Cour d'Appel de Paris

Arrêt du 7 juillet 2023 n° 23/05601

07/07/2023

Non renvoi

COUR D'APPEL DE PARIS Palais de Justice 34, quai des orfèvres

75055 PARIS LOUVRE SP

 

N° Dossier : 23/05601 N° BO: P23018001240

Pôle 2-Ch. 5 ARRÊT DE REFUS DE TRANSMISSION DE LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE

N° de minute : 428

Le 07 juillet 2023,

La Cour, composée lors des débats, du délibéré et du prononcé de l'arrêt de : Mme Anne TARELLI, Président Mme Sophie BARDIAU, Conseiller Mme Clarisse GRILLON, Conseiller

GREFFIER : Mlle Anne-Marie PHUNG, Greffier, lors des débats et du prononcé de l'arrêt

MINISTÈRE PUBLIC : Mme Nadine PERRIN, Avocat Général, lors des débats et lors du prononcé de l'arrêt ;

Vu les articles 23-1 et suivants de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu les articles R. 49-21 et suivants du Code de Procédure Pénale ;

Vu la demande d'examen de la question prioritaire de constitutionnalité déposée le 30 juin 2023 par un écrit distinct et motivé devant la chambre 5 du pôle 2 des appels correctionnels saisie d'un appel à l'encontre du jugement rendu le 14 juin 2023 par le tribunal judiciaire de PARIS qui a: -renvoyé l'affaire au fond à l'audience du 13 septembre 2023 ; -ordonné le maintien sous contrôle judiciaire de [A] [B] ; -désigné un administrateur ad hoc pour les mineurs [C] et [D] [B] ;

En l'espèce, M. [A] [B] a déposé par un écrit daté du 27 juin 2023 portant la question prioritaire de constitutionnalité suivante ;

«Est-ce que l'article 706-50 du code de procédure pénale en disposant « le Procureur de la République ou le Juge d'instruction saisi de faits commis volontairement à l'encontre d'un mineur, désigne un administrateur AD Hoc, lorsque la protection des intérêts de celui-ci n'est pas complètement assuré par ses représentants légaux ou par l'un d'entre eux », est-elle conforme aux droits et libertés que la Constitution garanti, notamment par la déclaration de droits de l'Homme et du citoyen de 1789 par son article 8 qui stipule le caractère strictement et évidemment nécessaire de la loi et par ses articles 9 et 16 qui dispose du principe de présomption d'innocence et du contradictoire pour les représentants légaux écartés de leur autorité parentale, alors que la loi contestée ne dispose pas de la nécessité pour le Procureur ou le Juge de démontrer la vraisemblance de la défaillance des représentants légaux ni la vraisemblance des faits allégués commis à l'encontre d'un mineur ? »

Vu l'avis du ministère public en date du 30 juin 2023 ;

Le ministère public s'oppose à la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation au motif qu'elle ne présente pas de caractère sérieux.

Monsieur [A] [B] assisté par Maître GREZE Guillaume, soutient que la désignation d’un administrateur ad hoc pour ses deux enfants porte atteinte à sa présomption d’innocence et aux droits et libertés que la Constitution garantit en ses articles 8, 9 et 16 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

M. [B] fait valoir le caractère sérieux de la question prioritaire de constitutionnalité.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la recevabilité de la demande d'examen de la question prioritaire de constitutionnalité :

En l’espèce, le moyen tiré de l’atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution a été présenté dans un écrit distinct et motivé.

La demande est donc recevable en la forme.

Sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation :

L'article 23-2 de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, modifiée par la loi organique n°2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'article 61-1 de la Constitution, pose trois conditions à la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité :

-la disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou elle constitue le fondement des poursuites : tel est le cas en l’espèce;

-elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil Constitutionnel, sauf changement de circonstances: ces dispositions n'ont pas déjà été déclarées conformes à l'article 66 de la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel;

-elle n'est pas dépourvue de caractère sérieux:

En l'espèce, la question posée a pour objet de contester la conformité de l'article 706-50 du code de procédure pénale aux articles 8, 9 et 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 ainsi libellés :

Article 8 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée. » Article 9 : « Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi. » Article 16: « Toute société dans laquelle la garantie des Droits n'est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution. »

[A] [B] fait valoir que la disposition législative contestée porte atteinte aux droits de la défense des représentants légaux des mineurs, dont sa propre personne, ainsi qu’à leur vie privée et familiale en l'absence de démonstration préalable par le ministère public de la vraisemblance des faits commis. Il invoque les droits de la défense, le principe de légalité des délits et des peines, ainsi que le droit à un recours effectif.

Or, la disposition contestée ne vise qu'à permettre à un mineur grâce à la désignation d'un administrateur ad hoc, d’exercer les droits reconnus à la partie civile dans un procès-pénal, sans que le représentant légal soit nécessairement la personne mise en examen, prévenue ou accusée.

Cette disposition ne vient nullement remettre en question l'exercice de l'autorité parentale, ni les modalités de résidence habituelle et de droit de visite et d'hébergement des parents à l’égard de leurs enfants mineurs.

Elle n'édicte aucune peine et n'est donc pas contraire à l'article 8 de la DDHC. En ce qu'elle intéresse le mineur potentiellement victime, elle ne porte pas atteinte à la présomption d'innocence et aux droits de la défense de la personne poursuivie, quand bien même il s'agirait d'un de ses représentants légaux, de sorte qu'elle ne contrevient ni à l'article 9, ni à l'article 16 de la DDHC.

La question n'apparaît donc pas revêtir pas de caractère sérieux.

Dès lors, au vu de ce qui précède, les conditions de l'article 23-2 de l'ordonnance citée précédemment n'étant pas réunies, il n'y a pas lieu de transmettre à la Cour de cassation la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par [A] [B].

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par décision contradictoire, susceptible du seul recours prévu par l’article R. 49-28 du code de procédure pénale

Rejette la demande de transmission à la Cour de cassation de cette question prioritaire de constitutionnalité;

Avise, qu'en application de l’article R.49-28 du Code de procédure pénale, cette décision ne peut être contestée qu'à l'occasion d'un recours formé contre une décision ayant statué sur la demande au cours de la procédure ;

Dit que les parties et le ministère public seront avisés par tout moyen de la présente décision ;

 

LE GREFFIER LE PRESIDENT