Tribunal administratif d'Amiens

Jugement du 7 juillet 2023 n° 2102542

07/07/2023

Irrecevabilité

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 21 juillet 2021 et 14 avril 2022, M. B D et Mme A C épouse D, représentés par Me Vignon, demandent au tribunal :

1°) de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2016 et 2017';

2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1'500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le service a méconnu les dispositions de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales dès lors que le contrôle a duré près de deux ans';

- le service n'a pas répondu à leur demande de recours hiérarchique du 8 octobre 2020';

- le service a indûment inclus dans la surface habitable de leurs immeubles situés à Crouy (02), pour le bénéfice de l'avantage fiscal, deux garages qui sont utilisés en pratique en tant que pièces à vivre ou à tout le moins comme des annexes';

- le service méconnaît le principe constitutionnel d'égalité devant les charges publiques en traitant différemment les propriétaires qui louent par actes séparés leur bien principal et leur garage';

- le service n'a pas fait droit à leur demande de régularisation sur le fondement de l'article L. 123-1 du code des relations entre le public et l'administration.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 décembre 2021, la directrice départementale des finances publiques de la Somme conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales';

- le code de la construction et de l'habitation°;

- le code des relations entre le public et l'administration°;

- l'arrêté du 9 mai 1995 pris en application de l'article R. 353-16 et de l'article

R. 331-10 du code de la construction et de l'habitation°;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Menet, premier conseiller,

- les conclusions de M. Beaujard, rapporteur public,

- et les observations de Me Stalin pour les époux D.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme D ont donné à bail deux biens immobiliers situés à Crouy (Aisne), suivant contrats de location des 2 et 4 février 2016, moyennant un loyer mensuel respectivement de 654,38 euros et de 589,23 euros. Ils ont obtenu le bénéfice des dispositions de l'article 199 novovicies du code général des impôts au titre de leurs revenus des années 2016 et 2017. À la suite d'un contrôle sur pièces de la situation fiscale des époux D, l'administration fiscale, selon la procédure de rectification contradictoire, a remis en cause le bénéfice de ces dispositions et a assujetti les intéressés à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre des années 2016 et 2017. Par la présente requête, les époux D demandent la réduction de ces impositions supplémentaires.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : "'L'administration des impôts contrôle les déclarations ainsi que les actes utilisés pour l'établissement des impôts, droits, taxes et redevances. / Elle contrôle, également les documents déposés en vue d'obtenir des déductions, restitutions ou remboursements, ou d'acquitter tout ou partie d'une imposition au moyen d'une créance sur l'État. / À cette fin, elle peut demander aux contribuables tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs aux déclarations souscrites ou aux actes déposés'". Aux termes de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales : "'Dans les conditions prévues au présent livre, l'administration des impôts peut procéder à l'examen contradictoire de la situation fiscale des personnes physiques au regard de l'impôt sur le revenu, qu'elles aient ou non leur domicile fiscal en France, lorsqu'elles y ont des obligations au titre de cet impôt. / () / Sous peine de nullité de l'imposition, un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle ne peut s'étendre sur une période supérieure à un an à compter de la réception de l'avis de vérification°".

3. Il résulte de l'instruction que le service a procédé au contrôle sur pièces du dossier fiscal des époux D. Le service ne s'est livré à aucun contrôle de cohérence entre les revenus déclarés par les époux D et leur situation patrimoniale, leur situation de trésorerie ou leur train de vie, seul à même de caractériser un examen contradictoire de situation fiscale personnelle. Par suite, les époux D ne peuvent utilement soutenir que le service, en procédant un contrôle excédant un an, a méconnu les dispositions de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 54 C du livre des procédures fiscales : "'Hormis lorsqu'elle est adressée dans le cadre des procédures mentionnées aux articles L. 12, L. 13 et L. 13 G et aux I et II de la section V du présent chapitre, la proposition de rectification peut faire l'objet, dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux, d'un recours hiérarchique qui suspend le cours de ce délai'".

5. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 25 avril 2019, régulièrement notifiée aux intéressés, mentionnait la possibilité d'un recours hiérarchique à adresser au responsable du pôle de contrôle des revenus et du patrimoine et de l'Aisne. Par courrier du 8 octobre 2020 adressé au directeur du pôle de contrôle des revenus et du patrimoine de l'Aisne, le conseil des contribuables a indiqué qu'il estimait la durée du contrôle anormalement longue et qu'il sollicitait que ses clients puissent être "'fixés dans les meilleurs délais'". Ce courrier qui avait trait à des difficultés, selon les requérants, affectant le déroulement du contrôle qui avait pris fin par la notification de la proposition de rectification, ne peut s'analyser en un recours hiérarchique dès lors qu'il n'était fait état d'aucun désaccord sur le bien-fondé des rectifications envisagées soumis à l'appréciation du supérieur hiérarchique du vérificateur. Par suite, ce moyen doit être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

6. En premier lieu, aux termes de l'article 199 novovicies du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : "'I. ' A. ' Les contribuables domiciliés en France, au sens de l'article 4 B, qui acquièrent, entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2016, un logement neuf ou en l'état futur d'achèvement bénéficient d'une réduction d'impôt sur le revenu à condition qu'ils s'engagent à le louer nu à usage d'habitation principale pendant une durée minimale fixée, sur option du contribuable, à six ans ou à neuf ans. Cette option, qui est exercée lors du dépôt de la déclaration des revenus de l'année d'achèvement de l'immeuble ou de son acquisition si elle est postérieure, est irrévocable pour le logement considéré. () III. ' L'engagement de location mentionné au I doit prendre effet dans les douze mois qui suivent la date d'achèvement de l'immeuble ou de son acquisition si elle est postérieure. Cet engagement prévoit que le loyer et les ressources du locataire appréciées à la date de conclusion du bail ne doivent pas excéder des plafonds fixés par décret en fonction de la localisation du logement et de son type. ()'". Aux termes de l'article 2 terdecies D de l'annexe III au même code, dans sa rédaction applicable au litige : "'I. ' Pour l'application du premier alinéa du III de l'article 199 novovicies du code général des impôts : / 1. Les plafonds de loyer mensuel, par mètre carré, charges non comprises, sont fixés, pour les baux conclus en 2016, à 16,83 € en zone A bis, 12,50 € dans le reste de la zone A, 10,07 € en zone B 1 et 8,75 € en zone B 2. Ces plafonds sont révisés au 1er janvier de chaque année selon les modalités prévues au premier alinéa du a de l'article 2 duodecies. () / Pour l'application du présent 1, la surface à prendre en compte s'entend de celle prévue au dernier alinéa du a de l'article 2 duodecies'". Le troisième alinéa du a de l'article 2 duodecies de cette même annexe, dans sa rédaction applicable au litige, dispose : "'La surface à prendre en compte pour l'appréciation du plafond de loyer s'entend de la surface habitable au sens de l'article R. 111-2 du code de la construction et de l'habitation, augmentée de la moitié, dans la limite de 8 mètres carrés par logement, de la surface des annexes mentionnées aux articles R. 353-16 et R. 331-10 du même code'". Aux termes de l'article R. 111-2 du code de la construction et de l'habitation alors applicable : "'() La surface habitable d'un logement est la surface de plancher construite, après déduction des surfaces occupées par les murs, cloisons, marches et cages d'escaliers, gaines, embrasures de portes et de fenêtres'; le volume habitable correspond au total des surfaces habitables ainsi définies multipliées par les hauteurs sous plafond. / Il n'est pas tenu compte de la superficie des combles non aménagés, caves, sous-sols, remises, garages, terrasses, loggias, balcons, séchoirs extérieurs au logement, vérandas, volumes vitrés prévus à l'article R*. 111-10, locaux communs et autres dépendances des logements, ni des parties de locaux d'une hauteur inférieure à 1,80 mètre'". Aux termes de l'article 1 de l'arrêté du 9 mai 1995 pris en application de l'article R. 353-16 et de l'article R. 331-10 du code de la construction et de l'habitation : "'Pour la définition de la surface utile visée à l'article R. 331-10 et au 2° de l'article R. 353-16 du code de la construction et de l'habitation, les surfaces annexes sont les surfaces réservées à l'usage exclusif de l'occupant du logement et dont la hauteur sous plafond est au moins égale à 1,80 mètre. Elles comprennent les caves, les sous-sols, les remises, les ateliers, les séchoirs et celliers extérieurs au logement, les resserres, les combles et greniers aménageables, les balcons, les loggias et les vérandas et dans la limite de 9 mètres carrés les parties de terrasses accessibles en étage ou aménagées sur ouvrage enterré ou à moitié enterré'".

7. Il résulte de l'instruction que les époux D ont acquis deux biens immeubles d'une surface de 73,30 m² et de 62,87 m² disposant chacun d'un garage, situés à Crouy (Aisne), ville classée en zone B2, dans laquelle le plafond de loyer mensuel alors applicable au titre des années d'imposition en litige et déterminé selon la surface habitable du logement, était respectivement de 589,23 euros et 551,21 euros. Les biens ont chacun fait l'objet d'un bail unique moyennant un loyer mensuel excédant ces plafonds. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, la surface des garages n'a pas à être prise en compte pour l'appréciation du plafond légal dès lors que ceux-ci ne font pas partie de la surface utile, ni des surfaces annexes prises en compte au regard des dispositions précitées de l'article R. 111-2 du code de la construction et de l'habitation alors applicable et de l'arrêté du 9 mai 1995 auxquels ces textes renvoient. Si les requérants soutiennent que ces garages ne peuvent être considérés comme tels dès lors qu'ils sont utilisés en tant que pièces à vivre par leurs locataires, il ne résulte d'aucune disposition légale ou réglementaire que la destination d'une surface définie selon les plans de construction et les stipulations contractuelles puisse être remise en cause par l'usage qui en serait fait. Il s'ensuit que les époux D ne sont pas fondés à soutenir que le service a méconnu les dispositions de l'article 199 novovicies du code général des impôts.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 771-3 du code de justice administrative : "'Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est soulevé, conformément aux dispositions de l'article

23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, à peine d'irrecevabilité, dans un mémoire distinct et motivé. Ce mémoire, ainsi que, le cas échéant, l'enveloppe qui le contient, portent la mention : question prioritaire de constitutionnalité'". Aux termes de l'article R. 771-4 du même code : "'L'irrecevabilité tirée du défaut de présentation dans un mémoire distinct et motivé, du moyen visé à l'article précédent peut être opposée sans qu'il soit fait application des articles R. 611-7 et R. 612-1'".

9. En l'espèce, le moyen des époux D fondé sur la méconnaissance, par la loi fiscale du principe constitutionnel d'égalité devant les charges publiques, n'est pas recevable à défaut d'avoir été présenté dans un mémoire distinct dans les conditions prévues par l'article R. 771-3 du code de justice administrative. Ce moyen doit, par suite, être écarté comme irrecevable.

10. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 123-1 du code des relations entre le public et l'administration : "'Une personne ayant méconnu pour la première fois une règle applicable à sa situation ou ayant commis une erreur matérielle lors du renseignement de sa situation ne peut faire l'objet, de la part de l'administration, d'une sanction, pécuniaire ou consistant en la privation de tout ou partie d'une prestation due, si elle a régularisé sa situation de sa propre initiative ou après avoir été invitée à le faire par l'administration dans le délai que celle-ci lui a indiqué'".

11. Les époux D ne peuvent utilement soutenir que le service a indûment écarté le bénéfice de ces dispositions alors qu'ils se bornent à contester le bien-fondé de la remise en cause du bénéfice d'une réduction d'impôt qui ne peut s'analyser en une sanction au sens et pour l'application de ces dispositions. Ce moyen doit ainsi être écarté.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

12. Il résulte de ce qui précède que la requête des époux D doit être rejetée, y compris les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

 

D É C I D E :

Article 1 er : La requête des époux D est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. B D, à Mme A C épouse D et à la directrice départementale des finances publiques de la Somme.

Délibéré après l'audience du 29 juin 2023, à laquelle siégeaient :

M. Boutou, président,

Mme Pierre, première conseillère,

M. Menet, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition le 7 juillet 2023.

Le rapporteur,

Signé

M. Menet

Le président,

Signé

B. Boutou La greffière,

Signé

A. Ribière

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

No 2102542

Code publication

C