 12 du présent jugement, que si le directeur d'un établissement public de santé peut légalement prendre une mesure de suspension à l'égard d'un agent qui ne satisfait pas à l'obligation vaccinale contre la Covid-19 alors que cet agent est déjà en congé de maladie, cette mesure et la suspension de traitement qui lui est associée ne peuvent toutefois entrer en vigueur qu'à compter de la date à laquelle prend fin le congé de maladie de l'agent en question.

14. En l'espèce, Mme D soutient qu'elle est en arrêt maladie depuis le 3 août 2021 soit dès avant la publication de la loi du 5 août 2021, ainsi qu'elle a pu le rappeler à sa hiérarchie dans une lettre du 21 janvier 2022. Cependant, et alors au demeurant qu'elle n'a invoqué pour la première fois cette situation que dans un mémoire enregistré le 26 juin 2023, elle ne justifie pas par les pièces qu'elle produit de la réalité des arrêts de travail dont elle fait état ni de leur durée. Le moyen est dès lors écarté.

15. En dernier lieu, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.

16. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de la décision du 13 septembre 2021 de la directrice générale du CHRU de Tours doivent être rejetées.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

17. Le présent jugement qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme D n'implique aucune mesure d'exécution particulière. Les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte sont par conséquent rejetées.

Sur les conclusions indemnitaires :

18. Mme D demande au tribunal l'indemnisation des préjudices qu'elle soutient avoir subis du fait de l'illégalité de la décision attaquée. Dès lors que le présent jugement rejette les conclusions à fin d'annulation, les conclusions indemnitaires fondées sur l'illégalité de cette décision ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais de justice :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CHRU de Tours, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la requérante demande au titre des frais de justice. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du CHRU de Tours tendant à l'application des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme D est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier régional universitaire de Tours tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme A D et au centre hospitalier régional universitaire de Tours.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Rouault-Chalier, présidente,

M. Viéville, premier conseiller,

M. Nehring, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juillet 2023.

Le rapporteur,

Sébastien VIEVILLE

La présidente,

Patricia ROUAULT-CHALIER

La greffière,

Emilie DEPARDIEU

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°2104078