Cour d'Appel de Paris

Arrêt du 6 juillet 2023 n° 23/05056

06/07/2023

Non renvoi

Dossier n° 23/05056 Arrêt n° 298/2023

COUR D'APPEL DE PARIS

 

Pôle 2 - Ch.7

(5 pages)

· Prononcé publiquement le jeudi 6 juillet 2023, par le Pôle 2 - Chambre 7 des appels correctionnels, ·

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIES EN CAUSE : Demandeur à la question prioritaire de constitutionnalité [A] [B], [C], [D] Né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 2] ([…]) Fils de [A] [E] et de [F] [G] De nationalité […] […], […] Demeurant [Adresse 3] – […] Libre (O.C.J. du 22/07/2018, Révocation du contrôle judiciaire le 19/02/2019, Mandat de dépôt du 19/02/2019, Mise en liberté sous C.J. le 26/02/2019, Jugement de maintien sous C.J. du 12/04/2021, Jugement de maintien sous C.J. du 04/05/2021)

appelant

 

 

Comparant, assisté de Maître BINSARD BENCHIMOL Robin, avocat au barreau de PARIS, vestiaire E185

Parties intervenantes [H] [I] Ayant élu domicile chez Maître DIAZ, demeurant 5 place Saintes-Scarbes – 31000 TOULOUSE

appelante

Non comparante, représentée par Maître DIAZ Nadja, avocat au barreau de TOULOUSE

[J] [K] . Ayant élu domicile chez Maître DIAZ, demeurant 5 place Saintes-Scarbes- 31000 TOULOUSE

intimé

Comparant, assisté de Maître DIAZ Nadja, avocat au barreau de TOULOUSE

Pagel/5

[L] [M]-[N] Ayant élu domicile chez Maître HOLLEAUX, demeurant 126 boulevard Raspail - 75006 PARIS

intimé

Non comparant, représenté par Maître SILVESTRE Antonin, avocat au barreau de PARIS, vestiaire D863, substituant Maître HOLLEAUX Georges, avocat au barreau de PARIS, vestiaire D863

Composition de la cour lors des débats et du délibéré :

président : Jean-Michel AUBAC, président de chambre assesseurs : Anne RIVIERE, président de chambre Anne CHAPLY, conseiller

Greffier Margaux MORA aux débats et au prononcé,

Ministère public représenté aux débats par Damien LEVADOU, avocat général, et au prononcé de l'arrêt par Michel LERNOUT, magistrat honoraire juridictionnel,

LA PROCEDURE :

Vu les articles 23-1 et suivants de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu les articles R. 49-25 et suivants du code de procédure pénale ;

Vu la demande d'examen de la question prioritaire de constitutionnalité déposée par un écrit distinct et motivé le 9 juin 2023 par [A] [B], représenté par Maître BINSARD BENCHIMOL Robin ;

Le président a constaté l'identité du prévenu [A] [B].

Le président a informé le prévenu de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire.

AUBAC Jean-Michel a donné connaissance de l'acte qui a saisi la cour, du jugement et des actes d'appel.

En l'espèce, à l'audience du 9 juin 2023, Maître BINSARD BENCHIMOL Robin, avocat du prévenu [A] [B], a soumis à la cour la question prioritaire de constitutionnalité suivante : « En édictant les dispositions de l'article 433-12 du code pénal permettant de sanctionner l'immixtion dans les prérogatives des forces de l'ordre, d'une part sans définir l'étendue des prérogatives et du monopole des forces de l'ordre, et d'autre part sans définir la notion d'acte de maintien de l'ordre, le législateur a-t-il méconnu sa propre compétence en affectant les droits et libertés que la Constitution garantit, en l'occurrence les droits de la défense, les principes de clarté de la loi pénale et de légalité au sens des articles 34 de la Constitution et 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789? ».

Maître DIAZ Nadja, avocat des parties civiles [H] [I] et [J] [K], a été entendue en ses plaidoirie et conclusions.

Maître SILVESTRE Antonin, avocat de la partie civile [L] [M]-[N], a été entendu en ses plaidoirie et conclusions.

Les autres avocats de parties civiles présents dans le dossier de fond ont indiqué ne pas intervenir concernant la question prioritaire de constitutionnalité.

Le ministère public a été entendu en ses réquisitions.

Maître LAFFONT Jacqueline et Maître CHAMBENOIS Charles, avocat du prévenu [O] [P], coprévenu de [A] [B] dans le dossier de fond, n’ont pas formulé d'observations.

Puis la cour a mis 1’affaire en délibéré et le président a déclaré que l'arrêt serait rendu à l'audience publique du 6 juillet 2023.

Et ce jour, le 6 juillet 2023, en application des articles 485, 486 et 512 du code de procédure pénale, et en présence du ministère public et du greffier, Jean-Michel AUBAC, président ayant assisté aux débats et au délibéré, a donné lecture de l'arrêt.

DÉCISION :

Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,

LES FAITS :

1. Par ordonnance rendue par un magistrat instructeur le 12 avril 2021, M. [A] a été renvoyé devant le tribunal correctionnel de Paris qui, par jugement du 5 novembre 2021, l'a, notamment, déclaré coupable du délit d'immixtion dans une fonction publique, infraction prévue et réprimée par l'article 433-12 du code pénal.

Devant la cour,

2. M. [A] a demandé à la cour de transmettre à la Cour de cassation la question prioritaire de constitutionnalité suivante :

« En édictant les dispositions de l'article 433-12 du code pénal permettant de sanctionner l'immixtion dans les prérogatives des forces de l'ordre, d'une part sans définir l'étendue des prérogatives et du monopole des forces de l'ordre, et d'autre part sans définir la notion d'acte de maintien de l'ordre, le législateur a-t-il méconnu sa propre compétence en affectant les droits et libertés que la Constitution garantit, en l'occurrence les droits de la défense, les principes de clarté de la loi pénale et de légalité au sens des articles 34 de la Constitution et 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ? »

3. Son conseil a soutenu oralement cette demande.

4. Le conseil de Mme [H] et de M. [J] a soutenu ses conclusions tendant à voir juger qu'il n'y a pas lieu à transmission de la question prioritaire de constitutionnalité, dès lors que celle-ci est dépourvue de caractère sérieux.

5. Le conseil de M. [L] a soutenu ses conclusions tendant aux mêmes fins.

6. Les conseils des autres parties civiles ont indiqué ne pas présenter d’observations.

7. Le ministère public a requis qu'il plaise à la cour de constater la recevabilité de la question prioritaire de constitutionnalité et de dire qu'il n'y a pas lieu de la transmettre à la Cour de cassation.

8. Le conseil de M. [O] n'a pas formulé d'observations.

9. Le conseil de M. [A] a eu la parole en dernier.

SUR CE,

- en la forme :

10. Aux termes de l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel dans sa version issue de la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution, devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d'appel. Il ne peut être relevé d'office.

11. En l'espèce, la question prioritaire de constitutionnalité a été présentée devant la cour dans un écrit distinct et motivé, déposé lors de l'audience du 9 juin 2023.

12. Elle est donc recevable.

- sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité :

13. Il résulte des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, dans leur rédaction issue de la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution, qu'il appartient à la juridiction saisie d'une question prioritaire de constitutionnalité : • de s'assurer que celle-ci porte sur une disposition législative et de vérifier sa recevabilité formelle, soit l'existence d'un écrit distinct et motivé, ce qui est le cas en l'espèce, • de statuer par décision motivée sur la transmission de la question à la Cour de cassation, à laquelle il sera procédé si les conditions suivantes sont remplies : 1) la disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites, 2) elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, 3) elle n'est pas dépourvue de caractère sérieux.

14. M. [A] a été renvoyé devant le tribunal correctionnel, notamment, pour s'être, à Paris, le 1er mai 2018, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non prescrit, immiscé sans titre dans l'exercice d'une fonction publique, en accomplissant des actes réservés à l'autorité publique, en l'espèce pour avoir,

• participé activement à l'interpellation de [Q] [R] et [S] [T] alors même que de nombreux policiers étaient présents sur place et avoir participé activement à une opération de maintien de r ordre, • participé activement à l’interpellation de [U] [V] et de [K] [J], Faits prévus et réprimés par les articles 433-12 et 433-22 du code pénal.

15. Aux termes des dispositions de l’article 433-12 du code pénal, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende le fait, par toute personne agissant sans titre, de s’immiscer dans l'exercice d'une fonction publique en accomplissant l’un des actes réservés au titulaire de cette fonction.

16. Il n’est pas contesté que l'article 433-12 du code pénal constitue le fondement des poursuites et que ce texte n'a pas été déclaré conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

17. À l’appui de sa demande de transmission de la question préalable de constitutionnalité, le conseil de M. [A] fait valoir que l’article critiqué, appliqué aux forces de l'ordre, contrevient aux principes de clarté de la loi pénale et de légalité en raison de son imprécision, dès lors qu'aucune indication n'est donnée sur ce qui relève ou non du monopole des policiers, d'autant qu'aucun texte ne définit ce qu'est une « opération de maintien de 1'ordre » et que les fonctions protégées ne sont pas précisées.

18. Mais la cour relève que la question posée est dépourvue de caractère sérieux, dès lors qu’elle revient à remettre en cause le pouvoir d’appréciation et de qualification des faits par la juridiction de jugement, pouvoir qui s'exerce dans le respect du principe de légalité des délits et des peines exigeant une interprétation stricte des éléments constitutifs d'une infraction.

19. En conséquence, il n'y a pas lieu de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation.

 

LACOUR

PAR CES MOTIFS

 

Statuant publiquement et contradictoirement,

Déclare recevable la question prioritaire de constitutionnalité présentée devant la cour d'appel ;

Dit n'y avoir lieu de la transmettre à la Cour de cassation.

Les parties sont avisées, conformément à l'article R. 49-28 du code de procédure pénale, que la présente décision ne peut être contestée qu'à l'occasion d'un recours formé contre une décision ayant statué sur la demande au cours de la procédure.

Le présent arrêt est signé par Jean-Michel AUBAC, président, et par Margaux MORA, greffier.

 

 

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