Cour d'Appel de Dijon

Arrêt du 6 juillet 2023 n° 21/00800

06/07/2023

Non renvoi

OM/SC

 

[Y] [T]

 

C/

 

CAISSE AUTONOME RETRAITE MEDECINS DE FRANCE (CARMF)

 

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

 

le :

 

à :

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D'APPEL DE DIJON

 

CHAMBRE SOCIALE

 

ARRÊT DU 06 JUILLET 2023

 

MINUTE N°

 

N° RG 21/00800 - N° Portalis DBVF-V-B7F-F2RK

 

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Pole social du TJ de DIJON, décision attaquée en date du 09 Novembre 2021, enregistrée sous le

 

n°19/01882

 

APPELANT :

 

[Y] [T]

 

[Adresse 1]

 

[Adresse 1]

 

[Localité 2]

 

représenté par Me Ana Cristina COIMBRA de la SELARL DE MAITRE COIMBRA, avocat au barreau de BORDEAUX substituée par Maître Nadège FUSINA, avocat au barreau de DIJON

 

INTIMÉE :

 

CAISSE AUTONOME RETRAITE MEDECINS DE FRANCE (CARMF)

 

[Adresse 3]

 

[Localité 4]

 

représentée par M. [I] [E] (juriste) en vertu d'un pouvoir spécial

 

COMPOSITION DE LA COUR :

 

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Mai 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Olivier MANSION, Président de chambre chargé d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la cour étant alors composée de :

 

Olivier MANSION, Président de chambre,

 

Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,

 

Katherine DIJOUX-GONTHIER, Conseiller,

 

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Sandrine COLOMBO,

 

GREFFIER LORS DU PRONONCE : Frédérique FLORENTIN

 

ARRÊT : rendu contradictoirement,

 

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

 

SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Frédérique FLORENTIN, Greffier, lors du prononcé, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

Exposé du litige :

 

Après mise en demeure du 10 décembre 2018, émise par la caisse autonome de retraite des médecins de France (la caisse) et portant demande de paiement des cotisations relatives à l'année 2018, M. [T] a saisi la commission de recours amiable à fin de contestation.

 

Cette commission n'ayant pas statué dans le délai imparti, M. [T] a saisi le tribunal judiciaire qui, par jugement du 9 novembre 2021, a validé cette mise en demeure et l'a condamné à paiement.

 

M. [T] a interjeté appel le 1er décembre 2021.

 

Il soulève, par mémoires distincts, deux questions prioritaires de constitutionnalité, une question préjudicielle à transmettre à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) et conteste, dans la forme et le fond, devoir les cotisations réclamées, en demandant l'infirmation du jugement, d'enjoindre à la caisse de justifier de la preuve de la date de son immatriculation, l'agrément lui permettant de pratiquer une activité d'assurance, un décompte relatif à chaque mise en demeure.

 

Il demande, également, de surseoir à statuer et, à titre subsidiaire, de rejeter toutes les demandes de la caisse et de la condamner au paiement de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

 

A titre subsidiaire, il demande à la cour d'enjoindre la caisse à communiquer le montant de la valeur éventuelle de rachat et de réduction prévu à l'article R. 325-3 du code de la mutualité et, en application des dispositions de l'article R. 325-5 du même code, les indications précises sur les conditions d'exercice de la renonciation aux garanties couvrant les risques suivants : incapacité de travail ou invalidité résultant de la maladie et autres risques comportant le service des prestations au-delà d'un an et les opérations comportant des engagements dont l'exécution dépend de la durée de la vie humaine (vieillesse, vie, décès) et de surseoir à statuer en attendant cette communication afin de lui permettre de faire valoir son droit de renoncer aux garanties et de former une demande en répétition des montants payés pendant la période d'adhésion.

 

La caisse conclut à la confirmation du jugement, au rejet des questions prioritaire de constitutionnalité et de la question préjudicielle et sollicite le paiement de 1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'une amende civile pour procédure abusive et dilatoire.

 

Il sera renvoyé pour un plus ample exposé du litige aux conclusions des parties reprises à l'audience du 30 mai 2023.

 

Les questions prioritaires de constitutionnalité ont été transmises au parquet général qui s'est borné à les viser le 10 octobre 2022.

 

MOTIFS :

 

La demande de jonction avec les nombreux autres dossiers concernant M. [T] sera rejetée.

 

I- La question préjudicielle destinée à la CJUE :

 

L'appelant conteste ce qu'il qualifie de monopole de la caisse pour contester les cotisation, par elle, demandées.

 

Il invoque les dispositions de l'article 267 du TFUE et considère que le monopole de la sécurité sociale a été supprimé par les directives 92/49/CEE et 92/96/CEE et transposées en droit interne par les lois n°95-5 du 4 janvier 1994, n°94-678 du 8 août 1994 et l'ordonnance n°2001-350 du 19 avril 2001 ratifiée par la loi n°20016624 du 17 juillet 2001.

 

Il ajoute que le régime français de sécurité sociale est un régime professionnel et non légal, que la mesure nationale consistant à imposer aux entreprises d'assurance communautaire des mesures qu'elle n'impose pas à ses propres mesures d'assurance est discriminatoire, n'est pas objectivement nécessaire et n'est pas proportionnée à l'objectif poursuivi.

 

Enfin, la France commettrait un abus de droit en recourant à la notion d'intérêt général en incluant la totalité de la législation de sécurité sociale dans la liste des dispositions d'intérêt général.

 

En conséquence, il est demandé de transmettre à la CJUE, la question suivante : "Les dispositions de l'article L. 111-2-1 du code de la sécurité sociale français satisfont-elles à toutes les conditions requises pour justifier de la notion d'intérêt général permettant de déroger aux dispositions des directives 92/49/CE et 92/96/CE '".

 

Il sera relevé, d'abord, que l'article L. 111-2-1 du code de sécurité sociale, dans ses déclarations de principe, n'inclut pas la totalité de la législation de sécurité sociale dans la liste des dispositions d'intérêt général comme le soutient l'intéressé.

 

La notion d'abus à ce titre est donc sans emport.

 

Par ailleurs, la directive 92/96/CE concerne l'assurance directe sur la vie ce qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article L. 111-2-1 précité.

 

La directive 92/49/CE concerne l'assurance directe autre que l'assurance sur la vie.

 

Sur cette dernière directive, la CJCE, arrêt 26 mars 1996, C 238/94 dit pour droit : "Enfin, ainsi que la Cour l'a souligné dans son arrêt du 17 février 1993, Poucet et Pistre (C-159/91 et C-160/91, Rec. p. I-637, point 13), des régimes de sécurité sociale, qui, comme ceux en cause dans les affaires au principal, sont fondés sur le principe de solidarité, exigent que l'affiliation à ces régimes soit obligatoire, afin de garantir l'application du principe de la solidarité ainsi que l'équilibre financier desdits régimes. Si l'article 2, paragraphe 2, de la directive 92/49 devait être interprété dans le sens invoqué par la juridiction nationale, il en résulterait la suppression de l'obligation d'affiliation et, par conséquent, l'impossibilité de survie des régimes en cause.

 

15 Or, comme la Cour l'a également relevé, les États membres conservent leur compétence pour aménager leurs systèmes de sécurité sociale (voir arrêts Poucet et Pistre, précité, point 6, et du 7 février 1984, Duphar e.a., 238/82, Rec. p. 523, point 16).

 

16 Il convient donc de répondre à la juridiction nationale que l'article 2, paragraphe 2, de la directive 92/49 doit être interprété en ce sens que des régimes de sécurité sociale, tels que ceux en cause dans les affaires au principal, sont exclus du champ d'application de la directive 92/49".

 

L'obligation d'affiliation à un régime de sécurité sociale, déterminée par la loi, ne viole pas les règles de droit communautaire de la concurrence, voir notamment les arrêts de CJCE du 17 février 1993 C159/91 et C 160/91.

 

Par la suite, la CJUE a dit pour droit, arrêt C333/13, que : "Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit :

 

1) Le règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, tel que modifié par le règlement (UE) no 1244/2010 de la Commission, du 9 décembre 2010, doit être interprété en ce sens que les «prestations spéciales en espèces à caractère non contributif» au sens des articles 3, paragraphe 3, et 70 de ce règlement relèvent du champ d'application de l'article 4 dudit règlement.

 

2) L'article 24, paragraphe 1, de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE, lu en combinaison avec l'article 7, paragraphe 1, sous b), de celle-ci, ainsi que l'article 4 du règlement no 883/2004, tel que modifié par le règlement no 1244/2010, doivent être interprétés en ce sens qu'ils ne s'opposent pas à la réglementation d'un État membre en vertu de laquelle des ressortissants d'autres États membres sont exclus du bénéfice de certaines «prestations spéciales en espèces à caractère non contributif» au sens de l'article 70, paragraphe 2, du règlement no 883/2004, alors que ces prestations sont garanties aux ressortissants de l'État membre d'accueil qui se trouvent dans la même situation, dans la mesure où ces ressortissants d'autres États membres ne bénéficient pas d'un droit de séjour en vertu de la directive 2004/38 dans l'État membre d'accueil..." ,

 

et dans l'arrêt, C623/13, elle a dit pour droit que : "Le règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) no 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) no 1606/98 du Conseil, du 29 juin 1998, doit être interprété en ce sens que des prélèvements sur les revenus du patrimoine, tels que ceux en cause au principal, présentent, lorsqu'ils participent au financement des régimes obligatoires de sécurité sociale, un lien direct et pertinent avec certaines des branches de sécurité sociale énumérées à l'article 4 de ce règlement no 1408/71, et relèvent donc du champ d'application dudit règlement, alors même que ces prélèvements sont assis sur les revenus du patrimoine des personnes assujetties, indépendamment de l'exercice par ces dernières de toute activité professionnelle".

 

De même, la Cour de cassation indique, dans un arrêt du 9 mai 2018, pourvoi n°17-17.720 que : "Mais attendu que si l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne rend obligatoire le renvoi préjudiciel devant la Cour de justice de l'Union européenne lorsque la question est soulevée devant une juridiction dont la décision n'est pas susceptible d'un recours juridictionnel en droit interne, cette obligation disparaît dans le cas où la question soulevée n'est pas pertinente ;

 

Et attendu qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que des régimes de sécurité sociale qui sont fondés sur le principe de solidarité ne revêtent pas le caractère d'une entreprise au sens des articles 85, 86 et 87 du traité CEE devenus respectivement les articles 105, 106 et 107 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de sorte que les organismes qui pourvoient à la gestion de tels régimes ne sont pas compris dans le champ d'application de ces textes (CJCE, 17 février 1993, aff. C-159/91 et C-160/91, Poucet et Pistre ; 16 mars 2004, aff. C-264/01, C-306/01, C-354/01 et C-355/01, AOK-Bundesverbandf e.a, et 27 octobre 2005, aff. C-266/04, Casino France c/.Organic n° C 266/04 du 27 octobre 2005) ;

 

Qu'il en résulte que les unions de recouvrement, instituées en vue de répondre à une mission exclusivement sociale fondée sur le principe de la solidarité nationale et dépourvue de tout but lucratif, ne constituant pas des entreprises au sens des règles européennes de la concurrence et que les directives européennes concernant les marchés publics leur étant inapplicables, la question n'est pas pertinente ;

 

D'où il suit qu'il n'y a pas lieu de renvoyer la question à la Cour de justice de l'Union européenne", et

 

Civ 2ème, 4 mai 2011, pourvoi n°10-11.951 : "Attendu qu'ayant relevé que le RSI concourait à la gestion du service public de la sécurité sociale fondée sur le principe de solidarité nationale et dépourvue de tout but lucratif et que la contrainte objet du litige concernait les cotisations du régime légal et obligatoire de sécurité sociale, la cour d'appel en a exactement déduit que, dans l'exercice de cette seule fonction à caractère social, le RSI n'était pas une entreprise au sens des articles 81 et 82 CE et que cette activité ne pouvait être considérée comme économique au sens du droit communautaire ni violer les règles du droit des abus de position dominante ; que le grief ne peut être accueilli".

 

Il résulte de l'ensemble de ces décisions que le régime français de sécurité sociale conférant à des personnes morales de droit public la gestion des cotisations et le paiement des prestations n'est pas contraires aux directives précitées et intégrées dans le droit national, que la caisse n'est pas une entreprise au sens des règles européennes de la concurrence ni n'exerce une activité économique au sens du droit de l'Union européenne, de sorte qu'en l'absence de discrimination ou encore d'abus de droit, la question posée n'est pas pertinent ce qui permet d'écarter la demande de transmission à la CJUE.

 

II- Les questions prioritaires de constitutionnalité :

 

Chacune est posée par mémoire distinct.

 

Sur la première question prioritaire de constitutionnalité :

 

La question est ainsi libellée : "Les dispositions de l'article L. 111-1 du code de la sécurité sociale en ce qu'elles considèrent obligatoire l'adhésion et la cotisation à des personnes morales de droit privé chargées du monopole de fait de l'assurance des risques couverts par le système de sécurité sociale et de recouvrement des cotisations sociales, portent-elles atteinte aux droits et libertés garantis par le point 9 du préambule de la Constitution de 1946 aux termes duquel "tout bien, toute entreprise, toute exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité" et aux droits et libertés garantis par les articles 1 et 2 de la Constitution de la République et 2, 5, 6 et 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 intégrés au bloc constitutionnel '".

 

L'appelant considère que toute obligation de cotisation à une personne morale de droit privé ayant des activités de sécurité sociale est contraire à la Constitution et à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, en ce qu'elle constitue une violation au principe d'égalité entre les personnes morales de droit privé exerçant une mission d'assurance et de recouvrement effectuée au nom du système français de sécurité sociale, une violation du droit de propriété en ce que l'obligation de cotisation constitue une spoliation et une atteinte intolérable au droit naturel et imprescriptible de propriété sauf à ces personnes morales de droit privé à devenir propriété de la collectivité comme le prévoit le point 9 du préambule de la Constitution de 1946 et encore une violation du principe d'égalité au regard de l'accord conclu entre les sociétés [6] et [5], en mai 2018, avec l'accord et l'approbation de l'Etat.

 

La caisse réfute cette analyse en relevant que la question n'est pas sérieuse dès lors que la Conseil constitutionnel affirme que le droit à la protection sociale est un principe à valeur constitutionnelle et qu'elle n'est pas une entreprise.

 

L'article L. 111-1 du code de sécurité sociale dispose, dans sa rédaction alors applicable au litige jusqu'au 1er janvier 2016 et qui diffère de celle visée dans la question prioritaire de constitutionnalité que : "L'organisation de la sécurité sociale est fondée sur le principe de solidarité nationale.

 

Elle garantit les travailleurs et leur famille contre les risques de toute nature susceptibles de réduire ou de supprimer leur capacité de gain. Elle couvre également les charges de maternité, de paternité et les charges de famille.

 

Elle assure, pour toute autre personne et pour les membres de sa famille résidant sur le territoire français, la couverture des charges de maladie, de maternité et de paternité ainsi que des charges de famille.

 

Cette garantie s'exerce par l'affiliation des intéressés et le rattachement de leurs ayants droit à un (ou plusieurs) régime(s) obligatoire(s).

 

Elle assure le service des prestations d'assurances sociales, d'accidents du travail et maladies professionnelles, des allocations de vieillesse ainsi que le service des prestations familiales dans le cadre des dispositions fixées par le présent code".

 

Du 1er janvier 2016 au 9 août 2020 : "La sécurité sociale est fondée sur le principe de solidarité nationale.

 

Elle assure, pour toute personne travaillant ou résidant en France de façon stable et régulière, la couverture des charges de maladie, de maternité et de paternité ainsi que des charges de famille.

 

Elle garantit les travailleurs contre les risques de toute nature susceptibles de réduire ou de supprimer leurs revenus. Cette garantie s'exerce par l'affiliation des intéressés à un ou plusieurs régimes obligatoires.

 

Elle assure la prise en charge des frais de santé, le service des prestations d'assurance sociale, notamment des allocations vieillesse, le service des prestations d'accidents du travail et de maladies professionnelles ainsi que le service des prestations familiales dans le cadre du présent code, sous réserve des stipulations des conventions internationales et des dispositions des règlements européens".

 

Ici, les cotisations réclamées résultent de mises en demeure portant sur l'année 2018.

 

Les dispositions législatives contestées, dans leur rédaction en vigueur à la date d'exigibilité des cotisations faisant l'objet des contraintes litigieuses, sont applicables au litige.

 

Elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel et la question ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.

 

La Cour de cassation a déjà jugé sur cet article, dans un arrêt du 22 octobre 2015, pourvoi n°15-16.312, que : "Les articles L. 111-1, L. 111-2-1 et L. 111-2-2 du code de la sécurité sociale sont-ils contraires aux droits et libertés garantis par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, notamment, la liberté d'entreprendre, la liberté contractuelle, la liberté personnelle et précisément, la liberté personnelle de choix de son assurance '"

 

Attendu que les dispositions législatives contestées, dans leur rédaction en vigueur à la date d'exigibilité des cotisations faisant l'objet des contraintes litigieuses, sont applicables au litige ;

 

Qu'elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;

 

Mais attendu que la question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle ;

 

Et attendu que les dispositions critiquées ayant pour objet une mutualisation des risques dans le cadre d'un régime de sécurité sociale fondé sur le principe de solidarité nationale et répondant aux exigences de valeur constitutionnelle qui résultent du onzième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, il ne saurait être sérieusement soutenu qu'elles portent atteinte à la liberté contractuelle, à la liberté d'entreprendre et à la liberté personnelle, telles qu'elles découlent de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;

 

D'où il suit qu'il n'y a pas lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel.

 

Le même raisonnement se poursuit pour le cas d'espèce, dès lors que la mission de service public accordée à la caisse peut lui être retirée, que le point 9 du préambule de la Constitution de 1946 précité est sans incidence sur le litige au fond dès lors qu'il tend seulement à conduire, selon le requérant, à "nationaliser" les caisses, ce qui ne ferait pas disparaître l'obligation de cotisation ni le monopole de la sécurité sociale française, mais, surtout, vise la notion d'entreprise ou de bien ce que ni ne concerne pas la caisse, comme indiqué précédemment au regard de l'analyse du droit de l'Union, ce qui permet de rejeter le moyen relatif à la violation du principe d'égalité entre les personnes morales de droit privé exerçant une mission d'assurance et de recouvrement effectuée au nom du système français de sécurité sociale et les autres sociétés d'assurance.

 

Les autres textes visés, soit les articles 1er et 2 de la Constitution du 4 octobre 1958 sont sans rapport avec la question, tout comme les articles 2, 5, 6 et 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, dès lors que le cotisant n'est pas contraint de faire ce que la loi n'ordonne pas mais doit, au contraire, se soumettre à la loi qui le prévoit, sans qu'il en résulte une violation du droit de propriété en ce que l'obligation de cotisation n'est pas une spoliation ni une atteinte au droit imprescriptible de propriété mais seulement la contrepartie du droit de percevoir des prestations de sécurité sociale, au besoin, et corrélativement au paiement des cotisations.

 

De plus, il convient de noter que les régimes gérés par la caisse, instaurés par la loi, et qui présentent un caractère obligatoire, sont dépourvus de but lucratif et sont fondés sur un principe de solidarité tant professionnelle que nationale.

 

Enfin, l'accord conclu entre les sociétés [6] et [5], dont il est fait état dans le mémoire, est sans incidence sur la question posée alors que cet accord n'est pas produit et que la cour n'en connaît pas le contenu.

 

En conséquence, la question n'étant pas sérieuse, elle ne sera pas transmise à la Cour de cassation.

 

Sur la seconde question prioritaire de constitutionnalité :

 

La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi formulée : "Les dispositions de l'article L. 642-1 du code de la sécurité sociale français portent-elles atteinte aux droits et libertés garantis par l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, par les articles 1 et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 intégrée au bloc constitutionnel et aux articles 1, 2,55 et 88-1 de la Constitution de République française '".

 

L'appelant considère que l'article L. 642-1 du code de la sécurité sociale est contraire aux textes précités dès lors que la caisse, organisme de droit privé pratiquant une activité d'assurance et donc soumise aux directives 92/49/CEE et 92/96/CEE des 18 juin et 10 novembre 1992 et à leur interprétation par la CJUE notamment dans son arrêt du 3 octobre 2013 (C59/12), n'est pas soumise à la concurrence alors que la cotisation auprès de cette caisse est obligatoire, que le texte viole le principe de l'égalité en accordant à cette caisse des droits qu'elles n'accordent pas aux autres exerçant la même activité et ayant le même objet, qu'il crée une discrimination non-justifiée par un intérêt général et qu'il vise, au contraire, à contraindre à faire ce que la loi n'impose pas.

 

La caisse répond que la question est dépourvue de sérieux en ce qu'elle gère un régime financé par une cotisation obligatoire proportionnelle aux revenus et charges de toute personne exerçant une activité professionnelle relevant de l'organisation autonome d'assurance vieillesse des professions libérales, soit les médecins exerçant une activité libérale et tenus de cotiser au titre de l'assurance vieillesse et de l'assurance invalidité-décès.

 

Elle rappelle qu'elle n'est ni une entreprise ni une mutuelle et que l'affiliation auprès d'elle est obligatoire en application des dispositions du code de la sécurité sociale, dès lors qu'elle a été créée par décret n°48-1179 du 19 juillet 1948 en application de la loi du 17 janvier 1948.

 

L'article L. 642-1 du code de la sécurité sociale dispose que : "Toute personne exerçant une activité professionnelle relevant de l'Organisation autonome d'assurance vieillesse des professions libérales est tenue de verser des cotisations destinées à financer notamment :

 

1° Les prestations définies au chapitre III du présent titre ;

 

2° Les charges de compensation incombant à cette organisation en application des articles L. 134-1 et L. 134-2.

 

Le régime de la pension de retraite reçoit une contribution du fonds institué par l'article L. 135-1 dans les conditions fixées par l'article L. 135-2.

 

Les charges mentionnées aux 1° et 2° sont couvertes par des cotisations calculées dans les conditions prévues aux articles L. 131-6 à L. 131-6-2 et L. 133-6-8.

 

Les cotisations dues par les professionnels libéraux ne relevant pas du régime prévu à l'article L. 133-6-8 sont calculées, dans la limite d'un plafond fixé par décret, sur la base de tranches de revenu d'activité déterminées par décret. Chaque tranche est affectée d'un taux de cotisation. Ces cotisations ne peuvent être inférieures à un montant fixé par décret. La cotisation afférente à chaque tranche ouvre droit à l'acquisition d'un nombre de points déterminé par décret.

 

Un décret fixe le nombre de points attribué aux personnes exonérées de tout ou partie des cotisations en application de l'article L. 642-3.",

 

et, à compter du 14 juin 2018 : "Toute personne exerçant une activité professionnelle relevant de l'Organisation autonome d'assurance vieillesse des professions libérales est tenue de verser des cotisations destinées à financer notamment :

 

1° Les prestations définies au chapitre III du présent titre ;

 

2° Les charges de compensation incombant à cette organisation en application des articles L. 134-1 et L. 134-2.

 

Le régime de la pension de retraite reçoit une contribution du fonds institué par l'article L. 135-1 dans les conditions fixées par l'article L. 135-2.

 

Les charges mentionnées aux 1° et 2° sont couvertes par des cotisations calculées dans les conditions prévues aux articles L. 131-6 à L. 131-6-2 et L. 613-7.

 

Les cotisations dues par les professionnels libéraux autres que ceux mentionnés à l'article L. 613-7 sont calculées, dans la limite d'un plafond fixé par décret, sur la base de tranches de revenu d'activité déterminées par décret. Chaque tranche est affectée d'un taux de cotisation. Ces cotisations ne peuvent être inférieures à un montant fixé par décret. La cotisation afférente à chaque tranche ouvre droit à l'acquisition d'un nombre de points déterminé par décret.

 

Un décret fixe le nombre de points attribué aux personnes exonérées de tout ou partie des cotisations en application de l'article L. 642-3."

 

Les dispositions législatives contestées, dans leur rédaction en vigueur à la date d'exigibilité des cotisations faisant l'objet des mises en demeure litigieuses, sont applicables au litige.

 

Elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel et la question ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.

 

Il a déjà été jugé sur cet article, Civ. 2ème, 15 septembre 2019, pourvoi n°14-40.021 que : "Attendu que la question transmise est ainsi rédigée : «Les dispositions de l'article L. 641-2 du code de la sécurité sociale, en particulier les mots "activité professionnelle" figurant au premier alinéa, les mots "professionnels libéraux" figurant au pénultième alinéa de cet article et l'ensemble des dispositions de ce pénultième alinéa qui prévoient que les cotisations sont calculées "sur la base de tranches de revenu d'activité" et "ne peuvent être inférieures à un montant fixé par décret", ainsi que les dispositions combinées des articles L. 621-1, L. 622-2 et L.622-5 du code de la sécurité sociale, en tant qu'elles se réfèrent aux "activités non salariées", aux "activités professionnelles" et à toute autre expression similaire, peuvent-elles être interprétées, sans méconnaître le principe d'égalité devant la loi et le principe d'égalité devant les charges publiques, garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, comme étant susceptibles de s'appliquer à une activité non rémunérée et secondaire par rapport à une activité principale qui entraînerait elle-même l'affiliation au régime général, et notamment à un mandat de gérant d'une SARL exercé de façon non rémunérée et pour la gestion exclusive des biens du gérant ou de sa famille '» ;

 

Attendu que les dispositions législatives critiquées sont applicables au litige ; qu'elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;

 

Mais attendu que la question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle ;

 

Et attendu que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec la loi qui l'établit ; que les principes de double affiliation et double cotisation en cas d'exercice simultané d'une activité salariée et d'une activité non salariée ont pour contrepartie l'ouverture au bénéfice des cotisants des avantages des deux régimes d'assurance vieillesse ; que les dispositions critiquées imposent ainsi une charge également répartie, fondée sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts que le législateur a entendu poursuivre ; qu'il ne saurait être sérieusement soutenu, dès lors, qu'elles méconnaissent les exigences du principe d'égalité devant la loi énoncé à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, ni qu'elles entraînent une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques contraire à l'article 13 de la même Déclaration ;

 

D'où il suit que la question ne présentant pas un caractère sérieux, il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

 

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel, juge de façon constante qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789, la loi «doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse». Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.

 

Cette question recoupe la question préjudicielle ci-avant analysée et rejetée.

 

La caisse n'est pas une société d'assurance ni une mutuelle ayant des activités économiques nécessitant de respecter les règles de concurrence, notamment européennes, de sorte que les atteintes alléguées ne sont pas établies au regard des principes d'égalité et de non-discrimination, du droit des propriété et des textes visées.

 

La question posée, n'étant pas sérieuse, ne sera pas transmise à la Cour de cassation.

 

III- Les contestations de fond :

 

Sur les moyens de forme :

 

1°) Incident de communication de pièces :

 

L'appelant demande à la caisse de verser aux débats :

 

a) la preuve de la date de son immatriculation et l'agrément lui permettant de pratiquer une activité d'assurance, en indiquant qu'en l'absence de ces éléments, la caisse n'a pas de qualité à agir en justice :

 

L'appelant soutient que la caisse est une société mutuelle relevant du code de la mutualité et doit être immatriculée au plus tard le 31 décembre 2002 en application de l'ordonnance n°2001-350 du 19 avril 2001 relative au code de la mutualité et transposant les deux directives 92/49/CEE et 92/96/CEE.

 

Cette immatriculation est prévue par l'article L. 113-1 du code la mutualité sur le registre national des mutuelles afin d'acquérir la personnalité morale.

 

Le défaut d'immatriculation implique une absence de personnalité morale.

 

Cependant, rien n'indique que la caisse est une mutuelle au sens du code la mutualité ni une société d'assurance dès lors que l'article L. 641-1 du code de la sécurité sociale organise le régime de retraite des professions libérales et que l'article 2 des statuts généraux de la caisse stipule que sont obligatoires affiliées à cette caisse toutes les personnes ayant une activité médicale non salariée comme M. [T], ni encore moins un intermédiaire d'assurance.

 

Par ailleurs, l'appelant, alors qu'il s'en prévaut, n'établit pas que la caisse est une société d'assurance impliquant la nécessité, pour elle, d'obtenir un agrément à ce titre.

 

Enfin, M. [T] ne démontre pas que la caisse est un intermédiaire d'assurance et, au surplus, ne précise pas en quoi cette caisse serait en situation irrégulière, faute de capacité, au regard des dispositions de l'article L. 512-5 du code des assurances qui dispose, jusqu'au 1er octobre 2018, que ; "Sont déterminées par décret en Conseil d'Etat les conditions de capacité professionnelle que doivent remplir les intermédiaires personnes physiques qui exercent en leur nom propre, les personnes qui dirigent, gèrent ou administrent des intermédiaires personnes morales ou des entreprises d'assurance ou de réassurance, les personnes qui sont membres d'un organe de contrôle, disposent du pouvoir de signer pour le compte ou sont directement responsables de l'activité d'intermédiation au sein de ces intermédiaires ou entreprises, ainsi que les salariés de ces intermédiaires ou entreprises. Ce décret tient compte notamment de la nature de l'activité exercée par ces personnes et des produits distribués".

 

Surtout, il convient de rappeler que la caisse, organisme de droit privée, a été créée en 1948 et qu'elle a pour but de gérer la retraite de base et la retraite complémentaire obligatoires pour les médecins de profession libérale.

 

Elle produit l'arrêté du 29 octobre 1948 approuvant les statuts de la caisse et cet arrêté a été publié au journal officiel de la République française du 6 novembre 1948.

 

De même, il est communiqué l'arrêté du 5 mars 2021 portant approbation des modifications apportées aux statuts de la section professionnelle des médecins (CARMF).

 

Il en résulte qu'elle n'est ni une entreprise, ni une société mutuelle, d'assurances ni encore une société d'intermédiaire d'assurances.

 

La demande de communication de pièces est donc inopérante.

 

b) un décompte relatif à chaque mise en demeure contestée :

 

Ce décompte est inutile dès lors que la mise en demeure comporte toutes les indications précises pour permettre au débiteur de la contester au besoin.

 

A titre subsidiaire :

 

a) le montant de la valeur éventuelle de rachat et de réduction prévu à l'article R. 325-3 du code de la mutualité :

 

Cet article a été abrogé par le décret n°2022-388 du 17 mars 2022. Il indique : "Les caisses autonomes communiquent annuellement à chaque adhérent, sur sa demande, le montant de la valeur éventuelle de rachat et de réduction.

 

Elles ne peuvent refuser ni la réduction ni le rachat si deux cotisations annuelles ou 15 % au moins des cotisations prévues ont été payés.

 

Le calcul des valeurs de rachat et de réduction est déterminé par le règlement de la caisse en fonction de la provision mathématique. La pénalité éventuellement appliquée ne peut dépasser un taux fixé par arrêté du ministre chargé de la mutualité".

 

Ici, M. [T] ne démontre pas avoir fait cette demande, de sorte qu'il ne peut reprocher à la caisse l'absence de communication ou demander à la cour de lui enjoindre ce montant qu'il lui appartient de réclamer.

 

b) les indications précises sur les conditions d'exercice de la renonciation aux garanties couvrant les risques suivants : incapacité de travail ou invalidité résultant de la maladie et autres risques comportant le service des prestations au-delà d'un an et les opérations comportant des engagements dont l'exécution dépend de la durée de la vie humaine (vieillesse, vie, décès) :

 

L'article R. 325-5 précité a été abrogé par le même décret du 17 mars 2022.

 

Il énonce : "Tout adhérent à titre individuel à une garantie annuelle couvrant les risques mentionnés aux 2° et 3° de l'article R. 321-1 a la faculté d'y renoncer par lettre recommandée ou par envoi recommandé électronique, avec demande d'avis de réception dans les trente jours suivant le paiement de la première cotisation.

 

Le règlement de la caisse, le contrat ou la note d'information explicative doivent comporter des indications précises sur les conditions d'exercice de cette renonciation. Le défaut de communication de ces documents proroge le délai prévu au premier alinéa ci-dessus, jusqu'au trentième jour suivant la date de leur remise effective à l'adhérent.

 

La renonciation entraîne la restitution de l'intégralité des cotisations versées, dans les trente jours à compter de la réception de la lettre recommandée ou de l'envoi recommandé électronique. Les intérêts de retard au taux légal courent de plein droit à l'expiration de ce délai".

 

Il n'en résulte pas nullité ou invalidité des contrats mais seulement prorogation du délai visé par ce texte.

 

Il appartient donc à l'appelant de former cette demande selon les conditions prévues à ce texte sans qu'il y ait à enjoindre la caisse de rappeler les indications de ce texte.

 

La demande de sursis à statuer devient donc sans objet.

 

2°) L'appelant prétend que le silence gardé par la CRA vaut acceptation de la contestation au visa des articles L. 231-1 du code des relations entre le public et l'administration et de l'article R. 142-1-A du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue du décret n°2018-928 du 29 octobre 2018.

 

L'article L. 231-1 précité dispose que : "Le silence gardé pendant deux mois par l'administration sur une demande vaut décision d'acceptation".

 

Par ailleurs, l'article R. 142-1-A précité dispose que : "Sous réserve des dispositions particulières prévues par la section 2 du présent chapitre et des autres dispositions législatives ou réglementaires applicables, la motivation des décisions prises par les autorités administratives et les organismes de sécurité sociale ainsi que les recours préalables mentionnés aux articles à l'article L. 142-4 du présent code, sont régis par les dispositions du code des relations du public avec l'administration. Ces décisions sont notifiées aux intéressées par tout moyen conférant date certaine à la notification."

 

La section 2 visé par cet article comporte un article R. 142-6 qui dispose que : "Lorsque la décision du conseil, du conseil d'administration ou de l'instance régionale ou de la commission n'a pas été portée à la connaissance du requérant dans le délai de deux mois, l'intéressé peut considérer sa demande comme rejetée."

 

Il en résulte que silence de la CRA ne vaut pas acceptation du recours, comme soutenu à tort, mais décision implicite de rejet.

 

Au fond :

 

L'appelant conteste devoir le montant sans développer de moyen précis sauf à indiquer que le montant réclamé n'est ni justifié ni détaillé.

 

Il ajoute à l'audience que la caisse a procédé à une évaluation forfaitaire, que les périodes visées dans les mises en demeure ne se suivent pas et que M. [T] exerce son activité par l'intermédiaire d'une SELARL générant deux sortes de revenus, ceux liés à l'activité de gérant et ceux résultant de son activité de médecin.

 

Cependant, ces moyens sont inopérants dès lors que les cotisations sont calculées à partir des déclarations de revenus du débiteur et que sa carence permet à la caisse de procéder par taxation provisoire en application des articles R. 242-5 puis R. 243-15 du code de la sécurité sociale.

 

Il est jugé, Civ. 2ème, 3 novembre 2016, pourvoi n°15-20.433, que : "selon les articles L. 244-2 et L. 244-9 du code de la sécurité sociale, rendus applicables au recouvrement des cotisations par le régime social des indépendants par les articles L. 133-6-4, I, et L. 612-12 du même code, la mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, et la contrainte délivrée à la suite de cette mise en demeure restée sans effet, doivent permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation. A cette fin, il importe qu'elles précisent, à peine de nullité, outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elles se rapportent, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice."

 

Ici, la mise en demeure du 10 décembre 2018 indique de façon précise la nature, le montant et les périodes concernées des cotisations réclamées, soit la somme de 33 266,95 euros pour les cotisations relatives à l'année 2018.

 

Cette mise en demeure n'encourt pas la nullité en ce qu'elle est précise quant à la nature, la cause et le montant des cotisations réclamées, ainsi que la période à laquelle elle se rapporte.

 

Par ailleurs, en l'absence de déclaration par le médecin de ses revenus dans les délais légaux, la caisse procède d'office à un appel de cotisation forfaitaire en application des dispositions des articles L. 131-6-2 et R. 242-14 du code de la sécurité sociale.

 

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a validé cette mise en demeure et en ce qu'il a condamné M. [T] au paiement de cette somme.

 

Sur les autres demandes :

 

1°) L'amende civile prévue à l'article 32-1 du code de procédure civile peut être prononcée par la juridiction à l'encontre de celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive.

 

Le jugement sera confirmé sur ce point.

 

A hauteur d'appel, une telle amende ne se justifie pas en l'absence d'un abus du droit d'appel.

 

2°) Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. [T] et le condamne à payer à la caisse la somme de 1 000 €.

 

M. [T] supportera les dépens d'appel.

 

PAR CES MOTIFS :

 

La cour statuant publiquement, par décision contradictoire :

 

- Rejette la demande de jonction ;

 

- Dit n'y avoir lieu à transmettre à la Cour de justice de l'Union européenne, la question préjudicielle suivante : "Les dispositions de l'article L. 111-2-1 du code de la sécurité sociale français satisfont-elles à toutes les conditions requises pour justifier de la notion d'intérêt général permettant de déroger aux dispositions des directives 92/49/CE et 92/96/CE '" ;

 

- Dit n'y avoir lieu à transmettre à la Cour de cassation les questions prioritaires de constitutionnalité suivantes :

 

1°) "Les dispositions de l'article L. 111-1 du code de la sécurité sociale en ce qu'elles considèrent obligatoire l'adhésion et la cotisation à des personnes morales de droit privé chargées du monopole de fait de l'assurance des risques couverts par le système de sécurité sociale et de recouvrement des cotisations sociales, portent-elles atteinte aux droits et libertés garantis par le point 9 du préambule de la Constitution de 1946 aux termes duquel "tout bien, toute entreprise, toute exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité" et aux droits et libertés garantis par les articles 1 et 2 de la Constitution de la République et 2, 5, 6 et 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 intégrés au bloc constitutionnel '",

 

2°) "Les dispositions de l'article L. 642-1 du code de la sécurité sociale français portent-elles atteinte aux droits et libertés garantis par l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, par les articles 1 et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 intégrée au bloc constitutionnel et aux articles 1, 2,55 et 88-1 de la Constitution de République française '".

 

- Confirme le jugement du 9 novembre 2021 ;

 

Y ajoutant :

 

- Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. [T] et le condamne à payer à la caisse autonome de retraite des médecins de France la somme de 1 000 euros ;

 

- Dit n'y avoir lieu au paiement d'une amende civile par M. [T] ;

 

- Condamne M. [T] aux dépens d'appel.

 

Le greffier Le président

 

Frédérique FLORENTIN Olivier MANSION